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05/01/2023 | FRANCE | N°21/02671

France | France, Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 05 janvier 2023, 21/02671


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













N° RG 21/02671 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FTTZ

Minute n° 23/00005





S.C.I. TREFLE IMMO

C/

S.A. LA POSTE









Ordonnance Référé, origine Président du TJ de THIONVILLE, décision attaquée en date du 19 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 21/00107





COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE DES URGENCES



ARRÊT DU 05 JANVIER 2023





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APPELANTE :



S.C.I. TREFLE IMMO Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ,avocat postulant et Me Nicolas MEYER avocat au barreau de STRA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/02671 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FTTZ

Minute n° 23/00005

S.C.I. TREFLE IMMO

C/

S.A. LA POSTE

Ordonnance Référé, origine Président du TJ de THIONVILLE, décision attaquée en date du 19 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 21/00107

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE DES URGENCES

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

APPELANTE :

S.C.I. TREFLE IMMO Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ,avocat postulant et Me Nicolas MEYER avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

INTIMÉE :

S.A. LA POSTE représentée par son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ, METZ,avocat postulant et Me Renaud DUBOIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 20 Septembre 2022 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 05 Janvier 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DUSSAUD,Conseillère

Mme DEVIGNOT, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 18 juin 2012, la SCI Tertiaire Mixte, aux droits de laquelle vient la SCI Trèfle Immo, a donné à bail à la SA La Poste un ensemble immobilier sis [Adresse 1].

Se plaignant d'infiltrations d'eau dans le local loué, la SA La Poste a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Thionville qui, par ordonnance de référé du 15 juillet 2016, a notamment enjoint à la SCI Trèfle Immo de faire procéder aux travaux d'étanchéité de la toiture de l'immeuble sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Contestant les travaux effectués par la SCI Trèfle Immo, la SA La Poste l'a à nouveau assignée devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Thionville sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Par ordonnance de référé du 16 janvier 2018, ce juge a ordonné une expertise des désordres allégués et a débouté la SA La Poste de sa demande de consignation d'une partie des loyers.

La SA La Poste a ensuite assigné la SCI Trèfle Immo au fond devant le tribunal de grande instance de Thionville, sollicitant notamment l'autorisation de faire procéder aux travaux prescrits par l'expert judiciaire à la charge du bailleur. L'instance est pendante devant la juridiction.

En avril 2021, invoquant l'exception d'inexécution, la SA La Poste a informé la SCI Trèfle Immo de la consignation des loyers, à compter du 2e trimestre 2021, sur le compte Carpa de son conseil.

Par acte d'huissier du 10 mai 2021, la SCI Trèfle Immo a assigné en référé la SA La Poste devant le tribunal judiciaire de Thionville afin de voir, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, ordonner le paiement du loyer du 2e trimestre 2021, sous astreinte.

Aux termes de ses dernières conclusions, la SCI Trèfle Immo demandait notamment le paiement des loyers des 2e, 3e et 4e trimestres 2021, sous astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard et qu'il soit jugé qu'en cas d'absence de règlement d'autres loyers à échoir dans les délais prévus par le bail, l'obligation de paiement des loyers sera assortie d'une astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard et par local concerné.

La SA La Poste a constitué avocat et s'est opposée à ces prétentions, soulevant à titre principal l'incompétence du juge des référés et à titre subsidiaire l'existence d'une contestation sérieuse.

Par ordonnance du 19 octobre 2021, le président du tribunal judiciaire de Thionville statuant en référé a :

' rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SA La Poste ;

' débouté la SCI Trèfle Immo de l'ensemble de ses demandes ;

' condamné la SCI Trèfle Immo aux dépens et à payer à la SA La Poste la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' rappelé que l'ordonnance est de droit exécutoire à titre provisoire.

Sur l'exception d'incompétence, le juge des référés a constaté, au visa de l'article 789 du code de procédure civile, que la SA La Poste avait introduit une instance au fond le 16 octobre 2019 afin d'obtenir l'autorisation de faire procéder aux travaux de réparation de la toiture aux frais de la SCI Trèfle Immo et que cette dernière n'y sollicitait pas reconventionnellement le paiement des loyers, tandis que l'instance de référé tendait à obtenir une provision au titre de loyers impayés. Il en a conclu que ces deux instances ne tendaient pas aux mêmes fins de sorte que la SA La Poste ne pouvait invoquer la compétence exclusive du juge de la mise en état pour connaître de la demande de provision présentée par la SCI Trèfle Immo.

Pour rejeter la demande de provision, le juge des référés a retenu que l'ordonnance du 15 juillet 2016 et le rapport d'expertise judiciaire du 28 juillet 2019 tendaient à montrer que la SCI Trèfle Immo manquait à son obligation de délivrance depuis plusieurs années, en dépit d'une décision de justice l'ayant condamnée à exécuter des travaux de réparation sous astreinte, de sorte que les demandes de provision se heurtaient à une contestation sérieuse.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz en date du 3 novembre 2021, la SCI Trèfle Immo a interjeté appel aux fins d'annulation et/ou d'infirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SA La Poste.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions du 15 février 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Trèfle Immo demande à la cour de :

Vu l'article 835 du code de procédure civile,

' juger son appel recevable et bien fondé ;

' confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SA La Poste ;

' infirmer l'ordonnance entreprise en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et dans cette limite,

' ordonner le paiement des loyers et des charges du 2e, 3e et 4e trimestre 2021, ainsi que du 1er trimestre 2022 sous astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard, à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;

' débouter la SA La Poste de l'ensemble de ses fins et prétentions ;

' condamner la SA La Poste à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner la SA La Poste aux entiers frais et dépens, y compris ceux de la première instance.

Au soutien de ses prétentions, la SCI Trèfle Immo fait valoir qu'en matière de baux commerciaux, le preneur ne peut invoquer l'exception d'inexécution pour suspendre son obligation de paiement des loyers et des charges qu'à condition de démontrer qu'il se trouve dans l'impossibilité totale et absolue d'utiliser les locaux donnés à bail. Or elle soutient que la SA La Poste a exploité son activité de façon continue, ce qui a été constaté par un huissier. Elle ajoute que le preneur s'est vu refuser sa demande de consignation de sorte qu'elle n'est pas fondée à y procéder de son propre chef.

L'appelante précise qu'aucune décision judiciaire définitive n'est intervenue quant à sa responsabilité dans la survenance des désordres et qu'elle a sollicité la garantie de la SCI Tertiaire Mixte. Elle précise également que sa situation financière a été mise en péril du fait de la rétention abusive des loyers par la SA La Poste, indiquant que l'intimée a également suspendu le règlement des loyers de quatre autre immeubles loués et de la régularisation annuelle des charges.

Par ses dernières conclusions du 20 juin 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA La Poste demande à la cour de :

Vu les articles 700 et 835 du code de procédure civile,

' juger que les demandes formées par la SCI Trèfle Immo à son encontre se heurtent à une contestation sérieuse ;

En conséquence,

' confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

' débouter la SCI Trèfle Immo de l'ensemble de ses demandes ;

' condamner la SCI Trèfle Immo à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Vanmansart.

La SA La Poste indique en premier lieu qu'ayant renoncé au renouvellement du bail, elle a quitté les locaux litigieux le 31 mars 2022.

Elle fait valoir qu'elle est fondée à invoquer l'exception d'inexécution dès lors qu'elle est dans l'impossibilité d'user des lieux conformément à leur destination contractuelle. Elle expose que le bureau de poste de [Localité 6] a subi d'importantes et récurrentes infiltrations en provenant de la toiture terrasse de l'immeuble entre janvier 2016 et mars 2022 et que ces infiltrations ont gravement perturbé le fonctionnement du bureau et dégradé les locaux et le matériel. Elle évoque notamment l'obligation de placer des seaux dans des passages empruntés par de nombreuses personnes, de procéder à des nettoyages réguliers pour éviter des chutes sur le sol devenu glissant, et de mettre en sécurité une armoire électrique située dans un bureau occupé et au-dessus de laquelle il y avait des écoulements. Elle précise que les agents, excédés par leurs conditions de travail dégradées, ont menacé d'arrêter l'activité sur le site. Elle considère donc que la SCI Trèfle Immo a gravement manqué à ses obligations de bailleur pendant 7 ans et qu'elle était ainsi fondée à procéder à la consignation des loyers.

MOTIVATION

A titre liminaire, il est relevé que les parties ne forment aucune demande tendant à remettre en cause la disposition de l'ordonnance ayant rejeté l'exception d'incompétence du juge des référés soulevée par la SA La Poste. Cette disposition est donc définitive.

Sur la demande de provision

L'article 835 du code de procédure civile (ancien article 809) prévoit que le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

L'article 1719 du code civil dispose que le bailleur est obligé de délivrer la chose louée, de l'entretenir et d'en faire jouir paisiblement le preneur tandis que l'article 1728 prévoit que le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

S'agissant du paiement des loyers, les parties s'opposent sur la notion d'exception d'inexécution, pour la SA La Poste cette exception est possible si du fait de l'inexécution du bailleur à ses obligations, le preneur se trouve dans l'impossibilité d'user des lieux conformément à leur destination contractuelle.

En revanche, la SCI Trèfle Immo invoque des conditions plus restrictives quant aux conditions d'application de cette exception. Pour elle, pour suspendre son obligation de paiement des loyers et des charges il incombe au preneur de démontrer qu'il se trouve dans l'impossibilité totale et absolue d'utiliser les locaux donnés à bail

Aussi, même s'il ressort des conclusions et pièces de la SA La Poste que l'activité exploitée dans les locaux de [Localité 6] s'est poursuivie depuis 2016 sans qu'il soit fait état d'interruption du fait de manquements du bailleur, au regard des interprétations diverses de la part des parties qui invoquent des jurisprudences divergentes, il n'entre pas dans les pouvoirs juridictionnels du juge des référés, juge de l'évidence, de décider quelle interprétation juridique doit prévaloir.

Il convient en conséquence d'ordonner la confirmation de l'ordonnance du juge des référés.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance est confirmée en ce qu'elle a condamné la SCI Trèfle Immo au titre des dépens et au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Trèfle Immo est condamnée à payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Trèfle Immo aux dépens d'appel ;

Condamne la SCI Trèfle Immo à payer à la SA La Poste la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente de Chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/02671
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;21.02671 ?
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