RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/00019 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FGNZ
Minute n° 22/00200
[M]
C/
Caisse CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE VAL LORRAIN - ACRL
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE, décision attaquée en date du 16 Décembre 2019, enregistrée sous le n° 17/00633
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [P] [M]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
Caisse de Crédit Mutuel CAISSE DE CREDIT MUTUEL LE VAL LORRAIN - ACRL prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 03 Mai 2022 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 01 Décembre 2022.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Deux comptes courants ont été ouvert au nom de la SARL Vins et Sélections en formation auprès de la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain (ci-après la CCM). Le 20 juillet 2010, la SARL Vins et Sélections a souscrit auprès de cette même banque un prêt d'un montant de 100.000 euros en principal avec intérêts au taux variable de 3,5%, le taux ne pouvant être supérieur à 4,50% ni être inférieur à 2,50%. Ce prêt était destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce de vins et spiritueux.
Ce prêt était garanti par quatre cautionnement : celui de M. [P] [M] pour un montant de 30.000 euros et une durée de 108 mois, celui de Mme [J] [Z] pour un montant de 42.000 euros et une durée de 96 mois, celui de M. [T] [E] pour un montant de 12.000 euros et une durée de 108 mois et celui de M. [C] [U] pour un montant de 42.000 euros et une durée de 96 mois. Le nantissement du fonds de commerce en premier rang a également été convenu.
Le 26 juillet 2012, la SARL Vins et Sélections a obtenu une autorisation de découvert d'un montant de 20.000 euros. Le même jour, M. [M], Mme [Z] et M. [U] se sont portés cautions solidaires, chacun à hauteur de 24.000 euros pour une durée de 60 mois, de tous les engagements de la société.
Par jugement du tribunal de grande instance de Thionville du 13 mars 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la SARL Vins et Sélections, laquelle a été convertie en procédure de liquidation judiciaire par jugement du 10 septembre 2015, décision confirmée par arrêt de la cour d'appel de Metz du 8 septembre 2016. La CCM a déclaré ses créances auprès du mandataire judiciaire le 3 avril 2014 puis a, de nouveau, déclaré sa créance le 20 octobre 2016 pour un montant de 9.199,22 euros à titre chirographaire pour le solde du compte courant n°000203 39 901, ainsi que pour un montant de 61.286,81 euros, à titre privilégié au titre du prêt professionnel.
Par lettres recommandées avec accusé de réception des 20 et 26 octobre 2016, la CCM a mis en demeure chacune des cautions de régler les sommes dues au titre de leurs engagements.
Par actes d'huissier du 7 février 2017 la CCM a assigné M. [U], remis en l'étude à M. [M], Mme [Z] et M. [E] devant le tribunal de grande instance de Thionville aux fins de solliciter, selon ses dernières conclusions:
- leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 62.047,91 euros, à hauteur de leurs engagements propres, avec intérêts au taux conventionnel de 3,20% à compter du 26 novembre 2016, au titre du solde du prêt professionnel,
- la condamnation solidaire de M. [M], M. [U] et Mme [Z] à lui payer la somme de 9.378,67 euros au titre du découvert en compte courant, avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2016,
- leur condamnation solidaire à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
En réponse, M. [M] a demandé au tribunal de débouter la CCM de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. [U] et Mme [Z] ont demandé au tribunal de:
- débouter la CCM de ses demandes dirigées à leur encontre,
- subsidiairement, dire que la CCM doit être déchue dans ses rapports avec la caution de l'ensemble des intérêts, frais et pénalités,
- en tout état de cause, condamner la CCM à payer à chacun d'eux la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
M. [T] [E] n'a pas constitué avocat. L'assignation a fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses le 1er mars 2017.
Par jugement réputé contradictoire du 16 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Thionville a :
- débouté la CCM de l'ensemble de ses demandes dirigées contre M. [U] et Mme [Z],
- condamné M. [M] à payer à la CCM la somme de 30.000 euros au titre du contrat de crédit professionnel, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- condamné M. [E] à payer à la CCM la somme de 12.000 euros au titre du contrat de crédit professionnel, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- dit que M. [M] et M. [E] seraient tenus solidairement envers la CCM dans la limite des sommes ainsi fixées,
- condamné M. [M] à payer à la CCM la somme de 9.378,67 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2016, au titre du découvert en compte,
- ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière,
- condamné in solidum M. [M] et M. [E] aux dépens,
- condamné solidairement M. [M] et M. [E] à payer à la CCM la somme de 1.200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le tribunal a considéré principalement que le moyen tiré du défaut de déclaration de créance sur le fondement de l'article L622-24 du code de commerce et du défaut d'irrégularité de ladite déclaration n'était pas fondé, puisque dans le cas où créancier serait défaillant, il serait exclu de la répartition des dividendes et que cette sanction ne constituait pas une exception inhérente à la dette susceptible d'être opposée par la caution pour se soustraire à son engagement.
Il a retenu que les deux engagements de caution de M. [U] et de M. [Z] étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, de sorte que la banque ne pouvait pas s'en prévaloir.
Sur les sommes dues par M. [M] et M. [E], le tribunal a relevé que les sommes restant dues s'élevaient au titre du contrat de crédit professionnel à la somme de 62.047,91 euros et au titre du découvert en compte à la somme de 9.378,67 euros, le tout avec intérêts. Le tribunal a constaté que la banque avait bien déclaré ses créances au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la SARL Vins et Sélections, de sorte qu'elle pouvait poursuivre M. [M] et M. [E], ès qualités de cautions solidaires, dans la limite de leurs engagements.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Metz le 31 décembre 2019, M. [M] a interjeté appel aux fins d'annulation, subsidiairement d'infirmation de ce jugement pour chacune des condamnations prononcée à son encontre, rappelées dans la déclaration d'appel, et en ce qu'il a commis une erreur matérielle page 7 alinéa 1 et page 7 dernier alinéa du jugement quant à l'exécution provisoire et en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Par conclusions du 17 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, M. [M] demande à la cour, aux visas des articles 1204 ancien, 1326 ancien, 1842, 2288, 2289, 1110 et 2314 du code civil, L341-1, L341-2, L341-3 et L341-6 anciens du code de la consommation et L313-22 du code monétaire et financier, 564 du code de procédure civile, et de l'article L110-4 du code de commerce, de:
- recevoir son appel,
- rejeter l'appel incident de la CCM,
- infirmer le jugement rendu le 16 décembre 2019,
- constater, dire et juger que la SARL Vins et Sélections ne disposait pas de la personnalité morale au jour de la conclusion de la convention en compte courant souscrite le 2 juin 2010 auprès de la CCM,
- prononcer la nullité de la convention de compte courant souscrite le 2 juin 2010, du contrat de découvert en compte courant subséquent et, à tout le moins de l'engagement de caution qu'il a souscrit le 26 juillet 2012 également subséquent,
- prononcer la nullité de l'engagement de caution qu'il a souscrit en garantie du prêt conclu le 20 juillet 2010,
Subsidiairement,
- le décharger de ses engagements de caution souscrits le 20 juillet 2010,
Encore plus subsidiairement,
- constater, dire et juger que la CCM ne justifie pas l'avoir averti de la défaillance de la SARL Vins et Sélections dans le mois suivant le premier impayé,
- constater, dire et juger que la CCM ne justifie pas lui avoir délivré l'information annuelle, conformément aux dispositions des articles L341-6 ancien du code de la consommation et L313-22 du code monétaire et financier,
- dire et juger que la CCM ne pourra pas prétendre aux intérêts au taux légal et à tout le moins du droit à majoration des intérêts, prévue par l'article L313-3 du code monétaire et financier,
En conséquence,
- dire et juger que la CCM est privée du droit aux intérêts contractuels, aux accessoires et autres pénalités et dire et juger que les règlements effectués par le débiteur principal seront réputés, dans les rapports entre la banque et la caution, affectés au principal de la dette,
- débouter la CCM de ses demandes, à défaut de production d'un décompte actualisé, expurgé des intérêts contractuels, aux accessoires et autres pénalités et tenant compte de l'imputation des règlements effectués par le débiteur principal au principal de la dette,
Sur la convention de porte-fort,
- déclarer la CCM irrecevable sur le fondement de l'article 544 du code civil et subsidiairement comme prescrite en application de l'article L110-4 du code de commerce, en ses demandes fondées sur la convention de porte-fort,
- juger qu'il ne s'est pas porté fort de la ratification par la SARL Vins et Sélections de la convention de compte courant souscrite le 2 juin 2021 et qu'il n'a pas manqué à ses obligations contractuelles à ce titre,
- juger que l'obligation figurant au sein de la promesse de porte-fort et par laquelle les promettants «se sont portés-fort plus généralement, pour le remboursement à la banque susvisée de toutes les sommes que lui devrait la société pour quelque cause que ce soit» s'analyse en un cautionnement au sens des articles 2288 et suivants du code civil,
- prononcer la nullité de cet engagement de caution pour violation des dispositions des articles d'ordre public L341-2 et L341-3 ancien du code de la consommation et subsidiairement 1326 ancien du code civil,
- Subsidiairement, juger que la CCM ne démontre pas l'existence d'une perte qu'elle aurait subie,
- débouter la CCM de l'ensemble de ses demandes de paiement, fondées sur la convention de porte-fort,
En tout état de cause,
- rectifier l'erreur matérielle figurant en page 7 dernier alinéa, contraire à la motivation figurant en page 7 alinéa 1, dire et juger qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,
- constater, dire et juger que la CCM n'a pas déféré à la demande de production de pièces qu'il a présentée au sein de ses conclusions justificatives d'appel et de ses conclusions récapitulatives (production de la convention de compte courant, de l'historique des débits depuis l'ouverture de compte et des décomptes de ses créances revendiquées expurgés de l'ensemble des intérêts contractuels, frais, accessoires et autres mis en compte),
- déclarer la CCM irrecevable et subsidiairement mal fondée en l'ensemble de ses demandes, et les rejeter,
- condamner la CCM aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel,
- condamner la CCM à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [M] expose tout d'abord que l'avis de dépôt de l'état des créances du 20 janvier 2015 n'a pas été publié et notifié régulièrement selon l'article R624-8 du code de commerce, de sorte que le délai de recours inscrit dans cet avis n'a pas couru et qu'il est de ce fait recevable à invoquer les exceptions inhérentes à la dette.
Il sollicite à ce titre la nullité de la convention de compte courant et le caractère infondé des demandes. Il soutient, au visa de l'article 1842 du code civil, que la convention de compte courant conclue par la SARL Vins et Sélections le 2 juin 2010 encourt la nullité absolue, dans la mesure où la société n'a été immatriculée que le 2 juillet 2010 et n'avait dès lors pas la personnalité morale au moment de la conclusion du contrat. La convention de découvert en compte courant étant rattachée à cette première convention, celle-ci encourt également la nullité. Il affirme ensuite que la banque a reconnu ces nullités par un aveu judiciaire au sens de l'article 1383-2 du code civil qu'elle n'a pas contredit depuis. Il ajoute que cette nullité absolue doit être soulevée d'office et qu'elle ne constitue pas une exception personnelle au débiteur principal, de sorte que son contrat de cautionnement, accessoire à ces actes nuls, encourt également la nullité.
Très subsidiairement, M. [M] souligne que la banque ne justifie pas des conditions générales applicables et que la régularité des intérêts, frais et autres accessoires, n'est pas prouvée. Il conclut qu'à défaut de production de la convention de compte signée par la débitrice principale accompagnée des conditions générales applicables, la CCM doit être déboutée de ses demandes au titre de la restitution.
Sur les exceptions qui lui sont personnelles, M. [M] rappelle que le cautionnement souscrit en garantie du contrat de découvert en compte courant est, suite à la nullité des contrats de compte courant et de découvert de compte courant, également nul selon l'article 2289 du code civil. Subsidiairement, il indique que la banque ne justifie pas du montant exact de sa créance car elle ne produit pas de décompte de créance au titre du compte courant expurgé de l'ensemble des frais, intérêts et autres accessoires mis en compte. Il conclut au rejet de ses demandes au titre de la restitution.
Il sollicite la nullité du cautionnement souscrit en garantie du contrat de prêt pour erreur. Il soutient que l'existence des deux autres cautions, M. [U] et Mme [Z], était un élément déterminant de son consentement, sans lequel il n'aurait pas contracté. Ce défaut est selon lui imputable à la banque, car elle n'a pas vérifié leurs facultés contributives avant leur engagement. Il relève que l'article 2314 du code civil n'est pas applicable en l'espèce, car il ne demande pas sa décharge en tant que caution, mais la nullité du contrat de cautionnement au titre de l'erreur. Il rappelle que sans les engagements de M. [U] et de Mme [Z], le prêt n'aurait pas été accordé à la SARL Vins et Sélections. Il ajoute que la faute de la banque le prive de son retour subrogatoire contre les autres cofidéjusseurs. A tout le moins, il demande à être déchargé de son engagement sur le fondement de l'article 2314 étant privé d'un recours subrogatoire contre les autres deux autres cautions.
Sur l'existence d'un nantissement du fonds de commerce, M. [M] soutient que la banque ne démontre pas avoir envoyé sa déclaration de créance au mandataire judiciaire, de sorte qu'il y a lieu de l'enjoindre d'indiquer le sort de ce nantissement et des fonds perçus à ce titre. À défaut, il demande la décharge de son engagement sur le fondement de l'article 2314 du code civil.
M. [M] souligne que la banque ne démontre pas avoir respecté ses obligations d'information à son égard quant au premier incident de paiement ou s'agissant de l'information annuelle de l'ancien article L341-6 ancien du code de la consommation et L312-22 du code monétaire et financier. Il conclut qu'il est fondé à demander la déchéance au droit aux intérêts contractuels et autres pénalités pour la période antérieure au 31 mars 2016 et postérieure au 31 mars 2019, l'affectation prioritaire au principal de la dette des paiements effectués par la débitrice principale ainsi que la déchéance des intérêts au taux légal et de la majoration de l'article L313-3 du code monétaire et financier afin que la sanction soit efficace. Il demande en outre le versement aux débats d'un décompte rectifié expurgé des intérêts au taux contractuel et autres pénalités et imputant les règlements effectués par la société débitrice au principal de la dette, sinon le rejet des demandes de la banque.
Sur la déclaration de porte-fort, M. [M] expose sur le fondement des articles 1120 et suivants du code civil antérieurs à l'ordonnance du 10 février 2016 que le promettant ne peut s'engager qu'à une obligation de faire, celle-ci relevant de la responsabilité contractuelle et non de l'inexécution de l'engagement de cautionnement, de sorte que la demande de la banque à ce titre est nouvelle. Il soutient alors que cette demande est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, mais aussi prescrite selon l'article L110-4 du code de procédure civile.
Subsidiairement, il estime que la demande n'est pas fondée. Il souligne que la convention de porte-fort n'a pas besoin d'être interprétée, car ses termes sont clairs. Il expose que l'obligation définie à ce titre était seulement la ratification de toutes les écritures enregistrées sur le compte ouvert au nom de la SARL Vins et Sélections, et non celle de la convention de compte et qu'il n'a donc commis aucune faute. De plus, il souligne que «l'obligation de remboursement des sommes dues par la débitrice principale pour quelque cause que ce soit» constitue, au sens de l'ancien article 2288 du code civil, un cautionnement qui dès lors encourt la nullité pour non-respect du formalisme imposé par les articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation et subsidiairement pour non-respect de la mention manuscrite imposée par l'article 1326 ancien du code civil. Par ailleurs, il estime que la perte subie invoquée par la CCM n'est pas établie. Il ajoute qu'elle ne justifie pas des règlements perçus dans le cadre de la procédure collective de la SARL Vins et Sélections. Il conclut ainsi au rejet de la demande.
Sur l'appel incident, M. [M] conclut au rejet des demandes de la banque eu égard aux moyens qu'il soulève et du caractère non justifié des montants qu'elle réclame.
Enfin, M. [M] demande la rectification de l'erreur matérielle figurant sur le jugement entrepris en ce que celui-ci mentionne une exécution provisoire bien qu'il en ait rejeté la demande.
Par conclusions du 1er février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la CCM demande à la cour de:
- débouter M. [M] de son appel et de l'ensemble de ses prétentions,
- dire et juger recevable et bien fondé son appel incident,
- infirmer partiellement le jugement entrepris,
Sur les prétendues exceptions du débiteur principal,
- débouter M. [M] de ses prétentions tendant à la nullité de la convention de compte courant et de la convention de découvert,
Sur les prétendues exceptions inhérentes à la caution,
- dire et juger qu'à supposer même qu'une prétendue nullité intervienne à propos de la convention de découvert, l'engagement de cautionnement du 26 juillet 2012 accessoire demeure valable,
- débouter M. [M] de ses prétentions tendant à voir juger de la nullité de l'engagement de cautionnement du 20 juillet 2010,
- débouter M. [M] de ce que le créancier se verrait reprocher une défaillance de sa part lui ayant fait perdre la possibilité d'exercer un recours subrogatoire contre un cofidéjusseur,
- débouter M. [M] de sa demande générale de déchéance du droit aux intérêts et pénalités,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu de l'enjoindre à produire un décompte rectifié, expurgé des intérêts contractuels et autres pénalités,
En conséquence, statuant à nouveau, condamner M. [M] à lui payer la somme de 9.378,67 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2016 sur la somme de 9.357,99 euros et au taux légal à compter du jugement de première instance sur le solde, par infirmation,
- confirmer sur le surplus des dispositions non contraires,
- Subsidiairement, dire et juger que M. [M] engage sa responsabilité contractuelle également au regard de sa promesse de porte-fort,
- En conséquence, condamner M. [M] à lui payer la somme de 9.378,67 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2016 sur la somme de 9.357,99 euros et au taux légal à compter du jugement de première instance sur le solde,
- confirmer sur la condamnation au titre du prêt à hauteur de 30.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, sur le même fondement contractuel lié à la promesse de porte-fort,
- confirmer sur le surplus des dispositions non contraires,
En toutes hypothèses,
- condamner M. [M] à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [M] aux entiers frais et dépens d'appel.
Sur les exceptions inhérentes à la dette, la CCM soutient que la nullité alléguée de la convention de compte courant, est une exception inhérente à la personne de la débitrice principale, de sorte que M. [M] ne peut l'invoquer.
Par ailleurs, elle rappelle que la SARL Vins et Sélections a été immatriculée le 25 juin 2010 avec M. [M] en qualité de gérant et qu'elle avait bien la personnalité morale au moment de la conclusion de la convention de compte courant. Elle explique en tout état de cause qu'en vertu des articles 1843 du code civil et L210-6 du code de commerce, les actes accomplis pour le compte d'une société en formation sont à la charge des personnes les ayant réalisés jusqu'à son immatriculation. Elle indique ensuite que M. [M] n'a pas contesté l'état des créances publié au BODACC le 20 janvier 2015, de sorte que les montants déclarés lui sont opposables.
Subsidiairement, la CCM soutient que M. [M] s'est engagé par une promesse de porte-fort du 2 juin 2010 à la ratification par la SARL Vins et Sélections de la convention d'ouverture de compte courant, mais aussi de toutes les écritures qui seront enregistrées sur son compte et de lui rembourser toutes les sommes qu'elle lui devrait pour quelque cause que ce soit. Elle expose que le promettant s'engage à l'indemniser du préjudice né de l'absence de prestation par le tiers, ledit engagement se distinguant ainsi du cautionnement. Elle affirme ainsi, sur le fondement des articles 563 et 565 du code de procédure civile, que sa demande de remboursement de toutes les sommes portées en compte de la débitrice principale à ce titre est recevable en ce qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et en ce qu'elle est non-prescrite puisque la manifestation du dommage pour le porte-fort de l'exécution n'a été révélé qu'à la publication de l'état des créances le 20 janvier 2015 ou au prononcé du redressement judiciaire le 13 mars 2014 et que l'assignation date du 7 février 2017.
Sur la nullité subséquente alléguée de la convention de découvert, la banque maintient que M. [M] n'est pas recevable à contester les montants déclarés à défaut de les avoir contestés dans le délai de la publication. Subsidiairement, elle affirme qu'il demeure tenu non seulement en vertu de son obligation de restitution puisque sa créance subsiste mais aussi en vertu de son engagement de porte-fort, de sorte qu'il est redevable de toutes les sommes portées en compte et dues par la SARL Vins et Sélections. Elle invoque les mêmes moyens s'agissant du cautionnement du 20 juillet 2012. Elle rappelle s'agissant de la nullité alléguée de cautionnement du 20 juillet 2010, que M. [M] s'est engagé en ne faisant pas du maintien des autres cautions la condition déterminante de son engagement et qu'en tout état de cause le cautionnement de M. [U] n'est pas nul mais qu'elle ne peut seulement pas s'en prévaloir. Elle ajoute que celui de Mme [Z] est examiné en appel. Elle en conclut que le cautionnement de M. [M] demeure valable. En tout état de cause, elle rappelle qu'il reste tenu contractuellement par son engagement de porte-fort.
Sur l'existence du nantissement, la banque rappelle que le mandataire a confirmé le dépôt de la déclaration de créances et que l'état des créances a été publié le 20 janvier 2015. Elle affirme que l'acte de nantissement sur le fonds de commerce a fait l'objet d'une publication régulière et qu'elle n'a jamais reçu de fonds liés au privilège dont elle disposait dans le cadre des opérations de procédures collectives, de sorte qu'aucune défaillance ne peut lui être reprochée.
Ensuite, la banque soutient qu'elle a respecté ses obligations d'informations annuelles. Elle précise que les premiers incidents de paiement pour ses deux créances ont été portés à la connaissance de M. [M] par lettre recommandée du 20 octobre 2016 et que dès lors ce dernier ne saurait solliciter une déchéance totale des intérêts et pénalités. Elle ajoute dans tous les cas qu'il n'est pas nécessaire de produire un décompte rectifié, un tableau d'amortissement suffisamment précis ayant été préalablement versé aux débats.
Sur la rectification d'erreur matérielle, la banque indique que cette demande tend à contester les effets du dispositif du jugement, de sorte que seul l'appel est susceptible de régler cette question.
Sur son appel incident, la banque sollicite la condamnation de M. [M] au paiement des sommes de 62.047,61 euros au titre du prêt professionnel au taux conventionnel de 3,20% sur la capital restant dû à compter du 21.10.2016, et au titre du compte courant, la somme de 9.378,67 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 9.357,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur le solde.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rectification de l'erreur matérielle commise dans le jugement
L'article 462 du code de procédure civile dispose que « les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ».
En l'espèce dans ses motifs, le jugement précise que la nature de l'affaire ne justifie pas le prononcé de l'exécution provisoire. Or, le dispositif l'ordonne.
Il faut considérer qu'il s'agit d'une erreur purement matérielle que la cour, à laquelle le jugement est déféré, rectifie en disant qu'au lieu de lire dans le dispositif : «ordonne l'exécution provisoire» il faut lire : « dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire».
Sur les exceptions inhérentes à la dette
* Sur l'autorité de la chose jugée de l'existence et du montant des créances de la CCM contre la SARL Vins et Sélections
L'ancien article 2313 du code civil dans sa rédaction applicable au litige dispose que «la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette. Mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur».
Par application des dispositions de l'article L624-3-1 du code de commerce, faute de réclamation exercée dans le délai légal contre l'état des créances déposé au greffe, la décision d'admission d'une créance au passif du débiteur principal a autorité de la chose jugée et est opposable à la caution tant en ce qui concerne son existence que son montant.
Dans ce cas, la caution ne peut plus faire valoir les exceptions inhérentes à la dette mais peut en revanche opposer les exceptions qui lui sont personnelles.
L'article R624-8 du code de commerce dans sa version applicable au litige rappelle que l'état des créances est déposé au greffe du tribunal, où toute personne peut en prendre connaissance. Il précise que « le greffier fait publier au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales une insertion indiquant ce dépôt et le délai pour présenter une réclamation. Tout intéressé peut présenter une réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d'un mois à compter de la publication».
En l'espèce la CCM justifie avoir déclaré ses créances au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte contre la SARL Vins et Sélections auprès du mandataire judiciaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 avril 2014 pour un montant de 11.532,98 euros à titre chirographaire concernant le solde du compte courant et pour la somme de 50.665,77 euros à titre privilégié concernant le prêt de 100.000 euros.
La CCM a déclaré le montant actualisé de ses deux créances auprès du mandataire liquidateur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 20 octobre 2016 et reçue le 27 octobre 2016 pour un montant total de 70.486,03 euros soit 9.199,22 euros à titre chirographaire et 61.286,01 euros à titre privilégié.
La CCM produit aux débats un extrait du BODACC daté des 19 et 20 janvier 2015 mentionnant le dépôt de l'état des créances relatif à la SARL Vins et Sélections «au tribunal de grande instance de Thionville où les déclaration seront recevables dans un délai de 15 jours à compter de la présente publication ».
L'indication erronée du délai de 15 jours au lieu de 1 mois n'a pas fait courir le délai de réclamation. Dès lors, la CCM ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée de la décision d'admission de sa créance puisque celle-ci n'est acquise que lorsque le délai de réclamation est expiré. Il appartient donc à la CCM de justifier de sa créance.
* Sur la nullité de la convention de compte courant et de l'autorisation de découvert de ce même compte
L'article L210-6 du code de commerce dispose que «les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d'une société n'entraîne pas la créance d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation.
Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société».
En l'espèce, la SARL Vins et Sélections a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 25 juin 2010.
Il résulte des pièces produites qu'une convention d'ouverture de deux comptes courants professionnels n°[XXXXXXXXXX01] et n°[XXXXXXXXXX02] ont été souscrites le 2 juin 2010 auprès de la CCM par «la SARL Vins et Sélections en formation» représentée par M. [M] en qualité de gérant.
Cette convention a donc été conclue alors que la SARL Vins et Sélections était en formation et n'avait pas encore la personnalité juridique, ce qui emporte nullité de la convention.
Par application des dispositions des articles 1179 et 1180 du code civil, il s'agit d'une nullité absolue qui peut ainsi être demandée par toute personne y ayant intérêt ce qui est le cas de M. [M] puisqu'il est poursuivi en sa qualité de caution du découvert consenti sur ce compte.
Cependant, la convention d'ouverture de compte n'est pas nulle s'il est établi que la société régulièrement constituée et immatriculée a repris les engagements souscrits conformément à l'article L210-6 susvisé.
L'article R210-5 du code de commerce précise les modalités de reprise par la société immatriculée des engagements souscrits lorsqu'elle était en formation.
Il indique ainsi que «lors de la constitution d'une société à responsabilité limitée, l'état des actes accomplis pour le compte de la société en formation, avec l'indication, pour chacun d'eux, de l'engagement qui en résulterait pour la société, est présenté aux associés avant la signature des statuts. Cet état est annexé aux statuts, dont la signature emporte reprise des engagements par la société, lorsque celle-ci a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés.
En outre, les associés peuvent dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat à l'un ou plusieurs d'entre eux ou au gérant non associé qui a été désigné, de prendre des engagements pour le compte de la société. Sous réserve qu'ils soient déterminés et que les modalités soient précisées par le mandat, l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés emporte reprise de ces engagements. »
Il résulte de ces dispositions que la reprise des engagements par la société doit respecter le formalisme prévu et qu'elle ne peut être implicite.
Or, il n'est produit en l'espèce aucune pièce permettant d'établir que les conditions imposées par les articles L210-6 et R201-5 susvisés ont été respectées et que la SARL Vins et Sélections a, postérieurement à son immatriculation, repris la convention d'ouverture de compte courant. En effet, les statuts de la société n'ont pas été produits de sorte qu'il n'est pas justifié qu'un état des actes accomplis pour le compte de la société (dont l'ouverture du compte courant) y a été annexé. Il n'est pas non plus rapporté la preuve que les associés ont, soit dans les statuts, soit par acte séparé, donné mandat à M. [M] de prendre des engagements pour le compte de la société tels que l'ouverture d'un compte courant. Il n'est donc pas justifié que la convention d'ouverture de compte a été reprise par postérieurement à son immatriculation.
En l'absence de reprise, la nullité de la convention d'ouverture de comptes courants souscrite le 2 juin 2010 pour la SARL Vins et Sélections en formation doit donc être prononcée.
La convention d'autorisation de découvert de 20.000 euros qui a ensuite été consentie à la SARL Vins et Sélections le 26 juillet 2012, a été conclue postérieurement à l'immatriculation de la société, toutefois, elle s'applique au compte courant n°[XXXXXXXXXX01] ouvert par la convention du 2 juin 2010 et en modifie les conditions financières et son fonctionnement.
Cette convention d'autorisation de découvert, qui est accessoire à la convention d'ouverture de compte courant doit dès lors être également annulée.
Sur les exceptions personnelles à la caution
*Sur la nullité du cautionnement souscrit en garantie du découvert en compte courant
L'ancien article 2289 du code civil applicable en l'espèce dispose que «le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable».
Par acte du 26 juillet 2012 M. [M] s'est porté caution solidaire de la SARL Vins et Sélections dans la limite de la somme de 24.000 euros en garantie du paiement et du remboursement de toutes les sommes due par cette dernière au titre du découvert en compte courant de 20.000 euros lui ayant été accordé le même jour par la CCM.
Au regard des motifs susvisés, la convention d'ouverture du compte courant est nulle et cette nullité emporte celle de la convention d'autorisation de découvert de 20.000 euros accordée à la SARL Vins et Sélections le 26 juillet 2012.
Par application de l'article 2289 du code civil et étant précisé que la nullité de la convention d'ouverture du compte courant est absolue, M. [M] doit être déchargé de son obligation de garantir l'exécution de la convention d'autorisation de découvert consentie à la SARL Vins et Sélections.
En revanche, en cas d'annulation du contrat principal, la caution n'est pas dispensée de garantir les restitutions consécutives à la nullité rappelées par l'ancien article 1379 du code civil devenu depuis l'article 1352-9 du même code.
L'obligation de restituer inhérente à l'autorisation de découvert de 20.000 euros consentie à la SARL Vins et Sélections demeure valable tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de la convention.
En l'absence de restitution par la société débitrice principale, M. [M] reste donc tenu de garantir la restitution de l'autorisation de découvert effectivement accordée par la CCM.
* Sur la nullité du cautionnement souscrit en garantie du prêt professionnel de 100.000 euros
Selon l'article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et applicable au litige, «l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ».
Il résulte du contrat de prêt professionnel de 100.000 euros consenti à la SARL Vins et Sélections le 20 juillet 2010 que trois autres cautionnements avaient été consentis en sus de celui de M. [M]. Or, dans son jugement du 16 décembre 2019, le tribunal a débouté la CCM de l'ensemble de ses demandes dirigées contre M. [U] et Mme [Z], qui avaient s'étaient portées cautions dans la limite de 42.000 euros chacun.
Par application de l'ancien article 1110 susvisé, il appartient à M. [M] de rapporter la preuve que l'existence des cautionnements de M. [U] et Mme [Z] était une condition déterminante de son propre engagement de caution.
La mention manuscrite rédigée et signée par M. [M] stipule «en me portant caution de la SARL Vins et Sélections dans la limite de la somme de 30.000 euros (trente mille euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 108 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la SARL Vins et Sélections n'y satisfait pas elle-même en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec la SARL Vins et Sélections je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la SARL Vins et Sélections ».
Il n'est ainsi pas fait mention du caractère déterminant de l'existence des autres engagements de caution.
Par ailleurs, l'article 8 des conditions générales du prêt, au paragraphe intitulé «connaissance par la caution de la situation du cautionné» stipule que « la caution ne fait pas de la situation du cautionné ainsi que de l'existence et du maintien d'autres cautions la condition déterminante de son cautionnement ».
La page sur laquelle cette clause apparaît a été paraphée par les cautions dont M. [M], le prêt comportant la mention, après acceptation des conditions générales et sous la signature du prêteur et de l'emprunteur «les parties devront en plus parapher chaque page des conditions générales». Il a également signé le contrat en acceptant les conditions générales du prêt en sa qualité de gérant de la SARL Vins et Sélections.
Il faut ainsi en déduire que M. [M] ne justifie pas que son engagement de caution n'a été consenti qu'en raison de l'existence des autres engagements de caution et notamment de ceux de M. [U] et Mme [Z], étant rappelé qu'il était le gérant de la SARL Vins et Sélections et qu'il était ainsi particulièrement déterminé à ce que le prêt soit accordé, d'ailleurs son engagement de caution est consenti sur 108 mois, soit sur une durée plus longue que les cautionnements qui avaient été consentis par M. [U] et Mme [Z].
La demande en nullité de son engagement de caution souscrit le 20 juillet 2010 sera donc rejetée.
* Sur la demande de décharge de l'engagement de caution sur le fondement de l'article 2314 du code civil
L'article 2314 du code civil dispose que «la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite».
La perte de la subrogation de la caution dans les privilèges du créanciers doit être due à la faute exclusive du créancier.
L'acte de prêt professionnel du 20 juillet 2020 précise qu'est apporté en garantie de ce prêt un nantissement du fonds de commerce de la SARL Vins et Sélections, que le nantissement devra être constitué en premier rang et que «l'inscription du nantissement est requise en garantie du remboursement de la somme de 100.000 euros en principal, des frais et accessoires évalués à 20.000 euros et des intérêts ('). Le montant total de l'inscription hors intérêts est de 120.000 euros».
Contrairement à ce que soutient M. [M], la CCM justifie avoir envoyé sa déclaration de créance au mandataire judiciaire le 4 avril 2014, d'ailleurs le mandataire a renvoyé un mail à cette dernière le 13 novembre 2014 par lequel il confirme que l'intimée a bien déclaré ses créances (à titre privilégié et à titre chirographaire le 3 avril 2014). Le moyen invoqué à ce titre est donc inopérant.
Par ailleurs, il convient de relever que le mandataire liquidateur avait indiqué dans un mail adressé à la CCM le 18 avril 2017 que les actifs mobiliers appartenant à la SARL Vins et Sélections avaient été réalisés, mais qu'en l'état actuel de la procédure le remboursement des créanciers ne pouvait être évalué.
Or, il résulte du Bodacc publié le 17 juillet 2019 que la procédure collective de la SARL Vins et Sélections a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du tribunal de grande instance de Thionville du 27 juin 2019.
Il n'est donc pas établi que la CCM a commis une faute exclusive qui aurait fait obstacle à la subrogation de M. [M] dans ses privilèges. Le moyen invoqué sera donc rejeté.
Par ailleurs, l'application de la sanction prévue en cas de disproportion de l'engagement de caution prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs. Le cofidéjusseur qui est recherché par le créancier ne peut dès lors revendiquer le bénéfice de l'article 2314 susvisé à défaut de transmission d'un droit dont il aurait été privé.
En l'espèce, M. [M] ne peut donc invoquer ces dispositions aux motifs que les engagements de cautions de M. [U] et de Mme [Z] ont été jugés disproportionnés. Sa demande sera donc rejetée.
Sur les demandes en paiement formées par la CCM contre M. [M]
* Sur les demandes formées au titre du découvert en compte courant
Par application des motifs susvisés, M. [M], déchargé de l'obligation de garantir l'exécution du contrat principal, doit cependant garantir l'obligation de restituer engendrée par l'annulation de la convention d'autorisation de découvert, dans la limite de son engagement.
Au regard de l'ancien article 1379 du code civil, la nullité entraîne la restitution des fonds alloués à la SARL Vins et Sélections dans le cadre de l'autorisation de découvert afin de remettre les parties à la convention d'ouverture d'autorisation de découvert dans l'état dans lequel elles se trouvaient au jour de la signature de cette convention, soit au 26 juillet 2012. M. [M] doit donc être tenu de restituer à la CCM les sommes allouées par cette dernière au titre du découvert autorisé, les frais et intérêts imputés en sus par la CCM devant être déduits, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens invoqués tendant à ce que ces frais et intérêts soient déduits.
Il résulte de l'historique du compte produit par la CCM arrêté 25 novembre 2016 que le compte courant ouvert au nom de la SARL Vins et Sélections était débiteur de la somme de 9.378,67 euros, dont il faut déduire 1.297,37 euros d'intérêts et frais.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner M. [M] à payer à la CCM la somme de 8.081,30 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, l'application des intérêts au taux légal étant de droit selon les dispositions de l'article 1231-7 du code civil.
* Sur les demandes formées au titre du prêt de 100.000 euros
Il résulte du décompte produit par la CCM arrêté au 25 novembre 2016 que la somme restant due par la SARL Vins et Sélections au titre du prêt qui lui a été consenti le 20 juillet 2010 est de 62.047,91 euros se décomposant ainsi :
- au titre du capital restant dû : 50.629,77 euros
- au titre de l'indemnité forfaitaire de 5% : 2.939,92 euros
- au titre des intérêts échus sur le capital et les échéances impayées : 8.168,63 euros
- au titre des intérêts échus du 21.10.2016 au 25.11.2016 : 309,59 euros.
L'engagement de caution de M. [M] étant limité à la somme de 30.000 euros comprenant le paiement du principal, des intérêts et pénalités de retard, c'est par de justes motifs que les premiers juges l'ont condamné à payer cette somme de 30.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point étant rappelé qu'en application de l'article 1231-7 du code civil l'application du taux d'intérêt légal à compter du prononcer de la décision est de droit.
Il sera également rappelé que M. [P] [M] est tenu solidairement avec M. [T] [E] envers la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain, dans la limite de la somme susvisée pour M. [P] [M]
* Sur le manquement à l'obligation d'information du premier incident de paiement et à l'obligation d'information annuelle.
L'ancien article L341-1 du code de la consommation applicable au litige dispose que « sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée ».
La sanction est donc la déchéance du droit aux intérêts et pénalités de retard entre la date du premier incident de paiement et celle à laquelle la caution en a été informée.
L'ancien article L313-22 du code monétaire et financier applicable au litige dispose que : «Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. (').
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette».
Cette obligation, reprise par l'article L343-6 devenu L333-2 du code de la consommation et désormais codifiée à l'article 2302 du code civil, persiste pendant toute la durée de la procédure induite contre la caution et doit être respectée jusqu'à l'extinction de la dette.
La sanction de ce défaut d'information est également la déchéance du droit aux intérêts et aux pénalités de retard.
Il convient de relever en l'espèce, qu'au regard des motifs visés plus haut, seul le cautionnement du prêt professionnel est désormais concerné par le moyen tiré du manquement de la CCM à ses obligations d'information.
Toutefois, il résulte du décompte des sommes restant dues au titre du prêt professionnel susvisé que le cautionnement de M. [M], limité à la somme de 30.000 euros en ce compris le paiement du principal, des intérêts et pénalités de retard, ne couvre pas le montant du capital restant dû au titre du prêt qui s'élève à la somme de 50.000 euros. Dès lors, les moyens tirés du non respect par la CCM de ses obligations d'information sont indifférents et n'ont aucune incidence sur la somme due et les demandes de M. [M] tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la CCM seront rejetées.
* Sur la demande tendant au rejet de l'application du taux légal majoré
L'article L313-3 du code monétaire dispose que « en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d'adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé. »
La majoration de l'intérêt au taux légal est donc de plein droit.
Par ailleurs, la limitation de l'engagement de caution de M. [M] à la somme de 30.000 euros en principal, intérêts et frais, n'aurait pas permis à la CCM, à supposer même qu'il y ait eu une déchéance du droit aux intérêts, de percevoir des intérêts au taux contractuels sur cette somme. Dès lors le moyen tiré du fait que l'application de l'article L313-3 précité ne permettrait pas d'assurer l'effectivité et le caractère dissuasif de la sanction prononcée est inopérant.
La demande tendant à voir écarter l'application des dispositions de cet article sera donc rejetée.
Sur la déclaration de porte-fort
Les prétentions et moyens relatifs à la déclaration de porte-fort signée par M. [M] n'étant invoqués qu'à titre subsidiaire, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci ni sur les moyens d'irrecevabilité invoqués par M. [M] sur ce même fondement.
Sur la capitalisation des intérêts
En l'absence de moyens soulevés tendant à remettre en cause les dispositions du jugement ayant ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil, celles-ci seront confirmées.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. [M] succombant principalement en première instance, le jugement entrepris sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant succombant également principalement à hauteur d'appel, il sera condamné aux dépens.
Au regard de l'équité, il convient de condamner M. [M] à payer à la CCM la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la CCM de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Rectifie l'erreur matérielle commise dans le dispositif du jugement n°RG 17/00633 du tribunal de grande instance de Thionville du 16 décembre 2019 en ce qu'au lieu de lire « ordonne l'exécution provisoire » il faut lire « dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire » ;
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Thionville du 16 décembre 2019 en ce qu'il a :
- condamné M. [P] [M] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain la somme de 30.000 euros au titre du contrat de crédit professionnel, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, étant rappelé que M. [P] [M] est tenu solidairement avec M. [T] [E] envers la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain dans la limite de la somme susvisée pour M. [P] [M]
- ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière,
- condamné M. [P] [M] aux dépens in solidum avec M. [T] [E]
- condamné M. [P] [M] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain la somme de 1.200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement avec M. [T] [E] ;
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
L'infirme en ce qu'il a condamné M. [P] [M] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain la somme de 9.378,67 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2016, au titre du découvert en compte, et statuant à nouveau,
Prononce la nullité de la convention d'ouverture de comptes courants souscrite le 2 juin 2010 pour la SARL Vins et Sélections en formation auprès de la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain ;
Prononce la nullité de la convention d'autorisation de découvert consentie par la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain à la SARL Vins et Sélections le 26 juillet 2012 ;
Déboute M. [P] [M] de sa demande en nullité portant sur son engagement de caution du 20 juillet 2012 ainsi que sur son engagement de caution du 26 juillet 2012
Décharge M. [P] [M] de son engagement de garantir l'exécution de la convention d'autorisation de découvert consentie à la SARL Vins et Sélections le 26 juillet 2012;
Dit que M. [P] [M] est tenu de garantir l'obligation de restitution consécutive à la nullité de la convention d'autorisation de découvert consentie par la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain à la SARL Vins et Sélections le 26 juillet 2012,
En conséquence, condamne M. [P] [M] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain la somme de la somme de 8.081,30 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;
Y ajoutant,
Déboute M. [P] [M] de ses demandes tendant :
- à être déchargé de son engagement de caution du 20 juillet 2012 portant sur le prêt professionnel consenti à la SARL Vins et Sélections,
- à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain et - à voir écarter l'application de l'article L313-3 du code monétaire et financier ;
Déboute la CCM du surplus de ses demandes ;
Condamne M. [P] [M] aux dépens de l'appel ;
Condamne M. [P] [M] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Déboute la Caisse de Crédit Mutuel Le Val Lorrain de sa demande formée sur ce même fondement.
Le Greffier La Présidente de Chambre