RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/00891 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPBM
Minute n° 22/00157
[Adresse 8]
C/
[A], S.A.R.L. [A] FRERES, S.C.P. [M] [X] - [S] [H]
Jugement Au fond, origine TJ à compétence commerciale de [Localité 5], décision attaquée en date du 30 Mars 2021, enregistrée sous le n° 17/01233
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [Y] [A]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Monsieur [W] [A]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
S.A.R.L. [A] FRERES Prise en la personne de son représentant légal,
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non représentée
S.C.P. [M] [X] - [S] [H] prise en la personne de Maître [S] [H] administrateur judiciaire en qualité de liquidateur de la SARL [Adresse 8]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 01 Septembre 2022 tenue en double rapporteurs par Mme Anne-Yvonne FLORES et Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrats rapporteurs, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré, pour l'arrêt être rendu le 08 Septembre 2022.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Par défaut
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La SARL [A] frères a été constituée le 14 décembre 1990 et a pour objet la réalisation de travaux de menuiserie dans toutes ses formes.
Le capital social de la SARL [A] frères est détenu à parts égales par deux associés, M. [W] [A] et son frère M. [Y] [A]. Les deux associés sont également co-gérants de la SARL [A] frères.
En 2013, M. [W] [A] a créé avec sa compagne, Mme [U] [E], une société dénommée OPA Solutions, dont l'activité est la confection et la pose de cuisines, de sols, de placards, de dressings et de salle de bains.
Estimant que la création par son frère d'une société dont l'activité est très proche de la SARL [A] frères dont ils sont tous deux associés est constitutif d'un manquement à l'obligation de loyauté et constitutif d'une faute ou à tout le moins que cette création est contraire à l'intérêt social de la SARL [A] frères, M. [Y] [A] a saisi la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz aux fins de voir M. [W] [A] révoqué judiciairement de ses fonctions de co-gérant.
Par acte d'huissier remis à personne en date du 3 octobre 2017, M. [Y] [A] a assigné M. [W] [A] devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz, au visa de l'article L.223-25 du code de commerce et de l'article 700 du code de procédure civile, aux fins de :
-Déclarer la demande de M. [Y] [A] recevable et bien fondée, et en conséquence,
- Prononcer la révocation judiciaire de la fonction de gérant de M. [W] [A],
- Déclarer opposable cette décision à la SARL [A] frères,
- Condamner M. [W] [A] à payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [W] [A] aux entiers dépens,
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
M. [W] [A] a constitué avocat, s'est opposé à ces prétentions et a notamment demandé au tribunal de :
Sur la demande principale,
- Déclarer M. [Y] [A] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter,
Sur la demande reconventionnelle,
- Prononcer la révocation du mandat de gérant de M. [Y] [A], sans indemnité,
En tout état de cause,
- Prononcer la dissolution judiciaire de la SARL [A] frères pour justes motifs,
- Désigner, en conséquence, tout mandataire qu'il plaira aux fins de procéder aux opérations de liquidation de la SARL [A] frères,
- Condamner M. [Y] [A] à payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner M. [Y] [A] aux entiers dépens.
Par jugement du 30 mars 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
- Débouté M. [Y] [A] de sa demande de révocation judiciaire de M. [W] [A] en sa qualité de co-gérant de la SARL [A] frères,
- Débouté M. [W] [A] de sa demande reconventionnelle de révocation judiciaire de M. [Y] [A] en sa qualité de co-gérant de la SARL [A] frères,
- Prononcé la dissolution de la SARL [A] frères, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Metz sous le numéro B 316 069 319, dont le siège social est [Adresse 3], avec toutes conséquences de droit, en application de l'article 1844-75° du code civil,
- Désigné la SCP administrateurs judiciaires [M] [X] [S] [H], prise en la personne de Maître [S] [H], administrateur judiciaire, en qualité de liquidateur, pour procéder aux opérations légales de liquidation consécutives à la dissolution,
- Dit que, si les frais de liquidation ne peuvent intégralement être pris en charge par la société, le dépassement serra à la charge par moitié de M. [Y] [A] et de M. [W] [A],
- Fixé à 2 000,00 euros la provision à verser à Maître [S] [H],
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné M. [Y] [A] aux dépens.
Pour se déterminer ainsi, le tribunal judiciaire a considéré que l'objet social des deux sociétés est proche, que la différence principale réside dans le fait que la société OPA Solutions n'a pas pour activité la fabrication de meubles contrairement à la SARL [A] frères et exerce son activité dans la pose et l'agence de mobilier.
Sur la demande de révocation judiciaire de M. [W] [A] en qualité de co-gérant, le tribunal judiciaire a relevé que l'obligation de loyauté à laquelle est tenu le gérant d'une société ne lui interdit pas d'avoir des participations dans le capital d'une autre société, fut-elle partiellement concurrente, sauf à démontrer l'existence d'actes contraires à l'intérêt de la société dont il est le gérant.
Le tribunal judiciaire a considéré qu'il n'est pas démontré que M. [W] [A] ait exercé une quelconque activité au sein de la société OPA Solutions, que le fait que la société OPA Solutions ait travaillé pendant plusieurs mois comme sous-traitante de la SARL [A] frères explique l'existence de contacts entre M. [W] [A] et la société OPA Solutions et qu'il n'existe pas d'actes réalisés par M. [W] [A] en sa qualité de co-gérant de la SARL [A] frères qui soient contraires à l'intérêt social de cette dernière.
Le tribunal judiciaire ajoute qu'aucun élément ne vient ni démontrer une démarche déloyale de la part de M. [W] [A] en ce qui concerne le détournement de salariés, ni que les salariés en cause auraient été tenus par une clause de non-concurrence.
Le tribunal judiciaire a également relevé que M. [W] [A] a cédé la totalité de ses actions de la société OPA Solutions à sa compagne en mai 2015, qu'il s'est engagé à ne plus confier de chantiers en sous-traitance à la société OPA Solutions et que ces actes et décisions démontrent la volonté de M. [W] [A] d'apaiser le conflit au sein de la SARL [A] frères.
Le tribunal judiciaire a conclu qu'il n'est pas démontré de faute de gestion, ni de cause légitime justifiant la révocation de M. [W] [A] en sa qualité de co-gérant de la SARL [A] frères.
Sur la demande de révocation judiciaire de M. [Y] [A] en qualité de co-gérant, le tribunal judiciaire a indiqué que l'ensemble des éléments ne permet pas de démontrer l'existence d'une faute à l'encontre de M. [Y] [A], ni d'une cause légitime justifiant sa révocation en qualité de co-gérant.
Sur la demande de dissolution judiciaire de la société, le tribunal judiciaire a constaté que l'affectio societatis entre les associés n'existe plus, et ce de manière irréversible au regard de l'ancienneté du conflit et des pièces produites, situation non-solutionnable par le jeu d'une majorité ou d'une entente minimum alors même que M. [W] [A] a proposé à trois reprises la cession de ses parts sociales, celui-ci se heurtant au refus systématique de M. [Y] [A].
Le tribunal judiciaire a conclu que les deux associés et co-gérants n'ont plus aucun affectio societatis et sont en conflit ouvert, permanent et irréversible au point de ne plus pouvoir collaborer ou trouver des solutions dans l'intérêt même de la société et qu'il y a lieu de considérer l'existence d'une paralysie du fonctionnement social au sens de l'article 1844-7 5° du code civil par mésentente entre associés.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel le 9 avril 2021, M. [Y] [A] a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 30 mars 2021 en ce qu'il a :
- Débouté M. [Y] [A] de sa demande de révocation judiciaire de M. [W] [A] en sa qualité de co-gérant de la SARL [A] frères,
- Prononcé la dissolution de la SARL [A] frères immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Metz sous le numéro B 316 069 319, dont le siège social est [Adresse 3], avec toutes conséquences de droit, en application de l'article 1844-7 5° du code civil,
- Désigné la SCP administrateurs judiciaires [M] [J] [H], prise en la personne de Maître [S] [H], administrateur judiciaire, en qualité de liquidateur, pour procéder aux opérations légales de liquidation consécutives à la dissolution,
- Dit que, si les frais de liquidation ne peuvent intégralement être pris en charge par la société, le dépassement sera à la charge par moitié de M. [Y] [A] et de M. [W] [A],
- Fixé à 2 000,00 euros la provision à verser à Maître [S] [H],
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné M. [Y] [A] aux dépens.
Selon assignation du 12 avril 2021, M. [Y] [A] a assigné en référé M. [W] [A], la SARL [A] frères, la SCP [M] [J] [H], administrateur judiciaire, en qualité de liquidateur de la SARL [A] frères, devant le premier président de la cour d'appel de Metz aux fins d'obtenir le sursis à l'exécution du jugement du 30 mars 2021 en toutes ses dispositions et voir dire que les frais suivront le sort de la procédure au fond.
Par ordonnance de référé du 20 avril 2021, le premier président de la cour d'appel de Metz a :
- Ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en date du 30 mars 2021,
- Condamné M. [Y] [A] et M. [W] [A] à supporter chacun la moitié des dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juillet 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions du 14 juin 2022, M. [W] [A] indique à la cour que les parties se sont rapprochées en cours de procédure, et lui demande d'homologuer l'accord transactionnel intervenu entre les parties et à ce titre de :
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Prendre acte de ce que les parties ont transigé,
En conséquence,
- Constater que le litige entre les parties et le prononcé de la dissolution de la SARL [A] frères n'ont plus d'objet compte tenu de la cession des parts de M. [W] [A] à M. [Y] [A],
- Dire et juger que M. [W] [A] et M. [Y] [A] renoncent à toutes leurs demandes objet du litige tel que rappelé ci-dessus,
En conséquence,
- Dire et juger que M. [W] [A] et M. [Y] [A] se désistent de leur demande réciproque,
- Dire et juger que chacune des parties supportera ses propres frais et dépens d'instance et d'appel.
Les parties indiquent avoir fini par transiger, que, aux termes de cette transaction, il est convenu que les parties renonceraient chacune à leur demande et à leur action, supportant chacune ses propres frais et dépens.
Elles exposent que, aux termes d'un protocole d'accord transactionnel signé entre les parties le 13 mai 2022, les parties ont convenu entre autres que M. [Y] [A] consent à acquérir les 120 parts sociales de la SARL [A] frères détenues par M. [W] [A] moyennant le prix global forfaitaire et définitif de 240 000,00 euros, que M. [W] [A] s'est engagé à ne réclamer aucune somme au titre de sa rémunération de co-gérant pour l'exercice 2021/2022 et que le prix global forfaitaire et définitif de 240 000,00 euros comporte acceptation de cession des parts et renonciation à tout autre réclamation.
Elles ajoutent que, concomitamment à cet acte, les parties ont rédigé une promesse synallagmatique de cession de 120 parts sociales détenues par M. [W] [A], qu'il est prévu que le paiement de la somme de 240 000,00 euros par M. [Y] [A] au profit de M. [W] [A] met fin définitivement et irrévocablement à tout éventuel litige entre les deux associés et permet de remplir M. [W] [A] de l'intégralité de ses droits, que cette somme de 240 000,00 euros a été versée au mandataire de M. [W] [A] et que ce dernier abandonne l'intégralité de ses demandes à l'encontre de M. [Y] [A] et à l'encontre de la SARL [A] frères.
Les parties contestent désormais toute nécessité d'une dissolution puisque l'accord transactionnel résout le désaccord des associés.
Elles soulignent que M. [Y] [A] renonce à toute demande à l'encontre de M. [W] [A] et que M. [Y] [A] acquiesce aux conclusions de M. [W] [A].
MOTIFS DE LA DECISION
Selon l'article 2044 du code civil la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 384 du code de procédure civile que l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action ou, dans les actions non transmissibles par le décès d'une partie. Il appartient au juge de donner force exécutoire à l'acte constatant l'accord des parties, que celui-ci intervienne devant lui ou ait été conclu hors sa présence. Cet accord éteint l'instance.
Dans les conclusions signées par les deux parties le 14 juin 2022 et valant transaction, les parties ont conclu l'accord suivant :
« - Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Prendre acte de ce que les parties ont transigé,
En conséquence,
- Constater que le litige entre les parties et le prononcé de la dissolution de la SARL [A] frères n'ont plus d'objet compte tenu de la cession des parts de M. [W] [A] à M. [Y] [A],
- Dire et juger que M. [W] [A] et M. [Y] [A] renoncent à toutes leurs demandes objet du litige tel que rappelé ci-dessus,
En conséquence,
- Dire et juger que M. [W] [A] et M. [Y] [A] se désistent de leur demande réciproque,
- Dire et juger que chacune des parties supportera ses propres frais et dépens d'instance et d'appel. »
La cour infirme en conséquence le jugement entrepris et homologue l'accord intervenu entre M. [W] [A] et M. [Y] [A] dans les termes visés ci-dessus et qui seront repris dans le dispositif du présent arrêt. La cour constate ainsi l'extinction de l'instance.
Conformément aux termes de la transaction, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et chacune des parties conservera la charge des frais engagés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Metz le 29 juin 2021 en toutes ses dispositions ;
HOMOLOGUE la transaction intervenue entre M. [W] [A] et M. [Y] [A] par conclusions du 14 juin 2022 aux termes de laquelle :
- Les parties ont transigé,
- Le litige entre les parties et le prononcé de la dissolution de la SARL [A] frères n'ont plus d'objet compte tenu de la cession des parts de M. [W] [A] à M. [Y] [A],
- M. [W] [A] et M. [Y] [A] renoncent à toutes leurs demandes objet du litige,
- M. [W] [A] et M. [Y] [A] se désistent de leur demande réciproque,
- Chacune des parties supportera ses propres frais et dépens d'instance et d'appel.
DONNE [Localité 7] EXÉCUTOIRE à cette transaction,
Y ajoutant,
CONSTATE l'extinction de l'instance,
LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'instance et d'appel.
Le GreffierLa Présidente de Chambre