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02/07/2012 | FRANCE | N°10/01721

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale s1, 02 juillet 2012, 10/01721


RG 10/ 01721
Minute no 12/ 00423 02 Juillet 2012
Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de THIONVILLE 08 Avril 2010 08/ 358 E

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU deux juillet deux mille douze
APPELANTE :
Madame Laurette X...... 57920 VECKRING
Représentée par Me PATE (avocat au barreau de METZ)

INTIMES :
ASSOCIATION OEUVRE DE GUENANGE RICHEMONT, prise en la personne de son commissaire liquidateur, Monsieur Guy Y...... 57530 COLLIGNY
Représentée par Me WULVERYCK (avocat au bar

reau de PARIS)
Monsieur Michel Z... ... 75003 PARIS
Représenté par Me WULVERYCK (avocat au b...

RG 10/ 01721
Minute no 12/ 00423 02 Juillet 2012
Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de THIONVILLE 08 Avril 2010 08/ 358 E

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU deux juillet deux mille douze
APPELANTE :
Madame Laurette X...... 57920 VECKRING
Représentée par Me PATE (avocat au barreau de METZ)

INTIMES :
ASSOCIATION OEUVRE DE GUENANGE RICHEMONT, prise en la personne de son commissaire liquidateur, Monsieur Guy Y...... 57530 COLLIGNY
Représentée par Me WULVERYCK (avocat au barreau de PARIS)
Monsieur Michel Z... ... 75003 PARIS
Représenté par Me WULVERYCK (avocat au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller Madame Gisèle METTEN, Conseiller
GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 mai 2012, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 02 juillet 2012 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant demande enregistrée le 17 novembre 2008, Laurette X... a fait attraire devant le conseil de prud'hommes de THIONVILLE l'Association OEUVRE DE GUÉNANGE RICHEMONT son ex employeur, ainsi que Monsieur Michel Z... administrateur provisoire de ladite association aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à lui verser :
-85 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, nul-5 000 euros de dommages et intérêts pour non respect de la procédure en matière de licenciement collectif pour motif économique subsidiairement encore,-85 000 euros de dommages et intérêts pour non respect de l'ordre et des critères de licenciement, lesdites sommes portant intérêts au taux légal-467, 20 euros brut à titre de rappel de salaire en raison de la revalorisation du point et 1 829, 40 euros brut à titre d'indemnité de logement-1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile
Le tout avec exécution provisoire.
La tentative de conciliation échouait.
Les défendeurs s'opposaient principalement à la demande, concluaient à la mise hors de cause de Monsieur Z..., à titre subsidiaire demandaient la réduction de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en toute hypothèse sollicitaient la condamnation du défendeur au paiement de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement rendu le 8 avril 2010, le conseil de prud'hommes de THIONVILLE statuait ainsi qu'il suit :
" Juge et dit que le licenciement notifié par l'Association Oeuvre de Guénange Richemont à Laurette X... par lettre du 2 juin 2008 repose bien sur une cause économique réelle et sérieuse ;
Par ailleurs,
Condamne l'Association OEUVRE DE GUENANGE RICHEMONT, prise en la personne de son représentant, à verser à Laurette X... la somme de 467, 20 euros bruts à titre de rappel de salaire du fait de la revalorisation du point ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la demanderesse aux éventuels frais et dépens. "
Suivant déclaration de son avocat enregistrée le 16 avril 2010 au greffe de la cour d'appel de METZ, Laurette X... a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Laurette X... demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Association Oeuvre de Guénange Richemont à payer à Laurette X... 467, 20 euros à titre de rappel de salaire ;
pour le surplus,- Dire et juger l'appel recevable ;- Infirmer le jugement ;- Dire et juger que le licenciement du demandeur ne repose pas sur une cause économique réelle et sérieuse ;- Dire et juger que l'Association Oeuvre de Guénange Richemont n'a pas respecté son obligation de reclassement ;- Condamner l'Association Oeuvre de Guénange Richemont à payer à Laurette X... la somme de 85 000 euros à titre de dommages et intérêts ;- Condamner l'Association Oeuvre de Guénange Richemont à payer à Laurette X... 1 829, 40 euros à titre d'indemnité de logement durant le préavis ;
subsidiairement,- Constater que l'Association Oeuvre de Guénange Richemont n'a pas respecté l'ordre et les critères de licenciement ; en conséquence,- Condamner l'Association Oeuvre de Guénange Richemont à payer à Laurette X... la somme de 85 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Dire et juger que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal ;
- Condamner l'Association Oeuvre de Guénange Richemont à payer à Laurette X... 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure.
Par conclusions de leur avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, l'Association Oeuvre de Guénange Richemont et Michel Z... demandent à la Cour de :
A titre principal,- Juger que le licenciement pour motif économique des salariés repose sur une cause réelle et sérieuse,- Mettre hors de cause Michel Z...,
En conséquence,- Débouter les salariés de l'intégralité de leurs demandes,
A titre subsidiaire,- Constater que les salariés ne justifient pas d'un préjudice à hauteur de leurs demandes,
En conséquence,- Réduire l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail.
En tout état de cause,- Condamner les appelants à 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des défendeurs,
- Condamner les appelants aux entiers dépens.

SUR CE,
Vu le jugement entrepris,
Vu les conclusions des parties déposées le 14 mai 2012 pour Laurette X... et pour L'ASSOCIATION OEUVRE DE GUÉNANGE RICHEMONT présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;
Attendu que l'Association OEUVRE DE GUÉNANGE RICHEMONT avait pour activité la gestion d'un centre éducatif et de formation professionnelle (CEFP) de GUENANGE composé de plusieurs sites et un centre éducatif (CE) de Pépinville à RICHEMONT ;
Que les deux centres comptaient environ 124 salariés dont 75 au centre éducatif et de formation professionnel de GUENANGE ;
Que l'activité de l'Association était soumise à des autorisations de fonctionnement préfectorales et à des habilitations du Conseil Général pour recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ;
Qu'à la suite d'un rapport de l'inspection réalisée au centre éducatif et de formation professionnelle de GUENANGE en mars et avril 2007, dans le cadre d'un contrôle administratif pédagogique et financier du secteur associatif, et à l'initiative de la Direction Régionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, de la DDASS de Moselle, et du Conseil Général de Moselle, le Préfet, après avoir demandé à l'association de prendre des mesures pour répondre aux injonctions consécutives à la constatation de dysfonctionnements-laquelle demande n'était pas suivie de la prise des mesures escomptées-procédait par arrêtés du 6 décembre 2007 :- à la fermeture définitive du centre éducatif et de formation professionnelle de GUENANGE à compter du 15 décembre 2007- à la nomination de Monsieur Michel Z... en qualité d'administrateur provisoire du centre éducatif et de formation professionnelle de GUENANGE à compter du 15 décembre 2007 et pour une période de 6 mois ;
Que par arrêté du 11 avril 2008, il était mis fin par le Président du Conseil Général de Moselle à l'habilitation de recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale dont était détenteur le centre éducatif et de formation professionnelle de GUENANGE ;
Que suivant délibération du 14 avril 2008, l'assemblée générale extraordinaire de l'association décidait, notamment de :- renoncer aux autorisations bénéficiant au centre éducatif de Pépinville à RICHEMONT au profit de la Fondation Vincent de Paul pour permettre au Préfet et au Président du Conseil Général de se prononcer sur ce transfert-dissoudre l'association-céder sans contrepartie les immobilisations et les actifs du centre éducatif de RICHEMONT à la Fondation Vincent de Paul-désigner un commissaire à la liquidation en la personne de Monsieur Guy Y... ;
Que par arrêté du Président du Conseil Général de la Moselle du 18 avril 2008, l'autorisation et l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale du centre éducatif de Pépinville à RICHEMONT étaient transférées à compter du 1er mai 2008 de l'association OEUVRE DE GUÉNANGE RICHEMONT à la Fondation Vincent de Paul ;
Que par arrêté du Préfet du 23 avril 2008, les autorisations de fonctionnement du centre éducatif de Pépinville à RICHEMONT étaient transférées à la Fondation Vincent de Paul ;
Attendu qu'après établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi en mars 2008 (5 et 7 mars au vu des dates figurant sur les plans produits contradictoirement), il est acquis aux débats que l'intégralité des salariés du centre éducatif et de formation professionnelle de GUENANGE a été licenciée, ainsi qu'il ressort des explications des parties ;
Que plus précisément par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juin 2008 la salariée a fait l'objet d'un licenciement par l'administrateur provisoire du centre éducatif et de formation professionnelle de GUENANGE, Michel Z..., pour le motif économique ainsi énoncé :
" A compter de l'année 2000, des difficultés importantes de fonctionnement ont été constatées au sein du centre éducatif et de formation professionnelle de Guénange qui appartient à l'Association. Ainsi, une inspection a eu lieu en mars et avril 2007 et le rapport qui a été rendu le 25 juillet 2007 a mis en évidence des carences institutionnelles susceptibles de préjudicier à la sécurité des enfants accueillis. Par arrêté du 6 décembre 2007, le Préfet de la Moselle a prononcé la fermeture totale et définitive du Centre Educatif et Formation Professionnelle de Guénange, à compter du 15 décembre 2007. Cette décision préfectorale précisait que la fermeture était totale et définitive et valait retrait de toutes les autorisations délivrées.
Par suite, le Centre Educatif et de Formation Professionnelle de Guénange s'est vu retirer tout droit à poursuivre une activité et les enfants confiés ont été progressivement transférés dans d'autres modes d'accueil.
En parallèle, le second établissement de l'Association situé à Richemont a été transféré à la Fondation Vincent de Paul à compter du 1er mai 2008, de telle sorte que l'Association a été contrainte de cesser toute activité. Une assemblée générale extraordinaire a ainsi prononcé la dissolution de l'Association le 14 avril 2008.
Dans ces conditions, le poste de chef de service que vous occupez n'a plus de raison d'être et est donc supprimé.
Concernant l'obligation de reclassement et dans la mesure où l'Association qui n'appartient à aucun groupe ne disposait pas de poste disponible, nous n'avons pas été en mesure de vous faire une proposition personnalisée. Nous vous rappelons toutefois que nous avons sollicité l'ensemble des associations de la région et que les offres d'emploi seront proposées par l'antenne emploi. Cette dernière est d'ailleurs chargée d'accompagner les salariés licenciés qui le souhaitent dans leurs démarches afin de retrouver un emploi. "
Que la lettre de licenciement prévoyait également :- l'indication d'un délai de 14 jours pour adhérer à la convention de reclassement personnalisé-le volume d'heures au titre du droit individuel à la formation avec possibilité de transformation en allocation de formation-un délai de 12 mois à compter de la notification du courrier pour contester la régularité ou la validité du licenciement ;

Sur la demande en ce qu'elle est dirigée contre Monsieur Z...
Attendu que Michel Z... conteste sa mise en cause au motif qu'il n'est pas l'employeur des salariés, n'ayant été nommé qu'en qualité d'administrateur provisoire du centre éducatif et de formation professionnelle de GUENANGE ;
Que dans ses conclusions présentées en cause d'appel, Laurette X... indique qu'elle renonce à poursuivre l'administrateur à titre personnel ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toute demande dirigée contre Michel Z... ;

Sur le rappel de salaire
Attendu qu'aucun moyen n'étant développé à l'encontre de la disposition du jugement ayant accordé à la salariée une somme à titre de rappel de salaire, la décision déférée sera confirmée de ce chef ;
Qu'ajoutant, il convient de dire que ladite somme produira intérêts au taux légal à compter de la demande ;

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Attendu que la salariée conteste la décision du conseil de prud'hommes qui a considéré que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
Que l'Association Oeuvre de Guénange Richemont demande confirmation sur ce point ;
Attendu que selon l'article L 1233-3 du code du travail, le licenciement repose sur un motif économique lorsqu'il est effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;
Qu'il s'en déduit que tout licenciement économique suppose :- un élément causal : des difficultés économiques, des mutations technologiques, la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou encore la cessation d'activité lorsque celle-ci n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable ;- un élément matériel : la suppression ou transformation de l'emploi ou la modification du contrat de travail ;- le respect de l'obligation de reclassement ;
Attendu en l'espèce que la cessation d'activité de l'Association fait suite, d'une part, à la décision du Préfet de fermer définitivement le centre éducatif et de formation professionnelle de Guénange et, d'autre part, à la cession d'une entité économique constituée par le centre éducatif de Richemont ;
Attendu que si l'association était effectivement en droit, comme elle le soutient, de procéder à la cession d'une entité économique constituée par le centre éducatif de RICHEMONT comme il sera vu ci-après, il convient de revenir sur les conditions dans lesquelles la décision préfectorale est intervenue concernant le centre éducatif et de formation professionnelles de GUENANGE ;
Attendu qu'ainsi que cela a déjà été énoncé, celle-ci est consécutive à un rapport d'inspection des autorités de tutelle qui a relevé de très graves dysfonctionnements dans la gestion et l'organisation du centre éducatif et de formation professionnelle, notamment des carences de la direction et de l'encadrement intermédiaire et une absence de cohérence éducative et de réponse institutionnelle efficace à la maltraitance, susceptibles d'affecter la prise en charge et l'accompagnement des personnes accueillies au sein du centre, lequel rapport se concluait par une série de préconisations et d'injonctions ; que le contenu de ce rapport établit qu'il a été réalisé au terme d'une procédure contradictoire au cours de laquelle l'association a pu faire valoir ses observations ; que celle-ci ne justifie pas avoir d'une quelconque façon contesté le constat et les conclusions de ce rapport lorsqu'il a été porté à sa connaissance ;
Qu'à la suite de ce rapport, le Préfet a, par courrier du 14 août 2007, formulé à l'égard de l'Association une série d'injonctions en lui demandant de lui communiquer pour le 1er octobre 2007 les mesures effectivement prises pour y satisfaire ;
Que cependant, suivant son arrêté du 6 décembre 2007, le Préfet a relevé que dans sa réponse du 1er octobre 2007, " M. le Président de l'Oeuvre de Guénange Richemont maintenait sa confiance à la direction et aux cadres intermédiaires, ne faisait pas état de mesures correctrices propres à remédier dans un délai raisonnable aux dysfonctionnements constatés, notamment en ce qui concerne le projet éducatif, la prise en charge et l'accompagnement des usagers et la réponse institutionnelle à la violence " ; qu'il en a déduit que l'absence de mise en oeuvre des recommandations du rapport d'inspection et de la lettre d'injonctions exposait les adolescents accueillis au centre éducatif et professionnel de Guénange à un risque de maltraitance et compromettait durablement la qualité de leur prise en charge ; qu'il a d'ailleurs relevé que compte tenu de ces risques, les magistrats avaient cessé leurs placements et que la protection judiciaire de la jeunesse avait retiré son habilitation à l'établissement ; qu'il a donc prononcé la fermeture totale et définitive du centre de Guénange ;
Que si l'Association a sollicité la suspension dudit arrêté devant la formation de référé du tribunal administratif de Strasbourg en arguant d'un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée en raison d'une erreur tant en droit qu'en fait l'affectant, cette requête a été rejetée le 31 janvier 2008 aux motifs qu'avant même ledit arrêté, l'autorité judiciaire avait cessé de confier l'exécution de mesures au centre et que le Président du Conseil Général avait aussi décidé de retirer son habilitation ;
Que dans ses conclusions, l'Association ne fait valoir aucun argument susceptible de contredire les termes du rapport d'inspection et le constat du Préfet l'ayant conduit à prononcer la fermeture définitive du centre, l'intimée se bornant à relever qu'" à la lecture du rapport, la responsabilité d'un seul homme ne saurait être retenue " ;
Qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que la fermeture du centre de Guénange est la conséquence d'une faute et, à tout le moins, d'une légèreté blâmable de l'Association dans la gestion et l'organisation de cet établissement et ce, en dépit des préconisations et injonctions qui lui ont été faites, le retrait du droit de poursuivre une activité et la privation de ressources dont l'intimée argue n'étant ainsi que la résultante de ses propres manquements ; que cette faute ou, à tout le moins, cette légèreté blâmable est directement à l'origine de la cessation d'activité de l'Association puisqu'elle a abouti à l'arrêté du 6 décembre 2007 prononçant la fermeture définitive du centre de Guénange et que sans les difficultés ayant affecté ledit établissement et cette fermeture, il est manifeste que la cession de l'entité économique constituée par le centre éducatif de Richemont n'aurait pas été envisagée et n'aurait pas eu lieu ; que la cessation d'activité de l'Association ne saurait donc constituer un motif économique de licenciement ;
Attendu par ailleurs que dès qu'un licenciement pour motif économique est envisagé, l'employeur a l'obligation de rechercher un reclassement dans l'entreprise prise dans ses divers établissements ou dans l'une des entreprises du groupe permettant la permutation du personnel lorsque l'entreprise appartient à un groupe, étant précisé qu'en présence d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'employeur doit s'attacher à toutes les possibilités de reclassement, qu'elles soient ou non prévues par le plan ;
Attendu en l'espèce que le licenciement de Laurette X..., comme celui de l'intégralité des salariés du centre éducatif et de formation professionnelle de GUENANGE, a été envisagé au plus tard dès le début du mois de mars 2007, époque à laquelle le plan de sauvegarde de l'emploi a été établi ;
Or attendu que l'employeur ne justifie pas avoir, dans le cadre de l'obligation de reclassement, pris en compte l'existence du centre éducatif de Richemont ;
Que l'association ne justifie nullement que le transfert de l'activité du centre lui aurait été imposée par l'autorité préfectorale et le président du Conseil Général ;
Que si à la suite de la notification de la décision portant nomination de Michel Z... comme administrateur du centre éducatif et de formation professionnelle de GUENANGE à compter du 15 décembre 2007, il est indiqué, sous la signature du Préfet et du Président du Conseil Général " Dans l'hypothèse d'une réponse positive et au vu de la délibération que vous nous aurez fait parvenir, nous procéderons au transfert des autorisations de RICHEMONT à la Fondation Vincent de Paul... ", ce dont il s'induit qu'une proposition de transfert avait été faite par l'autorité préfectorale et le président du Conseil Général, il n'en reste pas moins que c'est bien l'association qui, par délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 14 avril 2008, et alors que le plan de sauvegarde de l'emploi avait été établi antérieurement, a pris la décision de transférer l'activité du centre éducatif de RICHEMONT à la Fondation Vincent de Paul par l'abandon de ses autorisations et habilitations et la cession sans contrepartie de ses immobilisations et actifs du centre de RICHEMONT à la Fondation Vincent de Paul ;
Que si l'association était effectivement en droit, comme elle le soutient, de procéder à la cession d'une entité économique constituée par le centre éducatif de RICHEMONT, elle ne prouve pas avoir recherché des possibilités de reclassement dans cette entité économique au moment où le licenciement a été envisagé et par suite avant la cession en cause ;
Qu'ainsi faute de justifier d'avoir envisagé un reclassement interne en prenant en compte le périmètre de l'entreprise et non celui d'un seul établissement, il apparaît que l'association n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement étant encore dépourvu de cause réelle et sérieuse de ce chef ;
Qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement et de dire et juger que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
Attendu que la salariée est fondée à obtenir une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, en application de l'article L1235-3 du code du travail ;
Que la salariée, au moment du licenciement, et ainsi qu'il ressort des pièces produites contradictoirement aux débats, occupait un emploi de chef de service, était âgée de 55 ans, percevait un salaire mensuel brut de 3 383, 73 euros et avait une ancienneté de 32 ans ; qu'il est établi qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi et qu'elle est actuellement prise en charge par Pôle Emploi au titre de l'allocation de solidarité spécifique d'un montant mensuel de 484, 53 euros ; qu'elle a ainsi subi un préjudice non réparé par l'indemnité des six derniers mois de salaire et qui justifie pour une intégrale réparation l'octroi de dommages et intérêts de 55 000 euros, la décision devant être réformée en ce sens, ladite somme produisant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Qu'il convient en outre d'ordonner à l'ASSOCIATION OEUVRE DE GUENANGE RICHEMONT de rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de deux mois d'indemnités et ce, en application de l'article L 1235-4 du code du travail ;

Sur l'indemnité de logement
Attendu que la salariée fait valoir qu'elle percevait une indemnité de logement de 457, 35 euros par mois et reproche à son employeur de ne pas lui avoir payé lors de son préavis fixé conventionnellement à 4 mois ladite indemnité ;
Attendu que l'article L 1234-5 alinéa 2 du code du travail dispose que l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminuation des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise ;
Attendu qu'en l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement que le préavis applicable à la salariée était de 4 mois et qu'elle a été dispensée de l'exécuter ;
Qu'il ressort des bulletins de salaires produits aux débats qu'elle percevait chaque mois une indemnité de logement de 457, 35 euros versée même lorsqu'elle était en congés payés sur toute la période comme au mois d'avril 2008 ; qu'il s'ensuit que cette indemnité n'avait pas le caractère de remboursement de frais réellement engagés ; qu'elle devait donc être prise en compte dans le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis ;
Que l'employeur ne justifie pas avoir inclus cette indemnité dans le montant de l'indemnité compensatrice de préavis qu'il a servie à sa salariée hormis pour le mois de juin 2008 ; qu'en effet, il résulte du bulletin de paie de juin 2008 que la salariée a perçu ce mois-là notamment une indemnité de préavis de 1 450, 14 euros pour la période de préavis du 18 juin au 30 juin 2008 outre une indemnité de logement de 457, 35 euros, ce qui prouve que l'indemnité de logement a été maintenue y compris pour le préavis du 18 juin au 30 juin 2008 ;
Qu'ainsi, il y a lieu de condamner l'Association OEUVRE DE GUENANGE RICHEMONT à payer à la salariée la somme de 1 631, 21 euros, représentant (457, 35 x 4)-198, 19, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, le jugement étant réformé en ce sens ;

Sur les autres demandes à titre subsidiaire
Attendu qu'il y a lieu de rejeter les chefs de demande relatifs à la méconnaissance de l'ordre des licenciements qui ne sont formés qu'à titre subsidiaire dès lors que l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement est reconnue et que la salariée est remplie de ses droits concernant le préjudice résultant de l'irrégularité de la rupture de son contrat de travail ;
Sur les demandes non réitérées en cause d'appel
Attendu que la salariée ne réitérant pas à hauteur d'appel ses demandes relatives à la nullité du licenciement liée à l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et au non respect de la procédure en matière de licenciement collectif pour motif économique, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces chefs ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que l'Association qui succombe essentiellement doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles des deux instances et déboutée de ses propres prétentions sur le même fondement ;
Qu'en équité, Michel Z... doit être débouté de ses propres prétentions au titre de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement :
Déclare Laurette X... recevable en son appel principal et l'Association OEUVRE DE GUENANGE RICHEMONT recevable en son appel incident contre un jugement rendu le 8 avril 2010 par le conseil de prud'hommes de THIONVILLE ;
Réforme le jugement en ce qu'il a jugé et dit que le licenciement reposait sur une cause économique réelle et sérieuse, débouté Laurette X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rejeté la demande en rappel d'indemnité de logement et condamné la demanderesse aux éventuels frais et dépens ;
Statuant à nouveau dans cette limite :
Dit et juge que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne l'Association OEUVRE DE GUÉNANGE RICHEMONT à verser à Laurette X... les sommes de :-55 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;-1 631, 21 euros à titre de complément sur l'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;
Ordonne à l'ASSOCIATION OEUVRE DE GUENANGE RICHEMONT de rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de deux mois d'indemnités ;
Condamne l'Association OEUVRE DE GUENANGE RICHEMONT aux dépens de première instance ;
Confirme le jugement en ses autres dispositions ;
Ajoutant :
Dit et juge que la somme de 467, 20 euros brut à titre de rappel de salaire produira intérêts au taux légal à compter de la demande ;

Condamne l'Association OEUVRE DE GUENANGE RICHEMONT à payer à Laurette X... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne l'Association OEUVRE DE GUÉNANGE RICHEMONT aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 02 juillet 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.
Le Greffier, Le Président de Chambre.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale s1
Numéro d'arrêt : 10/01721
Date de la décision : 02/07/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2012-07-02;10.01721 ?
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