N° RG 22/05996 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OPSB
Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond du 15 février 2022
( chambre 9 cab 09 F)
RG : 19/00316
S.A.R.L. SOFRAMUS DISTRIBUTION
S.C.I. ATLAS
C/
[N]
[H]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 03 Septembre 2024
APPELANTES :
S.A.R.L. SOFRAMUS DISTRIBUTION
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475
Et ayant pour avocat plaidant Me Julien COMBIER de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LYON, toque : 708
S.C.I. ATLAS
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475
Et ayant pour avocat plaidant Me Julien COMBIER de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LYON, toque : 708
INTIMES :
M. [W] [N]
né le 01 Mars 1972 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Caroline GELLY de la SELARL CAROLINE GELLY, avocat au barreau de LYON, toque : 1879
Mme [P] [H] épouse [N]
née le 27 Décembre 1968 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Caroline GELLY de la SELARL CAROLINE GELLY, avocat au barreau de LYON, toque : 1879
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 01 Juin 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Avril 2024
Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La SCI Atlas est propriétaire depuis le 25 février 2011 d'un tènement sur lequel se situe un bâtiment industriel donné à bail à la société Soframus distribution.
Ce bien est voisin de la maison de M et Mme [N], au [Adresse 1] à [Localité 3].
Les époux [N] ont construit un mur en limite nord de leur propriété, séparant leur terrain de celui de la société Atlas.
Faisant grief à ceux-ci que ce mur empêche l'écoulement des eaux de pluie qui s`accumulent désormais sur leur terrain, la société Atlas et la société Soframus distribution ont saisi le juge des référés par acte introductif du 14 novembre 2016 pour voir cesser ce trouble.
Elles ont été déboutées par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Lyon du 23 janvier 2017, cette décision ayant été confirmée par la cour d'appel le 6 novembre 2018, après échec de la médiation proposée par cette juridiction.
Par exploit d'huissier de justice du 18 décembre 2018, la société Atlas et la société Soframus distribution ont fait assigner M et Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins, principalement, de les voir condamner à faire cesser le trouble causé à l'exercice de la servitude d'écoulement des eaux pluviales par l'édification d'un mur en limite nord de sa propriété et à effectuer les travaux nécessaires au rétablissement de la servitude d'écoulement des eaux pluviales, au besoin sous astreinte.
Par jugement du 15 février 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- rejeté la demande de la société Atlas et de la société Soframus distribution tendant à voir condamner les époux [N] à effectuer les travaux nécessaires au rétablissement de la servitude d'écoulement des eaux pluviales,
- rejeté la demande de dommages et intérêts des époux [N] pour procédure abusive,
- condamné la société Atlas et la société Soframus distribution à payer à M et Mme [N] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Atlas et la société Soframus distribution aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 24 août 2022, la société Soframus et la SCI Atlas ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées le 17 mars 2023, la société Soframus et la SCI Atalas demandent à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 15 février 2022 en ce qu'il a rejeté la demande de la société Atlas et de la société Soframus distribution tendant à voir condamner les époux [N] à effectuer les travaux nécessaires au rétablissement de la servitude d'écoulement des eaux pluviales et en ce qu'il a condamné la société Atlas et la société Soframus distribution à payer à Mr [W] [N] et Mme [P] [H] épouse [N] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance,
statuant à nouveau :
- dire et juger l'action des sociétés SCI Atlas et la Soframus distribution recevable et bien fondée,
- dire et juger que les époux [N] ont en édifiant un mur en limite nord de leur propriété entravé l'usage de la servitude d'écoulement des eaux pluviales sur leur fonds et subséquemment engagé leur responsabilité.
- condamner les époux [N] à effectuer, au besoin sous astreinte d'une somme de 100 € par jour passé un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, les travaux nécessaires au rétablissement de la servitude d'écoulement des eaux pluviales,
en tout état de cause,
- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner les époux [N] au paiement d'une somme de 2.000 € à chacune des appelantes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les époux [N] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet, avocat au barreau de Lyon, Toque n°708, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 19 décembre 2022, les époux [N] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 15 février 2022 en ce qu'il a rejeté la demande de la société Atlas et de la société Soframus distribution tendant à voir condamner les époux [N] à effectuer les travaux nécessaires au rétablissement de la servitude d'écoulement des eaux pluviales et condamné la société Atlas et la société Soframus distribution à payer à Mr et Mme [N] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau :
- débouter la société Atlas et la société Soframus distribution de leur demande tendant à voir condamner les époux [N] à effectuer, sous astreinte de 100 € par jour de retard, les travaux nécessaires au rétablissement de la servitude d'écoulement des eaux pluviales dont elles se prétendent titulaires,
- débouter la société Atlas et la société Soframus distribution de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et relative aux dépens,
- condamner solidairement la société Atlas et la société Soframus distribution à payer la somme de 5.000€ de dommages-intérêts aux époux [N] pour procédure abusive,
- condamner solidairement la société Atlas et la société Soframus distribution à payer la somme de 4.000€ aux époux [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Atlas et la société Soframus distribution aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er juin 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la servitude d'écoulement des eaux
Les sociétés Atlas et Soframus sollicitent la condamnation de M et Mme [N] à réaliser, sous astreinte, les travaux propres à rétablir la servitude d'écoulement des eaux de pluie sur leur fonds. Elles font notamment valoir que :
- sur le fondement de l'article 640 du code civil, l'écoulement naturel de l'eau crée une servitude que les terrains situés en contrebas doivent supporter, les propriétaires du fonds servant ne pouvant faire obstacle à cet écoulement sous peine de démolition de l'ouvrage,
- le fonds des époux [N] se situe en aval du fonds de la SCI Atlas, ce qui est visible à l''il nu et qu'un huissier de justice et un géomètre ont constaté (40 cm de différence de niveau),
- le géomètre a établi un plan démontrant qu'auparavant une grille à l'angle Nord-Ouest de la propriété des époux [N] permettait l'évacuation des eaux,
- les époux [N] ont édifié un mur au Nord de leur propriété, de sorte que dès qu'il pleut l'eau s'accumule dans l'angle sud-ouest de la propriété de la SCI Atlas,
- une simple ouverture dans le mur suffirait à faire cesser le désordre, ce dont les époux [N] avaient été avertis lors de la construction,
- l'absence d'opposition de la mairie de [Localité 3] à l'édification du mur n'établit pas la légalité de cette situation.
Les époux [N] font valoir en réplique que :
- aucune différence de niveau n'existe entre les deux tènements voisins, les appelantes procèdent par affirmation et ne démontrent pas cette différence de niveau,
- les photos et le plan de géomètre que les appelantes produisent n'ont aucune valeur probante, dès lors que nul ne peut se pré constituer de preuve à lui-même,
- le constat d'huissier de justice n'établit pas que leur fonds est un fonds servant, mais constate seulement la présence d'eau stagnante au Sud-Ouest du fonds des appelantes,
- ce constat qui date de mai 2017 est bien antérieur à la demande initiale,
- aucun trouble n'est démontré, dès lors que la formation d'une flaque à la suite d'intempéries n'est que temporaire, la preuve de la permanence de cette stagnation des eaux n'est pas rapportée,
- les appelantes ne démontrent pas non plus que les difficultés d'écoulement des eaux ne préexistaient pas à l'édification du mur.
Réponse de la cour
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir rappelé les dispositions de l'article 640 du code civil, ont retenu que:
- les photographies produites, à défaut de comporter des mesures, ne permettent pas d'établir une différence de niveau entre les propriétés,
- les appelantes ne démontrent pas qu'il n'existait pas des difficultés d'écoulement des eaux avant l'édification du mur,
- sur la photographie de la grille figure un grillage qui n'est retrouvé sur aucune autre photographie,
- le constat dressé par un huissier de justice le 12 mai 2017 ne permet pas de déterminer si l'écoulement des eaux en direction du fonds des époux [N] résulte d'une pente naturelle ou de la nature du sol en béton, de l'eau stagnante étant visible à d'autres endroits du terrain non limitrophe au fonds des époux [N],
- l'eau est stagnante à l'angle du mur des époux [N] et du mur de clôture d'une autre propriété non identifiée, sans qu'il ne puisse être déterminé lequel des fonds est concerné par la servitude d'écoulement des eaux.
La cour ajoute que:
- les photographies qui montrent un sol mouillé au pied d'un mur ne permettent pas d'établir que l'eau est stagnante, à défaut de préciser le délai dans lequel la pluie est survenue,
- le plan produit par les appelantes comme ayant été, selon leurs dires, dressé par un géomètre, sans que cela ne soit vérifiable à défaut de toute indication, sur lequel figure une grille d'écoulement des eaux dont l'accès aurait été empêché par l'édification du mur n'est pas suffisamment précis pour permettre de localiser le mur et n'est donc pas opérant,
- le relevé effectué par Mme [I], géomètre-expert, afin d'établir une différence de niveau entre le fonds des époux [N] et celui des appelantes n'est pas suffisamment étayé pour convaincre la cour et, s'agissant d'un rapport d'expertise non judiciaire, aurait dû être corroboré par d'autres pièces pour pouvoir être utilement pris en compte.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, à défaut d'établir que le terrain des époux [N] est inférieur au sens de l'article 640 du code civil, il convient, par confirmation du jugement, de débouter les appelantes de leur demande tendant à ordonner aux époux [N] de réaliser des travaux permettant le rétablissement de la servitude d'eaux pluviales.
Le jugement est donc confirmé.
2. Sur les autres demandes
Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre des appelantes une faute de nature à faire dégénérer en abus leur droit de se défendre en justice.
En conséquence, par confirmation du jugement, il convient de débouter M et Mme [N] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M et Mme [N], en appel. La SCI Atlas et la société Soframus distribution sont condamnées à leur payer à ce titre la somme de 3.000 €.
Les dépens d'appel sont à la charge de la SCI Atlas et la société Soframus distribution qui succombent en leur tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne in solidum la SCI Atlas et la société Soframus distribution à payer à M et Mme [N], la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la SCI Atlas et la société Soframus distribution aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT