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03/09/2024 | FRANCE | N°22/05410

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 03 septembre 2024, 22/05410


N° RG 22/05410 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OOE6









Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 08 juin 2022

( chambre 9 cab 09 G)



RG : 14/08523





[K]



C/



[K]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 03 Septembre 2024







APPELANT :



M. [Y] [K]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Locali

té 14] (38)

[Adresse 6]

[Localité 10]



Représenté par Me Adeline BEL, avocat au barreau de LYON, toque: 981





INTIMEE :



Mme [V] [K] épouse [T]

née le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 1]



Représentée par Me Audrey JAM...

N° RG 22/05410 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OOE6

Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 08 juin 2022

( chambre 9 cab 09 G)

RG : 14/08523

[K]

C/

[K]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Septembre 2024

APPELANT :

M. [Y] [K]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 14] (38)

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me Adeline BEL, avocat au barreau de LYON, toque: 981

INTIMEE :

Mme [V] [K] épouse [T]

née le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Audrey JAMMES, avocat au barreau de LYON, toque : 912

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 15 Juin 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Mai 2024

Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024

Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Stéphanie LEMOINE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Sylvie NICOT, greffier

A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mr [J] [K] est décédé le [Date décès 4] 2011, à [Localité 10], laissant pour recueillir sa succession son épouse, [S] [M] épouse [K] et leurs deux enfants :

- [V] [K] épouse [T],

- [Y] [K].

Par acte notarié en date du 24 octobre 1975 reçu par Me [I] [U], notaire à [Localité 8], Mr [J] [K] a fait donation au profit de son épouse, qui a accepté, de l'usufruit de l`universalité des biens composant sa succession au jour de son décès.

Par testament olographe du 21 novembre 2007, il a confirmé la donation en usufruit au profit de son épouse et légué à son fils, [Y] [K], les 2/3 de son patrimoine en nue-propriété et à sa fille, [V] [T], les 1/3 de son patrimoine en nue-propriété.

Mme [S] [M] veuve [K] est décédée le [Date décès 3] 2014 laissant pour recueillir sa succession ses deux enfants :

- [V] [K] épouse [T],

- [Y] [K].

Par testament olographe du 21 novembre 2007, Mme [S] [K] avait légué les 2/3 de son patrimoine à [Y] [K].

Par acte d'huissier en date du 23 juillet 2014, Mme [V] [K] épouse [T], ci-après Mme [T], a fait assigner Mr [Y] [K] devant le tribunal de grande instance de Lyon, devenu tribunal judiciaire, en partage judiciaire des successions de leurs parents.

Aux termes d'un jugement avant-dire droit du 22 mars 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a notamment :

- ordonné la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre Mr [J] [K] et Mme [S] [K] et la liquidation partage de leurs successions ;

- désigné pour y procéder Maître [O] [A]-[L] ;

- ordonné préalablement aux dites opérations de liquidation partage, une expertise des biens immobiliers composant la succession ;

- désigné Mr [C] [E] pour y procéder avec mission d'évaluer les biens immobiliers dépendant de l'indivision successorale, de fixer le montant de leur mise à prix en cas de vente aux enchères et la valeur locative du bien sis [Adresse 6],

- réservé la demande de [V] [T] tendant à voir condamner [Y] [K] à verser à la succession une indemnité d'occupation dans l'attente de l'évaluation, dans le cadre de l'expertise, de la valeur locative du bien immobilier indivis qu'il occupe,

- condamné [Y] [K] d'avoir à communiquer la liste et la valeur des bijoux d'[S] [K] ou à défaut de justifier du vol qu'il allègue et les relevés de tous les comptes et livrets bancaires pour chacun des deux défunts, sur les 5 ans précédant leur décès.

L'expert a déposé et enregistré son rapport le 18 décembre 2017.

Maître [O] [A]-[L] a convoqué les parties pour l`ouverture des opérations liquidatives le 20 mars 2018 et a dressé un procès-verbal de difficultés.

Par une ordonnance en date du 11 mars 2019, le juge de la mise en état a notamment :

- constaté l`accord de [Y] [K] et [V] [T] portant sur la vente du terrain de [Localité 12] au profit des époux [P] au prix de 72.000 €, frais d`agence inclus et la consignation du prix de vente entre les mains du notaire qui sera chargé d`instrumenter la vente jusqu`au règlement complet des successions ;

- rejeté la demande de [V] [T] aux fins de se faire remettre par la direction générale des impôts, le listing de tous les comptes bancaires et assimilés ouverts par [Y] [K].

Par jugement du 8 juin 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- rejeté la demande de nullité des contrats d'assurance-vie souscrits le 29 janvier 2007,

- rejeté la demande de rapport des primes versées aux contrats d'assurance-vie,

- rejeté la demande de rapport de la somme forfaitaire de 10.000 €,

- dit que Mr [Y] [K] doit rapporter la somme de 131.277 € à la communauté des époux [K],

- dit que Mr [Y] [K] doit rapporter la somme de 4.548,90 € à la succession de Mme [S] [K],

- rejeté la demande de rapport des espèces retirées,

- dit que Mr [Y] [K] s`est rendu coupable de recel successoral sur les sommes de 131.277 € et de 4.548,90 €,

- dit que Mr [Y] [K] est débiteur d`une indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision post-communautaire à compter du 3 février 2014 jusqu'au jour du partage ou à la libération effective des lieux à hauteur de 688 € par mois,

- dit que Mr [Y] [K] est créancier de la somme de 19.782,25 € à l'encontre de l'indivision post-successorale, outre la somme de 1.673,04 € au titre de l'assurance habitation à parfaire et qu'il pourra encore faire valoir le coût des taxes foncières s'il justifie de leur paiement,

- dit que la somme de 634,23 €, perçue par Mme [V] [T] est inscrite à l'actif successoral,

- rejeté la demande d`attribution de la maison située à [Localité 10],

- rejeté la demande tendant à voir ordonner la vente forcée de la maison de [Localité 10],

- rejeté la demande d'expertise judiciaire,

- renvoyé les parties devant Maître [O] [A]-[L], notaire commis, pour poursuivre les opérations liquidatives en application du présent jugement,

- rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l`article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens, en ce compris les frais d'expertise, sont employés en frais privilégiés de partage.

Par déclaration du 25 juillet 2022, Mr [Y] [K] a interjeté appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 20 avril 2023, Mr [Y] [K] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il :

- a dit qu'il s'était rendu coupable de recel successoral

- l'a condamné à rapporter à la succession la somme de 131.277 € à la communauté des époux [K] et à la somme de 4.548,90 € à la succession de Mme [S] [K].

et statuant à nouveau et y ajoutant,

- dire qu'il ne s'est pas rendu coupable de recel successoral,

- dire qu'il n'a pas à rapporter à la succession la somme de 131.277 € à la communauté des époux [K] et à la somme de 4.548,90 € à la succession de Mme [S] [K].

- débouter Mme [T] de ses demandes de rapport et de condamnation au titre du recel successoral,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner Mme [T] à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Au terme de ses conclusions notifiées le 23 décembre 2022, Mme [V] [K] épouse [T] demande à la cour de :

- déclarer recevables et bien fondés ses conclusions d'intimée et son appel incident,

rejetant toutes conclusions, argumentations et demandes contraires,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- dit que Mr [Y] [K] doit rapporter une somme d'argent à la communauté des époux [K] et à la succession de Mme [S] [K] au titre des chèques et virement perçus, et qu'il s'est rendu coupable de recel successoral sur lesdites sommes

- dit que Mr [Y] [K] est débiteur d'une indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision post-communautaire à compter du 3 février 2014 jusqu'au jour du partage ou à la libération effective des lieux. (Maison de [Localité 10])

- dit que Mr [Y] [K] est créancier de la somme de 19.782,25 € à l'encontre de l'indivision post-successorale, outre la somme de 1.673,04 € au titre de l'assurance habitation à parfaire et qu'il pourra encore faire valoir le coût des taxes foncières s'il justifie de leur paiement

- dit que la somme de 634.23 €, perçue par Mme [V] [T] est inscrite à l'actif successoral

- rejeté la demande d'expertise judiciaire

- rejeté la demande de rapport de la somme forfaitaire de 10.000 €

- renvoyé les parties devant Maître [O] [A]-[L], notaire commis, pour poursuivre les opérations liquidatives en application du présent jugement

- réformer le jugement de première instance pour le surplus, à savoir en ce qu'il a

- rejeté la demande de nullité des contrats d'assurance-vie souscrits le 29 janvier 2007,

- rejeté la demande de rapport des primes versées aux contrats d'assurance-vie,

- fixé à la somme de 131.277 € la somme que Mr [Y] [K] doit rapporter à la communauté des époux [K] et sur laquelle il s'est rendu coupable de recel successoral

- fixé à la somme de 4.548,90 € la somme que Mr [Y] [K] doit rapporter à la succession de Mme [S] [K] et sur laquelle il s'est rendu coupable de recel successoral

- rejeté la demande de rapport des espèces retirées,

- fixé à la somme de 688 € par mois le montant de l'indemnité d'occupation

- rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que les dépens, en ce compris les frais d'expertise, sont employés en frais privilégiés de partage

statuant à nouveau, et y ajoutant,

- juger que Mr [Y] [K] doit rapporter la somme globale de 212.425,09 € qu'il a perçu sur les fonds ayant appartenu à ses parents comme suit :

* la somme de 207.692,43€, dans l'actif de communauté des époux [K]

* celle de 4.732,66€ dans l'actif de la succession de Mme [S] [K],

* outre intérêt au taux légal sur les deux sommes à compter de la date d'appréhension des fonds par Mr [Y] [K] ou, subsidiairement, à compter du décès de Mme [S] [K],

- juger que Mr [Y] [K] s'est rendu coupable de recel successoral en ayant détourné à son profit ladite somme globale de 212.425,09 €, outre intérêt au taux légal comme il est dit ci-dessus, qui se décompose comme suit :

* 165.465,09 € en chèques et virements (164.662,43 € avant le décès de Mr [J] [K] et 802,66 € après)

* 46.960 € en retraits d'espèces au distributeur automatique de billets (43.030 avant le décès de Mr [J] [K] et 3.930 après)

- juger que les contrats d'assurance-vie souscrits par les défunts sont nuls et de nul effet, Mr [J] [K] et Mme [S] [K] n'étant pas en état de donner un consentement parfaitement valable au 29.01.2007,

- subsidiairement sur ce point juger que les sommes placées en assurances vie sont manifestement excessives au regard du patrimoine de Mr [J] [K] et de Mme [S] [K] à la date de souscription sur des contrats sans utilité pour ces derniers

- en conséquence, juger que doivent être rapportée par Mr [Y] [K] les sommes de 70.371,42 € perçues par lui à l'actif de communauté des époux Mr [J] [K] et de Mme [S] [K],

- fixer l'indemnité d'occupation due par Mr [Y] [K] au titre de l'occupation de la maison sise [Adresse 6], dépendant de la succession, à la somme de 813,16 € par mois, soit la somme de 81.380 € arrêtée au 31.12.2022, somme qui sera à parfaire à la date du partage effectif à intervenir, ou à la date de libération des lieux par Mr [Y] [K], outre indexation sur l'évolution du prix des loyers depuis le décès des Mme [S] [K], étant rappelé que cette indemnité est due à l'indivision post successorale et revient donc à Mr [Y] [K] pour 2/3 et Mme [T] pour 1/3,

- juger qu'en cas de refus d'une partie de signer l'acte de partage établi par le notaire commis conformément à l'arrêt à intervenir, toute partie pourra saisir le juge aux fins d'homologation du dit acte, et que dans ce cas les frais de la procédure pourront être mis à la charge de l'opposant ou du défaillant

- juger qu'en l'absence d'accord des parties sur les attributions, il conviendra de procéder à la vente forcée judiciaire des biens dépendant de la succession, sur les valeurs de mise à prix proposées par Mr [E], expert,

- juger qu'en cas d'empêchement du notaire, il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur requête

- débouter Mr [Y] [K] de l'ensemble de ses demandes

- condamner Mr [Y] [K] à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance

- condamner Mr [Y] [K] à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel

- juger que les dépens de première instance et d'appel, comprenant notamment les frais d'expertise, seront mis à la charge exclusive de Mr [K] [Y], et, subsidiairement, employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage, et en ordonner distraction au profit de Maître Jammes, avocat, sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 juin 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a :

- rejeté la demande de rapport de Mme [T] d'une somme de 10.000 €,

- dit que Mr [Y] [K] est créancier de la somme de 19.782,25 € à l'encontre de l'indivision post-successorale, outre la somme de 1.673,04 € au titre de l'assurance habitation à parfaire et qu'il pourra faire valoir le coût des taxes foncières s'il justifie de leur paiement,

- dit que la somme de 634,23 €, perçue par Mme [V] [T] est inscrite à l'actif successoral,

- rejeté la demande d`attribution de la maison située à [Localité 10] et celle tendant à voir ordonner la vente forcée de cette maison de [Localité 10],

- dit que Mr [K] est débiteur d'une indemnité d'occupation de cette maison,

- rejeté la demande d'expertise judiciaire.

Devant la cour, les parties s'opposent sur :

- la validité des contrats d'assurance vie souscrits en janvier 2007 et la demande de rapport de primes versées sur ces contrats,

- les demandes de rapport de Mme [T] et de constatation d'un recel successoral à l'encontre de Mr [K],

- le montant de l'indemnité d'occupation due par Mr [K].

Il convient d'examiner successivement ces différents points .

1° sur les contrats d'assurances vie :

Mme [T] conclut à la nullité des contrats d'assurance-vie souscrit par ses parents au 29 janvier 2007 en faisant valoir que :

- à l'époque de la souscription des contrats d'assurance vie, les époux [K] ne disposaient plus de leurs pleines capacités intellectuelles, ainsi qu'en attestent les déclarations de Mr [K] lui même qui affirmait régulièrement dans des échanges avec sa s'ur que leur mère était atteinte de la maladie d'Alzheimer,

- c'est Mr [K] lui même, et non pas les parents, qui s'est chargé de la souscription des contrats litigieux,

- par ailleurs, les sommes investies, à l'âge respectif de 87 ans pour Mr [J] [K] et 84 ans pour Mme [S] [K], étaient manifestement disproportionnées au regard de leur situation patrimoniale et de l'utilité qu'ils pouvaient escompter des dits contrats.

Mr [K] conclut à la confirmation du jugement sur ce point en faisant valoir que Mme [T] ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer que ses parents présentaient une altération de leurs facultés mentales lors de la souscription des contrats d'assurances vie le 29 janvier 2007, qu'il est établi au contraire que Mme [K] présentait encore en février 2012 la faculté de régulariser les actes de succession, que ses parents n'ont jamais été placés sous un régime de protection et que cet investissement n'était pas exagéré dès lors que les primes d'assurance versées étaient compatibles avec leurs revenus et leur budget et qu'ils ont toujours été en capacité de les régler.

* sur la nullité des contrats :

Par une exacte appréciation des éléments de la cause, une analyse détaillée des pièces et des motifs pertinents adoptés par la cour, le tribunal après avoir rappelé les dispositions de l'article 414-1 du code civil et le principe selon lequelles il appartient à celui qui se prévaut d'une insanité d'esprit de l'auteur d'un acte caractérisée par une affection mentale suffisamment grave pour altérer les facultés du donateur au point de le priver de la capacité de discerner le sens et la portée de son acte, de démontrer que le contractant était atteint d'une telle affection au moment où il a établi l'acte, a justement retenu que les dires de Mr [Y] [K] lors d'échanges avec sa soeur à compter de décembre 2008 selon lesquels il exprimait un affaiblissement des capacités mentales de ses parents, ne permettaient pas d'établir que Mr et Mme [K] souffraient d'une insanité d'esprit deux ans plus tôt, soit le 29 janvier 2007, date de signature de deux contrats d'assurance vie par lesquels ils ont désigné leur fils, [Y] [K], en qualité de seul bénéficiaire.

Mme [T] ne verse aux débats aucun autre élément de nature à démontrer l'existence d'une insanité d'esprit de ses parents à la date de souscription des contrats alors que Mr [K] produit un certificat médical daté du 27 février 2012 certifiant qu'à cette date, Mme [S] [K] avait la faculté de régulariser les actes de succession.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de nullité des contrats d'assurance vie pour insanité d'esprit.

* sur le caractère excessif des primes :

L'article L 132-13 du code des assurances dispose que le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant et que ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Les premiers juges ont justement rappelé que le caractère manifestement exagéré s'apprécie au moment du versement des primes en considération de l'âge, des situations familiales et patrimoniales des souscripteurs ainsi que de l'utilité du contrat par les souscripteurs.

Par une exacte appréciation des éléments de la cause, une analyse détaillée des pièces et des motifs pertinents adoptés par la cour, le tribunal, après avoir constaté que Mr et Mme [K] avait chacun versé la somme de 30.000 € lors de la souscription des contrats d'assurance vie, a justement retenu que Mme [T] qui ne procédait que par affirmation ne démontrait pas le caractère manifestement exagéré de ces versements au regard de leur situation familiale et patrimoniale ou qu'il ne présentait aucune utilité, que le fait que Mr [Y] [K] ait indiqué que ses parents n'avaient pas les moyens de supporter le coût de l'intervention d'auxiliaires de vie ne suffisait pas à apporter une telle preuve, que le montant des primes ainsi versées ne représentait que la moitié du montant créditeur de leur compte courant et enfin qu'ils étaient respectivement décédés plus de 4 et 7 ans après la souscription des contrats.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de rapport à la succession des primes versées sur ces contrats.

2° sur les demandes par Mme [T] de rapport et de recel à la succession :

Mme [T] demande le rapport de la somme globale de 212.425,09€ et que Mr [K] soit déclaré coupable de recel successoral à hauteur de cette somme.

Elle fait valoir qu'à la fin de leur vie, ses parents étaient très vulnérables, que Mr [Y] [K] prenait seul toutes les décisions les concernant, notamment la gestion de leurs finances et que n'ayant jamais travaillé, ni perçu aucun revenu, il ne justifie pas de l'origine des fonds qu'il aurait avancés à ses parents.

Elle déclare encore que :

- les relevés de comptes qu'elle a pu se procurer établissent que Mr [K] a perçu des sommes importantes par chèques ou virements, sur les comptes de ses parents,

- la plupart des chèques ont été rédigés par lui alors qu'il ne disposait dans un premier temps d'aucune procuration, et il a effectué d'importants retraits dans les distributeurs,

- Mr [K] apporte les justificatifs d'emploi d'un total de 37.316,23 € au profit de ses parents, mais il reste encore d'importantes sommes non justifiées,

- s'agissant des frais de succession du frère de Mme [K] et de la volonté des parents de le gratifier à la suite de la vente de la maison dépendant de cette succession, Mr [K] procède par simple affirmation et reconnaît finalement avoir bénéficié de deux libéralités rapportables de 34.000 € et 27.000 € qui ont été dissimulées,

- les sommes retirées en liquide entre 2002 et 2014 ne sont pas justifiées par le train de vie des époux [K] qui vivaient reclus chez eux, mangeaient peu, et manquaient de vêtements et aucun justificatif n'est produit par Mr [K] quant à l'usage de ses sommes au bénéfice de ses parents.

Mr [K] conclut au rejet des demandes de Mme [T] de rapport et de condamnation au titre du recel successoral.

Il fait valoir que :

- il n'a obtenu procuration sur le compte joint de ses parents à la [13] qu'au 11 juillet 2007 et toutes les opérations antérieures sont présumées avoir été réalisées par ses parents,

- les relevés de compte joint de ses parents du 10 juillet 2009 au 9 mai 2014 démontrent que sur la somme retenue par le tribunal, une partie correspond à des dépenses qu'il a effectuées pour la vie quotidienne de ses parents,

- par ailleurs, sur le prix de vente d'une maison dépendant de la succession du frère de Mme [S] [K], il a récupéré des sommes qu'il avait avancées à ses parents pour les frais de cette succession ainsi qu'une somme de 27.000 €, correspondant à la plus-value de la vente de cette maison car ses parents souhaitaient le rémunérer pour sa gestion de la vente et de deux sinistres,

- il réglait aussi des dépenses à partir de son compte personnel à la [9] ainsi qu'il en ressort de ses relevés bancaires et acquittait certaines factures de ses parents

- certaines sommes appartenant à ses parents ont transité sur ses comptes mais il n'en a jamais fait un usage personnel, il en va de même pour les retraits d'espèce qui servaient uniquement à financer les envies de ses parents.

Sur ce :

Selon l'article 825 du code civil, la masse partageable qui comprend les biens existant à l'ouverture de la succession, est augmentée des valeurs soumises à rapport et selon l'article 843 du même code, tout héritier venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement et ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

L'article 778 du code civil dispose par ailleurs que sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Le recel existe dés que sont établis des faits matériels manifestant l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage et ce, quels que soient les moyens mis en oeuvre.

Il peut s'exercer par l'abus d'une procuration sur un compte bancaire obtenue du défunt.

* sur les retraits en espèces :

Mme [T] revendique le rapport d'une somme totale de 98.610 € retirée entre 2002 et 2014 par Mr [Y] [K] sur le compte de leurs parents en faisant valoir l'existence de très nombreux retraits d'espèce et que les retraits étaient effectués par Mr [Y] [K] lui même.

Ce dernier verse aux débats une procuration établie par son père à son profit sur le compte [13] le 11 juillet 2007 et par ses deux parents sur le Codevi [13] le 11 janvier 2007.

Comme l'ont justement relevé les premiers juges, les retraits effectués avant l'établissement des procurations sont présumés avoir été effectués par les titulaires des comptes.

Par des motifs pertinents que la cour adopte le tribunal a par ailleurs constaté que Mr et Mme [K] n'utilisaient pas la carte bleue comme moyen de paiement, que les relevés produits faisaient ressortir une certaine constance sur toute la période alléguée et que le montant des retraits avait nettement diminué entre la période précédant le décès de Mr [J] [K] survenu le [Date décès 4] 2011, (soit par mois 758 € en 2009 et 712 € en 2010) et celle postérieure au décès (soit par mois 420 € en 2011, 408 € en 2012 et 365 € en 2013).

Il a justement déduit de ces éléments que les fonds ainsi retirés avaient profité aux parents.

D'ailleurs, la moyenne mensuelle des retraits ainsi effectués sur la période soit, sur la base de 98.610 € et sur 12 ans 684 €, apparaît raisonnable et compatible avec le train de vie de Mr et Mme [K].

La preuve n'est pas rapportée que Mr [K] a personnellement profité de ces retraits et le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de rapport au titre des retraits en espèces.

* sur les détournement allégués par chèques et virements :

Il ressort des décomptes précis établis par l'intimée et des différents relevés de compte produits par celle-ci (pièces 50 à 53, 83) que Mr [Y] [K] a bénéficié de virements provenant des comptes de ses parents et de chèques tirés sur ces mêmes comptes susceptibles d'être rapportés :

- à l'actif de communauté ayant existé entre les époux [K] à hauteur de 6.442,80 € + 50.500 € + 113.807,63 € soit au total 170.750,43 €

- à l'actif de succession de Mme [K] à hauteur de 1.579,68 € + 600 € + 29.851,21 € soit un total de 32.030,89 €.

Compte tenu de l'importance de ces montants, il appartient à Mr [Y] [K] qui prétend justifier ces retraits par des dépenses engagées au profit de ses parents d'en rapporter la preuve.

Or, il verse aux débats en cause d'appel des relevés de ses comptes sans avoir pris la peine d'établir des décomptes récapitulatifs exploitables permettant d'expliquer poste par poste la destination des fonds ainsi reçus et qui sont ainsi totalement impropres à justifier du règlement de dépenses acquittées pour le compte de ses parents.

Toutefois, au vu des factures produites et ainsi qu'il est reconnu par Mme [T], il est justifié de dépenses à hauteur de 6.088 € pour la période antérieure au décès de Mr [J] [K] et de 31.228,23 € pour la période postérieure.

Mr [K] allègue par ailleurs :

- avoir soldé son PEL à hauteur de 34.000 € afin de régler une partie des droits de la succession du frère de Mme [S] [K] dont elle était l'héritière et avoir été remboursé de ce montant,

- avoir été rémunéré par ses parents en récupérant la plus value de la vente de la maison dépendant de cette succession, soit 27.000 €, en remerciement de la gestion de la vente et de deux sinistres concernant cette maison.

Sur le premier point, il est justifié par les relevés de compte que le 21 septembre 2005 Mr [K] a viré sur le compte de ses parents à partir de son PEL une somme de 34.000 € destinée à payer une partie des droits de succession du frère de Mme [K].

Et les éléments au dossier sont insuffisants à démontrer, comme le soutient Mme [T], que cette somme de 34.000 € provenaient de retraits effectués par Mr [K] au cours des années précédentes.

Sur le second point, Mr [K] ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier la volonté de sa mère de le remercier d'un service rendu, cette affirmation ne relevant que de ses propres dires.

Ainsi, il convient, confirmant le jugement sur le principe du rapport mais le réformant sur le montant des sommes à rapporter de dire que Mr [K] doit rapporter :

- à l'actif de la communauté des époux [J] et [S] [K] la somme de 170.750,43 € - (6.088 € + 34.000 €) soit 130.662,43 €,

- à l'actif de la succession de Mme [K] la somme de 32.030,89 € - 31.228,23 € soit 802,66€.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont relevé que Mr [Y] [K] n'a pas spontanément justifié, à l'ouverture des successions des virements et chèques dont il avait bénéficié, alors qu'il avait été interrogé sur les mouvements litigieux qui n'ont pu être établis que par les investigations de Mme [T] et qu'au vu de l'importance des montants comparés à l'actif de la succession, cette dissimulation était constitutive de l'élément matériel du recel et qu'elle avait été faite sciemment dans l'intention de rompre l'égalité du partage ce qui caractérisait l'élément intentionnel.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a exclu Mr [K] du partage des sommes rapportée mais, compte tenu de ce qui précède, infirmé sur les montants, objet de la condamnation au recel.

Il est également confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des intérêts au taux légal s'agissant de rapports à la succession et non d'une restitution.

3° sur l'indemnité d'occupation :

Mr [K] ne discute plus en cause d'appel être redevable d'une indemnité au titre de son occupation de la maison à [Localité 10] ni le montant fixé par les premiers juges et demande la confirmation du jugement sur ce point au vu des conclusions de l'expert judiciaire, estimant que la décote de 15 % sollicitée par Mme [T], au lieu de celle retenue par l'expert, n'est pas fondée ni conforme à la jurisprudence habituelle en la matière.

Mme [T] conteste quant à elle le montant de l'indemnité d'occupation au motif que l'expert a à tort décoté la valeur vénale de la maison de 10 % au motif que la maison était occupée par Mr [K], ce qui revient à la défavoriser en sa qualité de propriétaire indivise et elle demande que la valeur locative soit fixée à 328.000 € x 3,5 % soit 11.480 € par an et, après application d'une décote de 15 % habituellement retenue pour tenir compte de la précarité de l'occupation, de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par Mr [K] à 813 € par mois.

Sur ce :

Il est constant que Mr [Y] [K] occupe la maison indivise de [Localité 10] depuis le décès de Mme [K]

Dans son rapport, l'expert [E] désigné par le tribunal a fixé la valeur locative de cette maison à 10.320 € par an et pratique sur cette valeur pour calculer l'indemnité d'occupation un abattement de 15 % traduisant la différence de droits entre un occupant et un locataire titulaire d'un bail, relevant que cet abattement est traditionnel.

Il convient de retenir les conclusions de l'expert judiciaire qui reposent sur une analyse complète et sérieuse et ne sont contredites par aucune pièce produite par les parties qui pourraient justifier une évaluation différente et de fixer ainsi le montant de l'indemnité d'occupation due par Mr [K] à compter du 3 février 2014 jusqu'au partage ou à la libération effective des lieux à 10.320 € - 1.548 € (15 %) soit 8.772 € et par mois 731 €, le jugement étant réformé de ce chef.

4° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les dépens d'appel sont la charge de Mr [Y] [K] qui succombe pour l'essentiel en sa tentative de remise en cause du jugement.

La cour estime que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à son appréciation sauf :

- sur le montant des sommes à rapporter par Mr [K] et exclues du partage au titre d'un recel,

- sur le montant de l'indemnité d'occupation due par Mr [K],

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Dit que Mr [Y] [K] doit rapporter :

- à l'actif de la communauté des époux [J] et [S] [K] la somme de 130.662,43 €,

- à l'actif de la succession de Mme [K] la somme de 802,66 €.

Dit que Mr [Y] [K] ne pourra prétendre à aucune part sur la totalité des sommes ainsi rapportées.

Fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par Mr [Y] [K] à l'égard de l'indivision post-communautaire à compter du 3 février 2014 jusqu'au jour du partage ou à la libération effective des lieux à 731 € par mois ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne Mr [Y] [K] aux dépens de l'instance d'appel et accorde à Maître Jammes, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/05410
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.05410 ?
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