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03/09/2024 | FRANCE | N°22/05135

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 03 septembre 2024, 22/05135


N° RG 22/05135 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ONOA









Décision du Tribunal Judiciare de SAINT-ETIENNE

Au fond du 07 juin 2022

(4ème chambre)



RG : 21/00416







[I]

[H]



C/



[W]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 03 Septembre 2024







APPELANTS :



M. [K] [I]

né le [Date naissa

nce 3] 1995 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représenté par Me Jean-louis ROBERT de la SELARL SELARL ROBERT, avocat postulat, avocat au barreau de ROANNE

Et ayant pour avocat plaidant Me Grégoire MANN de la SELAS LEX LUX AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ET...

N° RG 22/05135 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ONOA

Décision du Tribunal Judiciare de SAINT-ETIENNE

Au fond du 07 juin 2022

(4ème chambre)

RG : 21/00416

[I]

[H]

C/

[W]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Septembre 2024

APPELANTS :

M. [K] [I]

né le [Date naissance 3] 1995 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean-louis ROBERT de la SELARL SELARL ROBERT, avocat postulat, avocat au barreau de ROANNE

Et ayant pour avocat plaidant Me Grégoire MANN de la SELAS LEX LUX AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 1

Mme [X] [H]

née le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-louis ROBERT de la SELARL SELARL ROBERT, avocat postulat, avocat au barreau de ROANNE

Et ayant pour avocat plaidant Me Grégoire MANN de la SELAS LEX LUX AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 1

INTIME :

M. [F] [W]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Hélène FOURNEL-PALLE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Avril 2024

Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Du 19 décembre 2018 au 23 février 2022, M. [K] [I] a été le propriétaire d'un appartement situé au 3ème et 4ème étages (lot 16 et 20) d'un immeuble en copropriété de [Localité 7] (Loire), dans lequel il résidait avec sa concubine, Mme [X] [H].

Se plaignant de nuisances sonores diurnes et nocturnes provenant de cet appartement depuis novembre 2019, M. [F] [W], propriétaire d'un appartement situé au 2ème et 3ème étages de l'immeuble (lot 15 et 19), a assigné M. [I] et Mme [H] devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne afin qu'il soit mis un terme au trouble anormal du voisinage.

Par jugement du 7 juin 2022, le tribunal a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation,

- déclaré M. [I] responsable du trouble anormal de voisinage,

- condamné M. [I] à payer à M. [W] la somme de 6 411,33 euros au titre de son préjudice matériel,

- condamné M. [I] à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice moral,

- débouté les parties du surplus de leur demande,

- condamné M. [I] à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 12 juillet 2022, M. [I] et Mme [H] ont relevé appel du jugement.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2023, ils demandent à la cour de :

- réformer la décision dont appel et statuant à nouveau,

Sur l'absence de trouble anormal du voisinage :

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [I] responsable d'un trouble anormal du voisinage à l'égard de M. [W],

Sur l'absence de lien de causalité entre la réalisation des travaux de rénovation de l'appartement de M. [I] et le préjudice de M. [W] :

- infirmer le jugement du 7 juin 2022 en ce qu'il a jugé que les travaux de M. [I] ont nécessairement diminué l'isolation phonique du bien immobilier,

Sur l'absence de préjudice matériel :

- infirmer le jugement du 7 juin 2022 en ce qu'il a condamné M. [I] à régler à M. [W] la somme de 6 411,33 euros au titre des travaux d'isolation phonique réalisés dans son logement en 2021,

- débouter M. [W] de sa demande au titre de son prétendu préjudice matériel et ordonner le remboursement des sommes réglées le 3 octobre 2022 par M. [I],

Sur l'absence de préjudice moral :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [I] à verser à M. [W] la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice moral,

- débouter M. [W] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral et de jouissance et ordonner le remboursement des sommes réglées le 3 octobre 2022 par M. [I],

Sur le rejet de leurs demandes reconventionnelles :

- infirmer le jugement du 7 juin 2022 en ce qu'il a débouté M. [I] du surplus de ses demandes,

- condamner M. [W] à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de leur préjudice moral,

en tout état de cause,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses fins, demandes et conclusions,

- prononcer l'exécution de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution,

- condamner M. [W] à leur régler une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Jean-Louis Robert, avocat sur son affirmation de droit,

- condamner M. [W] aux entiers dépens de l'instance.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 1er juin 2023, M. [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- condamner M. [I] et Mme [H] au paiement des sommes de :

1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance et préjudice moral,

6 411,33 euros TTC à titre de prise en charge des travaux d'isolation phonique de sa chambre,

- débouter M. [I] et Mme [H] de leur demande reconventionnelle,

- condamner M. [I] et Mme [H] au paiement d'une somme de 2 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Par une ordonnance du 20 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a constaté que M. [W] se désiste de sa demande de radiation de l'affaire et a rejeté ses demandes tendant à déclarer irrégulière la déclaration d'appel pour défaut d'intérêt de Mme [H] à interjeter appel et indication d'adresse erronée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIVATION

1. Sur le trouble anormal de voisinage

M. [I] et Mme [H] font valoir essentiellement que :

- M. [W] ne démontre pas que les troubles subis excèdent les inconvénients normaux du voisinage ;

- il ne rapporte pas non plus la preuve d'un lien de causalité entre la réalisation des travaux de rénovation de l'appartement de M. [I] et le préjudice allégué ;

- enfin, il ne rapporte la preuve ni d'un préjudice matériel ni d'un préjudice moral.

M. [W] réplique que :

- ses voisins lui ont causé des nuisances sonores diurnes et nocturne excédant les inconvénients normaux du voisinage ;

- ces nuisances ont eu un impact considérable sur sa santé et l'ont conduit à déménager sa chambre dans une pièce opposée à la source de bruits et à réaliser des travaux d'isolation phonique qui sont en lien avec les agissements des appelants et le préjudice d'impossibilité de jouissance paisible qu'il subissait.

Réponse de la cour

M. [W] fonde ses demandes sur la responsabilité du fait des troubles du voisinage, qui nécessite qu'il démontre l'anormalité du trouble dont il se prévaut, soit un trouble présentant un certain degré de gravité, qui excède les inconvénients normaux de voisinage, et qui soit persistant et récurrent.

À l'appui de ses demandes, il verse aux débats :

- une déclaration de main courante du 16 juin 2020 dans laquelle il déclare qu'il subit « de multiples nuisances sonores » et est « réveillé en pleine nuit (entre 6h et 4h du matin) »,

- un procès-verbal de dépôt de plainte du 10 juillet 2020 dans lequel il déclare que depuis son emménagement, il rencontre des problèmes de nuisances sonores avec son voisin du dessus, qu'il « existe un réel problème d'isolation au niveau du plancher de M. [I] » et qu'il a « encore entendu beaucoup de bruit provenant de l'appartement de M. [I] » le 16 juin 2020 peu avant 6 heures du matin,

- une déclaration de main courante effectuée le 1er février 2021 dans laquelle il déclare que « dans la nuit du 30 janvier aux alentours de 3 h du matin jusqu'à 6 h du matin, [M. [I] et Mme [H]] ont tapé très fort sur le sol, toutes les heures, puis ils ont mis la musique à fond »,

- un courrier du commissaire de police de [Localité 7] du 24 mars 2021 qui indique qu'un « équipage police-secours de la police nationale est intervenu le 3 janvier 2021 à 02h05 pour un tapage nocturne au n° [Adresse 4] à [Localité 7], à la demande de M. [W] [F]. L'auteur des faits, M. [I] [K], demeurant même adresse a fait l'objet d'un avertissement verbal. Le résumé de l'intervention est le suivant : 'Sur place, prenons attache avec le locataire des lieux. Il arrête la musique à notre demande. Avertissement verbal remis. [...] »,

- un courrier du syndic de la copropriété du 5 février 2021 adressé à M. [I] qui l'informe avoir été alerté par ses voisins pour des nuisances répétées provenant de son appartement et lui demande de cesser le trouble,

- les attestations de deux voisins faisant état de bruits forts provenant de l'appartement de M. [I] (musique ou bruits de chocs) à diverses dates, et l'attestation d'un ami indiquant avoir entendu de « nombreux bruits importants venant des voisins du dessus » alors qu'il passait une soirée chez M. [W], le 16 septembre (sans indication de l'année),

- trois certificats médicaux datés des 3 juillet 2020, 9 octobre 2020 et 19 mars 2021 faisant état d'un syndrome anxieux et d'un sommeil perturbé en lien avec des problèmes de voisinage.

De leur côté, M. [I] et Mme [H] produisent notamment aux débats :

- les attestations de deux autres voisins qui indiquent ne subir aucune nuisance sonore de la part des appelants, l'un d'eux, dont le logement se situe sous les pièces de vie de l'appartement de M. [I], précisant : « il arrive ponctuellement que nous entendions un bruit de chaise ou autre de manière très brève, mais de notre point de vue, cela ne nuit en rien à notre vie quotidienne »,

- un procès-verbal de dépôt de plainte du 19 juin 2020 dans lequel Mme [H] indique avoir été agressée verbalement et menacé avec une arme par M. [W] alors qu'elle sortait de l'immeuble,

- le témoignage écrit de la mère de Mme [H] qui atteste : « Depuis l'agression de ma fille [...], [M. [I] et Mme [H]] n'osaient même plus aller dormir dans leur chambre et passaient leur nuit sur le canapé. Quand je me rends chez eux, ils me demandent de marcher en chaussettes et sur la pointe des pieds ainsi que de parler à voix basse. Ils n'osent plus inviter du monde chez eux. Ils vivent dans la peur et le stress de façon permanente »,

- deux certificats médicaux datés des 4 et 13 octobre 2021 faisant état, pour Mme [H], de « trouble du sommeil secondaire avec anxiété » à la suite de l'agression dont elle indique avoir été victime de la part de son voisin, et pour M. [I], d'une perte de poids, d'une altération de son sommeil, de sa vie conjugale et de sa vie quotidienne, et d'une anxiété en lien avec ses relations de voisinage.

La cour observe qu'alors que l'immeuble des parties constitue une petite copropriété de trois étages, chacune verse aux débats les attestations de deux voisins qui s'avèrent strictement contraires en faits, puisqu'alors que les témoins de l'intimé font état de bruits anormaux provenant de l'appartement de M. [I], ceux des appelants, qui résident au même étage qu'eux ou à l'étage d'en-dessous et sont donc particulièrement susceptibles d'entendre les bruits provenant de leur logement, contestent toute nuisance sonore de leur part.

Par ailleurs, M. [W] ne justifie pas de la suite qui a été réservée à sa plainte du 10 juillet 2020 et si les services de police sont intervenus le 3 janvier 2021 au domicile de M. [I] à la suite du signalement pour tapage nocturne, force est de constater qu'ils n'ont pas jugé utile de dresser un procès-verbal d'infraction, se contentant d'un avertissement verbal.

En présence d'attestations contraires des voisins et en l'absence d'autres éléments suffisamment probants, il convient de considérer que M. [W] échoue à démontrer l'anormalité du trouble de voisinage dont il se prévaut.

En outre, c'est à tort que le premier juge a retenu, à la seule lecture de la promesse unilatérale de vente et en l'absence de toute analyse technique versée aux débats, qu'en procédant à des travaux de modification du sol de ses lots de copropriétés, M. [I] avait nécessairement diminué l'isolation phonique aux bruits d'impact dont bénéficiait M. [W] et devait donc être déclaré responsable du préjudice occasionné à son voisin.

Au vu de ce qui précède, il convient, par infirmation du jugement déféré, de débouter M. [W] de ses demandes de dommages-intérêts et de prise en charge des travaux d'isolation phonique de sa chambre.

2. Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour préjudice moral

M. [I] et Mme [H] soutiennent avoir subi un préjudice moral lié au comportement de M. [W] qui les a agressés verbalement et physiquement, et les a conduits à mettre en vente leur bien immobilier. Ils estiment qu'ils justifient de leur préjudice par la communication de certificats médicaux.

M. [W] réplique que les appelants inversent les responsabilités et ne rapportent pas la preuve de leurs affirmations.

Réponse de la cour

Selon l'article 1382, devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

A l'appui de leur demande de dommages-intérêts pour agression, les appelants versent aux débats essentiellement le dépôt de plainte effectué le 19 juin 2020 par Mme [H] et deux certificats médicaux de leur médecin traitant dont le contenu a été énoncé plus avant.

En l'absence de production des éléments de l'enquête de police et faute de justifier de la suite réservée à cette plainte, ces seules pièces sont insuffisantes pour établir la preuve de la réalité de l'agression alléguée.

En outre, M. [I] ne démontre pas que sa décision de vendre son bien immobilier a été dictée par le comportement de M. [W] à son encontre et à l'encontre de sa concubine, et non pour une toute autre considération.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] et Mme [H] de leur demande de dommages-intérêts.

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de la solution donnée au litige en cause d'appel, le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

M. [W], partie perdante au principal, est condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [I] et Mme [H] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont dû engager.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [K] [I] et Mme [X] [H] de leur demande de dommages-intérêts,

Déboute M. [F] [W] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [F] [W] à payer à M. [K] [I] et Mme [X] [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [W] aux dépens de première instance et d'appel,

Fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/05135
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.05135 ?
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