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03/09/2024 | FRANCE | N°22/05126

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 03 septembre 2024, 22/05126


N° RG 22/05126 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ONNM









Décision du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond du 02 juin 2022

( chambre 1 cab 01 A)



RG : 18/06375





[E]



C/



[E]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 03 Septembre 2024







APPELANTE :



Mme [M] [E] épouse [W]<

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née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 16]

[Adresse 1]

[Localité 7]



Représentée par Me Clarisse BOUGAUD de la SELARL HESTAE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 180







INTIMEE :



Mme [X], [V] [E] épouse [D]

née le [Date naissance...

N° RG 22/05126 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ONNM

Décision du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond du 02 juin 2022

( chambre 1 cab 01 A)

RG : 18/06375

[E]

C/

[E]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Septembre 2024

APPELANTE :

Mme [M] [E] épouse [W]

née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 16]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Clarisse BOUGAUD de la SELARL HESTAE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 180

INTIMEE :

Mme [X], [V] [E] épouse [D]

née le [Date naissance 5] 1957 à [Localité 16]

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Charline BEDDED-GARNIER, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 2307

Et ayant pour avocat plaidant Me Catherine CHAT de la SCP PEREZ ET CHAT, avocat au barreau de CHAMBERY, toque : 5

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 15 Juin 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Mai 2024

Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024

Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Stéphanie LEMOINE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Sylvie NICOT, greffier

A l'audience, a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

[L] [P] épouse [E] est décédée le [Date décès 6] 2016 et laisse pour recueillir sa succession:

- son époux, [K] [E] avec lequel elle était mariée sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts,

- ses deux filles, Mme [X] [E] épouse [D] et Mme [M] [E] épouse [W].

[K] [E] est décédé le [Date décès 10] 2016, laissant pour recueillir sa succession ses deux filles, [X] et [M].

Par acte notarié du 25 juin 1985, [L] [P] avait consenti une donation au profit de son conjoint.

Aux termes d'un testament olographe du 16 avril 2004, [L] [P] et [K] [E] avaient consenti un legs de la nue-propriété des biens immobiliers à [Localité 15] dépendant de la communauté, au profit de leurs enfants et petits-enfants et légué à l'époux survivant l'usufruit de ces biens immobiliers, ainsi que la pleine propriété de tous les autres biens dépendants de la succession.

Par acte notarié du 20 janvier 2015, [L] [P] et [K] [E] ont consenti une donation-partage conjonctive, en avancement de part successorale à leurs filles, à savoir:

- à Mme [X] [E], la nue-propriété du bien immobilier situé [Adresse 11] à [Localité 15],

- à Mme [M] [E], la pleine propriété du bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 15].

Un projet d'acte de partage de la communauté et des successions a été dressé par Me [I], notaire.

Les deux héritières ne s'accordant pas sur les donations rapportables perçues de part et d'autre, aucun partage amiable n'a pu intervenir.

Par acte d'huissier de justice du 30 mai 2018, Mme [X] [E] épouse [D] a fait assigner Mme [M] [E] épouse [W] devant le tribunal de grande instance de Lyon en partage judiciaire.

Par jugement du 2 juin 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a notamment:

- déclaré recevable les demandes de rapport formées par Mme [X] [E],

- déclaré recevable et valable l'attestation du 15 février 2016,

- ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la communauté et des successions,

- condamné Mme [X] [E] à rapporter la somme de 20 000 euros aux successions d'[L] [P] et [K] [E], sans application des intérêts au taux légal,

- rejeté les demandes de rapport formées par Mme [X] [E] des sommes de 5 000, 15 949, 12 350 et 9 705,29 euros,

- rejeté les demandes de rapport formées par Mme [M] [E] des sommes de 215 500, 8 690 euros et de la valeur du véhicule Saxo,

- rejeté les demandes de recel successoral,

- rejeté les demandes de créances formées par Mme [X] [E].

Par déclaration du 11 juillet 2022, Mme [M] [E] a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 11 octobre 2022, Mme [M] [E] demande à la cour de:

- juger l'appel recevable et bien fondé ;

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon, première chambre, cabinet 1A en date du 2 juin 2022 en ce qu'il a :

- déclaré recevable les demandes de rapport formées par Mme [X] [E]

- rejeté les demandes de rapport formées par Mme [M] [E] au titre des sommes de 215. 500 euros, de 8. 690 euros et de la valeur du véhicule saxo ;

- rejeté les demandes de recel successoral ;

-rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article au titre de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ;

-dit que les dépens, en ce compris les frais d'expertise, sont employés en frais privilégiés de partage

Et statuant à nouveau :

- juger irrecevables les demandes de Mme [X] [E] relatives aux donations rapportables;

- juger que Mme [X] [E] doit rapporter la donation de 180. 000 francs, réévaluée à 215.500 euros conformément à l'évaluation des donations rapportables, dont elle a été rendue bénéficiaire en 1982 ;

- fixer à 215.500 euros le quantum du rapport de Mme [X] [E] ;

- juger que Mme [X] [E] devra rapporter la somme de 27.000 euros au titre des sommes données par chèque par [K] [E] ;

- fixer à 27.000 euros le quantum du rapport de Mme [X] [E] ;

- juger que Mme [X] [E] devra rapporter la somme de 8. 690 euros au titre du PEL dont elle a bénéficié en 1982 ;

- juger que Mme [X] [E] devra rapporter la valeur du véhicule Citroen Saxo immatriculé [Immatriculation 4] pour sa valeur actuelle en fonction de son état en mars 2011 ;

- juger qu'il appartiendra au notaire, conformément à la mission confiée par la juridiction de première instance, de fixer la valeur du rapport ;

- juger que Mme [X] [E] s'est rendue coupable de recel successoral en ne reconnaissant pas la donation de 180. 000 francs dont elle a été rendue bénéficiaire en 1982;

- juger que Mme [X] [E] s'est rendue coupable de recel successoral en dissimulant les dons manuels de sommes d'argent par chèques pour un montant de 27. 000 euros;

- juger que Mme [X] [E] s'est rendue coupable de recel successoral en dissimulant la cession du PEL de [K] [E] à son profit pour la somme de 8. 670 euros ;

- appliquer à Mme [X] [E] les sanctions du recel successoral ;

- juger que Mme [X] [E] sera privée de droits sur les biens objets des recels successoraux ;

- condamner Mme [X] [E] aux entiers dépens de l'instance ;

- condamner Mme [X] [E] à payer à Mme [M] [E] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer pour le surplus le jugement déféré ;

En tout etat de cause et y ajoutant

- rejeter l'intégralité des prétentions plus amples ou contraires de Mme [X] [E].

Par ordonnance du 9 février 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions déposées pour Mme [X] [E], sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 15 juin 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la recevabilité des demandes de rapport à la succession de Mme [X] [E]

Mme [M] [E] sollicite que les demandes de Mme [X] [E] relativement au rapport à la succession de différentes sommes correspondant à des chèques et des retraits en espèces soient déclarées irrecevables au motif que ces demandes ne sont pas fondées en droit et que la preuve n'en est pas rapportée.

Tout d'abord, lorsque la preuve d'une demande n'est pas rapportée, celle-ci ne saurait être déclarée irrecevable mais non fondée.

Ensuite, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, Mme [M] [E], qui invoque l'irrecevabilité des demandes de Mme [X] [E], ne précise pas le fondement de sa demande.

Par ailleurs, l'absence de précision dans l'assignation du fondement juridique des demandes est sanctionnée par la nullité de l'assignation et non pas par l'irrecevabilité des demandes, en application de l'article 56 2° du code de procédure civile.

Enfin, cette nullité constitue un vice de forme et nécessite que celui qui l'invoque rapporte la preuve du grief qui lui a été causé par cette irrégularité, ce que ne démontre ni même n'allègue Mme [M] [E].

En conséquence de ces éléments, il convient de confirmer le jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes de Mme [X] [E].

2. Sur la demandes de rapport à la succession de Mme [M] [E]

Mme [M] [E] sollicite que Mme [X] [E] rapporte à la succession la donation de 180 000 francs réévaluée à la somme de 215 500 euros, ainsi que la somme de 27 000 euros reçue par chèques, celle de 8 690 euros au titre du PEL dont elle a bénéficié en 1982 et la valeur du véhicule Saxo en fonction de son état en mars 2011. Elle fait notamment valoir que:

- s'agissant du rapport de la somme de 215 500 euros, sa soeur a bénéficié d'une donation de 180 000 francs en 1981, ce qui est établi par une attestation émanant de [K] [E], le donateur, une attestation de son ex-époux et par le service des hypothèques, qui mentionne que le 19 janvier 1982 une vente a eu lieu à son profit et celui de son époux pour un montant de 210 000 francs,

- l'attestation de [K] [E] mentionne bien que la donation a été faite en 1981 et non en 1985,

- à l'époque de la donation, Mme [X] [E] ne travaillait pas et vivait avec son époux dans un camping, de sorte qu'elle n'avait pas les moyens pour financer cette acquisition.

- le bien qui a été acquis à l'aide de la donation de 180 000 francs doit être évalué au jour du partage dans son état au moment de la donation, soit à hauteur de 210 000 /221 000 euros, soit une moyenne de 215 500 euros,

- elle a fait expertiser l'attestation de [K] [E] et l'expert a retenu que le document est authentique,

- la date de la donation est également incontestable même s'il est mentionné sur la copie détenue par Mme [X] [E] qu'elle a été faite en 1985,

- s'agissant du rapport de la somme de 27 000 euros, il ressort de la copie des chèques de 2012, 2013, 2014 et 2015 provenant du compte de [K] [E] qu'elle s'est procurée que Mme [X] [E] en a été la bénéficiaire,

- il ne peut être retenu qu'il s'agit de dons d'usage, la situation financière de leurs parents ne permettant pas de tels dons,

- s'agissant du rapport de la somme de 8 690 euros, Mme [X] [E] a bénéficié en 1982 d'un PEL qui lui a été cédé par [K] [E] d'un montant de 57 000 francs, soit 8 690 euros, qui doit être rapporté.

- s'agissant du rapport de la valeur du véhicule, Mme [X] [E] a été donataire d'un véhicule Saxo Citroen le 29 mars 2011, dont la valeur actuelle en fonction de son état à l'époque doit être rapportée à la succession,

- l'absence du chiffrage du montant du rapport ne constitue pas un obstacle, le notaire commis ayant le pouvoir de procéder à l'évaluation.

Réponse de la cour

a. Sur la donation de la somme de 180 000 francs

Afin de démontrer que Mme [X] [E] a reçu la somme de 180 000 francs en 1981, Mme [M] [E] produit:

- une attestation de [K] [E] datée du 15 février 2016, par laquelle il certifie avoir donné la somme de 180 000 francs en espèces à sa fille, Mme [F] [E], en 1981, pour acheter un terrain à construire, situé [Adresse 13] à [Localité 14],

- un certificat du service de la publicité foncière faisant état d'une vente le 19 janvier 1982 au profit de Mme [X] [E] et son conjoint, d'un immeuble situé [Adresse 13] à [Localité 14],

- une attestation de M. [R], ex mari de Mme [M] [E] qui confirme que [K] [E] a aidé sa fille, [F] et son époux en payant les travaux de construction d'une maison,

- une expertise graphologique non judiciaire réalisée à la demande de Mme [M] [E] qui atteste que l'attestation de [K] [E] est authentique et que le document, qui lui a été remis en original, mentionne que la donation a été réalisée en 1981.

Mme [X] [E], dont les conclusions ont été déclarées irrecevables, est réputée s'approprier les motifs du jugement, en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Or, il ressort de ces motifs que Mme [X] [E], qui a également produit une copie de l'attestation rédigée par [K] [E], ne conteste pas que c'est bien ce dernier qui l'a rédigée, mais conteste la date de la donation qui est mentionnée, son exemplaire indiquant l'année 1985. Elle conteste également la véracité des propos de [K] [E], puisque l'attestation a été rédigée trois semaines avant son décès et à une époque où le conflit entre les deux soeurs était patent.

La circonstance que l'expert graphologue atteste que l'attestation de [K] [E] lui a été remise en original et mentionne l'année 1981, que Mme [X] [E] ait acheté avec son époux un terrain pour y construire une maison l'année suivante, en 1982, que l'ex époux de Mme [X] [E] ait le souvenir que [K] [E] a donné de l'argent à sa fille [F] pour sa maison et qu'il soit plus aisé de transformer le chiffre « 1 » en chiffre « 5 » pour obtenir l'année « 1985 » en lieu et place de l'année « 1981 » que l'inverse, établit que [K] [E] avait bien indiqué sur l'attestation que la donation a été réalisée en 1981.

Par ailleurs, les circonstances que cette attestation ait été rédigée par [K] [E] trois semaines avant son décès et à une époque où il existait déjà un conflit entre les deux soeurs à ce propos, n'est pas de nature à établir que les propos qu'il tient sont faux.

En conséquence, par infirmation du jugement, il convient de retenir que Mme [X] [E] a reçu en 1981 une donation de la part de [K] [E] de 180 000 francs, qui lui a permis d'acquérir un terrain à construire à [Localité 14].

Afin de déterminer la somme que Mme [X] [E] doit rapporter à la succession, il convient de prendre en compte la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation, ainsi que le prévoit l'article 860, alinéa 1, du code civil.

Or, il résulte de l'avis de valeur émanant de l'agence [12] du 31 août 2017, que le terrain, sans habitation à l'époque de la donation, peut être évalué aujourd'hui dans une fourchette comprise entre 210 000 et 221 000 euros, de sorte qu'il convient de retenir la somme de 215.500 euros.

En conséquence, il convient de condamner Mme [X] [E] à rapporter à la succession la somme de 215 500 euros, correspondant à la donation de 1981.

Le jugement est donc infirmé.

b. Sur les donations d'un montant total de 27 000 euros

C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que:

- les sommes données en 2012 et 2015 pour un montant total de 4 500 et 2 500 euros sont des dons d'usage non soumis à rapport, au regard de leur montant, de leur caractère ponctuel et des capacités financières des époux [E],

- la somme de 20 000 euros versée entre juin et décembre 2014 au moyen de sept chèques doit, compte tenu de l' importance des sommes et de la courte période, être considérée comme une donation soumise à rapport.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

c. Sur la donation de la somme de 8 690 euros

C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, qui ont relevé qu eMme [M] [E] ne versait aucun élément au dossier permettant de démontrer que Mme [X] [G] avait perçu le plan d'épargne logement de ses parents en 1982, ont rejeté la demande de rapport à la succession de la somme de 8 690 euros.

Le jugement est confirmé de ce chef.

d. Sur la valeur du véhicule Citroën Saxo

C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir relevé que Mme [M] [E] ne produisait aucun élément permettant au tribunal de fixer l'état du véhicule à l'époque de la donation et sa valeur au jour du partage, l'a déboutée de cette demande.

Le jugement est confirmé de ce chef.

2. Sur le recel successoral

Mme [M] [E] soutient que sa soeur a sciemment dissimulé la donation de 180 000 francs, ainsi que le fait qu'elle avait perçu des chèques d'un montant de 27 000 euros et le montant du PEL à hauteur de 8 690 euros.

Réponse de la cour

Selon l'article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.

Il en résulte que le recel successoral consiste en tout acte, comportement ou procédé volontaire par lequel un héritier tente de s'approprier une part supérieure sur la succession que celle à laquelle il a droit et ainsi rompt l'égalité dans le partage successoral.

Compte tenu de ce qui a été précédemment décidé, il y a uniquement lieu d'examiner si Mme [X] [E] a dissimulé dans une intention frauduleuse la donation qui lui a été faite en 1981 de 180 000 francs et les donations d'un montant total de 20 000 euros par chèques émis entre juin et décembre 2014.

S'agissant des chèques émis entre juin et décembre 2014, c'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, qui ont relevé que Mme [X] [E] n'ayant pas contesté avoir reçu la somme de 20 000 euros durant cette période et considérant qu'il ne s'agissait pas de donations rapportables, ont retenu que l'élément intentionnel du recel n'était pas démontré.

S'agissant de la donation de 180 000 francs, contrairement à ce qui est soutenu dans les conclusions de Mme [M] [E], n'est pas produite aux débats la lettre de Me [S], notaire, du 15 février 2016, qui ferait état du refus de Mme [X] [E] de tenir compte de cette donation.

Cependant, il a été démontré ci-avant que Mme [X] [E] a bien cherché à dissimuler cette donation à sa soeur, puis à la juridiction, en produisant une attestation tronquée de [K] [E] faisant apparaître une date erronée et en soutenant qu'elle ne correspondait pas à la réalité au motif qu'elle aurait été dictée par le conflit entretenu avec sa soeur.

Il est ainsi établi que par ces manoeuvres frauduleuses, Mme [X] [E] a cherché à rompre l'égalité avec sa co-héritière.

En conséquence de ces éléments, il convient de retenir que Mme [X] [E] a commis un recel successoral et qu'elle doit être privée de sa part sur cette donation.

3. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [M] [E], en appel. Mme [X] [E] est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 2.000 €.

Les dépens d'appel sont à la charge de Mme [X] [E].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il rejette la demande de rapport à la succession de la somme de 215 500 euros et rejette la demande de recel successoral en ce qui concerne la donation de 180 000 francs;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [X] [E] épouse [D] à rapporter aux successions d'[L] [P] et de [K] [E] la somme de 215 500 euros, correspondant à la donation de 1981,

Dit que Mme [X] [E] épouse [D] a commis un recel successoral sur la donation de 180 000 francs faite à son bénéfice en 1981,

Dit, en conséquence, que Mme [X] [E] épouse [D] est privée de sa part sur la donation de 180 000 francs faite à son bénéfice en 1981,

Condamne Mme [X] [E] épouse [D] à payer à Mme [M] [E] épouse [W], la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne Mme [X] [E] épouse [D] aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/05126
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.05126 ?
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