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03/09/2024 | FRANCE | N°22/04635

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 03 septembre 2024, 22/04635


N° RG 22/04635 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OMFP









Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 01 juin 2022



RG : 15/07099

ch n°9 cab 09 G





S.A.R.L. FASHION PREVIEW



C/



S.A.R.L. DMVB





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 03 Septembre 2024







APPELANTE :



La société FASH

ION PREVIEW

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 438









INTIMEE :



La société DMVB

[Adresse 4]

[Localité 1] - ITALIE



Représentée par Me David LAURAND de la SELARL CINET...

N° RG 22/04635 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OMFP

Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 01 juin 2022

RG : 15/07099

ch n°9 cab 09 G

S.A.R.L. FASHION PREVIEW

C/

S.A.R.L. DMVB

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Septembre 2024

APPELANTE :

La société FASHION PREVIEW

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 438

INTIMEE :

La société DMVB

[Adresse 4]

[Localité 1] - ITALIE

Représentée par Me David LAURAND de la SELARL CINETIC AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1041

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 01 Juin 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Avril 2024

Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société DMVB est une société d'agent commercial de droit italien.

La société Fashion preview exerce une activité d'intermédiaire dans le domaine du textile et de l'habillement.

Le 4 mars 2013, ces deux sociétés ont régularisé un contrat d'agent commercial de distribution, en Italie, des produits de la marque Hudson, pour une durée de trois ans à compter au 1er janvier 2013.

A compter de juin 2013, la société DMVB s'est vue confier, en dehors de tout contrat écrit, la vente des produits Hudson en Russie et dans les pays de la Communauté des Etats Indépendants.

Par courrier recommandé du 16 juillet 2014, la société Fashion preview a notifié à la société DMVB la résiliation du contrat avec un préavis de 8 jours courant à la date de signature du courrier.

Le 25 septembre 2014, la société DMVB a adressé une demande d'indemnisation à la société Fashion preview, à laquelle cette dernière n'a pas donné suite.

Considérant la résiliation unilatérale du contrat brutale et abusive, la société DMVB a assigné la société Fashion preview devant le tribunal de grande instance de Lyon, devenu le tribunal judiciaire de Lyon, en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 1er juin 2022, le tribunal a :

- condamné la société Fashion preview à payer à la société DMVB la somme de 135 966,12 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial,

- condamné la société Fashion preview à verser à la société DMVB la somme de 1 484 euros à titre d'indemnité de rupture anticipée,

- débouté la société Fashion preview [sic] du surplus des demandes,

- condamné la société Fashion preview à verser à la société DMVB la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Fashion preview à supporter les entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 22 juin 2022, la société Fashion preview a relevé appel du jugement.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 13 mars 2023, elle demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et fondé,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions :

statuant à nouveau,

- rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires,

- constater :

sa parfaite exécution de son mandat d'agent commercial à durée déterminée,

les graves manquements de la société DMVB à l'occasion de l'exécution dudit contrat et de sa résiliation,

le caractère justifié de la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société DMVB,

l'absence de brutalité dans la rupture,

la perte de droit à indemnisation de la société DMVB,

en conséquence,

- débouter la société DMVB de sa demande d'indemnité au titre de la cessation du contrat d'agent commercial,

- débouter la société DMVB de sa demande d'indemnité pour rupture anticipée du contrat d'agent commercial,

- débouter la société DMVB de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

vu les conclusions d'appel incident de la société DMVB

rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires

- confirmer le jugement entrepris ce qu'il a :

- débouté la société DMVB de sa demande de condamnation de la société Fashion preview au paiement de la somme de 150 000 euros au titre de l'article 8.2 du contrat d'agent commercial,

- débouté la société DMVB de sa demande de condamnation de la société Fashion preview au paiement de la somme de 541 516.34 euros au titre de l'indemnisation des préjudices durant l'exécution du contrat et au moment de sa résiliation,

- débouté la société DMVB sa demande de condamnation de la société Fashion preview au paiement de la somme de 37 116,60 euros au titre du paiement du solde des factures,

- débouté la société DMVB sa demande de condamnation de la société Fashion preview au paiement de la somme de 10 000 euros pour procédure abusive,
en tout état de cause

- condamner la société DMVB à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens de l'instance.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 3 avril 2023, la société DMVB demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

- écarté l'existence d'une faute grave commise par elle dans le cadre de son mandat d'agent commercial à durée déterminée,

- condamné la société Fashion preview à lui payer une indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,

- condamné la société Fashion preview à lui payer une indemnité de rupture anticipée,

- réformer le jugement s'agissant du montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société Fashion preview au titre de ces indemnités,

statuant à nouveau :

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 251 952,84 euros au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 435 999,30 euros au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat,

majorées des intérêts moratoires à compter de la demande d'indemnisation du 25 septembre 2014,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée des demandes suivantes :

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 150 000 euros au titre de l'article 8.2 du contrat,

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 541 516,34 euros au titre de l'indemnisation due en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par la société Fashion preview durant l'exécution du contrat et au moment de sa résiliation,

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 37 116,60 euros au titre du paiement des factures pro-forma présentées en juillet 2014, juillet et novembre 2015, janvier 2016,

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 10 000 euros à titre d'abus de procédure,

statuant à nouveau :

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 150 000 euros au titre de l'article 8.2 du contrat,

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 541 516,34 euros au titre de l'indemnisation due en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par la société Fashion durant l'exécution du contrat et au moment de sa résiliation,

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 37 116,60 euros au titre du paiement des factures pro-forma présentées en juillet 2014, juillet et novembre 2015, janvier 2016,

- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 10 000 euros à titre d'abus de procédure,

en tout état de cause,
- condamner la société Fashion preview à lui payer la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er juin 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de constatations qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

1. Sur l'indemnité de cessation de contrat

La société Fashion preview sollicite la réformation du jugement déféré en ce qu'il a accordé une indemnité de cessation de contrat à la société DMVB, faisant valoir essentiellement que :
- l'indemnité visée à l'article L. 134-12 du code de commerce n'est pas due car la cessation du contrat est due à la faute grave de la société DMVB, la baisse significative du chiffre d'affaires et le non-respect des objectifs fixés contractuellement ayant pour cause le fait que cette société n'a pas mis en 'uvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de son mandat ;

- certaines fautes de la société DMVB n'ont pas été évoquées dans le courrier de résiliation car elle n'en avait pas connaissance à l'époque ;

- elle a systématiquement rappelé à la société DMVB ses objectifs de vente et les moyens à mettre en 'uvre pour y arriver, a investi des sommes importantes en Italie et mis à disposition de la société DMVB des moyens humains pour former des vendeuses et développer les ventes, en vain.

La société DMVB forme appel incident et sollicite l'allocation d'une indemnisation de 251 952,84 euros à ce titre, soutenant que :
- seuls trois griefs sont invoqués dans le courrier de rupture du contrat d'agent commercial et les nombreux autres griefs développés dans ses conclusions d'appelant doivent être écartés car les agissements dont le mandant avait connaissance avant la rupture du contrat mais qui n'ont pas été repris dans le courrier de résiliation doivent être considérés comme ayant été admis par le mandant et ne peuvent dès lors constituer une faute grave de l'agent commercial ;

- aucun des griefs allégués n'est fondé.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 134-12, alinéa 1, du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Et selon l'article L. 134-13 du même code, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

Il résulte de ces textes que l'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et qui a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité (Com., 16 novembre 2022, pourvois n° 21-17.423 et n° 21-10.126 ; Com., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-23.076).

La faute grave de l'agent commercial est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.

En l'espèce, le courrier de résiliation de la société Fashion preview du 16 juillet 2014, dans sa traduction française non contestée, fait état des trois griefs suivants :

- « Le showroom DMVB n'a pas vendu les quantités minimum imposées sur les dernières périodes de 12 mois »,

- « Au cours de [la] collaboration, DMVB a vécu un turnover de son personnel de vente trop important »,

- « [l']équipe ne parvient pas à présenter toute la collection Hudson et n'a pas une approche de terrain ».

En application du principe énoncé plus avant, les griefs développés par la société Fashion preview dans ses conclusions d'appel - notamment ceux relatifs à la violation de l'article 3 (vente de produits similaires ou concurrents), à l'utilisation d'un sous agent sans en informer son mandant, au défaut d'information de l'existence de nouvelles boutiques de vente en ligne, à la commission de nombreuses erreurs dans la gestion des commandes et à l'existence d'impayés - qui n'ont pas été évoqués dans la lettre de résiliation, ne peuvent être pris en considération pour caractériser la faute grave de l'agent commercial.

L'analyse du courrier du 16 juillet 2014 permet de considérer que la société Fashion preview reproche à la société DMVB de ne pas avoir atteint les objectifs minimums de vente au cours des 12 derniers mois, du fait d'une rotation trop importante de son personnel de vente, d'une incapacité de présenter toute la collection Hudson et d'une absence d'approche de terrain.

La société DMVB reconnaît que les objectifs fixés par le contrat n'ont pas été atteints, à l'exception de la première saison hiver 2013, mais soutient qu'elle ne peut être privée de son droit à indemnité, faute pour la société Fashion preview de démontrer l'existence d'une faute grave de sa part.

S'agissant de la charge de la preuve, en effet, contrairement à ce que soutient la société Fashion preview en page 15 de ses conclusions d'appel, il n'incombe pas « à l'agent commercial de démontrer que [l'absence de réalisation des objectifs] n'est pas la conséquence de sa négligence ou de ses propres carences », mais au mandant de démontrer l'existence d'une faute grave imputable à l'agent commercial. Ainsi, la baisse du chiffre d'affaires ou la perte de clients ne constitue une faute grave que si elle est suffisamment importante et que le mandant prouve qu'elle est due à une activité insuffisante de l'agent qui n'a pas exécuté son mandat en bon professionnel.

Sur ce point, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte sans qu'il y ait lieu de les paraphraser, que les premiers juges ont retenu que :

- la société Fashion preview ne démontre pas que le fléchissement du chiffre d'affaires provient du fait que l'agent commercial a négligé la visite de nouveaux clients,

- alors qu'il appartient à l'agent commercial de mettre en 'uvre les méthodes de prospection qui lui semble le plus adaptées à son secteur d'activité, le grief tiré de l'absence d'approche sur le terrain ne saurait être retenu, la société DMVB ayant, dans un premier temps, fait le choix d'alterner les accueils au show-room et les visites en boutique en fonction des périodes de l'année, puis ayant, dans un deuxième temps, devant l'insistance de la société Fashion preview, accepté de faire une tournée en novembre 2013 avec son mandant et que ses commerciaux fassent des tournées plus fréquentes,

- la société appelante n'établit pas que du fait du turnover trop important de son personnel de vente, la société DMVB n'avait pas une connaissance suffisante du marché pour parvenir à trouver de nouveaux clients ou les fidéliser.

Pour confirmer le jugement déféré, la cour ajoute en premier lieu que, contrairement à ce que soutient la société Fashion preview, elle n'établit pas avoir systématiquement rappelé à la société DMVB ses objectifs de vente et les moyens à mettre en 'uvre pour y arriver, la seule discussion ayant eu lieu sur la question entre les parties étant, ainsi que l'a relevé le tribunal, l'échange de mails de janvier 2014.

En deuxième lieu, si la société Fashion preview développe dans ses conclusions d'appel les griefs qu'elle reproche à la société DMVB, les pièces qu'elle verse aux débats sont très insuffisantes pour établir la preuve effective des manquements reprochés et de leur gravité.

Ainsi, l'allégation selon laquelle le turnover important des salariés de la société DMVB l'aurait obligé à répéter sans cesse les mêmes choses n'est corroborée par aucun élément, la pièce n° 9 visée à l'appui de cette affirmation, intitulée « documentation sur le turnover important au sein des effectifs de DMVB », n'étant constituée que de deux échanges de mails, dont aucun ne met en évidence une difficulté sérieuse liée à la rotation du personnel de vente.

Encore, si l'appelante reproche à la société DMVB un défaut de prospection de la clientèle, elle ne rapporte pas la preuve de la réalité de ce grief, ni que l'absence de visites sur le terrain serait effectivement à l'origine de la baisse du chiffre d'affaires, les « points de préoccupations » évoqués par la société Fashion preview dans son courriel du 9 janvier 2014 ayant fait l'objet d'une réponse argumentée de la part de l'agent commercial et n'étant corroborée par aucun autre élément.

Sur ce point, la comparaison effectuée par la société appelante avec les résultats de ses agents opérant dans le sud de la France et le Benelux n'est pas probante, dès lors que la cour ignore les conditions d'exercice de ces agents, l'ancienneté de leur intervention et le potentiel commercial de ces régions.

Enfin, si la société Fashion preview affirme que postérieurement à la résiliation du contrat d'agent commercial signé avec la société DMVB, son directeur commercial et son nouvel agent ont relevé que la collection Holiday 2014 n'avait pas été présentée à 46 clients italiens et que, suite à la présentation de la collection, elle a réalisé des ventes, elle ne verse à l'appui de ses affirmations strictement aucune pièce.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que la société Fashion preview ne justifie pas d'une faute grave de nature à priver la société DMVB de son droit à l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce.

Cette indemnité a pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune, ce préjudice comprenant la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature.

L'évaluation de cette indemnité relève du pouvoir souverain des juges du fond et il est d'usage de prendre pour référence le montant de deux années de commissions dues à l'agent, calculé sur la base de la moyenne des deux ou trois dernières années.

C'est à tort que la société DMVB sollicite, à titre principal, que l'indemnité soit calculée sur la base des commandes enregistrées et transmises à la société Fashion preview, et non sur la base des seules ventes effectivement conclues, alors qu'ainsi que l'a justement relevé le tribunal, l'article 7 du contrat d'agent commercial stipule que « la commission ne sera versée qu'après paiement intégral du prix de vente par le client », et que les quelques mails versés aux débats par la société intimée ne suffisent pas à établir que des ventes n'auraient pas abouti ou qu'elle aurait été privée de certaines commissions en raison d'erreurs de gestion de commandes commises par la société Fashion preview.

Il ressort de la pièce 38 versée aux débats par la société DMVB (« récapitulatif des commissions DMVB » ; pièce adverse communiquée en première instance dans le cadre de la procédure d'incident) qu'elle a perçu, sur une période de 30 mois, la somme totale de 169'961,40 euros au titre de ses commissions.

En cause d'appel, elle demande à la cour de prendre en considération également la facture pro forma de 42'000 euros qu'elle a adressée à la société Fashion preview le 17 juillet 2014. Dans la partie de ses conclusions relatives à la demande en paiement du solde des factures pro forma, elle fait valoir que depuis juillet 2014, la société Fashion Preview refuse de lui régler les factures de commissions présentées, arguant de réserves sur leur calcul, alors que ces réserves n'enlèvent rien au caractère dû et exigible de la somme de 46 686,60 euros, dont à déduire 9 580 euros réglés en exécution de l'ordonnance du juge de la mise en état.

Il résulte de la pièce n° 39 produite par la société DMVB qu'elle a adressé le 17 juillet 2014 à la société Fashion preview une facture pro forma de 42'000 euros au titre des commissions dues pour le deuxième trimestre 2014, précisant dans son mail d'envoi n'avoir reçu, malgré ses demandes répétées, aucun extrait de compte pour ce trimestre et avoir en conséquence évalué ses commissions sur la base des « confirmations de commande » de la société Fashion preview et « sur seulement 80 % du montant total confirmé pour l'Italie et la Russie pour la saison printemps été 14 (ceci afin de prendre en considération les retours sur impayés) ».

L'article 7 du contrat d'agent commercial stipule que « La commission sera versée à l'agent chaque trimestre, compte tenu des relevés comptables et des autres renseignements fournis à cet égard. Pour qu'une vérification du montant des commissions dues à l'agent puisse être effectuée, la société [Fashion preview] s'engage à transmettre à celui-ci un relevé trimestriel des commandes reçues et des commissions dues ».

La société Fashion preview, qui n'établit pas avoir adressé à la société DMVB, conformément au contrat, ledit relevé de nature à permettre la vérification du montant des commissions dues, est mal fondée à s'opposer à la demande en paiement de l'intimée et il convient en conséquence, après intégration de la facture pro forma de 42'000 euros dans le calcul des commissions perçues sur la période de 30 mois, d'évaluer le montant des commissions perçues sur cette période à la somme de 169 961,40 + 42 000 = 211 961,40 euros.

Aussi convient-il, par infirmation du jugement déféré s'agissant du montant de la condamnation, de condamner la société Fashion preview à payer à la société DMVB la somme de (211 961,40 € / 30 mois) x 24 mois = 169'569,12 euros au titre de l'indemnité compensatrice de cessation de contrat, représentant deux années de commissions.

Compte tenu du caractère indemnitaire de cette somme, les intérêts au taux légal courront à compter du présent arrêt.

2. Sur l'indemnité de rupture anticipée

La société Fashion preview sollicite l'infirmation du jugement déféré et le débouté de la société DMVB de sa demande d'indemnité pour rupture anticipée du contrat d'agent commercial. Elle fait valoir que :
- les dispositions de l'article L. 134-11 du code de commerce ne sont pas applicables lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure ;

- son courrier de résiliation du 24 juillet 2014 respecte le préavis de huit jours prévu au contrat;

- le calcul de la société DMVB ne repose sur aucun élément probant s'agissant de la durée du préavis et du quantum de ses demandes.

La société DMVB conclut également à l'infirmation du jugement et sollicite l'octroi de la somme de 435 999,30 euros au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat.
Elle fait valoir que :
- l'agent commercial qui voit son contrat rompu avant le terme initialement fixé a droit, en application des dispositions de l'article L. 134-12 du code de commerce, à une indemnité qui vise à l'indemniser du préjudice causé par la rupture anticipée de son contrat et ce, peu important que celui-ci soit à durée déterminée ou indéterminée ;
- dès lors qu'elle bénéficiait d'un contrat à durée déterminée devant s'achever le 31 décembre 2015, elle a droit à une indemnité égale au montant net des commissions qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au 31 décembre 2015.

Réponse de la cour

L'indemnité de cessation de contrat que la société Fashion preview a été condamnée à verser à la société DMVB a déjà pour objet de réparer le préjudice subi par cette dernière du fait de la cessation de ses relations contractuelles avec son mandant et il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de faire droit à la demande de l'intimée en paiement d'une indemnité supplémentaire égale au montant des commissions qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au 31 décembre 2015.

En revanche, le tribunal a exactement retenu que la société Fashion preview n'a pas respecté le délai de préavis de huit jours prévu au contrat puisqu'elle a fait partir ce délai à compter de la rédaction du courrier et non de sa réception par l'agent commercial, privant ainsi la société DMVB du droit à la continuation du contrat pendant huit jours.

C'est en conséquence à juste titre qu'il a condamné la société Fashion preview à payer à la société DMVB une indemnité pour rupture anticipée du contrat représentant huit jours de commissions.

Le montant des commissions servant de base au calcul de cette indemnité ayant été réévalué en cause d'appel, il convient, par infirmation du jugement déféré s'agissant du montant de la condamnation, de condamner la société Fashion preview à payer à la société DMVB la somme de (211 961,40 € / 30 mois) x 8/30 jours = 1 884,10 euros.

Compte tenu du caractère indemnitaire de cette somme, les intérêts au taux légal courront à compter du présent arrêt.

3. Sur l'indemnité prévue à l'article 8.2 du contrat d'agent commercial

La société DMVB sollicite, par infirmation du jugement, la condamnation de la société Fashion preview à lui payer une somme de 150 000 euros pour avoir embauché un ancien collaborateur, en violation de l'article 8.2 du contrat.

La société Fashion preview sollicite la confirmation du jugement et le rejet de la demande, faisant valoir notamment qu'à la date de la rupture du contrat d'agent commercial, ledit salarié ne faisait plus partie du personnel de la société DMVB.

Réponse de la cour

L'article 8.2 du contrat d'agent commercial stipule que « La société [Fashion preview] s'engage, pour la durée de ce contrat et pour une période de deux ans suite à son expiration, à ne pas engager le personnel du représentant ou toute personne travaillant pour le représentant.

Dans le cas où la société contreviendrait à cet engagement, elle devrait payer au représentant une somme de 150 000 euros pour chaque fait contrevenant. »

Ainsi que l'a retenu le tribunal, cette clause interdit à la société mandante, pendant la durée du contrat et pendant une période de deux ans après la cessation de celui-ci, d'engager toute personne « travaillant » pour l'agent commercial sous quelque statut que ce soit, l'emploi du participe présent devant conduire à considérer que cette clause n'interdit pas l'embauche de salariés ayant travaillé pour l'agent commercial mais ne travaillant plus pour celui-ci au moment de son recrutement.

Or, il ressort des écritures mêmes de la société DMVB que le collaborateur recruté par la société Fashion preview en juillet 2014 avait cessé de travailler pour elle le 30 avril 2013, soit plus d'un an avant son embauche.

Au vu de ce qui précède, le jugement est confirmé en ce qu'il a jugé que l'embauche de ce salarié par la société Fashion preview n'était pas fautive et a débouté la société DMVB de sa demande en paiement.

4. Sur l'indemnisation des préjudices commerciaux de la société DMVB

La société DMVB sollicite, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la condamnation de la société Fashion preview à lui payer la somme de 541 516,34 euros au titre de sa responsabilité contractuelle, alléguant plusieurs fautes de cette dernière à l'origine de préjudices financiers, d'une désorganisation important de ses services, d'une perte de commissions et d'un préjudice d'image.

La société Fashion preview réplique que les fautes et les préjudices ne sont pas établis.

Réponse de la cour

Comme en première instance, la société DMVB reproche à la société Fashion preview des interférences répétées avec son personnel et ses clients, la multiplication d'erreurs de gestion ayant entraîné une désorganisation importante de ses services, et le caractère brutal de la rupture du contrat qui a rendu inutiles divers investissements, l'a privée de toute collection Denim à proposer à ses clients et l'a contrainte d'annuler divers rendez-vous pris pour la saison printemps été 2015, causant un important préjudice à son image.

Le tribunal a exactement retenu que les interférences alléguées avec le personnel de la société mandataire et les clients, quand bien même elles sont établies, ne peuvent caractériser un comportement fautif dès lors, d'une part, qu'elles présentent un caractère ponctuel et n'ont donc pas porté atteinte au statut d'agent commercial de la société DMVB, d'autre part, que la société mandante est intervenue pour permettre à l'agent commercial d'avoir une force de vente plus présente sur le terrain et a ainsi agi dans un intérêt commun.

La preuve de la multiplication d'erreurs de gestion et de la conséquence de celles-ci sur l'organisation des services de la société DMVB n'est absolument pas rapportée, l'intimée se contentant de verser aux débats quelques échanges de mails courants et d'affirmer, sans verser la moindre pièce à l'appui de cette allégation, qu'elle a été contrainte d'affecter à la marque Hudson du personnel en renfort pour rectifier les erreurs commises par la société Fashion preview pour un coût total de 100'000 euros.

Force est encore de constater, en l'absence de production de la moindre pièce justificative, que la société DMVB échoue à établir le bien-fondé de ses demandes en paiement de la somme de 114'360,48 euros au titre du préjudice résultant de l'absence de collection Denim à commercialiser et de celle de 150'000 euros au titre de son préjudice d'image.

Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société DMVB de sa demande en paiement de la somme de 541'516,34 euros.

5. Sur le paiement du solde des factures

La société DMVB sollicite la condamnation de la société Fashion preview à lui payer la somme de 37 116,60 euros au titre du paiement des factures pro forma, faisant valoir que depuis juillet 2014, la société Fashion Preview refuse de lui régler les factures de commissions présentées, arguant de réserves sur leur calcul, alors que ces réserves n'enlèvent rien au caractère dû et exigible de la somme de 46 686,60 euros, dont à déduire 9 580 euros réglés en exécution de l'ordonnance du juge de la mise en état.

La société Fashion preview réplique qu'il a été prévu contractuellement que le calcul des commissions s'effectue sur les ventes déclarées par la société Fashion preview, soit les ventes facturées aux clients et payées par eux, et ne s'opère pas sur les commandes collectées par la société DMVB qui effectue des factures proforma.

Réponse de la cour

Le tribunal a retenu qu'il a été prévu contractuellement que le calcul des commissions s'effectue sur les ventes déclarées par la société Fashion preview, c'est-à-dire les ventes facturées aux clients et payées par eux, et non sur les commandes collectées par la société DMVB, l'article 7 du contrat stipulant que « l'agent aura le droit de percevoir une commission sur toutes les affaires directement conclues » mais que « la commission ne sera versée qu'après paiement intégral du prix de vente par le client ».

Pour autant, ainsi que la cour l'a énoncé plus avant, l'article 7 ajoute que « Pour qu'une vérification du montant des commissions dues à l'agent puisse être effectuée, la société [Fashion preview] s'engage à transmettre à celui-ci un relevé trimestriel des commandes reçues et des commissions dues ».

Or, il est établi que la société Fashion preview s'est abstenue d'adresser à la société DMVB, conformément au contrat, ledit relevé de nature à permettre la vérification du montant des commissions dues.

Elle apparaît dans ces conditions mal fondée à s'opposer à la demande en paiement de l'intimée et il convient, en conséquence, de faire droit à celle-ci et de condamner la société Fashion preview à payer à la société DMVB la somme de 37 116,60 euros au titre du solde de ses commissions.

Le jugement est infirmé sur ce point.

6. Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société DMVB de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, en l'absence d'abus de la société Fashion preview de son droit de se défendre en justice.

7. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est encore confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

En cause d'appel, la société Fashion preview, partie perdante au principal, est condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société DMVB la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré, sauf :

sur les montants des indemnités de cessation de contrat d'agent commercial et de rupture anticipée,

en ce qu'il déboute la société DMVB de sa demande en paiement du solde des factures de commissions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Fashion preview à payer à la société DMVB la somme de 169'569,12 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Condamne la société Fashion preview à payer à la société DMVB la somme de 1 884,10 euros à titre d'indemnité de rupture anticipée, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Condamne la société Fashion preview à payer à la société DMVB la somme de 37 116,60 euros au titre du solde des factures de commissions,

Condamne la société Fashion preview à payer à la société DMVB la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Fashion preview aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/04635
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.04635 ?
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