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03/09/2024 | FRANCE | N°22/04422

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 03 septembre 2024, 22/04422


N° RG 22/04422 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLVC









Décision du

Tribunal Judiciaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Au fond

du 21 avril 2022



RG : 19/01006





S.A.S. IMMOBILIERE [P]



C/



[Y]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 03 Septembre 2024





APPELANTE :



La société IMMOBILIERE [P]

[Adres

se 8]

[Localité 7]



Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

ayant pour avocat plaidant la SCP AXIOJURIS LEXIENS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE



INTIME :



M. [I] [Y]

né le [Date naissa...

N° RG 22/04422 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLVC

Décision du

Tribunal Judiciaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Au fond

du 21 avril 2022

RG : 19/01006

S.A.S. IMMOBILIERE [P]

C/

[Y]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Septembre 2024

APPELANTE :

La société IMMOBILIERE [P]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

ayant pour avocat plaidant la SCP AXIOJURIS LEXIENS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

INTIME :

M. [I] [Y]

né le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représenté par Me Didier SARDIN de la SCP SARDIN ET THELLYERE (ST AVOCATS), avocat au barreau de LYON, toque : 586

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 13 Mai 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mai 2024

Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024

Audience tenue par Stéphanie LEMOINE, président, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Mme [I] [Y] est propriétaire sur la commune de [Localité 10] (Rhône) de la parcelle cadastrée AV [Cadastre 3].

La société Immobilière [P] (la société) était propriétaire de la parcelle cadastrée AV [Cadastre 4], située en contrebas de la précédente et séparée de celle-ci par un mur de soutènement construit perpendiculairement à la pente du talus.

Le 15 avril 2012, suite à de fortes pluies, une partie du mur de soutènement s'est effondrée.

Le 16 avril 2012, dans le cas d'une procédure d'arrêté de péril, le tribunal administratif de Lyon a désigné M. [U] en qualité d'expert.

Par ordonnance du 17 juillet 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a ordonné une expertise judiciaire qui a été confiée à M. [R]. Par une nouvelle ordonnance du 24 mai 2016, le juge des référés a prononcé la caducité de la mesure d'expertise, faute de versement de la provision complémentaire à valoir sur la rémunération de l'expert dans le délai. L'expert a déposé son rapport en l'état le 8 septembre 2016.

Le 25 avril 2019, la société a vendu son tènement immobilier à une société tierce, l'acte notarié prévoyant expressément que « les conséquences [de la procédure en cours tenant à l'effondrement d'une terrasse et d'un mur de soutènement] resteront à la charge ou au profit du vendeur ».

Le 5 novembre 2019, Mme [Y] a fait assigner la société devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, devenu le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône, aux fins d'obtenir notamment sa condamnation sous astreinte à réparer le mur séparant leurs fonds et à indemniser ses préjudices.

Par un jugement du 21 avril 2022, le tribunal a :

- condamné la société à réparer le mur séparant son fonds de celui de Mme [Y] et à faire valider sa réparation par un bureau d'études dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous peine, une fois passé ce délai d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, cette astreinte étant prononcée pour une durée de six mois,

- condamné la société à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :

4 746,21 euros au titre des dommages matériels outre indexation sur l'indice de la construction relatif aux travaux de réparation à compter de la signification de la décision,

4 293,34 euros au titre des frais divers et frais de relogement,

11 600 euros au titre du trouble dans les conditions de vie et de privation de son habitation,

9 300 euros au titre du préjudice de jouissance,

3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société de sa demande de dommages-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

-débouté la société de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société à supporter les entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 15 juin 2022, la société a relevé appel du jugement.

Saisi par cette dernière, le délégué du premier président de la cour d'appel de Lyon a, par ordonnance de référé du 5 décembre 2022, rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Par conclusions notifiées le 16 avril 2024, la société demande à la cour, au visa des articles 653 et 655 du code civil, d'infirmer la décision dont appel, et statuant à nouveau, de :

- juger l'action de Mme [Y] mal fondée,

- débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes compte tenu de la faute commise par de précédents propriétaires qui ne se trouvent pas être les auteurs de la société,

A titre subsidiaire,

- juger que la responsabilité de la société n'est que partielle,

- juger que la reprise du mur doit se faire à frais communs avec le concours de l'ensemble des propriétaires mitoyens concernés, dont certains ne sont pas à la procédure, mais à l'encontre desquels la société démontre agir,

- juger que le préjudice de Mme [Y] n'est pas justifié, et rejeter toutes ses demandes à ce titre,

A défaut, si la cour par extraordinaire devait retenir le principe d'une responsabilité de la société,

- juger qu'elle ne peut intervenir du fait de l'existence d'un arrêté de péril en date du 8 juin 2023,

- réduire le préjudice de Mme [Y] dans des proportions moindres, notamment s'agissant du trouble indiqué dans les conditions de vie et privation d'habitation qui ne pourra être de 400 euros par mois,

- rejeter l'appel incident de Mme [Y] pour perte de jouissance de 1,60 m de passage à hauteur de 150 euros par mois,

- condamner Mme [Y] à lui régler 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

A défaut à titre très subsidiaire,

Avant dire droit,

- ordonner une expertise confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de nommer avec pour mission d'achever celle confiée à monsieur [R] dont le rapport a été déposé en l'état, la société offrant de faire l'avance des frais d'expertise,

- condamner Mme [Y] à lui régler une somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] aux entiers dépens.

À l'appui de son appel, la société fait valoir essentiellement que :

- conformément à la jurisprudence qui considère que la présomption de mitoyenneté édictée par l'article 653 du code civil cède lorsqu'il s'agit d'un mur de soutènement, qui est alors présumé appartenir à celui dont il soutient les terres et qui en profite, il appartenait à Mme [Y], dont la propriété se trouve au-dessus de la sienne, d'assurer l'entretien du mur litigieux ;

- subsidiairement, ce mur est un ouvrage mitoyen et l'obligation contractuelle d'entretien ne fait pas de la société son propriétaire ; Mme [Y] est dans l'impossibilité de prouver la propriété exclusive de la société sur le mur, de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1386 du code civil ;

- les dispositions de la convention des 12 et 13 août 1878 n'ont plus à s'appliquer car elles sont devenues caduques du fait de leur méconnaissance par les propriétaires situés en amont (exhaussement excessif du mur et aménagement d'une terrasse sans étude de sol préalable) ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de prononcer un partage de responsabilité en raison, d'une part, du caractère illégal de l'installation d'évacuation des eaux pluviales des fonds supérieurs, d'autre part, du fait qu'elle a bien réalisé l'entretien du mur mis à sa charge ;

- un complément d'expertise s'avère nécessaire et il ne peut lui être reproché de ne pas avoir versé le complément de rémunération de l'expert en lieu et place des demandeurs ; le rapport d'expertise de M. [U] ne lui est pas opposable ;

- les préjudices allégués par Mme [Y] n'ont pas à être supportés par elle, dès lors qu'une partie des dépenses alléguées aurait été également exposée si l'intimée était restée chez elle, que le devis produit en pièce adverse n° 9 est sans rapport avec le litige et qu'elle ne justifie pas qu'elle utilisait le passage situé le long du mur, de sorte que le préjudice de perte de jouissance n'est pas justifié.

Par conclusions notifiées le 29 septembre 2023, Mme [Y] demande à la cour, au visa des articles 655, 1134 ancien et 1386 ancien du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à réparer le mur sous astreinte et à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation :

dommages matériels 4 746,21 euros

frais divers 4 293,34 euros

troubles dans ses conditions de vie

et privation de son habitation 11'600 euros,

article 700 du code de procédure civile 3 500 euros,

entiers dépens d'instance,

- réformer le jugement pour le surplus,

- condamner la société à lui payer pour le préjudice de jouissance la somme de 14'700 euros, à parfaire au jour de la réalisation des travaux, correspondant à une indemnité de 150 euros par mois jusqu'à la complète réalisation des travaux et validation par un bureau d'études,

- condamner la société à lui payer la somme de 4 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.

Mme [Y] fait valoir essentiellement que :

- bien que le mur et le terrain d'assiette soient mitoyens, les dispositions de l'article 655 du code civil doivent être écartées au profit de la convention de 1878 qui s'impose à la société ;

- l'effondrement partiel du mur est dû de manière certaine à un défaut d'entretien, lequel conduit à l'entière responsabilité de la société ; en effet, celle-ci n'a pas satisfait à l'obligation d'entretien dont elle est contractuellement débitrice;

- la société est mal fondée à demander un complément d'expertise alors qu'elle est à l'origine de la fin prématurée de la première expertise judiciaire, faute d'avoir fait l'avance de la provision complémentaire ;

- la société ne peut échapper à la responsabilité fondée sur l'article 1386 du code civil, en l'absence de preuve d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime, le rehaussement du mur n'étant pas de son fait et les tuyauteries photographiées par l'huissier de justice mandaté par la société n'étant pas sa propriété ;

- elle justifie de ses préjudices et notamment de l'impossibilité d'avoir accès pleinement à toute la parcelle dont elle est propriétaire en raison de la menace d'effondrement du mur.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la condamnation de la société à réparer le mur sous astreinte

Aux termes de l'article 653 du code civil, dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire.

Et en application de l'article 655 du même code, la réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun.

La présomption de mitoyenneté des murs de séparation n'est pas applicable au mur de soutènement.

Par ailleurs, selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Et selon l'article 1142 du même code, également dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance précitée, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur.

En l'espèce, il ressort de deux conventions des 12 et 13 août 1878 que le mur litigieux a été édifié par M. [H], prédécesseur de la société, sur une bande de terrain appartenant à Mme [Z], prédécesseur de Mme [G], voisine de Mme [Y], qu'elle lui a cédé à cette fin. La convention du 13 août 1878 précise que « le mur ne pourra être élevé de plus d'un mètre au-dessus du sol de Mme veuve [Z] » et qu'il « sera fait par M. [H] et à ses frais, son recours contre Mme veuve [Z] [et qu'il] sera néanmoins mitoyen soit quant au sol, soit quant à la construction, mais Mme Veuve [Z] ne sera tenue de contribuer qu'aux réparations que nécessitera la partie du mur qui s'élèvera au-dessus de son sol ; au-dessus du sol de Mme [Z], ce mur n'aura qu'une épaisseur de 40 centimètres, de manière que le passage entre ce mur et la maison de Mme veuve [Z] conserve une largeur de un mètre soixante centimètres ».

Si les parties s'entendent pour considérer que le mur litigieux est un mur de soutènement, ce qui conduit à écarter la présomption de mitoyenneté de l'article 653, le caractère mitoyen du mur résulte néanmoins expressément de ces deux conventions.

En revanche, par application de ces mêmes conventions, la charge des travaux de réparation incombe exclusivement au propriétaire du fonds situé en aval, à l'exception de la partie du mur s'élevant au-dessus du sol de la propriété actuelle de Mme [G], pour laquelle la contribution du propriétaire du fonds supérieur est requise.

C'est vainement que la société tente de déplacer le débat sur la question de la preuve de la pleine propriété du mur, alors qu'ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la question ne porte pas sur la propriété du mur mais sur le point de savoir si la société a correctement exécuté les obligations contractuelles mises à sa charge par les conventions de 1878.

Sur ce point, il ressort du rapport d'expertise de M. [U] du 18 avril 2012 que « le mur de soutènement de la partie haute est en état de vétusté préoccupant. Une forte végétation arbustive s'est développée aussi bien sur la plateforme supérieure que dans les joints de pierre. [...] M. [D] [P], propriétaire de l'immeuble depuis 18 ans, a toujours vu cet ouvrage. Selon les occupants des lieux, aucun entretien n'a été effectué depuis un quart de siècle. [...] L'état de dégradation des murs de soutènement laisse à penser qu'ils ne sont pas en mesure de résister à la pression hydrostatique produite par les arrivées d'eau tellurique sur un versant à forte déclivité ».

Contrairement à ce que soutient la société, ce rapport d'expertise lui est opposable puisqu'il a été versé aux débats et qu'il est corroboré par les éléments suivants :

- le rapport d'expertise judiciaire de M. [R], architecte, qui, bien que déposé en l'état, mentionne que « la visite des lieux a permis [...] de constater que les ouvrages de soutènement sur l'ensemble des parcelles concernées par l'expertise étaient en très mauvais état », l'expert retenant « à ce stade de l'expertise [...] le défaut général d'entretien des espaces non construits et des ouvrages de soutènement » ;

- le rapport d'expertise de M. [S], géomètre, qui précise, en page 8, que « le mur séparatif au droit de la parcelle AV [Cadastre 2] [est] pour partie effondré » ;

- les photographies versées aux débats par les parties.

La société n'est pas fondée à opposer à Mme [Y] la caducité des dispositions contractuelles relatives à l'entretien du mur en raison de l'exhaussement excessif du mur et de l'aménagement d'une terrasse sans étude de sol préalable, alors, d'une part, que ces constructions ne sont pas le fait de l'intimée mais de la propriétaire de la parcelle voisine, d'autre part, que l'appelante ne rapporte pas la preuve qu'elles ont provoqué ou précipité la dégradation du mur.

Elle n'est pas non plus fondée à solliciter un partage de responsabilité en raison du caractère illégal de l'installation d'évacuation des eaux pluviales des fonds supérieurs et du fait qu'elle a bien réalisé l'entretien du mur mis à sa charge, alors, d'une part, que M. [R] relève, en page 8 de son rapport, qu'il « paraît plus vraisemblable que ce soit la détérioration de la base du mur de soutènement qui soit à l'origine du désemboîtement de canalisations sur la propriété [G], plutôt que l'inverse », d'autre part, que la société ne rapporte pas la preuve de l'entretien qu'elle allègue antérieurement à la procédure d'arrêté de péril, M. [U] ayant relevé dans son rapport d'expertise, ainsi que cité plus avant, que « selon les occupants des lieux, aucun entretien n'a été effectué depuis un quart de siècle » et M. [R] ayant relevé quant à lui « qu'un problème de détérioration de la base du mur de soutènement aux droits de la parcelle AV [Cadastre 2] avait été signalé en mai 1999 à M. [P], sans qu'il y ait eu une suite ».

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de complément d'expertise, dès lors que la société pouvait effectuer elle-même le versement du complément de la provision sur frais d'expertise, comme suggéré par le magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône par courrier du 31 mars 2016, afin de permettre le dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire complet.

Enfin, si l'expert judiciaire note que la société a réalisé d'importants travaux en décembre 2012 et janvier 2013 pour le renfort des murs de soutènement, il précise que ces travaux « mettent surtout en sécurité l'immeuble de la propriété [P], et préviennent un éventuel glissement de terrain aux droits de la propriété [O] », ce dont il se déduit qu'ils n'assurent pas directement la sécurité de la parcelle de Mme [Y].

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société à réparer le mur séparant son fonds de celui de Mme [Y] et à faire valider sa réparation par un bureau d'études.

S'agissant de l'astreinte, la cour observe que s'il ressort du courrier du 22 juin 2023 de la ville de [Localité 10] qu'un arrêté municipal de mise en sécurité urgente du 8 juin 2023 interdit de passer à l'intérieur de l'immeuble situé [Adresse 5], la société ne démontre pas que la réalisation des travaux sur le mur de soutènement implique nécessairement de passer par l'intérieur de cet immeuble et qu'aucun autre accès au mur n'est envisageable.

Aussi convient-il de confirmer également le jugement en ce qu'il a assorti l'obligation de réparation d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, pour une durée de six mois.

2. Sur l'indemnisation des préjudices

Il ressort du rapport d'expertise de M. [U] que l'immeuble de Mme [Y] « est en bon état malgré quelques fissures anciennes apparentes » et que « au nord, la coursive s'est partiellement effondrée dans la parcelle cadastrée [Cadastre 4] en contrebas ».

En outre, il est établi que l'intimée a été contrainte de quitter son logement d'avril 2012 à août 2015.

Au vu des observations de l'expert, le tribunal a fait droit à juste titre à la demande de l'intimée de voir condamner la société à lui verser la somme de 4 746,21 euros au titre des travaux de « remontage [d'un] mur en pierre », selon devis du 22 février 2017.

C'est encore à juste titre qu'il l'a condamnée à lui verser une somme de 11'600 euros au titre du trouble dans les conditions de vie et de la privation de son habitation pendant une durée de plus de trois ans.

Par ailleurs, si les frais de réexpédition du courrier à hauteur de 3,83 euros par mois et de loyer à hauteur de 50 euros par mois sont justifiés, tant pour la période d'hébergement chez sa fille que pour la période de relogement par la mairie, en revanche, la demande de remboursement des charges d'eau, d'énergie et de box Internet n'est pas justifiée dans la mesure où Mme [Y] aurait dû exposer ces mêmes dépenses en cas de maintien à son domicile.

Aussi convient-il, par infirmation du jugement sur ce point, de condamner la société à payer à l'intimée la somme de 1 961,07 euros au titre des frais divers et de relogement.

Enfin, la menace d'effondrement du mur privant Mme [Y] de la possibilité d'avoir accès pleinement à toute sa parcelle, elle subit un préjudice de jouissance qui est justement réparé par l'allocation d'une somme de 98 mois x 100 € = 9 800 euros, mois de septembre 2023 inclus.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a fixé ce préjudice de jouissance à la somme de 9 300 euros

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

En cause d'appel, la société, partie perdante au principal, est condamnée aux dépens et à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Immobilière [P] à payer à Mme [I] [Y] la somme de 4 293,34 euros au titre des frais divers et de relogement et celle de 9 300 euros au titre du préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Immobilière [P] à payer à Mme [I] [Y] :

la somme de 1 961,07 euros au titre des frais divers et de relogement,

celle de 9 800 euros au titre du préjudice de jouissance, mois de septembre 2023 inclus,

Condamne la société Immobilière [P] à payer à Mme [I] [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Immobilière [P] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/04422
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.04422 ?
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