N° RG 22/04002 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OKVK
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond
du 29 mars 2022
RG : 15/02304
ch n°1 cab 01 B
[V]
[V]
[V]
[V]
C/
[L] [N]
S.A.R.L. FB CONSTRUCTION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 03 Septembre 2024
APPELANTS :
M. [T] [V]
né le 09 Juillet 1958 à [Localité 15] (69)
[Adresse 8]
[Localité 11]
M. [M] [R] [V]
né le 24 Avril 1950 à [Localité 17] (69)
[Adresse 13]
[Localité 7]
M. [G] [A] [V]
né le 04 Juillet 1954 à [Localité 15] (69)
[Adresse 5]
[Localité 6]
Mme [U] [F] [V] épouse [O]
née le 08 Septembre 1959 à [Localité 15] (69)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentés par Me Ingrid JOLY de la SELARL JOLY - GATHERON, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
INTIMEES :
Me [J] [L] [N], notaire
[Adresse 2]
[Localité 16]
Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1813
ayant pour avocat plaidant Me Véronique CHIARINI de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocat au barreau de NIMES, toque : A102
La société FB CONSTRUCTION
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représentée par Me Jean-marc HOURSE de la SELARL CABINET JEAN MARC HOURSE, avocat au barreau de LYON, toque : 346
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 15 Juin 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Avril 2024
Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte du 13 avril 2012, Mr [D] [V] et son épouse Mme [E] [K] ont signé un compromis de vente avec la SARL FBCI Patrimoine devenue FB construction, portant sur un terrain sis sur la commune de [Localité 12] [Adresse 14], moyennant le versement du prix de 350.000 €.
Il était stipulé dans l'acte diverses conditions suspensives dites « de droit commun » ainsi que trois conditions dites « conventionnelles » portant sur :
- un document d'arpentage qui doit être établi dans un délai de deux mois de l'acte, afin qu'il en soit justifié lors du dépôt du permis de construire,
- l'obtention du permis de construire pour l'acquéreur, expurgé de tout droit de recours, et retrait administratif pour l'édification d'un ensemble immobilier, d'une surface de hors d''uvre nette de 480 m2 , au plus tard dans un délai de 9 mois à compter de l'acte,
- la pré-commercialisation de 60% des m2 de SHON.
La réitération de l'acte devait avoir lieu au plus tard le 28 février 2013.
Il était également stipulé dans l'acte une clause pénale d'un montant de 35.000 € versée par la partie défaillante en cas de refus de réitération de l'acte, toutes clauses suspensives réalisées.
Enfin, les parties sont convenues de l'absence de dépôt de garantie.
Par avenant du 23 janvier 2013, les parties ont prorogé la date de réitération au 6 mai 2013 et la prise en charge des frais de géomètre pour le document d'arpentage a été modifiée dans le sens qu'elle était désormais à la charge de l'acquéreur.
Par un troisième avenant signé les 22 octobre et 4 novembre 2013, outre le report de la date de réitération au 30 novembre 2013, les parties ont convenu :
- de porter le prix de vente à 365.000 € ;
- du versement d'un acompte de 17.500 € par l'acquéreur, par la comptabilité du notaire;
- du renoncement par l'acquéreur à la condition suspensive d'obtention du permis de construire et de pré-commercialisation telle que prévue dans le compromis de vente,
- du versement par l'acquéreur dans les 8 jours, directement entre les mains du vendeur, d'une somme de 15.000 € qui s'imputera sur le prix de vente en cas de réitération de l'acte ou qui restera acquise au vendeur en cas de non-réitération de l'acte.
Par un 4ème avenant signé les 15 et 23 janvier 2014, les parties ont convenu de :
- porter le prix de vente à la somme de 415.000 € ;
- du report de la réitération de la vente en acte authentique au 18 mars 2014 ;
- du versement par l'acquéreur d'une somme de 50.000 € qui s'imputera sur le prix de vente en cas de réitération de l'acte ou qui restera acquise au vendeur en cas de non-réitération de l'acte.
Le permis de construire a été délivré par le maire de [Localité 12] le 3 février 2014.
Par lettre du 26 février 2014, le notaire des acquéreurs s'est étonné auprès de celui des vendeurs de ce que le terrain objet de la vente faisait partie d'un lotissement soumis à un cahier des charges alors que le compromis n'en faisait pas état et a sollicité les documents relatifs à ce lotissement.
La société FB construction a par ailleurs été destinataire d'un courrier du 27 février 2014 du conseil d'un propriétaire voisin du lot litigieux lui faisant sommation de renoncer à son projet de construction au regard des dispositions du cahier des charges du lotissement faisant interdiction de toute construction.
[D] [V] est décédé le 20 mars 2014, laissant pour lui succéder son épouse et ses quatre enfants.
Après divers échanges de courriers aux fins d'obtenir communication de l'arrêté de lotir et du cahier des charges du lotissement, une mise en demeure d'avoir à signer l'acte authentique a été adressée à la société FBCI Patrimoine le 17 septembre 2014 par Mr [T] [V].
Considérant que les vendeurs avaient manqué à leur obligation d'information relative à la constructibilité du terrain, la société FB construction a suivant exploits des 6 et 17 février 2015 fait assigner Mme [K] épouse [V] et à Mr [T] [V], aux fins de voir prononcer la résolution du compromis de vente et des avenants, de se voir restituer la somme de 65.000 € et de se voir indemniser de son préjudice.
Par acte d'huissier en date des 17, 18 et 24 mai 2018 la société FB construction a appelé en intervention forcée Mr [M] [V], Mme [U] [V] et Mr [G] [V] aux même fins, à la suite du décès de leur mère le 15 août 2017.
Le 30 décembre 2019 la société FB construction a appelé en cause Maître [J] [L]-[N], notaire, aux fins de voir engager sa responsabilité et de la condamner à réparer son préjudice et en garantie des condamnations mises à sa charge.
La jonction des procédures a été prononcée.
Par jugement du 29 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- déclaré irrecevable l'action de la société FB construction à l'encontre de Maître [L] [N],
- déclaré irrecevable la demande des consorts [V] de voir constater judiciairement la vente de la parcelle sise à [Localité 12] [Adresse 14] cadastrée section BM n°[Cadastre 9],
- prononcé la résolution judiciaire du compromis de vente signé le 13 avril 2012 ainsi que ses avenants, notamment des 22 octobre et 4 novembre 2013 ainsi que des 15 et 23 janvier 2014,
- condamné solidairement Mr [T] [V], Mr [M] [V], Mr [G] [V] et Mme [U] [V] épouse [O] à restituer à la société FB construction la somme de 65.000 € versée, en conséquence de la résolution du compromis de vente et de ses avenants,
- condamné in solidum Mr [T] [V], Mr [M] [V], Mr [G] [V] et Mme [U] [V] épouse [O] à payer à la société FB construction la somme de 48.860 € à titre de dommages et intérêts,
- débouté la société FB Construction pour le surplus de ses demandes indemnitaires,
- débouté Mr [T] [V], Mr [M] [V], Mr [G] [V] et Mme [U] [V] épouse [O] de toutes leurs demandes à l'encontre de la SARL FB construction,
- condamné Mr [T] [V], Mr [M] [V], Mr [G] [V] et Mme [U] [V] épouse [O] à payer à la SARL FB construction la somme de 2.000 € en application des dispositions de l`article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [L] [N] de sa demande en application des dispositions de l`article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mr [T] [V], Mr [M] [V], Mr [G] [V] et Mme [U] [V] épouse [O] aux dépens de l`instance en ce compris les frais de publication des actes de procédure au service de la publicité foncière,
- condamné la SARL FB construction aux dépens de l`instance l`opposant à Mme [L] [N],
- autorisé les avocats qui en ont fait la demande à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement,
- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples et contraires.
Par déclaration du 1er juin 2022, les consorts [V] ont interjeté appel de ce jugement.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 14 avril 2023, les consorts [V] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable l'action de la société FB Construction à l'encontre de Mme [L] [N],
- déclaré irrecevable leur demande de voir constater judiciairement la vente de la parcelle sise à [Localité 12] [Adresse 14] cadastrée section BM n°[Cadastre 9],
- prononcé la résolution judiciaire du compromis de vente signé le 13 avril 2012 ainsi que ses avenants notamment des 22 octobre et 4 novembre 2013 ainsi que des 15 et 23 janvier 2014,
- les a condamnés solidairement à restituer à la société FB Construction la somme de 65.000 € versée en conséquence de la résolution du compromis de vente et de ses avenants,
- les a condamnés in solidum à payer à la société FB Construction la somme de 48.860 € à titre de dommages et intérêts,
- les a déboutés de toutes leurs demandes a l'encontre de la SARL FB Construction,
- les a condamnés à payer à la SARL FB Construction la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les a condamnés aux dépens de l'instance en ce compris les frais de publication des actes de procédure au service de la publicité foncière,
- a débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples et contraires.
et statuant à nouveau,
- débouter la société FB Construction et Maître [L] [N] de toutes leurs contestations et demandes contraires,
à titre principal,
- déclarer la demande de réitération de la vente recevable,
- prononcer et ordonner la vente par les consorts [V] à la société FB Construction, un terrain « d'une superficie de 4.000 m² environ à détacher d'un plus grand corps situé à [Localité 12] [Adresse 14], ledit immeuble figurant au cadastre sous les références suivantes : Section BM n° [Cadastre 9], [Adresse 14], pour une contenance de 1 hectare, 26 ares et 13 centiares,
- enjoindre à la société FB Construction de consigner le solde du prix, soit 350.000 € entre les mains de Maître [L]-[N], notaire à [Localité 16] (Gard) au plus tard dans le délai d'un mois qui suivra le jour où le jugement à intervenir sera devenu définitif,
- ordonner que l'arrêt à intervenir vaudra vente définitive et en conséquence ordonner sa publication à la conservation des hypothèques,
- condamner la société FB Construction à leur payer :
* la somme de 350.000,00 € à titre de solde principal du prix convenu après déduction des acomptes versés, étant précisé que cette somme, qui aura été consignée chez le notaire, pourra être perçue par eux après publication du jugement à la conservation des hypothèques,
* les intérêts au taux légal sur ce solde à compter du 18 mars 2014,
* la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société FB construction aux entiers dépens de l'instance, y compris les frais de publication des présentes conclusions et de l'arrêt à intervenir, à la conservation des hypothèques, le tout distrait et recouvré au profit de Maître Ingrid Joly, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
- juger qu'ils ont renoncé à la réalisation de la vente, en usant de la faculté conventionnelle de rupture unilatérale du compromis,
- prononcer, en conséquence, la résiliation du compromis de vente conclu le 13 avril 2012, entre Mr [D] [V], Mme [E] [K] veuve [V], et la société FB Construction, ainsi que des avenants modificatifs ultérieurs, à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
- débouter la société FB Construction de sa demande de nullité du compromis de vente, pour quelque cause que ce soit, et notamment pour dol,
- débouter la société FB Construction de toute demande tendant à la restitution des sommes versées à titre d'acompte sur le prix de vente.
- condamner la société FB Construction à leur payer :
* la somme de 35.000 € en application de la clause pénale stipulée au compromis de vente du 13 avril 2012,
* la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de l'immobilisation injustifiée du bien pendant huit années,
* la somme de 347.600 € au titre du préjudice économique,
* la somme de 5.000 € pour frais de procédure irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société FB Construction aux entiers dépens de l'instance, le tout distrait et recouvré au profit de Maître Ingrid Joly, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
à titre infiniment subsidiaire,
- débouter la société FB Construction de sa demande de restitution de la somme de 65.000€,
- rejeter la demande présentée par la société FB Construction, en cause d'appel au titre des intérêts,
- débouter la société FB Construction de sa demande de remboursement de frais à hauteur de 58.460,80€, ou à tout le moins la réduire à la somme de 24.800 €.
si la cour d'appel de céans confirme le jugement entrepris,
- juger recevable leurs demandes présentées à l'encontre de Maître [L] [N],
- juger que l'action à l'encontre de Maître [L] [N] n'est pas prescrite,
- retenir la responsabilité de Maître [L]-[N], sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil,
- condamner Maître [L]-[N] à les relever et garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre, à quelque titre que ce soit,
- condamner Maître [L]-[N] à leur payer :
* la somme de 40.000 €, au titre du préjudice d'immobilisation durant 8 années,
* la somme de 347.600 € au titre du préjudice économique,
- condamner Maître [L]-[N] à leur payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Maître [L]-[N] aux entiers dépens de l'instance, distraits et recouvrés au profit de Maître Ingrid Joly, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2022, la société FB Construction, anciennement dénommée FBCI Patrimoine demande à la cour de :
sur l'anéantissement du compromis et des avenants,
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la résolution du compromis et des avenants,
- en tant que de besoin, retenir le dol pour prononcer la nullité du compromis.
sur les demandes des appelants,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants de l'ensemble de leurs demandes, prétentions et moyens de droit,
- déclarer irrecevable la demande afférente à la réitération, faute de publication au bureau de la publicité foncière.
sur la responsabilité de Maître [L]-[N],
- réformer le jugement en ce qu'il a retenu la prescription de l'action et retenir la responsabilité de Maître [L]-[N],
- condamner ce notaire à payer in solidum l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre des consorts [V], soit 65.000 € outre intérêts, et 58 860,80 € outre intérêts,
sur les postes de préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les consorts [V] à payer 65.000 €, sauf à rajouter l'intérêt au taux légal à compter du 15 octobre 2014,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les mêmes à rembourser 48.400 € au titre des frais engagés,
- réformer le jugement en ce qu'il a déduit 10.000 €, et, par voie de conséquence, condamner de surcroît les consorts [V] à payer ces 10.000 €, soit un total de 58.460,60 €,
- condamner les consorts [V] et Maître [L]-[N] aux entiers dépens, outre une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 3 mai 2023, Maitre [J] [L] [N] demande à la cour de :
tenant l'article 564 du code de procédure civile,
- juger irrecevables les nouvelles demandes présentées par les consorts [V] pour la première fois devant la cour à l'encontre du notaire,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon en date du 29 mars 2022, en ce qu'il a jugé prescrite l'action de la société FB construction par application de l'article 2224 du code civil,
subsidiairement, en cas de réformation,
- juger l'action de la société FB construction et des consorts [V] à l'encontre du notaire, infondée,
très subsidiairement,
- juger que le notaire n'a commis aucune faute,
- juger qu'il n'existe aucun préjudice en relation de causalité avec l'intervention du notaire,
- débouter la société FB construction et les consorts [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause,
- débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner tout succombant aux entiers dépens, au profit de la SAS Tudela Werquin et associés avocats associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 juin 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées
MOTIFS DE LA DÉCISION
1° sur la demande de constatation de la vente de la parcelle litigieuse :
Les consorts [V] demandent le prononcé judiciaire de la vente de la parcelle litigieuse et font valoir que le tribunal a retenu à tort que le délai conventionnel de deux mois pour agir en exécution de la vente était expiré et leur action forclose alors que ce délai de forclusion totalement déraisonnable constitue une limite au droit d'accès à un tribunal tel que le prévoit l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et doit être écarté dès lors qu'il ne poursuit pas un but d'intérêt général, qu'il n'était pas exposé clairement dans l'avant-contrat lequel contenait d'autres clauses contradictoires et qu'ils pouvaient comprendre qu'aucun délai ne leur était imposé pour mettre en demeure l'autre partie de signer l'acte authentique et poursuivre la réalisation de la vente, qu'au surplus, à la date d'expiration du délai le 18 mai 2014, la société FB Construction n'avait toujours pas refusé expressément de réitérer l'acte authentique et qu'enfin le décès de Mr [D] [V] le 20 mars 2014 a suspendu toute démarche le temps de la liquidation de la succession et les a empêchés d'exercer un recours concret et effectif dans le délai prévu.
Ils précisent que l'article 37 du décret du 14 octobre 1955 ne prévoit pas que la demande de réitération forcée doit être publiée sous peine de nullité de la demande.
La société FB Construction qui fait valoir en réplique que la demande de réitération forcée est irrecevable faute pour les appelants de justifier de sa publication, conclut par ailleurs à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable cette action en faisant valoir que les consorts [V] bénéficiaient d'un délai contractuel de deux mois pour solliciter la réitération forcée et que la mise en demeure qu'ils lui ont adressée est intervenue après l'expiration de ce délai, que la notion de délai raisonnable de l'article 6§1 invoqué par les appelants impose seulement aux Etats membres de rendre une justice rapide, et n'évoque pas directement les délais de prescription et de forclusion, qu'ils n'ont pas été entravés par l'Etat, un officier ministériel ou un tiers pour accéder à la justice et enfin que la jurisprudence valide les délais conventionnels de forclusion.
sur ce :
L'article 37 du décret du 4 janvier 1955, et non pas du 14 octobre 1955 comme le soutient à tort la société FB Construction, ne fait pas obligation de publier au service de la publicité foncière les demandes tendant à la réitération des actes de vente immobilière puisqu'il est seulement stipulé que ces demandes peuvent être publiées.
Le moyen d'irrecevabilité de la demande tiré de l'absence de publication au bureau de la publicité foncière est donc écarté.
Il est mentionné dans le compromis, dont les stipulations ont été reprises sur ce point par les avenants ultérieurs, une clause ainsi libellée ''à l'issue d'une mise en demeure restée sans effet, l'une ou l'autre des parties pourrait engager la procédure afin de faire constater la vente par voie judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la date prévue pour la réitération de l'acte, ou de la date prorogée sous peine de forclusion'.
La licéité d'une clause instituant un délai pour agir est reconnue de façon habituelle, les parties étant toujours libres de fixer un délai de rigueur pour engager une procédure en constatation judiciaire d'une vente immobilière.
Une telle clause n'est pas en soi contraire aux dispositions de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, notamment celle instituant le droit de toute personne d'être entendue par un tribunal, alors qu'en l'espèce, ce sont les parties elles même qui ont convenu de ce délai de sorte qu'il est vain de se prévaloir de ce que la limite au droit d'accès à un tribunal devrait poursuivre un but d'intérêt général et être proportionnée à ce but d'intérêt général, de telles considérations ne pouvant s'appliquer qu'à un texte normatif s'imposant à tous et non pas à une disposition conventionnelle librement négociée et acceptée par les parties.
La cour ajoute que le délai de deux mois, relativement bref, n'a pas pour autant constituée une entrave à leur droit d'agir et à cet égard, les premiers juges ont justement rappelé par des motifs adoptés que les consorts [V] avaient connaissance des difficultés liées au compromis de vente dés l'information par leur notaire le 26 février 2014, que de nombreuses correspondances ont été échangées entre les notaires à compter de février et mars 2014 et qu'ils étaient en lien avec leur notaire et qu'ainsi, ils avaient pleinement conscience des délais ainsi institués par le compromis et étaient informés avant même la date fixée pour la réitération de l'acte de ce qu'ils devaient agir en justice dans un certain délai pour obtenir la réalisation forcée de la vente.
C'est encore par de motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que la clause en question était claire et que les mentions portées dans la clause pénale ne créaient aucune confusion avec le délai pour agir en exécution forcée.
Enfin, le décès de Mr [D] [V] survenu le 20 mars 2014, n'a pas suspendu les démarches en cours, comme le soutiennent les consorts [V], aucune disposition n'étant stipulée à cet égard dans les actes, ni ne les a empêchés d'exercer un recours concret et effectif dans le délai prévu.
Il est constant et non discuté que la demande reconventionnelle des consorts [V] en vue d'obtenir la réitération forcée de la vente, dans le cadre de la procédure initiée par la société FB Construction est intervenue bien au delà du délai de deux mois qui a couru à compter du 18 mars 2014, date fixée par le dernier avenant pour la réitération de la vente.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande des consorts [V] de voir constater judiciairement la vente de ce terrain.
2° sur la demande de résolution de la vente ou subsidiairement de nullité de la vente par la FB Construction :
La société FB construction conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et condamné les consorts [V] à la restitution des acomptes versés en faisant valoir que :
- l'absence de communication des informations relatives au lotissement par les vendeurs et la découverte du cahier des charges interdisant toute construction ont fait obstacle à la réalisation de la vente,
- son projet de construction était dans le champ contractuel et les vendeurs n'ignoraient pas qu'elle souhaitait édifier un immeuble sur la parcelle à vendre,
- cette interdiction conventionnelle d'édification sur la parcelle qui était une information capitale ne lui jamais été communiquée par les vendeurs eux mêmes,
- l'arrêté du 17 juillet 1958 qui selon les appelants aurait permis la construction ne peut valoir suppression de l'interdiction de construire, cette dernière émanant du cahier des charges du lotissement et de la loi et non de l'autorité préfectorale qui n'avait pas compétence pour la modifier,
- l'obtention d'un permis de construire le 3 février 2014 n'a pas eu d'incidence alors qu'un permis est délivré en considération des règles d'urbanisme et non pas des règles de droit privé comme le cahier de lotissement.
Elle soutient ainsi que le jugement a retenu à bon droit la résolution de la vente pour non respect par le vendeur de ses engagements et violation de son obligation d'information et à titre subsidiaire, et par substitution de motifs, elle conclut à sa nullité en raison des man'uvres dolosives des consorts [V] qui n'ont pas communiqué les informations nécessaires à leur notaire alors que propriétaires de la parcelle depuis 1968, ils avaient forcément connaissance de son caractère non constructible.
Les consorts [V] concluent au rejet de cette demande et font valoir que :
- la parcelle litigieuse était constructible et d'ailleurs, un permis de construire a été accordé par la commune de [Localité 12] le 3 février 2014 et purgé de tout recours des tiers, dès le 3 avril 2014,
- par dérogation aux dispositions du cahier des charges approuvé par l'arrêté préfectoral susvisé du 25 février 1942, un arrêté préfectoral du 17 juillet 1958 a autorisé une construction d'habitation sur le lot N° 1, sans préciser que cette autorisation se limite à une maison d'habitation,
- la violation d'une obligation pré-contractuelle d'information du vendeur ne permet à l''acquéreur que de solliciter l'indemnisation de son préjudice et non d'obtenir la résolution du contrat qui n'est pas encore né et en outre, ils ont respecté leur obligation pré-conctractuelle d'information, en effectuant via leur notaire, les démarches pour obtenir le cahier des charges, et ce en vain,
- la société FB Construction a eu accès aux mentions du cahier des charges et à l'arrêté du 17 juillet 1958 intégralement annexé à leur titre de propriété qui était à la disposition de tous, et notamment de son notaire,
- en tout état de cause, le caractère constructible du terrain n'était plus une condition suspensive de la vente puisque l'acquéreur y a renoncé dans l'avenant du 22 octobre 2013, ce que réitère l'avenant du 15 janvier 2014.
- aucune man'uvre dolosive n'est par ailleurs démontrée, dès lors qu'ils ont fourni à leur notaire toutes les informations nécessaires notamment leur titre de propriété qui comporte l'arrêté du 17 juillet 1958 dans son intégralité et ce dès le mois de mars 2014.
Sur ce :
La société FB Construction sollicite donc à titre principal la résolution de la vente fondée sur le manquement des vendeurs à leur obligation d'information et subsidiairement, l'annulation de la vente pour réticence dolosive d'information par les vendeurs.
Il est constant que le manquement du vendeur à son obligation d'information et de conseil peut, pourvu que ce manquement soit d'une gravité suffisante, justifie la résolution de la vente.
S'il n'est pas contestable au vu des éléments du dossier et des explications des parties que l'achat du terrain par la société FB Construction était fait en vue d'y établir une construction, il appartient à celle-ci qui se prévaut du caractère inconstructible de cette parcelle d'en rapporter la preuve.
La société FB Construction se contente de produire un courrier d'avocat d'une voisine la mettant en demeure de renoncer à son projet de construction et lui rappelant les dispositions du cahier des charges selon lesquelles les acquéreurs ne pourront élever aucune construction.
Il ressort des pièces produites que :
- la parcelle de terrain vendue forme le lot N° 1 d'un lotissement-jardins dont le projet de lotissement-jardins, approuvé par un arrêté préfectoral du 25 février 1942, précisait que 'les lots seront vendus pour faire des jardins ou terrains de culture. En conséquence, les acquéreurs ne pourront y élever aucune construction et cette servitude de non construction devra être mentionnée dans chaque acte de vente..'
- toutefois, par un arrêté du 17 juillet 1958, le préfet du Rhône a décidé que 'par dérogation aux dispositions du cahier des charges approuvé par l'arrêté préfectoral sus visé du 25 février 1942, une construction d'habitation pourra être autorisée sur le lot N° 1 sous les réserves suivantes...',
- la société FB Construction a obtenu un permis de construire le 3 février 2014 et il n'est pas allégué d'un recours à l'encontre de ce permis, ni contesté qu'il était purgé de tout recours des tiers.
Ainsi, la société FB Construction qui ne s'explique d'ailleurs pas sur la raison pour laquelle elle a renoncé à la condition suspensive d'obtention du permis de construire lors de la signature des avenants d'octobre et novembre 2013, n'apporte pas la preuve du caractère inconstructible du terrain, cette preuve ne pouvant résulter du seul courrier du conseil d'un voisin.
Au demeurant, force est de constater qu'il n'est pas démontré, alors que toutes les mentions évoquées ci-dessus étaient rappelées dans leur titre de propriété, qui pouvait être réclamé tout moment, que les consorts [V] ont caché l'existence de cet acte étant rappelé que la société FB Construction, spécialisée dans la promotion immobilière, était au surplus assistée d'un notaire à toutes les étapes de la négociation entre les parties.
Cet acte a nécessairement été communiqué aux notaires puisque le compromis en fait mention en indiquant que le bien a été acquis en vertu d'un acte daté du 14 décembre 1968 avec la précision qu'une expédition a été publiée au bureau des hypothèques de Lyon V.
La cour estime en conséquence que la société FB Construction ne rapporte pas la preuve d'un manquement des vendeurs à une obligation d'information, ni à fortiori d'une réticence volontaire et dolosive pouvant justifier l'annulation du compromis.
Il convient, réformant le jugement de ce chef, de débouter la société FB Construction de sa demande en résolution du compromis de vente et, y ajoutant, de la débouter de sa demande subsidiaire en nullité du compromis pour dol.
3° sur la demande en paiement formée par la société FB Construction :
La société FB Construction sollicite le remboursement des sommes directement réglées aux consorts [V], soit 65.000 €, et fait valoir que la clause de rupture unilatérale invoquée par les appelants vise en fait à sanctionner le comportement fautif de l'acquéreur alors qu'en l'espèce, elle est victime des vendeurs.
Elle réclame encore le paiement de la somme de 58.460 € au titre des frais qu'elle a engagés.
Les consorts [V] déclarent qu'ils pouvaient renoncer à la réalisation de la vente en application de la clause de non réitération stipulée au contrat du fait du refus de l'acquéreur de réitérer la vente dans le délai alors que les conditions suspensives étaient réalisées, que dans une telle hypothèse et en application de la dite clause, ils sont fondés à s'opposer à la restitution des acomptes reçus dont le versement trouve sa cause dans la volonté commune des parties et à la demande en paiement de dommages et intérêts dés lors que la société FB Construction a refusé de signer l'acte authentique malgré une mise en demeure de s'exécuter.
Sur ce :
Il est stipulé dans le compromis une clause de non réitération de la vente ainsi libellée :
' si l'ensemble des conditions suspensives ...étaient réalisées et que l'acquéreur se refusait à réitérer la vente dans le délai ci-dessus fixé (...)
Le vendeur pourrait, toujours renoncer à la réalisation de la vente et se trouver ainsi entièrement libre de tout engagement vis à vis de l'acquéreur, mais seulement 8 jours après l'avoir mis en demeure de réitérer la vente par acte authentique, par lettre recommandée avec accusé de réception.'
En l'espèce, Mr [T] [V] a suivant lettre recommandée avec accusé de réception datée du 17 septembre 2014 mis en demeure la société FBCI Patrimoine de signer l'acte authentique de vente dans la quinzaine et dit qu'à défaut la vente serait considérée comme caduque.
Il est constant qu'il n'a pas été donné suite à cette mise en demeure et il n'est pas invoqué par la société FB Construction la non réalisation de conditions suspensives susceptibles de justifier l'absence de réitération de la vente.
En application de la clause sus visée, les vendeurs étaient libres à leur tour de renoncer à la vente et se trouvaient ainsi libres de tout engagement.
Il a été stipulé dans l'avenant signé entre les parties les 22 octobre et 4 novembre 2013 le versement par l'acquéreur dans les 8 jours, directement entre les mains du vendeur, d'une somme de 15.000 € dont il est précisé qu'elle s'imputera sur le prix de vente en cas de réitération de l'acte ou qu'elle restera définitivement acquise au vendeur en cas de non-réitération de l'acte.
L'avenant signé les 15 et 23 janvier 2023 comporte une clause identique portant cette fois versement par l'acquéreur d'une somme de 50.000 €.
Il ressort de ce qui précède qu'aucun manquement ne peut être reproché aux vendeurs dans l'information donnée à l'acheteur, ni aucune manoeuvre dolosive, de sorte que les clauses ci-dessus rappelées qui engagent contractuellement les parties trouvent application en l'espèce.
Il convient dés lors, réformant le jugement, de débouter la société FB Construction de sa demande en paiement de la somme de 65.000 €.
En l'absence de faute démontrée à l'encontre des consorts [V], il convient, infirmant également le jugement de ce chef, de débouter la société FB Construction de sa demande en paiement des frais engagés pour la réalisation de l'opération.
4° sur les demandes en paiement formée par les consorts [V] de la clause pénale et de dommages et intérêts :
Les consorts [V] sollicitent la condamnation de la société FB Construction à leur payer:
- la clause pénale de 35.000 € stipulée au compromis,
- des dommages et intérêts à hauteur de 40.000 € au titre du préjudice d'immobilisation du bien durant 8 années,
- des dommages et intérêts à hauteur de 347.600 € au titre de leur préjudice économique du fait de l'immobilisation de leur terrain qui est devenu inconstructible en vertu du nouveau PLU adopté en 2019 empêchant sa vente dans les mêmes conditions qu'en 2012.
La société FB Construction fait valoir en réplique que :
- la clause pénale qui vise à sanctionner le comportement fautif de l'acquéreur ne trouve pas application en l'espèce alors qu'elle est victime des vendeurs,
- en outre, l'article 1152 du code civil permet à la juridiction de la ramener à l'euro symbolique,
- enfin, la parcelle ne devrait intéresser personne sur les décennies à venir et la demande en dommages et intérêts est sans fondement car elle est invendable en l'état.
Sur ce :
Les consorts [V] qui se prévalent d'un préjudice d'immobilisation à hauteur de 40.000 €, faisant valoir notamment que leur terrain serait désormais inconstructible, ne versent aux débats aucune pièce probante de nature à caractériser et à chiffrer un tel préjudice, ni surtout à démontrer qu'il serait imputable au refus de la société FB Construction de signer l'acte de vente entre le 18 mars 2014, date fixée par le dernier avenant pour la réitération de la vente, et le mois de septembre 2014, date de la mise en demeure.
Il convient, confirmant le jugement de ce chef, de les débouter de cette demande.
S'agissant de la demande au titre de la clause pénale, il est mentionné dans le compromis, dont les stipulations ont été reprises sur ce point par les avenants ultérieurs, une clause ainsi libellée :
' ...pour le cas où l'une quelconque des parties se refuserait à signer l'acte authentique de vente après avoir été mise en demeure par l'autre de s'exécuter, elle s'engage à lui verser une somme de 35.000 € ...à titre de dommages et intérêts forfaitaires sans que cette stipulation de dommages et intérêts puisse nuire, en aucune façon au droit de chacune d'elles de poursuivre la réalisation de la présente vente par tous moyens de droit...'
Il résulte de ce qui précède que malgré une mise en demeure, la société FB Construction a refusé de réitérer l'acte de vente de sorte que la clause pénale stipulée dans le compromis trouve application.
L'article 1152 du code civil, dans sa disposition applicable à la cause, dispose que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Que néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
Cette disposition est d'ailleurs reproduite dans le compromis de vente.
Il est rappelé que les consorts [V] ont déjà perçu une somme de 65.000 € qui n'est pas restituée à la société FB Construction.
Alors que comme rappelé ci-dessus, les consorts [V] ne justifient d'aucun préjudice particulier, la cour retient le caractère manifestement excessif de la clause pénale et la ramène à la somme de 1.000 €.
Il convient réformant le jugement de condamner la société FB Construction à payer à consorts [V] la somme de 1.000 € au titre de la clause pénale.
Enfin, la vente n'ayant pas été réitérée, la demande formée à titre subsidiaire par les consorts [V] tendant à prononcer la résiliation du compromis est sans objet.
5° sur la recevabilité des demandes à l'encontre du notaire :
a) sur la demande de la société FB Construction :
Maître [L]-[N] conclut à la confirmation du jugement qui a déclaré prescrite l'action de la société FB construction à son encontre en faisant valoir que la prescription quinquennale n'est encourue qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et qu'en l'espèce, l'action a été engagée plus de cinq ans après la signature du compromis et des différents avenants, et en tout état de cause plus de cinq ans après les 26 ou 27 février 2014, date à laquelle elle a été informée des difficultés inhérentes au terrain.
La société FB Construction réplique que la constructibilité du terrain est encore débattue par les appelants et que l'incertitude de droit qui subsiste sur ce point constitue une impossibilité d'agir de sorte que le délai de prescription n'a pas couru.
Sur ce :
En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Par de justes et pertinents motifs que la cour adopte, le premier juge a retenu que la société FB Construction avait connu les difficultés inhérentes à la nature du terrain à compter du 26 février 2014, date du courrier du notaire de la société FB Construction faisant part de son étonnement de l'existence d'un lotissement, ou du 27 février 2024, date du courrier du conseil d'une voisine faisant état des prescriptions du cahier des charges de ce lotissement, et a fixé à cette dernière date, la connaissance du dommage allégué et le point de départ du délai de prescription.
C'est précisément en considération de la nature prétendument inconstructible du terrain acquis que la société FB Construction a engagé son action et ce n'est pas la reconnaissance du bien fondé ou non de sa prétention qui constitue le point de départ de l'action en responsabilité dirigée contre le notaire mais la révélation du fait susceptible de la justifier soit en l'espèce l'information qui lui a été donnée d'une difficulté concernant le statut du terrain.
La société FB Construction qui a assigné Maître [L] [N] le 30 décembre 2009, soit plus de cinq ans plus tard, est donc prescrite en son action et le jugement est confirmé de ce chef.
b) sur les demandes des consorts [V] :
Les consorts [V] demandent :
- en cas de confirmation du jugement, la condamnation de leur notaire, Maître [L]-[N], à les relever et garantir des condamnations prononcées à leur encontre,
- la condamnation de Maître [L] [N] à leur verser les sommes de 40.000 € au titre du préjudice d'immobilisation durant 8 années et de 347.600 € au titre du préjudice économique.
Ils concluent à la recevabilité de leur demande au motif d'une part, qu'ils n'imaginaient pas que leur responsabilité soit retenue en première instance dès lors qu'ils justifiaient avoir fourni toutes les informations nécessaires à la réalisation de la vente et que seule l'évolution du litige, notamment la motivation du jugement déféré a permis de révéler la responsabilité du notaire, et d'autre part, que leurs demandes tend aux mêmes fins à savoir l'indemnisation de leur préjudice subi en cas de rejet de leur demande initiale.
Maître [L]-[N] conclut à l'irrecevabilité de ses demandes devant la cour au motif d'une part qu'elles sont nouvelles et non justifiées par l'évolution du litige et d'autre part, par application de l'article 2224 du code civil car elles sont prescrites.
Sur ce :
La cour constate qu'aucune demande n'a été formée par les consorts [V] en première instance à l'encontre de Maître [L] [N] et par application de l'article 564 du code de procédure civile, déclare irrecevables leurs demandes formées devant la cour dés lors que ces prétentions nouvelles en cause d'appel, en ce qu'elles sont dirigées contre une autre partie que celle visée par leurs demandes en première instance, ne sont justifiées ni par l'intervention d'un tiers ni par la révélation d'un fait.
6° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile .
La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts [V] et de Maître [L] [N] et leur alloue à ce titre les sommes respectives de 4.000 € et 2.000 €.
Les dépens de première instance et l'appel sont à la charge de la société FB Construction qui succombe en ses prétentions ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande des consorts [V] tendant à voir constater judiciairement la vente de la parcelle sise à [Localité 12] [Adresse 14] cadastrée section BM n°[Cadastre 9],
- déclaré irrecevable l'action de la société FB Construction à l'encontre de Maître [J] [L] [N],
- débouté la société FB Construction pour le surplus de ses demandes indemnitaires ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions ;
statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Déboute la société FB Construction de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre des consorts [V], notamment en ce qu'elles tendent à :
- la résolution du compromis, ou en tant que de besoin la nullité du compromis pour dol,
- le paiement de la somme de 65.000 €,
- le paiement des frais engagés pour la réalisation de l'opération.
Condamne la société FB Construction à payer aux consorts [V] la somme de 1.000 € au titre de la clause pénale.
Dit, la vente n'ayant pas été réitérée, que la demande formée à titre subsidiaire par les consorts [V] tendant à prononcer la résiliation du compromis est sans objet.
Déclare irrecevables les demandes des consorts [V] formées pour la première fois en cause d'appel à l'encontre de Maître [L] [N] ;
Déboute les consorts [V] du surplus de leurs demandes
Rejette toute demande plus amples ou contraires ;
Condamne la société FB Construction à payer aux consorts [V] unis d'intérêt la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société FB Construction à payer à Maître [J] [L] [N] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société FB Construction aux dépens de première instance et d'appel.
Accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, Le Président,