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03/09/2024 | FRANCE | N°22/03711

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 03 septembre 2024, 22/03711


N° RG 22/03711 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJ7J









Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 03 mai 2022



RG : 21/02538

ch 4





[Y]

S.A.S. TRAVAUX NEUF RÉNOVATION



C/



Etablissement CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE

Compagnie d'assurance GAN ASSURANCES

S.A. KORELIO





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B




ARRET DU 03 Septembre 2024







APPELANTS :



M. [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]



La société TRAVAUX NEUF RÉNOVATION

[Adresse 10]

[Localité 5]



Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYO...

N° RG 22/03711 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJ7J

Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 03 mai 2022

RG : 21/02538

ch 4

[Y]

S.A.S. TRAVAUX NEUF RÉNOVATION

C/

Etablissement CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE

Compagnie d'assurance GAN ASSURANCES

S.A. KORELIO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Septembre 2024

APPELANTS :

M. [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

La société TRAVAUX NEUF RÉNOVATION

[Adresse 10]

[Localité 5]

Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

ayant pour avocat plaidant la SELARL CABINET SANNIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Défaillante

GAN ASSURANCES

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Jacques VITAL-DURAND de la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : T.1574

S.A. KORELIO

[Adresse 6]

[Localité 7]

défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 02 Mai 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mai 2024

Date de mise à disposition : 03 Septembre 2024

Audience tenue par Stéphanie LEMOINE, président, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 29 septembre 2017, M. [S] [Y] a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule de Mme [J] [B], assuré auprès de la société Gan Assurances (l'assureur).

Le 27 octobre 2017, son propre assureur lui a proposé le versement d'une provision amiable de 400 euros au titre des souffrances endurées.

Se prévalant du caractère insuffisant de cette offre, M. [Y] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon qui, par une ordonnance du 31 juillet 2018, a ordonné une expertise médicale et une expertise comptable et a condamné l'assureur à lui verser une indemnité provisionnelle de 4 500 euros.

L'expert médical a déposé son rapport définitif le 9 mai 2019 et l'expert-comptable, le 12 novembre 2020.

Les 17, 24 et 25 mars 2021, M. [Y] et la société Travaux Neuf Rénovation (la société TNR), dont il est le dirigeant, ont assigné en indemnisation l'assureur, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la caisse) et la société Korelio, en qualité de mutuelle, les deux dernières n'ayant pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 3 mai 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture

- débouté M. [Y] et la société TNR de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné M. [Y] et la société TNR à supporter le coût des dépens de l'instance.

Par déclaration du 23 mai 2022, M. [Y] et la société TNR ont relevé appel du jugement.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 5 mars 2024, ils demandent à la cour de :

- déclarer leur appel recevable et bien fondé,

y faisant droit,

- réformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés à supporter le coût des dépens de l'instance,

en conséquence et statuant à nouveau :

- juger que le l'assureur est tenu de prendre en charge toutes les conséquences dommageables de l'accident de la circulation du 29 septembre 2017 dont ils ont été victimes,

- condamner l'assureur à réparer leur entier préjudice,

1 - Sur l'évaluation du préjudice corporel de M. [Y],

à titre principal,

avant-dire droit,

- ordonner une mesure de contre-expertise judiciaire confiée à tel médecin expert qu'il plaira à la cour, spécialisé en médecine physique et de réadaptation,

- réserver ses demandes indemnitaires définitives dans l'attente du dépôt du rapport de contre-expertise médicale évaluant son préjudice corporel définitif,

- condamner l'assureur à lui verser une indemnité provisionnelle d'un montant de 8 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif,

à titre subsidiaire, en cas de rejet par la cour de la demande de contre-expertise médicale,

- condamner l'assureur à lui verser la somme de 35 846,65 euros, après déduction de l'indemnité provisionnelle versée, correspondant aux postes de préjudices suivants :

RÉCAPITULATIF DES DEMANDES

1. Les préjudices patrimoniaux

a. Les préjudices patrimoniaux temporaires

Dépenses de santé actuelles

Réservées

Frais divers

3 791,65 €

PGPA

2 400 €

b. Les préjudices patrimoniaux permanents

Incidence professionnelle

15 000 €

2. Les préjudices extra patrimoniaux

a. Les préjudices extra patrimoniaux temporaires

Déficit Fonctionnel Temporaire

1 635 €

Souffrances endurées

8 000 €

Préjudice esthétique temporaire

500 €

b. Les préjudices extra patrimoniaux permanents

Déficit Fonctionnel Permanent

8 000 €

Total

40 346,65 €

Provisions versées

4 500 €

Total après déduction de la provision

35 846, 65 €

2 - Sur la liquidation du préjudice économique de la société TNR

- juger qu'elle a subi un préjudice économique imputable à l'accident de la circulation du 29 septembre 2017,

à titre principal,

- condamner l'assureur à lui verser la somme de 76 448 euros en indemnisation de son préjudice économique imputable à l'accident de la circulation du 29 septembre 2017.

- condamner l'assureur à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice spécifique d'atteinte à sa réputation et de perte de chance de se voir confier de nouveaux chantiers imputable à l'accident,

à titre subsidiaire,

- réserver ses demandes définitives dans l'attente du dépôt du rapport de contre-expertise médicale évaluant le préjudice corporel définitif de M. [Y],

- condamner l'assureur à lui verser une indemnité provisionnelle d'un montant de 65 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif,

en tout état de cause,

- condamner l'assureur à verser à chacun des requérants la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que la décision à venir sera commune et opposable à la caisse et à la société Korelio,

- condamner l'assureur aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de consignation de l'expert médical à hauteur de 800 euros et de l'expert comptable à hauteur de 6 240 euros.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 26 avril 2024, l'assureur demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'il ne conteste pas être l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident dont M. [Y] a été victime en date du 29 septembre 2017,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- rejeter la demande de contre-expertise formée par M. [Y],
- rejeter la demande de provision formée par M. [Y], ses préjudices étant en l'état d'être liquidés,

- allouer à M. [Y], au titre de la liquidation des préjudices subis consécutivement à l'accident du 29 septembre 2017, les sommes suivantes :

Dépenses de santé actuelles rejet

Frais divers.......................................... 3 293 €

Pertes de gains professionnels actuels rejet

Incidence professionnelle rejet

Déficit fonctionnel temporaire partiel 1 360 €

Déficit fonctionnel permanent 4 500 €

Souffrances endurées 4 000 €

Préjudice esthétique temporaire 500 €

Soit la somme totale de 8 753 euros, déduction faite de la provision d'ores et déjà versée pour un montant de 4 900 euros,

- rejeter la demande formée par la société TNR au titre de son préjudice économique,

- rejeter les demandes formées par M. [Y] et la société TNR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens d'instance et d'appel,

à titre subsidiaire, si la cour devait faire droit à la demande de contre-expertise présentée par M. [Y],

- limiter le montant de l'indemnité provisionnelle sollicitée par M. [Y] à 8 000 euros, tel que sollicité,
- rejeter la demande provisionnelle formée par la société TNR,

- réserver les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au titre des dépens.

La caisse et la société Korelio, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée par actes d'huissier de justice des 6 et 11 juillet 2022, n'ont pas constitué avocat.

Par un courrier du 17 juin 2022, la caisse a néanmoins fait connaître le montant définitif de ses débours.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIVATION

A titre liminaire, alors que le premier juge a débouté M. [Y] et la société TNR de l'ensemble de leurs demandes, au motif qu'ils ne démontraient pas l'implication du véhicule assuré par l'assureur dans le sinistre, la cour observe que l'assureur demande expressément à la cour, dans ses conclusions d'appel, de prendre acte qu'il ne conteste pas être l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident dont M. [Y] a été victime le 29 septembre 2017.

1. Sur la demande de contre-expertise médicale

A l'appui de sa demande de contre-expertise médicale, M. [Y] soutient essentiellement que le rapport déposé par le Dr [I] est incomplet car il ne tient pas compte des lombalgies causées par l'accident.

L'assureur sollicite le rejet de cette demande, faisant valoir que le Dr [I] a bien pris en compte les douleurs lombaires de M. [Y] mais n'a pas conclu à leur imputabilité à l'accident. Il ajoute que le rapport établi par le Dr [N], sur lequel s'appuie l'appelant, adopte les mêmes conclusions.

Réponse de la cour

L'expert judiciaire a rendu son rapport dans lequel il indique que les lésions imputables de manière directe, certaine et exclusive avec les faits sont des cervicalgies, l'imputabilité ne pouvant être retenue concernant les douleurs lombaires alléguées par M. [Y].

En réponse aux dires du conseil de ce dernier, l'expert précise : « Le certificat médical initial ne fait pas état de lombalgies, le premier examen s'y référant apparaît en janvier 2018 soit plus de trois mois après l'accident (radio dite « sans lésion traumatique particulière »), nous ne pouvons donc pas prouver un lien direct unique et certain entre l'accident et les lombalgies».

Pour critiquer ces conclusions, M. [Y] verse aux débats différents certificats médicaux et attestations de son médecin traitant, le Dr [Z], dont un courrier du 10 juillet 2019 dans lequel il indique notamment : « Avant son accident du 29 septembre 2017, [M. [Y]] n'a jamais présenté de pathologie lombaire. Je tiens à préciser qu'il souffre du bas du dos depuis son accident, quand bien même cela n'est pas écrit sur le certificat initial. Après 37 années d'activité libérale, je me méfie toujours de ces pathologies banales diagnostiquées lors des premiers examens après un accident. Je l'ai vu le 9 octobre 2017, il souffrait de toute sa colonne (cervicale, lombaire et dorsale) et des épaules. Je lui ai conseillé de voir un ostéopathe ». 

Il produit encore des courriers d'un ostéopathe et d'un kinésithérapeute qui confirment lui avoir donné des soins à compter, respectivement, des mois d'octobre et novembre 2017 pour les douleurs de l'ensemble de la colonne.

Toutefois, alors que M. [Y] fait état dans ses conclusions d'appel d'une lettre adressée au Dr [Z] par le Dr [V], ancien chef de clinique et chirurgien des hôpitaux, titulaire d'un diplôme universitaire de réparation juridique du dommage corporel, dont il cite un extrait dans lequel ce dernier affirme que l'expertise judiciaire est critiquable sur plusieurs points, force est de constater que la pièce n° 26 visée dans les conclusions comme étant la « lettre du Docteur [V] au Docteur [Z] du 20 octobre 2019 » correspond en réalité, dans le bordereau de communication de pièces et dans le dossier remis à la cour, au rapport d'expertise judiciaire définitif de l'expert-comptable du 15 mai 2020 et qu'aucune pièce du bordereau ne correspond à ladite lettre.

Encore, si le conseil de M. [Y] fait état, dans son dire n° 2, d'une expertise du Dr [N] dont les conclusions seraient contraires à celles de l'expert judiciaire, cette expertise n'est pas non plus produite.

Enfin, la cour observe qu'alors que les pièces 53 et 54 de l'appelant correspondent à une facture du Dr [W] d'« assistance à expertise médico-légale - le 18 mars 2019 chez le Dr [I] » et à une facture de la société Recours expertise médicale pour un « avis sur dossier », il n'est versé aux débats aucune pièce émanant soit du Dr [W] soit de la société Recours expertise médicale, de sorte qu'il est loisible de s'interroger sur le contenu de ces avis et qu'il ne peut, en tout état de cause, qu'être retenu qu'aucune analyse médicale contraire ne vient confirmer la critique faite par M. [Y] du rapport d'expertise.

Au vu de ce qui précède, et alors que le Dr [I] a répondu aux dires qui lui étaient adressés, la cour considère que les seuls courriers du médecin traitant, de l'ostéopathe et du kinésithérapeute sont insuffisants pour justifier du bien-fondé de la demande de contre-expertise judiciaire, laquelle est en conséquence rejetée.

2. Sur la liquidation du préjudice de M. [Y]

Les conclusions médico-légales sont essentiellement les suivantes :

- Les lésions imputables de manière directe, certaine et exclusive avec les faits sont : des cervicalgies.
oncernant les douleurs lombaires, l'imputabilité ne peut être retenue.
- Il persiste une minime gêne cervicale.

- Date de consolidation médico-légale : le 31 janvier 2019.

1. Les préjudices patrimoniaux

Sur les dépenses de santé actuelles

M. [Y] soutient que des dépenses de santé temporaires sont restées à sa charge après intervention de sa complémentaire santé et demande que ce poste de préjudice soit réservé, dans l'attente des pièces justificatives.

L'assureur sollicite le rejet de cette demande, à défaut pour M. [Y] de produire ses pièces justificatives.

Compte tenu de l'ancienneté de l'accident et du fait que M. [Y] était en mesure de produire les justificatifs des dépenses de santé restées à sa charge, il n'y a pas lieu de réserver ce poste de préjudice, lequel est, par ailleurs, constitué de la créance de la caisse d'un montant de 1 375,01 euros.

Sur les frais divers

M. [Y] sollicite l'allocation d'une somme de 3 791,65 euros à ce titre (frais de déplacement, frais de lunettes, frais de médecins conseils).

L'assureur offre de verser une somme de 3 293 euros à ce titre (frais de déplacement et frais d'assistance à l'expertise.

La demande au titre des frais de déplacements pour un montant de 2 753 euros et des frais d'assistance à l'expertise pour un montant de 540 euros n'est pas contestée par l'assureur.

En l'absence de preuve de la destruction des lunettes de soleil dans l'accident, qui a consisté en un choc à l'arrière du véhicule sans atteinte au visage, M. [Y] est débouté de sa demande de remboursement du coût d'achat des lunettes.

Enfin, en l'absence de production de l'étude faite par le Dr [V], il convient également de débouter M. [Y] de sa demande en paiement de la facture d'honoraires de ce médecin.

Ce poste de préjudice est donc fixé à 3 293 euros.

Sur les pertes de gains professionnels actuels

M. [Y] sollicite l'allocation d'une somme de 2 400 euros à ce titre, sur la base d'un salaire mensuel moyen de 800 euros.

L'assureur conclut au rejet de cette demande, en l'absence de justificatifs démontrant le montant des indemnités journalières éventuellement perçues ou l'absence de souscription d'un contrat d'assurance prévoyance.

Dans son rapport, l'expert judiciaire note :

« Perte de gains professionnels actuels :
- du 29/09/2017 au 02/09/2018 à temps plein
- du 03/09/2018 au 31/01/2019 à mi-temps thérapeutique.
Cet arrêt de travail ne semble pas justifié dans le cadre de cette expertise, il n'est justifié que jusqu'au 29/03/2018 soit à 6 mois de l'accident ».

La cour observe qu'alors que l'assureur conclut expressément au rejet de la demande en l'absence de justificatifs de la perception ou non d'indemnités journalières en exécution d'un contrat de prévoyance éventuellement souscrit par M. [Y], en sa qualité de dirigeant de la société TNR, ce dernier s'abstient, d'une part, de répondre à ce moyen, d'autre part, de produire le moindre justificatif contraire.

Dans ces conditions, il convient de rejeter sa demande au titre de la perte de gains professionnels actuels.

Sur l'incidence professionnelle

M. [Y] sollicite l'allocation d'une somme de 15 000 euros, soutenant qu'il présente, en raison de l'accident, des séquelles qui impactent l'exercice de son activité professionnelle.

L'assureur sollicite le rejet de cette demande, au motif que l'expert a conclu à une absence d'incidence professionnelle.

L'expert judiciaire conclut en effet qu'une incidence professionnelle « est alléguée par M. [Y] mais est non objectivable par [son] examen et par les pièces rapportées ».

L'appelant ne versant aux débats aucune pièce suffisamment probante pour contredire les conclusions de l'expert, il convient de le débouter de ce chef de demande.

2. Les préjudices extra patrimoniaux

Sur le déficit fonctionnel temporaire

M. [Y] sollicite l'allocation d'une somme de 1 635 euros à ce titre, sur la base d'un taux journalier de 28 euros.

L'assureur offre de verser une somme de 1 360 euros, sur la base d'un taux journalier de 25 euros.

L'expert conclut à l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire détaillé comme suit :

- Absence de déficit fonctionnel temporaire total,

- Déficit fonctionnel temporaire partiel :
* à 20% : du 29/09/2017 au 23/11/2017
* à 10% : du 24/11/2017 au 30/01/2019.

Au vu de ces conclusions, ce poste de préjudice est justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 1 362,50 euros, calculée sur la base d'un taux journalier de 25 euros, selon décompte suivant : (56 j x 25 x 20 %) + (433 j x 25 x 10 %).

Sur les souffrances endurées

M. [Y] sollicite l'allocation d'une somme de 8 000 euros à ce titre.

L'assureur offre de verser une somme de 4 000 euros.

L'expert évalue les souffrances endurées par M. [Y] à 2/7 et il ressort du rapport d'expertise que la victime a subi un traumatisme cervical en lien avec l'accident, a dû porter un collier cervical pendant 10 jours et s'est vue prescrire des médicaments anti-douleur et des séances d'ostéopathie et de kinésithérapie.

Au regard de ces éléments, il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 4'000 euros.

Sur le préjudice esthétique temporaire

Compte tenu de l'accord des parties, la cour fixe ce poste de préjudice à la somme de 500 euros.

Sur le déficit fonctionnel permanent

M. [Y] sollicite l'allocation d'une somme de 8 000 euros, estimant que le taux de déficit fonctionnel permanent fixé par l'expert à 3 % est insuffisant au regard des séquelles directement imputables à l'accident.

L'assureur offre de verser une somme de 4 500 euros, soutenant qu'il n'y a pas lieu de modifier l'évaluation d'expert.

Compte tenu de l'âge de M. [Y] à la date de consolidation (50 ans) et du taux de déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert (3%), qui constitue, en l'absence de pièces suffisamment probantes pour contredire les conclusions de l'expert, une base valable d'indemnisation, la cour considère qu'un point de déficit fonctionnel d'une valeur de 1 580 euros indemnise justement le déficit fonctionnel permanent.

Aussi convient-il de fixer ce poste de préjudice à la somme de 1 580 x 3 = 4 740 euros.

Récapitulatif

Au total, il convient d'indemniser le préjudice corporel subi par M. [Y] de la manière suivante :

total préjudice

indemnité revenant à la victime

dépenses de santé actuelles

1 375,01 €

0 €

frais divers

3 293 €

3 293 €

PGPA

0 €

0 €

incidence professionnelle

0 €

0 €

déficit fonctionnel temporaire

1 362,50 €

1 362,50 €

souffrances endurées

4 000 €

4 000 €

préjudice esthétique temporaire

500 €

500 €

déficit fonctionnel permanent

4 740 €

4 740 €

TOTAL

15 270,51 €

13 895,50 €

Après déduction de la provision de 4 500 euros versée, l'assureur est condamné à payer à M. [Y] la somme de 9 395,50 euros en réparation de son préjudice.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation.

3. Sur la liquidation du préjudice de la société TNR

Sur le préjudice économique

La société TNR sollicite l'allocation d'une somme de 76 448 euros en indemnisation de son préjudice économique, soutenant que les lésions de M.[Y] imputables à l'accident ont largement impacté sa rentabilité et que le préjudice économique concerne la période antérieure à la date de consolidation médico-légale.

L'assureur sollicite le rejet de cette demande, faisant valoir qu'en l'absence d'incidence professionnelle retenue par le Dr [I], aucun préjudice économique imputable à l'accident n'est constitué pour la société.

L'expert-comptable conclut, dans son rapport du 12 novembre 2020 :

- « selon notre compréhension et au jour de son accident de la circulation, M. [S] [Y] était président et associé unique de la société TNR et intervenait seul sur les chantiers »,

- « sur la base des documents disponibles, il ressort qu'en 2018 la société TNR a eu recours de façon significative à la sous-traitance afin de suppléer à l'indisponibilité de M. [Y] »,

- « sur la base des seuls documents comptables mis à notre disposition et des justificatifs produits attestant de la perte de chantiers, nous avons estimé à 76'448 € l'éventuel préjudice économique subi par la SASU TNR et par M. [S] [Y] du fait de l'indisponibilité totale ou partielle de ce dernier résultant de l'accident du 29 septembre 2017 »,

- « nous avons examiné les principales conclusions de l'expertise médicale, le Docteur [A] [I] concluant notamment à l'absence d'incidence professionnelle, celle-ci étant non objectivable par l'examen médical réalisé et par les pièces rapportées. Dans ces conditions, nous n'avons pu retenir un éventuel préjudice économique pour la SASU TNR résultant d'une réorganisation nécessaire de l'activité de la société ».

Plus particulièrement, l'expert indique :

* en page 20 :

« le montant de la marge sur coûts variables perdue par la société TNR sur les chantiers qui auraient dû être réalisés en 2018 pour les clients groupe Mon job et Rollin s'élève à 47'719 € »,

* en page 21 :

« sur le chantier de [Localité 11] du client Agora immobilier, la société TNR a perdu une marge de 28'729 € [...]. Au regard des développements précédents, la société TNR a perdu un montant total de 76'448 € (47'719 € + 28'729 €) de marge sur coût variable au titre des chantiers qu'elle n'a pu réaliser en 2018 suite à l'accident de la circulation dont M. [Y] a été victime le 29 septembre 2017 ».

La perte de marge sur coûts variables et le recours à la sous-traitance pour les chantiers de 2018, soit antérieurement à la date de consolidation, sont bien imputables exclusivement à l'accident, dès lors que l'expert médical a retenu que l'arrêt de travail à temps plein de M. [Y] pour la période du 29 septembre 2017 au 29 mars 2018 était justifié et imputable à l'accident, et que les chantiers ont été réalisés ou auraient dû l'être sur cette période d'arrêt de travail.

C'est vainement que l'assureur soutient qu'en l'absence d'incidence professionnelle retenue par le Dr [I], aucun préjudice économique imputable à l'accident n'est constitué pour la société TNR, alors que si l'expert comptable exclut effectivement à juste titre l'existence d'un préjudice économique résultant d'une réorganisation nécessaire de l'activité de la société TNR en l'absence d'incidence professionnelle, ces conclusions (qui concernent le chapitre 5 du rapport d'expertise et visent à répondre au chef de mission suivant : « Dans l'hypothèse où il serait établi que M. [S] [Y] présente des séquelles imputables à l'accident rendant nécessaire une réorganisation de son activité, donner tous les éléments techniques et comptables permettant d'apprécier les éventuels préjudices économiques en résultant pour la SASU TNR et M. [S] [Y] ») ne valent que pour la période postérieure à la date de consolidation de M. [Y] et non pour la période antérieure.

Au vu de ce qui précède, la société TNR est fondée à solliciter la condamnation de l'assureur à lui payer la somme de 76'448 euros en indemnisation de son préjudice économique imputable à l'accident, tel qu'évalué par l'expert-comptable.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté la société TNR de sa demande d'indemnisation de son préjudice économique.

Sur l'atteinte à la réputation et la perte de chance de se voir confier de nouveaux chantiers

La société TNR sollicite l'allocation d'une somme de 10 000 euros au titre de son préjudice spécifique d'atteinte à sa réputation et de perte de chance de se voir confier de nouveaux chantiers.

Pour justifier du bien-fondé de cette demande, l'appelante verse aux débats :

- une attestation de la société Rollin maîtrise d''uvre du 5 février 2018, aux termes de laquelle son gérant indique notamment qu'il se retrouve dans l'obligation de consulter d'autres entreprises pour pallier les problèmes de santé de M. [Y] « avec sans doute des pénalités de retard pour [s]es clients pour non-respect du planning »,

- un « courrier de fin de collaboration » du groupe Mon job du 5 novembre 2018 dans lequel son dirigeant expose que « en date du 16 octobre 2017, [la] société [TNR] ne s'est pas présentée sur le chantier cité puisque [M. [Y] l'avertissait qu'il était] victime d'un accident de la circulation » et informe la société TNR que « ces incidents [le] conduisent à [la] sortir de [son] périmètre de référencement ».

S'il ne résulte pas de l'attestation de la société Rollin la preuve que celle-ci a renoncé à confier de nouveaux chantiers à la société TNR après la reprise du travail par M. [Y], les reproches énoncés dans cet écrit traduisent incontestablement une atteinte à la réputation de l'entreprise.

En outre, il ressort du courrier du groupe Mon job que celui-ci a acté la fin de sa collaboration avec la société TNR, de sorte que cette dernière est fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la perte de chance de se voir confier de nouveaux chantiers par ce groupe.

En conséquence, au vu des éléments produits et du rapport d'expertise comptable, il convient de lui allouer, en réparation de son préjudice, la somme de 4 000 euros.

Par infirmation du jugement déféré, l'assureur est donc condamné à payer cette somme à la société TNR.

4. Sur les demandes accessoires

La caisse et la société Korelio étant parties à l'instance, il n'y a pas lieu de leur déclarer le présent arrêt commun et opposable.

Compte tenu de la solution donnée au litige en cause d'appel, le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

L'assureur, partie perdante, est condamné à payer à M. [Y] et à la société TNR la somme de 2 500 euros chacun. Il est encore condamné aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertises médicale et comptable.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande de M. [S] [Y] de voir ordonner une contre-expertise médicale,

Fixe comme suit l'indemnisation des préjudices de M. [S] [Y] :

total préjudice

indemnité revenant à la victime

dépenses de santé actuelles

1 375,01 €

0 €

frais divers

3 293 €

3 293 €

PGPA

0 €

0 €

incidence professionnelle

0 €

0 €

déficit fonctionnel temporaire

1 362,50 €

1 362,50 €

souffrances endurées

4 000 €

4 000 €

préjudice esthétique temporaire

500 €

500 €

déficit fonctionnel permanent

4 740 €

4 740 €

TOTAL

15 270,51 €

13 895,50 €

Condamne en conséquence la société Gan Assurances à payer à M. [S] [Y] la somme de 9 395,50 euros, après déduction de la provision de 4 500 euros déjà versée,

Condamne la société Gan Assurances à payer à la société TNR somme de 76'448 euros en indemnisation de son préjudice économique,

Condamne la société Gan Assurances à payer à la société TNR somme de 4 000 euros en indemnisation de son préjudice d'atteinte à sa réputation et de perte de chance d'obtenir de nouveaux chantiers,

Condamne la société Gan Assurances à payer à M. [S] [Y] et à la société TNR la somme de 2 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Gan Assurances aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertises médicale et comptable.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/03711
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.03711 ?
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