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04/07/2024 | FRANCE | N°23/04206

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 04 juillet 2024, 23/04206


N° RG 23/04206 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O7TP















Décision du Juge des contentieux de la protection du Tribunal de Proximité de VILLEURBANNE



du 20 avril 2023



RG : 11-21-3464











[H] [D]



C/



[I]

[C]

PAIERIE DEPARTEMENTALE RHONE

ENGIE CHEZ [11]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRE

T DU 04 Juillet 2024







APPELANTE :



Mme [V] [H] [D]

[Adresse 5]

[Localité 8]



Représentée par Me Florence CECCON, avocat au barreau de LYON, toque : 1058





INTIMES :



M. [P] [I]

né le 11 Septembre 1976

[Adresse 1]

[Localité 6]



Mme [Y] [C] épouse [I]...

N° RG 23/04206 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O7TP

Décision du Juge des contentieux de la protection du Tribunal de Proximité de VILLEURBANNE

du 20 avril 2023

RG : 11-21-3464

[H] [D]

C/

[I]

[C]

PAIERIE DEPARTEMENTALE RHONE

ENGIE CHEZ [11]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 04 Juillet 2024

APPELANTE :

Mme [V] [H] [D]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Florence CECCON, avocat au barreau de LYON, toque : 1058

INTIMES :

M. [P] [I]

né le 11 Septembre 1976

[Adresse 1]

[Localité 6]

Mme [Y] [C] épouse [I]

née le 15 Mai 1984

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentés par Me Sylviane MIRABELLI-BAKAYA, avocat au barreau de LYON, toque : 1473

PAIERIE DEPARTEMENTALE RHONE

[Adresse 2]

[Adresse 9]

[Localité 7]

non comparante

ENGIE CHEZ [11]

[Adresse 3]

[Localité 4]

non comparante

* * * * * *

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Mai 2024

Date de mise à disposition : 04 Juillet 2024

Audience présidée par Stéphanie ROBIN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Cécile NONIN, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseillère

- Stéphanie ROBIN, conseillère

Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

Par décision du 10 septembre 2020, la commission de surendettement des particuliers du Rhône a déclaré recevable la demande de M. [P] [I] et de Mme [Y] [I], née [C], afin de voir traiter leur situation de surendettement.

Mme [V] [H] [D] a formé un recours contre cette décision.

Par jugement du 31 mai 2021, le juge des contentieux a rejeté ce recours et déclaré la demande de M. et Mme [I] tendant à bénéficier d'une procédure de surendettement recevable.

Le 30 août 2021, la commission a notifié une mesure d'effacement des dettes aux débiteurs et aux créanciers.

Cette mesure a ainsi été notifiée le 30 août 2021 à Mme [V] [H] [D], créancière.

Par lettre recommandée envoyée le 29 septembre 2021 à la commission, Mme [V] [H] [D] a contesté la décision de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire en faveur de M. et Mme [I].

Les parties ont été convoquées devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne, saisi de cette contestation.

A cette audience, Mme [H] [D] soutient que les époux [I] sont de mauvaise foi, au motif qu'ils ne font pas preuve de transparence et cherchent à minorer leurs revenus, omettant de communiquer des éléments importants sur leur situation financière.

Les époux [I] sollicitent quant à eux la confirmation de la décision. Ils font valoir que la commission a déclaré leur demande recevable, décision confirmée par le juge des contentieux de la protection. Ils donnent également des explications concernant la valeur de leurs biens mobiliers et soutiennent que ceux-ci ont été parfaitement évalués. Ils précisent que M. [I] a le statut de travailleur handicapé et qu'ils ont quatre enfants à charge, dont un nouveau né.

Par jugement du 20 avril 2023, le juge des contentieux de la protection a :

- déclaré recevable en la forme le recours déposé par Mme [H] [D], mais l'a rejeté,

- constaté la bonne foi de M. et Mme [I],

- constaté que leur situation est irrémédiablement compromise,

- prononcé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au bénéfice de M. et Mme [I],

- laissé à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a éventuellement engagés.

Cette décision a été notifiée à Mme [H] [D] par lettre recommandée, dont elle a signé l'avis de réception le 25 avril 2023.

Par lettre recommandée envoyée le 10 mai 2023, Mme [H] [D] a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 21 février 2024.

A cette date l'affaire a été renvoyée au 29 mai 2024.

Par conclusions développées à l'oral, Mme [H] [D], représentée par son avocate demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son recours recevable,

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

et statuant à nouveau,

- rejeter la demande des époux [I] comme étant irrecevable, compte tenu de leur mauvaise foi,

à titre subsidiaire,

- établir un plan de redressement et de remboursement des dettes, leur situation n'étant pas irrémédiablement compromise,

à titre très subsidiaire,

- renvoyer le dossier à la commission de surendettement, la situation des époux [I] n'étant pas irrémédiablement compromise,

- à titre encore plus subsidiaire prononcer le rétablissement judiciaire des époux [I] avec liquidation judiciaire,

- en toutes hypothèses,

- débouter les époux [I] de leurs demandes,

- les condamner au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir que :

- les époux [I] ne sont pas de bonne foi, M. [I] ayant mis fin à son contrat à durée indéterminée pour les besoins de la cause, ayant accepté un contrat à durée déterminée du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022, ce contrat ayant été rompu d'un commun accord. Devant la cour il présente à nouveau un contrat à durée déterminée mais seulement d'une durée de 10 heures par semaine, le contrat produit n'étant pas transmis dans son intégralité,

- les relevés bancaires produits sont tronqués et ne mettent pas en évidence de découverts récurrents, contrairement aux éléments retenus par la commission, puisqu'un découvert devrait apparaître,

- Ils ont déclaré que la valeur de leur mobilier s'élevait à 7 000 euros, de sorte qu'il n'est pas dépourvu de valeur marchande.

- Ils ont acquis un citroën Picasso en 2021, dont ils ne mentionnent ni le prix, ni les conditions de financement, et ils effectuent des achats qui ne sont pas de première nécessité. Ils louent deux places de parking, alors qu'ils ne font état de la propriété que d'une seule voiture.

- des virements réguliers sont également effectués sur le compte de Mme [I] et sur les comptes de leurs enfants.

- Ils ont aggravé leur passif, en refusant de quitter le local commercial, en sollicitant des crédits auprès de Klarna, en constituant une épargne et en ayant un train de vie en inadéquation avec leurs ressources.

- Mme [I], en dépit de son absence de qualification est en mesure de travailler.

Dès lors, il ne peut être considéré que leur situation est irrémédiablement compromise.

M et Mme [I], représentés par leur avocat, demandent à la cour de confirmer le jugement déféré arguant de leur bonne foi et d'une situation irrémédiablement compromise, transmettant en cause d'appel de nouvelles pièces actualisant leur situation. Il est fait état d'une situation précaire, des difficultés de santé de M. [I] et de charges de famille importantes, un train de vie disproportionné par rapport à leurs ressources n'étant nullement démontré.

Ils sollicitent en outre la condamnation de Mme [H] [D] à leur payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres parties ne comparaissent pas.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les parties intimées défaillantes ayant signé l'accusé de réception de leur lettre de convocation, l'arrêt sera réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.

- Sur la bonne foi

Aux termes de l'article L 711-1 du code de la consommation, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.

Il appartient au créancier qui invoque la mauvaise foi d'en rapporter la preuve, la mauvaise foi s'appréciant au vu de l'ensemble des éléments soumis au juge au jour où il statue.

Il convient donc d'examiner les moyens invoqués par Mme [H] [D].

Elle fait tout d'abord valoir que les époux [I] ont menti sur la situation professionnelle de M. [I] en indiquant que la commission avait le 26 août 2021 retenu qu'il travaillait comme serveur en contrat à durée indéterminée depuis le 2 juin 2020, tandis qu'il a produit devant le juge des contentieux de la protection un contrat à durée déterminée à temps partiel. Elle en déduit que M. [I] s'est volontairement trouvé dans une situation professionnelle moins favorable.

Il convient cependant de relever que l'état descriptif de la situtation du débiteur établi par la commission de surendettement le 10 septembre 2020 mentionne qu'il perçoit 175 euros de salaire et 329 euros d'allocations chômage, la motivation des mesures imposées rappelant que ses ressources sont composées de l'allocation chômage et d'un salaire et ne fait donc pas état d'un salaire plus élevé que celui justifié par la suite dans le cadre d'un contrat à durée déterminée avec la société [10], dont il n'est pas démontré que l'authenticité puisse être mise en cause, mentionnant une rémunération mensuelle de 499,16 euros et d'une allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant de 403,39 euros entre octobre et décembre 2023 soit 134,46 euros par mois.

Il produit également son avis d'imposition 2023, sur les revenus de l'année 2022 mentionnant 4 554 euros de revenus soit une moyenne mensuelle de 379,50 euros.

Il n'est donc pas démontré qu'il a consciemment aggravé sa situation sachant qu'il ne pourrait pas faire face à ses engagements.

Dès lors, la rupture invoquée d'un commun accord en décembre 2022 est sans incidence sur les ressources au regard des pièces produites.

M. [I] justifie également disposer d'une carte de mobilité inclusion.

Ensuite, il est fait grief aux époux [I] de ne transmettre que quelques relevés de comptes bancaires au surplus incomplets, ne permettant pas de mettre en lumière la réalité de leurs ressources.

En cause d'appel, ils transmettent leurs relevés de compte notamment des trois derniers mois, et ceux-ci ne révèlent pas un train de vie dispendieux.

S'ils font apparaître concernant le compte bancaire de Mme [I], des versements de 20 euros par mois sur les comptes d'épargne de ses enfants, ces versements ne constituent pas des dépenses incompressibles tout comme les frais comme [12], ou des frais de double parking, ou de la salle de sport et ne sont en tout état de cause pas pris en compte dans le calcul d'une capacité de remboursement.

Il est également indiqué qu'ils disposent d'un mobilier d'une valeur de 7 000 euros. Cependant cela résulte de la déclaration dans le cadre de l'assurance ce qui ne permet nullement d'estimer la valeur réelle de leurs biens mobiliers et de retenir une présentation faussée de la réalité de leur situation.

De plus, Mme [H] [D] soutient que les époux [I] ont aggravé leur endettement en refusant de quitter le local commercial lui appartenant. Il convient cependant de relever que ce local commercial a été loué par la SAS [13] et non par M. et Mme [I] personnes physiques.

Il est également reproché le recours à des crédits Klarna. Cependant, ce dispositif permet le règlement d'achat en trois fois 'sans frais' moyennant le paiement de la somme de 15 euros par mois, permettant un étalement des sommes dues. Cette dépense n'est certes pas indispensable, mais ne peut pas caractériser une aggravation volontaire du passif.

Enfin, il est fait état par l'appelante de la renonciation de Mme [I] à certaines ressources, en ne travaillant pas, et ce, dans le but de se soustraire à ses obligations.

Il convient cependant sur ce point de relever que Mme [I] est âgée de 40 ans , qu'elle a quatre enfants à charge nés en 2007, 2012, 2016 et 2023 et qu'elle ne dispose pas de qualification professionnelle. Il ne peut contrairement à ce qu'indique Mme [H] [D] se déduire de ces éléments qu'elle a volontairement renoncé à une source de revenus.

Au regard de ces éléments, la mauvaise foi des époux [I] n'est pas démontrée et c'est à juste titre que le premier juge a débouté Mme [H] [D] de sa demande d'irrecevabilité à la procédure de surendettement sur ce fondement.

- Sur la situation irrémédiablement compromise

L'article L. 724-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable dispose :

'Lorsqu'il ressort de l'examen de la demande de traitement de la situation de surendettement que les ressources ou l'actif réalisable du débiteur le permettent, la commission prescrit des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.

Lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en 'uvre des mesures de traitement mentionnées au premier alinéa, la commission peut imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, si elle constate que le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que l'actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale...'

Le premier juge a retenu que les époux [I] justifiaient de ressources mensuelles d'un montant total de 2 394,17 euros se décomposant de la manière suivante :

- salaire : 387,93 euros

- allocation de retour à l'emploi ; 194,96 euros

- allocations familiales : 498,15 euros

- majoration : 69,92 euros

- aide personnalisée au logement : 437,33 euros

- prime d'activité : 159,03 euros

- revenu de solidarité active : 375,08 euros

- PAJE : 182 euros

- réduction loyer solidarité : 89,77 euros

Il a retenu des charges mensuelles d'un montant de 2 815,50 euros

- charges de la vie courante : 2 299 euros (forfait banque de France)

- loyer : 481 euros

- assurance voiture : 35,50 euros.

Devant la cour d'appel, il est justifié des ressources mensuelles suivantes :

- salaire de M. : 417 euros (bulletins de salaire de janvier à mars 2024)

- allocation de retour à l'emploi : 27,82 euros

- allocations familiales : 576,82 euros

- prime d'activité : 171, 47 euros

- aide personnalisé au logement : 456,81 euros

- revenu de solidarité active : 292,57 euros

- revenu d'activité pris en compte : 112,24 euros

- PAJE : 184,81 euros

- réduction de loyer solidarité : 94,86 euros

soit un total de 2 334, 40 euros.

Leurs charges mensuelles sont constituées de :

- forfait de base (forfait 2024) : 1 720 euros

- forfait habitation ( forfait 2024) : 325 euros

- forfait chauffage (forfait 2024) : 336 euros

- loyer (hors charges et chauffage pris en compte dans les forfaits) : 516,11 euros

- assurance voiture : 47,85 euros

soit un total de 2 944,96 euros

La différence entre les ressources et les charges est négative, de sorte qu'il n'existe pas de capacité de remboursement.

Compte tenu de leur âge, de leur situation personnelle et professionnelle, la situation financière de M. et Mme [I] n'est pas susceptible d'amélioration. En outre, ils ne disposent d'aucun patrimoine réalisable, il convient donc de constater que leur situation est irrémédiablement compromise au sens de l'article L. 724-1 alinéa 2 du code de la consommation.

Il convient donc de prononcer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, et de confirmer en conséquence le jugement déféré.

- Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens.

Les dépens d'appel sont laissés à la charge de l'Etat.

L'équité commande de débouter M. et Mme [I] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la demande de Mme [H] [D] au titre des frais irrépétibles doit également être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Laisse les dépens d'appel à la charge du trésor public

Déboute M. [P] [I], Mme [Y] [C] épouse [I] et Mme [V] [H] [D] de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/04206
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.04206 ?
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