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02/07/2024 | FRANCE | N°23/00543

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 02 juillet 2024, 23/00543


N° RG 23/00543 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OXTM















Décision du

Tribunal Judiciaire de Lyon

Au fond

du 29 novembre 2022



RG : 19/10736

ch 4









[N]



C/



S.A. ABEILLE IARD ET SANTE ANCIENNEMENT AVIVA ASSURANCE S

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B





ARRET DU 02 Juillet 2024







APPELANT :



M. [G] [H] [M] [N]

né le [Date naissance 6] 1977 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 8]



Représenté par Me Nathalie BOLLAND-SOLLE, avocat au barreau de LYON, toque : 101









INTIMEES :



La...

N° RG 23/00543 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OXTM

Décision du

Tribunal Judiciaire de Lyon

Au fond

du 29 novembre 2022

RG : 19/10736

ch 4

[N]

C/

S.A. ABEILLE IARD ET SANTE ANCIENNEMENT AVIVA ASSURANCE S

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 02 Juillet 2024

APPELANT :

M. [G] [H] [M] [N]

né le [Date naissance 6] 1977 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Nathalie BOLLAND-SOLLE, avocat au barreau de LYON, toque : 101

INTIMEES :

La société ABEILLE IARD ET SANTE (ANCIENNEMENT AVIVA ASSURANCE S)

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Sylvain THOURET de la SCP THOURET AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 732

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE

[Adresse 3]

[Localité 7]

Défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 02 Novembre 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Mars 2024

Date de mise à disposition : 02 Juillet 2024

Audience présidée par Bénédicte LECHARNY, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 22 octobre 2015, M. [G] [N] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il pilotait sa motocyclette. Selon ses déclarations, il a glissé sur une plaque d'égout.

Il a déclaré le sinistre à la société Aviva assurances, devenue la société Abeille IARD et santé (l'assureur).

L'assureur ayant refusé de prendre en charge le sinistre, motif pris de la résiliation du contrat antérieurement à l'accident, M. [N] l'a assigné en indemnisation devant le tribunal judiciaire de Lyon qui, par un jugement du 29 novembre 2022, l'a débouté de toutes ses prétentions et l'a condamné à payer à l'assureur la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration du 24 janvier 2023, M. [N] a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 24 avril 2023, il demande à la cour de :

- déclarer recevable son appel,

- réformer le jugement et, statuant à nouveau :

- ordonner l'exécution par l'assureur à son bénéfice du contrat de flotte Vulcain n° 76968799,

- en conséquence, ordonner son indemnisation par l'assureur au titre de la garantie conducteur de tous les préjudices qu'il a subis du fait de l'accident de la circulation, conformément aux termes du contrat susvisé et de la loi,

en l'absence de proposition amiable de l'assurance,

- ordonner le doublement des intérêts sur la valeur du préjudice,

- accueillir sa demande sur le principe de son indemnisation qui ne peut à ce jour être valorisée de manière définitive en l'absence d'expertise médicale diligentée par l'assureur,

- ordonner la prise en charge du préjudice matériel relatif au véhicule moto ayant été expertisé et évalué à 5 500 euros,

avant-dire droit sur le montant de l'indemnisation définitive de la victime,

- ordonner une expertise judiciaire,

- condamner l'assureur à lui payer une provision de 10'000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif,

- condamner l'assureur à lui payer une indemnité de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toute demande contraire qui serait présentée par l'assureur,

- dire que l'assureur supportera les entiers dépens du procès distrait au profit de Maître Nathalie Bolland-Solle, avocat, sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 19 juillet 2023, l'assureur demande à la cour de :

à titre principal

- juger que la loi du 5 juillet 1985 n'est pas applicable,

- confirmer le jugement dans son intégralité,

en conséquence,

- débouter M. [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

à titre subsidiaire

- juger que le contrat flotte n° 76968799 souscrit par M. [N] était résilié au jour du sinistre,

- juger que les garanties du contrat d'assurance ne sont pas mobilisables,

en conséquence,

- débouter M. [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

à titre infiniment subsidiaire,

dans l'hypothèse où la cour jugerait que les garanties du contrat sont mobilisables,

- débouter M. [N] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice matériel et, subsidiairement, faire application de la franchise contractuelle,

- débouter M. [N] de sa demande d'expertise judiciaire avant-dire droit aux fins d'évaluation de son préjudice corporel et, subsidiairement, limiter la mission de l'expert aux seuls postes de préjudice indemnisables au regard des garanties contractuelles (frais médicaux, pharmaceutiques et autres, incapacité temporaire, incapacité permanente, souffrances endurées et préjudice esthétique),

- juger que les frais d'expertise seront mis à la charge du demandeur,

- débouter M. [N] de sa demande de provision comme se heurtant à des contestations sérieuses et comme n'étant ni fondée ni justifiée et, subsidiairement, limiter à de plus justes proportions la provision sollicitée,

- débouter M. [N] de sa demande de doublement des intérêts comme étant infondée,

en tout état de cause

- débouter M. [N] en toutes ses demandes, défenses, exceptions et fins contraires, notamment au titre des frais et dépens,

- condamner M. [N] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner M. [N] aux dépens d'appel et autoriser la société Thouret avocats, avocat constitué, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à qui la déclaration d'appel et les conclusions et pièces de l'appelant ont été signifiées par actes de commissaire de justice des 21 mars et 11 mai 2023 remis à personne habilitée, n'a pas constitué avocat devant la cour d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 novembre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la prise en charge du sinistre

À l'appui de son appel, M. [N] fait valoir essentiellement que :

- son action est fondée, non sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, mais sur les articles 1103, 1104, 1217 et 1231-1 du code civil, L. 113-1, L. 113-12, L. 113-14 et L. 113-16 du code des assurances ;

- s'il reconnaît avoir indiqué à l'assureur la cessation définitive de son activité professionnelle, il conteste lui avoir adressé une demande de résiliation de son contrat d'assurance ; à la suite d'un rendez-vous pris avec l'agent général de l'assureur pour déterminer les conséquences de sa cessation d'activité, des transferts d'assurance avaient commencé à s'opérer pour certains véhicules de sa flotte mais pas pour la moto qu'il pilotait le jour de l'accident ; d'ailleurs, l'assureur a continué de prélever les primes d'assurance ; le contrat d'assurance n'était donc pas résilié le jour de l'accident ;

- l'assureur est tenu contractuellement de l'indemniser selon les termes du contrat souscrit.

L'assureur réplique essentiellement que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté l'application de la loi du 5 juillet 1985 qui ne peut être invoquée par le conducteur d'un véhicule dont il est le gardien, victime d'un accident, lorsqu'il n'y a pas d'autres responsables, et donc lorsque son véhicule est le seul impliqué ;

- suite au rendez-vous avec l'agent général, le contrat flotte n° 76968799 a été résilié, d'un commun accord, avec prise d'effet au 11 septembre 2015 et il a été procédé au remboursement des primes au prorata temporis à compter de cette date ; le contrat souscrit étant réservé aux professionnels de l'automobile, ainsi que l'énoncent clairement ses conditions générales, les véhicules ne pouvaient plus être garantis à compter de la cessation d'activité professionnelle de la société assurée ; M. [N] avait parfaitement connaissance de la résiliation du contrat ; il a encaissé le remboursement des primes trop perçues ce qui vaut accord tacite de la résiliation du contrat ;

- subsidiairement, en application des articles L. 113-14 et L. 113-16 du code des assurances, la résiliation notifiée par M. [N] le 11 septembre 2015 a pris effet un mois après, soit au 11 octobre 2015.

Réponse de la cour

C'est par des motifs pertinents, non discutés en cause d'appel, que le premier juge a retenu que M. [N] ne bénéficie d'aucun droit à indemnisation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, dès lors que la victime est le conducteur et qu'aucun autre véhicule n'est impliqué dans l'accident.

M. [N] sollicite en cause d'appel l'indemnisation de ses préjudices en application des dispositions du contrat d'assurance dont il soutient qu'il n'était pas résilié à la date de l'accident.

Selon l'article L. 113-12, alinéa 1er, du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989, applicable à l'espèce, la durée du contrat et les conditions de résiliation sont fixées par la police.

Encore, selon l'article L. 113-14 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 81-5 du 7 janvier 1981, applicable à l'espèce, dans tous les cas où l'assuré a la faculté de demander la résiliation, il peut le faire à son choix, soit par une déclaration faite contre récépissé au siège social ou chez le représentant de l'assureur dans la localité, soit par acte extrajudiciaire, soit par lettre recommandée, soit par tout autre moyen indiqué dans la police.

Et en application de l'article L. 113-16, en cas de cessation définitive d'activité professionnelle, le contrat d'assurance peut être résilié par chacune des parties lorsqu'il a pour objet la garantie de risques en relation directe avec la situation antérieure et qui ne se retrouvent pas dans la situation nouvelle. La résiliation du contrat ne peut intervenir que dans les trois mois suivant la date de l'événement. La résiliation prend effet un mois après que l'autre partie au contrat en a reçu notification.

Il résulte par ailleurs des conditions générales du contrat souscrit (article X. C. 1) que le contrat peut être résilié par l'assuré « dans les circonstances et selon les modalités précisées ci-après :

* Chaque année à l'échéance principale : [...]

* En cas de survenance de l'un des événements suivants : [...]

- retraite professionnelle ou cessation définitive d'activité professionnelle [...]

La résiliation ne peut intervenir, selon l'article L. 113-16 du Code, que :

- si le contrat a pour objet la garantie de risques en relation directe avec la situation antérieure et qui ne se retrouvent pas dans la situation nouvelle ;

- et si vous nous informez de votre situation dans les trois mois suivant la date de survenance de l'événement (la résiliation prenant effet un mois après cette notification) [...] ».

Si l'assureur soutient, à titre principal, que le contrat flotte n° 76968799 a été résilié d'un commun accord au 11 septembre 2015, il ne l'établit pas.

En effet, alors qu'aucun écrit n'est produit constatant la volonté commune des parties de résilier le contrat, la preuve de cette résiliation ne saurait résulter de la mention « résilié à effet du 11/09/2015 » apparaissant sur la capture d'écran du logiciel de l'assureur, intitulée « Détail du contrat Vulcain Garagistes n° 76968799 » (sa pièce n° 4), étant observé que l'assureur est mal fondé à soutenir que M. [N] était informé de la résiliation intervenue et qu'il ne l'a pas contestée, dans la mesure où le courrier de l'agent général accusant réception de « [sa] demande de résiliation à effet du 11/09/2015 pour le contrat Vulcain Garagistes » et lui en donnant acte est daté du 31 octobre 2015, soit postérieurement à la date de l'accident et à la demande de prise en charge du sinistre.

La preuve de cette résiliation, s'agissant plus particulièrement de la moto impliquée dans l'accident, ne résulte pas davantage de la souscription d'un nouveau contrat pour un autre véhicule, fût-il à l'origine assuré au titre du même contrat.

Cette résiliation ne découle pas non plus de la seule cessation d'activité professionnelle de la société gérée par M. [N] à la date du 11 septembre 2015, alors qu'il résulte des conditions générales du contrat rappelées ci-dessus qu'une telle résiliation « ne peut intervenir [...] que si [l'assuré informe l'assureur de sa] situation dans les trois mois suivant la date de survenance de l'événement (la résiliation prenant effet un mois après cette notification) », de telles modalités excluant expressément le caractère automatique de la résiliation.

Enfin, la preuve de la résiliation ne résulte pas davantage du remboursement des primes trop perçues postérieurement à la date de l'accident et à la déclaration du sinistre, étant observé, au surplus, que l'assureur ne rapporte pas la preuve de l'encaissement par M. [N] des sommes prétendument remboursées, la pièce n° 8 alléguée par l'assureur et produite par la partie adverse, intitulée « situation des cotisations au 17/11/2015 », n'établissant ni le remboursement effectif des primes trop-perçues ni, surtout, leur encaissement par l'appelant.

L'assureur soutient, à titre subsidiaire, que le contrat a été résilié unilatéralement par M. [N] à effet du 11 octobre 2015.

Toutefois, force est de constater qu'il n'établit pas que ce dernier a effectivement usé de la faculté de demander la résiliation du contrat dans les formes prévues par les articles L. 113-14 du code des assurances et X. C. 1 des conditions générales du contrat. À supposer qu'il puisse être considéré que cette demande a résulté de la remise à l'agent général d'assurance de l'avis de radiation URSSAF daté du 21 septembre 2015 (pièce n° 1 de l'assureur), la cour observe que cette remise n'est pas datée, de sorte que le point de départ du délai d'un mois à compter de la notification, visé à l'article X. C. 1 des conditions générales, est inconnu et qu'il n'est pas possible, par conséquent, de déterminer la date à laquelle la résiliation a pris effet.

En l'absence de preuve de la résiliation du contrat d'assurance à la date de l'accident, l'assureur est tenu de prendre en charge le sinistre conformément aux dispositions contractuelles.

2. Sur les demandes indemnitaires

2.1. Sur le préjudice matériel

M. [N] sollicite le versement d'une somme de 5 500 euros au titre du préjudice matériel relatif à la valeur de la moto.

L'assureur soutient que le rapport d'expertise produit par l'appelant n'est pas probant, pour avoir été établi plus d'un an après le sinistre, de manière non contradictoire. Il ajoute qu'alors qu'en l'absence de cession du véhicule à l'assureur, l'indemnité revenant à l'assuré correspond à la différence des valeurs avant et après sinistre, en l'espèce, la valeur après sinistre n'a pas été chiffrée, si bien que M. [N], qui a conservé la moto, échoue à rapporter la preuve de son préjudice. À titre subsidiaire, il demande qu'il soit fait application de la franchise contractuelle.

Réponse de la cour

Il résulte des conditions particulières du contrat d'assurance que la société dont M. [N] était le gérant avait souscrit la garantie « tous dommages à vos véhicules » qui couvre notamment les « dommages tous accidents uniquement pour les véhicules de tourisme et utilitaire dont le PTAC n'excède pas 3,5T (y compris remorques et caravanes) », dans la limite d'une valeur vénale de 100'000 euros, déduction faite d'une franchise de 600 euros par véhicule.

Pour justifier du montant de son préjudice, M. [N] verse aux débats un rapport d'expertise rédigé à sa demande le 2 janvier 2017, après un examen du véhicule effectué le 24 janvier 2016, soit plus d'un an après la date de l'accident, qui évalue la valeur de remplacement à dire d'expert du véhicule à la date du 22 octobre 2015 à la somme de 5 500 euros TTC. L'expert précise que le véhicule est techniquement réparable mais économiquement non réparable compte tenu du montant des réparations.

La cour ne peut se fonder exclusivement sur cette expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.

Toutefois, au vu de la marque et du modèle de la moto, et de sa date de première mise en circulation, la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le préjudice matériel de M. [N] à la somme de 4 500 euros.

Aussi convient-il, après déduction de la franchise de 600 euros, de condamner l'assureur à lui payer, la somme de 3 900 euros.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de ce chef de demande.

2.2. Sur le préjudice corporel

M. [N] demande la désignation d'un expert médical et le versement d'une provision de 10'000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif.

L'assureur demande que la mission de l'expert soit limitée aux seuls postes de préjudices indemnisables au titre du contrat et s'oppose au versement d'une provision.

Réponse de la cour

Il résulte des conditions particulières du contrat d'assurance que la société dont M. [N] était le gérant avait souscrit la garantie « garantie tous conducteurs » qui couvre notamment les « dommages corporels, préjudices et dommages vestimentaires consécutifs », dans la limite de 160'000 euros par événement.

Aux termes des conditions générales du contrat, « cette garantie prévoit l'indemnisation du conducteur en évaluant les préjudices selon les règles du droit commun de la responsabilité civile », le paragraphe B intitulé « Contenu de la garantie » précisant :

« Nous procédons au règlement des dommages corporels subis par le conducteur ou à l'indemnisation de ses ayants droits en cas de décès.

Le plafond de cette garantie est indiqué aux conditions particulières.

Les dommages corporels se décomposent en divers postes de préjudices :

En cas de blessures

* frais médicaux pharmaceutiques et autres

* incapacité temporaire

* incapacité permanente

Nous déduisons de la somme correspondant à ces postes les montants réglés par les tiers payeurs.

Nous procédons par ailleurs à l'indemnisation des préjudices personnels tels que souffrances endurées et préjudice esthétique, ainsi que des dommages vestimentaires s'ils sont la conséquence de l'accident corporel. [...] ».

Au vu de ces dispositions et des pièces médicales versées aux débats par l'appelant, il convient d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale aux frais avancés de l'appelant, limitée aux postes de préjudice suivants visés dans le contrat : frais médicaux, pharmaceutiques et autres, déficit fonctionnel temporaire (incapacité temporaire), déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) et l'ensemble des préjudices personnels, les termes « tels que » employés dans les conditions générales étant susceptibles de donner lieu à interprétation.

Au vu des blessures subies par M. [N], telles qu'elles résultent des pièces médicales versées aux débats, il y a lieu de lui accorder une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices corporels d'un montant de 7 000 euros.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes d'expertise médicale et de provision.

3. Sur la demande de doublement des intérêts

M. [N] sollicite le doublement des intérêts sur la valeur du préjudice, en l'absence de proposition amiable de l'assurance, sans préciser le fondement juridique de sa demande.

Selon l'article L. 211-13 du code des assurances, lorsque l'offre d'indemnisation n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

En application de l'article L. 211-9 précité, cette sanction n'est applicable qu'à l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, M. [N], conducteur victime et seul impliqué dans l'accident, poursuivant l'indemnisation de ses préjudices en exécution du contrat d'assurance souscrit par la société dont il était le gérant.

Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de la solution donnée au litige en cause d'appel, le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

L'assureur, partie perdante au principal, est condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [N] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il déboute M. [G] [N] de sa demande de doublement des intérêts sur la valeur du préjudice ;

Condamne la société Abeille IARD et santé à indemniser les préjudices subis par M. [G] [N] à la suite de l'accident de la circulation du 22 octobre 2015 conformément à la garantie « tous dommages à vos véhicules » et à la garantie « tous conducteurs » souscrites dans le cadre du contrat d'assurance « garagistes Vulcain » n° 76968799 ;

Condamne en conséquence la société Abeille IARD et santé à payer à M. [G] [N] la somme de 3 900 euros au titre du préjudice matériel causé à son véhicule ;

Ordonne une expertise médicale ;

Commet pour y procéder le docteur [J] [O], [Adresse 9], téléphone : [XXXXXXXX01] et [XXXXXXXX02], Mèl : [Courriel 12], lequel s'adjoindra si nécessaire tout sapiteur de son choix ;

Donne à l'expert la mission suivante :

1. Convoquer M M. [G] [N], victime de l'accident ; convoquer aussi les autres parties par lettre recommandée avec avis de réception et leurs conseils par lettre simple en invitant chacun et tous tiers détenteurs à communiquer tous les documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier le certificat médical initial ;

2. Se faire communiquer par la victime, son représentant légal ou tout tiers détenteur, tous documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier le certificat médical initial ;

Analyse médico-légale

3. Fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime, ses conditions d'activités professionnelles, son niveau scolaire s'il s'agit d'un enfant ou d'un étudiant, son statut exact et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi ;

4. À partir des déclarations de la victime imputable au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et de rééducation et, pour chaque période d'hospitalisation ou de rééducation, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins ;

5. Indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l'accident et, si possible, la date de la fin de ceux-ci ;

6. Retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution ;

7. Prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits ;

8. Recueillir toutes les doléances actuelles de la victime et/ou de ses proches en l'interrogeant sur les conditions d'apparition des douleurs et de la gêne fonctionnelle, sur leur importance et sur leurs conséquences ;

9. Interroger la victime et/ou ses proches pour connaître un éventuel état antérieur et ne citer dans le rapport que les antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles. Dans cette hypothèse :

au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable,

au cas où il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir ;

10. Procéder à un examen clinique détaillé (y compris taille et poids) en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime, en assurant la protection de son intimité, et informer ensuite contradictoirement les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences ;

11. Analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre l'accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur :

* la réalité des lésions initiales,

* la réalité de l'état séquellaire en décrivant les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l'accident,

l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales,

* et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur ;

Évaluation médico-légale

12. Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités scolaires ou professionnelles, ou ses activités habituelles ;

Si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux ;

Préciser la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux ; si cette durée est supérieure à l'incapacité temporaire retenue, dire si ces arrêts sont liés au fait dommageable;

13. Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;

14. Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique temporaire (avant consolidation). Le décrire précisément et l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;

15. Fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation ;

Si la date de consolidation ne peut pas être fixée, l'expert établira un pré-rapport décrivant l'état provisoire de la victime et indiquera dans quel délai celle-ci devra être réexaminée ;

16. Chiffrer, par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;

17. Dire si les frais médicaux, pharmaceutiques, paramédicaux, hospitalisation, appareillages postérieurs à la consolidation directement imputables à l'accident sont actuellement prévisibles et certains ;

Dans l'affirmative, indiquer pour chacun de ces frais, le caractère occasionnel ou viager, la nature, la quantité et la durée prévisibles ;

18. Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent. Le décrire précisément et l'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit fonctionnel proprement dit ;

19. Lorsque la victime allègue un préjudice d'agrément, à savoir l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, ou une limitation de la pratique de ces activités, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;

20. Dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

21. Établir un récapitulatif de l'évaluation de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;

Fait injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

Dit que l'expert pourra se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise ;

Dit que l'expert ne communiquera directement aux parties les documents médicaux ainsi obtenus directement de tiers concernant la victime qu'avec son accord ; qu'à défaut d'accord de celle-ci, ces éléments seront portés à la connaissance des parties par l'intermédiaire du médecin qu'elles auront désigné à cet effet ;

Dit que l'expert devra adresser aux parties un document de synthèse, ou pré-rapport :

fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d'un délai de 4 à 5 semaines à compter de la transmission du rapport,

rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu'il fixe ;

Dit que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :

la liste exhaustive des pièces par lui consultées,

le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation,

le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise,

la date de chacune des réunions tenues,

les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties,

le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que le document qu'il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport) ;

Dit que l'original du rapport définitif sera déposé en double exemplaire au greffe de la cour d'appel, tandis que l'expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil, avant le 31 mars 2025 sauf prorogation expresse ;

Fixe à la somme de 2 000 euros, le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par M. [G] [N] à la régie d'avances et de recettes de la cour avant le 30 septembre 2024 ;

Condamne la société Abeille IARD et santé à payer à M. [G] [N] la somme de 7 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

Condamne la société Abeille IARD et santé à payer à M. [G] [N] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Abeille IARD et santé aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 23/00543
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;23.00543 ?
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