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02/07/2024 | FRANCE | N°22/08457

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 02 juillet 2024, 22/08457


N° RG 22/08457 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OVSB















Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 06 décembre 2022



RG : 20/03104

ch 4









[B]



C/



S.A. SOCIETE GENERALE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 02 Juillet 2024







APPELANTE :


r>Mme [J] [B] divorcée [O]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Kathia FAVOREAU, avocat au barreau de LYON, toque : 338









INTIMEE :



La SOCIETE GENERALE

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Hugues MARTIN de la SELAS...

N° RG 22/08457 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OVSB

Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 06 décembre 2022

RG : 20/03104

ch 4

[B]

C/

S.A. SOCIETE GENERALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 02 Juillet 2024

APPELANTE :

Mme [J] [B] divorcée [O]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Kathia FAVOREAU, avocat au barreau de LYON, toque : 338

INTIMEE :

La SOCIETE GENERALE

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Hugues MARTIN de la SELAS Fiducial Legal by LAMY, avocat au barreau de LYON, toque : 656

ayant pour avocat plaidant Me Aude MANTEROLA de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocat au Barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 21 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Mars 2024

Date de mise à disposition : 02 Juillet 2024

Audience présidée par Bénédicte LECHARNY, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte d'huissier de justice du 10 juin 2020, Mme [J] [B] a assigné la Société générale (la banque) devant le tribunal judiciaire de Lyon, sollicitant principalement la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire et la restitution d'un indu de 23'831,65 euros.

Par jugement du 6 décembre 2022, le tribunal l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens de l'instance et à payer à la banque la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 19 décembre 2022, Mme [B] a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 28 février 2024, elle demande à la cour de :

- juger recevable en la forme et justifiée quant au fond son appel, et y faisant droit,

- réformer le jugement et statuant à nouveau :

- condamner la banque à lui payer la somme de 23'831,65 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2018,

- condamner la banque à lui payer une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner la banque à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même en tous les dépens.

Par conclusions notifiées le 6 mars 2024, la banque demande à la cour de :

- dire et juger mal fondé l'appel formé par Mme [B] à l'encontre du jugement,

en conséquence,

- le rejeter,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes,

et statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables et mal fondées les demandes et prétentions formulées par Mme [B],

en conséquence,

- les rejeter,

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes et prétentions, fins et conclusions,

et sur la nouvelle demande présentée par Mme [B] à titre subsidiaire,

- dire et juger irrecevable car nouvelle la demande aux fins de condamnation de la banque sur le fondement d'un prétendu enrichissement injustifié,

subsidiairement,

- déclarer infondée cette demande,

en conséquence,

- la rejeter,

en toute hypothèse,

- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction profit de Maître Hugues Martin, avocat sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aucune partie ne sollicitant l'infirmation du chef de dispositif ayant débouté Mme [B] de sa demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire, celui-ci est définitif.

1. Sur la demande en paiement de la somme de 23'831,65 euros

Mme [B] sollicite le remboursement de la somme de 23'831,65 euros dont elle soutient qu'elle a été indûment perçue par la banque. Elle fait valoir essentiellement que :

- alors qu'elle avait obtenu un accord de principe de la banque sur l'octroi d'un prêt immobilier et que le délai de rétractation du compromis était expiré, la banque l'a informée, d'une part, que le bien composant sa résidence principale était grevée d'une hypothèque judiciaire à hauteur de la somme de 23'831,65 euros résultant d'une condamnation obtenue à l'encontre de son ex-mari à titre personnel, d'autre part, que le prêt sollicité ne serait débloqué qu'ensuite d'un paiement immédiat de cette somme en vue de la mainlevée de la mesure de sûreté ; ne pouvant plus se rétracter du compromis de vente, elle n'a eu d'autre choix que de régler la somme réclamée ;

- or, la banque n'était pas sa créancière, puisqu'il s'agissait d'une dette professionnelle de son ex-mari, ce dont elle n'a été informée qu'après avoir assigné la banque, cette dernière lui ayant sciemment caché la nature professionnelle de la dette et l'ayant contrainte à la régler avant d'autoriser le déblocage du prêt sollicité ;

- en omettant sciemment de justifier de la nature et du titulaire de la dette, la banque a fait preuve de mauvaise foi et d'une intention dolosive à son égard ; en trompant sciemment la religion de sa cliente aux fins d'obtenir le règlement d'une somme à laquelle elle n'était pas tenue, la banque a engagé sa responsabilité contractuelle.

Pour le cas où la cour ne ferait pas droit à la demande au titre de la répétition de l'indu, Mme [B] sollicite la condamnation de la banque sur le fondement d'un enrichissement injustifié, au visa de l'article 1303-2 du code civil, faisant valoir qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle demande en cause d'appel mais d'un fondement juridique différent pour le règlement de la même indemnité.

La banque réplique que Mme [B] s'est acquittée de manière délibérée du solde de la dette de son ex-mari et conteste avoir exigé le paiement de la somme en vue de débloquer le prêt immobilier sollicité par l'appelante. Elle fait valoir essentiellement que :

- Mme [B] n'ignorait pas que la banque avait procédé, le 25 novembre 2011, à l'inscription d'une hypothèque judiciaire sur les droits détenus par son ex-mari sur leur bien immobilier commun ;

- le paiement opéré par l'appelante, qui a éteint la dette de son ex-mari, est justifié et ne saurait être remis en cause ;

- aucune mauvaise foi ou man'uvre dolosive ne peut lui être reprochée et l'allégation adverse suivant laquelle elle aurait exigé le paiement de la dette pour débloquer le prêt immobilier sollicité n'est étayée par aucun élément ;

- la demande formée à titre subsidiaire par l'appelante sur le fondement d'un enrichissement injustifié est irrecevable comme nouvelle en appel ; subsidiairement, elle est infondée, dès lors que Mme [B] a eu l'intention de désintéresser la banque qui était titulaire d'une créance ayant donné lieu à une inscription d'hypothèque, dont l'existence et le montant ne sont pas contestées.

Réponse de la cour

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Et selon l'article 563 du même code, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises aux premiers juges, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Enfin, l'article 565 dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges mêmes si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, Mme [B] sollicite la condamnation de la banque à lui payer la somme de 23'831,65 euros sur plusieurs fondements juridiques, dont celui de l'enrichissement injustifié, soutenu pour la première fois en appel.

Contrairement à ce que soutient la banque, il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'un moyen de droit nouveau, de sorte qu'il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevé par l'intimée.

Mme [B] fonde en premier lieu sa demande sur les dispositions relatives à la restitution de l'indu.

Aux termes de l'article 1302 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

L'article 1302-1 du même code dispose que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qu'il ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

Et selon l'article 1302-2, alinéa 1er, celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d'autrui peut agir en restitution contre le créancier.

C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que le premier juge a retenu que :

- la qualité de créancier de la banque n'est pas contestable en présence de décisions de justice ayant pris acte de la reconnaissance par l'ex-mari de l'appelante de l'existence d'une dette ;

- Mme [B] savait dès l'origine que le paiement litigieux intervenait pour le compte de son ex-mari, dans la mesure où il lui a été demandé de procéder un virement portant la mention d'une référence « [O] [I] NR 35'865 » ;

- Mme [B] ne démontre pas avoir effectué ce règlement consécutivement à l'exercice d'une quelconque contrainte qui aurait aboli sa liberté d'action.

Pour confirmer le jugement sur ce point, la cour ajoute en premier lieu que l'appelante reconnaît elle-même, en page 3 de ses conclusions d'appel, que la banque lui a indiqué le 25 juillet 2018 « que le bien objet du premier prêt et devenu [sa] résidence principale [...] après cession des parts de son ex époux à son profit suite à leur procédure de divorce, était grevé d'une hypothèque judiciaire à hauteur de 23'831,65 euros résultant d'une condamnation obtenue au profit de la banque à l'encontre de M. [O] à titre personnel ; rappelons que les époux étaient unis sous le régime séparatiste », ce dont il résulte que si elle pouvait ignorer le caractère professionnel de la dette, elle était en revanche informée, dès avant le paiement, que la dette résultait d'une condamnation à l'encontre de son seul ex-mari. Cette connaissance est d'ailleurs confirmée par le mail qu'elle a adressé à son conseiller de clientèle le 9 octobre 2018 dans lequel elle indique n'avoir « reçu aucun document concernant le paiement de la créance de [s]on ex-mari (montant de 23'831,65 €) » et sollicite la communication des coordonnées du service contentieux afin qu'elle « puisse [s]e rapprocher d'eux pour obtenir les justificatifs de paiement ».

En deuxième lieu, aucune pièce du dossier ne vient corroborer les affirmations de Mme [B] selon lesquelles la banque aurait subordonné le déblocage du prêt immobilier au paiement de cette dette et l'aurait contrainte à procéder au règlement prétendument exigé dans un délai de 24 heures, insuffisant pour lui laisser le temps d'analyser la situation. Sur ce dernier point, la cour observe, d'une part, que la réitération de l'acte de vente était fixée le 25 septembre 2018, aux dires de l'appelante, lui laissant ainsi un délai de deux mois pour se renseigner sur la nature de la dette, d'autre part, que si Mme [B] affirme qu'elle ne pouvait plus se rétracter du compromis de vente, force est de relever qu'elle s'abstient de verser aux débats ledit compromis qui comprenait selon toute vraisemblance une condition suspensive d'obtention d'un prêt, de sorte qu'il est faux de soutenir qu'elle « n'a eu d'autre choix que de voir décaisser sur son compte la somme de 23'831,65 euros dès le 26 juillet 2018 ».

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [B] en restitution d'un indu.

Mme [B] fonde en second lieu sa demande sur les dispositions relatives à l'enrichissement injustifié.

Selon les articles 1303, 1303-1 et 1303-2, alinéa 1er, du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

- en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement ;

- l'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri ni de son intention libérale ;

- il n'y a pas lieu à indemnisation si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel.

En l'espèce, la banque soutient à juste titre que Mme [B] avait un intérêt personnel à s'appauvrir puisque le paiement de la dette son ex-mari avait manifestement pour objectif la mainlevée de l'inscription d'hypothèque, ainsi qu'il ressort de l'échange de mails intervenus en octobre 2018 entre son conseiller de clientèle (« En date du 26/07 dernier, l'épouse de M. [O] a soldé la dette de ce dernier chez nous. Elle a également pris rdv chez le notaire pour lever l'hypothèque judiciaire. Afin d'avancer dans sa procédure de divorce, la cliente me demande s'il vous serait possible de me faire suivre une attestation confirmant la régularisation de cette dette et que le dossier est bien soldé » - pièce 15 de l'appelante) et le service recouvrement de la banque (« Pour [la ] mainlevée, nous l'adresserons directement au notaire en charge de la désolidarisation lorsqu'il nous interrogera » - pièce 17 de l'appelante).

La preuve d'un d'enrichissement injustifié n'est donc pas rapportée.

En outre, au vu de ce qui a été énoncé plus avant, il doit être retenu que l'appelante échoue à démontrer que la banque a fait preuve d'une mauvaise foi et d'une intention dolosive à son égard, de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande en paiement de la somme de 23'831,65 euros.

2. Sur la demande en dommages-intérêts pour préjudice moral

Compte tenu de ce qui précède, le jugement est également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts.

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est enfin confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

En cause d'appel, Mme [B], partie perdante, est condamnée aux dépens et à payer à la banque la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Société générale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne Mme [J] [B] à payer à la Société générale la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [J] [B] aux dépens d'appel,

Fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/08457
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;22.08457 ?
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