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02/07/2024 | FRANCE | N°22/04386

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 02 juillet 2024, 22/04386


N° RG 22/04386 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLR7









Décision du

Tribunal Judiciaire de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 12 mai 2022



RG : 21/00099







[J]



C/



Fondation FONDATION [W] [I]

S.A. [9]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 02 Juillet 2024







APPELANTE :



Mme [D] [J] épo

use [B]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 13]

[Adresse 5]

[Localité 13]





Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

ayant pour avocat plaidant Me Mathias VUILLERMET de l...

N° RG 22/04386 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLR7

Décision du

Tribunal Judiciaire de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 12 mai 2022

RG : 21/00099

[J]

C/

Fondation FONDATION [W] [I]

S.A. [9]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 02 Juillet 2024

APPELANTE :

Mme [D] [J] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 13]

[Adresse 5]

[Localité 13]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

ayant pour avocat plaidant Me Mathias VUILLERMET de la SELAS Fiducial Legal by LAMY, avocat au barreau de LYON, toque : 656

INTIMEES :

Fondation [W] [I]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Cyril LAURENT, avocat au barreau de LYON, toque : 829

ayant pour avocat plaidant Me François-xavier KELIDJIAN de la SELASU FRANCOIS-XAVIER KELIDJIAN, avocat au barreau de PARIS

La société [9] anciennement dénommée [10]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Laurent BURGY de la SELARL LINK ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1748

ayant pour avocat plaidant Me Jean-pierre LAIRE, avocat au barreau de PARIS,

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Mars 2024

Date de mise à disposition : 02 Juillet 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [J] est née de l'union de M. [V] [J] et de [S] [L].

Le 3 octobre 1995, [S] [L] a adhéré à un contrat collectif d'assurance-vie Natio-Vie multiplacements auprès de la société [12]. A cette occasion, elle a versé une cotisation de 157 100 francs. La clause bénéficiaire du contrat était rédigée au bénéfice de la fondation [W] [I].

Le 30 novembre 2000, [S] [L] a souscrit auprès de la société [10] un contrat d'assurance vie multi supports dénommé Selectivaleurs dont la clause bénéficiaire était stipulée au profit de la fondation [W] [I]. A cette occasion, elle a effectué un versement de 200 000 francs. Ensuite, elle a effectué les opérations suivantes:

- versement de 100 000 francs le 2 mai 2001,

- versement de 210 000 francs le 11 août 2001,

- versement de 130 000 francs le 10 octobre 2001,

- versement de 150 000 euros le 14 décembre 2017.

[S] [L] est décédée le [Date décès 3] 2018, laissant pour lui succéder son conjoint survivant, [X] [A] et sa fille, Mme [D] [J].

[X] [A] est décédé le [Date décès 2] 2020.

Le 27 février 2019, la société [12] a versé la somme de 50 480,61 euros à la fondation [W] [I] au titre du contrat multiplacements.

Le 26 août 2019, la société [10] a effectué un versement au profit de la fondation [W] [I] d'un montant de 263 784,42 euros au titre du contrat Selectivaleurs.

Par deux actes d'huissier de justice du [Date décès 3] 2020, Mme [D] [J] a fait assigner la fondation [W] [I] et la société [10], devenue [9], devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en nullité du contrat d'assurance-vie et à titre subsidiaire en réduction pour atteinte à la réserve héréditaire.

Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a débouté Mme [D] [J] de ses demandes.

Par déclaration du 14 juin 2022, Mme [D] [J] a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 31 janvier 2024, Mme [D] [J] demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [D] [J] de l'intégralité de ses demandes,

Et statuant à nouveau,

- juger nul le contrat d'assurance vie n°2450028274 souscrit auprès de la société [9] pour cause illicite et contraire à l'ordre public successoral ;

- condamner la société [9] à rembourser la somme de 267.765,67 €, à la succession de [S] [L], outre intérêts de droit à compter de la présente assignation ;

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code de procédure civile ;

Subsidiairement,

- juger que les primes versées par [S] [L] pour alimenter ses contrats d'assurance vie [11] multiplacements n° 2732418 souscrit auprès de la société [12] et [9] n° 2450028274 souscrit auprès de la société [9], sont manifestement exagérées ;

- ordonner la réintégration fictive à l'actif successoral de la somme de 291.024,24 € correspondant au montant des primes exagérées ;

- juger que la réserve héréditaire de Mme [D] [J] est atteinte à hauteur de 72.574,62 € ;

- juger que Mme [D] [J] est ainsi fondée à solliciter le paiement par la fondation [W] [I], en sa qualité de bénéficiaire des contrats d'assurance-vie, d'une indemnité de réduction des libéralités ;

- juger que l'indemnité de réduction des libéralités s'élève à 72.574,62 € ;

- condamner la fondation [W] [I] à verser à MmeFlorence [J] la somme de 72.574,62 € à titre d'indemnité de réduction ;

En tout état de cause,

- condamner la société [9] au versement d'une somme de 15.000 € au profit de Mme [D] [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

- condamner la fondation [W] [I] au versement d'une somme de 15.000 € au profit de Mme [D] [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 26 mai 2023, la fondation [W] [I] demande à la cour de:

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bourg en Bresse du 12 mai 2022 en toutes ses dispositions.

En conséquence,

- débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes,

-débouter la société [9] des demandes formées à l'encontre de la fondation [W] [I].

En outre,

- condamner Mme [J] au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel

- condamner Mme [J] aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Laurent avocat à la cour d'appel de Lyon en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 23 novembre 2022, la société [9] demande à la cour de:

- confirmer le jugement prononcé le 12 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.

- débouter en conséquence Mme [D] [J] de ses demandes :

- de nullité du contrat d'assurance vie Selectivaleurs n° 2450028274 souscrit auprès de la société [9] pour cause illicite et contraire à l'ordre public,

- de condamnation de la société [9] à rembourser la somme de 267.765,67 euros à la succession de [S] [L], outre intérêts de droit à compter de la présente assignation,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code de procédure civile,

- de condamnation de la société [9] au versement d'une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

- statuer ce que de droit sur la demande subsidiaire de Madame [D] [J] en réintégration des primes manifestement exagérées à l'actif successoral et sa demande de condamnation de la Fondation [W] [I] en paiement de la somme de 72.574,62 euros au titre de l'indemnité de réduction des libéralités.

Subsidiairement,

- juger que le paiement effectué par la société [9] à la Fondation [W] [I] est libératoire,

- débouter en conséquence Mme [D] [J] de ses demandes :

- de condamnation de la société [9] à rembourser la somme de 267.765,67 euros à la succession de Madame [L], outre intérêts de droit à compter de la présente assignation,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code de procédure civile,

- de condamnation de la société [9] au versement d'une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Plus subsidiairement.

Vu l'article 1302-1 du code civil,

Vu les conséquences de la nullité de la convention à l'égard du bénéficiaire de la stipulation pour autrui,

S'il est fait droit à la demande de nullité du contrat Selectivaleurs n° 2450028274 souscrit par [S] [L] le 30 novembre 2000, et à la demande de condamnation de la société [10] de restituer à la succession de [S] [L] la totalité des primes versées sur le contrat, soit la somme de 249.248,12 euros,

- condamner la Fondation [W] [I] au paiement à la société [10] la somme nette de 263 784,42 euros avec intérêts de droit et anatocisme depuis le 26 août 2019.

En tout état de cause,

- condamner la partie qui succombera à payer à la société [9] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la partie qui succombera aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Burgy.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 14 mars 2024.

MOTIFS

1. Sur la nullité du contrat d'assurance-vie

Mme [J] soutient que le contrat d'assurance vie est nul pour cause illicite et contraire à l'ordre public successoral. Elle fait notamment valoir que:

- sa mère l'a abandonnée et avait l'intention de la déshériter, ainsi que cela résulte de plusieurs attestations,

- après son divorce, elle n'a pas souhaité avoir sa garde, son père l'ayant élevée seul,

- lors de la souscription du contrat d'assurance-vie, elle n'a pas déclaré avoir un enfant,

- elle a rédigé un testament au profit de son seul époux et ne lui a consenti aucune donation,

- les deux contrats d'assurance-vie ont comme bénéficiaire la fondation [W] [I], sans déclaration auprès de la compagnie d'assurance qu'elle a un enfant, ce qui est une fraude entraînant la nullité du contrat,

- les versements, qui provenaient de ses comptes personnels, démontrent la volonté de déshériter sa fille,

- alors qu'elle était à l'hôpital, juste avant de mourir, elle a effectué un versement très important de 150 000 euros sur son contrat [9],

- ce versement représente plus de la moitié de son patrimoine,

- le contrat d'assurance-vie dont le mobile déterminant était de déshériter sa fille est fondé sur une cause illicite et nul.

La fondation [W] [I] fait notamment valoir que:

- le choix de la fondation existe dès l'origine sur les contrats souscrits et elle est habilitée à recevoir des dons et legs,

- la cause du contrat réside dans la gratification de son bénéficiaire, ce qui est licite,

- Mme [J] ne rapporte pas la preuve de la volonté de sa mère de la déshériter,

- elle a procédé à des versements réguliers de 2001 à 2017, bien avant qu'elle se sache atteinte d'un cancer et elle détenait toujours des fonds importants à son décès.

La compagnie d'assurance soutient qu'elle ne saurait être tenue au remboursement du montant du capital décès ou des primes versées. Elle fait notamment valoir que:

- la fondation [W] [I] est désignée en qualité de bénéficiaire unique des contrats dès l'origine,

- les sentiments de sa mère face à ce qu'elle considère comme un abandon, ne peuvent établir sa volonté de la déshériter,

- Mme [J] se contredit en soutenant que sa mère n'avait aucun revenus pour dire que les primes étaient manifestement exagérées, tout en faisant valoir que les fonds versés venaient de ses revenus personnels,

- la volonté de déshériter sa fille unique est contredite par la déclaration de succession qui mentionne un actif brut d'un montant de plus de 147.000 euros sous forme de liquidités, que l'assurée aurait pu verser sur son contrat d'assurance-vie, ce qu'elle n'a pas fait,

- le contrat dont la nullité est sollicitée a été conclu 18 ans avant le décès de l'assurée et c'est à cette date qu'il faut se placer pour examiner la nullité du contrat et non pas au moment du dernier versement, un avant le décès,

- seul l'assureur peut se prévaloir d'une fausse déclaration ou d'une omission lors de la souscription de nature à ne pas lui permettre une juste appréciation du risque garanti, de sorte que Mme [J] ne saurait se prévaloir du fait que sa mère n'a pas déclaré qu'elle avait une fille,

- elle a exécuté son obligation de paiement des capitaux décès au bénéficiaire désigné et ce paiement doit être jugé libératoire car effectué de bonne foi.

Réponse de la cour

Il résulte de la combinaison des articles 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicables au litige, que le contrat, fondé sur une cause illicite, contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public, est nul.

En application de ces dispositions, il est jugé que le contrat est nul lorsque son mobile

déterminant est illicite.

La licéité de la cause s'apprécie au jour de la conclusion du contrat et il appartient à celui qui invoque son illicéité d'en rapporter la preuve.

Mme [J] allègue que sa mère a souscrit le contrat d'assurance-vie litigieux non pas dans le but de gratifier la fondation [W] [I] mais dans celui de la déshériter.

Cependant, c'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que:

- s'il ressort des attestations produites par Mme [J], ainsi que du jugement de divorce, que sa mère a été absente tant financièrement qu'affectivement de la vie de sa fille, cela ne démontre pas qu'elle ait eu l'intention de la priver de tout héritage en souscrivant le contrat litigieux;

- la circonstance que [S] [L] ait établi un testament au profit de son époux, sans faire de libéralité pour sa fille ne démontre pas plus qu'au moment de la souscription du contrat litigieux, elle avait la volonté de déshériter sa fille;,

- le fait que le document « recueil de vos exigences et besoins » renseigné au moment de la souscription du contrat d'assurance-vie ne fasse pas état de l'existence de sa fille, ne saurait conduire à retenir que [S] [L] a entendu échapper à l'ordre public successoral alors que ce document n'est pas signé par le souscripteur et n'est pas intégralement renseigné.

La cour ajoute que :

- même si [S] [L] avait renseigné dans le document intitulé « recueil de vos exigences et besoins » qu'elle avait une fille, cela ne l'aurait pas empêché de désigner la Fondation [W] [I] en qualité de bénéficiaire,

- [S] [L] a désigné la fondation [W] [I] comme bénéficiaire dès la souscription du contrat, en 2000, de sorte que c'est à cette date qu'il convient de se placer pour déterminer son caractère licite,

- l'attestation de M. [C] selon laquelle [S] [L] aurait déclaré ne rien laisser à sa fille en héritage, qui est trop imprécise pour déterminer la date à laquelle elle aurait eu cette intention et qui est ajoutée en cause d'appel, n'est pas de nature à convaincre la cour,

- les versements réalisés postérieurement à la souscription du contrat d'assurance-vie et en particulier le versement de 150 000 euros en 2017, ne permettent pas de déterminer l'intention de [S] [L] au moment de la souscription du contrat,

- le divorce des parents de Mme [J] est intervenu en 1971, de sorte que l'attribution de sa garde à son père ne saurait établir la volonté de la déshériter 30 ans plus tard, au moment de la souscription du contrat d'assurance-vie,

- l'actif successoral s'élève à la somme de 147 000 euros, de sorte que Mme [J] n'est pas déshéritée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient, par confirmation du jugement, de débouter Mme [J] de sa demande d'annulation du contrat d'assurance-vie souscrit auprès de la société [10], devenue la société [9], et de la demande afférente en restitution de la somme de 267 765,67 euros.

2. Sur la réduction pour atteinte à la réserve

Mme [J] soutient que les primes versées, d'un montant de 291 024,24 euros, étaient d'un montant manifestement disproportionné, de sorte qu'elles doivent être fictivement réintégrées à l'actif successoral, puis réduites à hauteur de 72 574, 62 euros, afin de ne plus porter atteinte au montant de la quotité disponible. Elle fait notamment valoir que:

- [S] [L] percevait une allocation de retraite de moins de 500 euros,

- elle était mariée sous le régime de la séparation de bien,

- elle ne possédait aucun bien immobilier,

- les versements d'un montant total de 291 024,74 euros réalisés entre 1995 et 2017 sont manifestement exagérés eu égard à ses facultés contributives,

- elle n'a aucun revenu personnel et vit grâce à l'aide de son époux, qui percevait environ 24 000 euros par an,

- les versements sont totalement disproportionnés,

- le dernier versement effectué peu avant sa mort, en décembre 2017, n'avait aucune utilité pour elle et correspondait à plus de la moitié de son patrimoine,

- à la lecture de la déclaration de succession de [S] [L], l'actif net s'élève à 145.875,50 euros et le montant total des primes à 291 024,74 euros, de sorte que le montant total de la masse des biens s'élève à 436 900,24 euros et la quotité disponible à la moitié, soit 218 450,12 euros,

- en conséquence les primes manifestement exagérées doivent être réduites à la somme de 72 574,62 euros que la fondation [W] [I] doit être condamnée à lui rembourser.

La Fondation [W] [I] fait notamment valoir que:

- la notion de prime manifestement exagérée s'apprécie au moment de son versement, au regard de l'âge et des situations patrimoniale et familiale du souscripteur,

- elle était âgée de 54 et 59 ans au moment de la souscription des contrats, les versements lui ont été utiles puisqu'elle a procédé à des rachats partiels,

- l'actif de sa succession s'élève à 147 0000 euros de sorte que les primes ne sauraient être considérées comme exagérées au regard de ses facultés,

- il est jugé que les tiers désignés au contrat en dehors de la famille ne peuvent être tenus au rapport,

- Mme [J] ne démontre pas que la réserve est atteinte à hauteur de 72 574,62 euros ainsi qu'elle l'allègue.

La compagnie d'assurance fait notamment valoir que:

- l'actif de la succession n'est pas compatible avec le caractère exagéré des versements,

- il y a eu 5 versements étalés dans le temps.

Réponse de la cour

Selon l'article L 132-13 du code des assurances, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Afin de déterminer le caractère exagéré des primes versées, il convient de tenir compte de la situation patrimoniale de la famille, de l'état de santé, de l'âge du souscripteur et de l'utilité économique de l'opération.

Or, c'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que:

- lors du premier versement de 220 000 francs (22 850,07 euros) au moment de la souscription du contrat, [S] [L] était âgée de 59 ans, mariée, sans enfant à charge; il n'est pas justifié de son patrimoine à cette date;

- la situation de [S] [L] est identique lors des trois versements effectués en 2001 pour un montant global de 440 000 francs,

- lors du dernier versement de 150 000 euros en 2017, [S] [L] est âgée de 76 ans et si sa situation personnelle n'a pas évolué, il est justifié de ses ressources modestes par la production des avis d'imposition du couple,

- à son décès, [S] [L] disposait de liquidités d'un montant supérieur à 130 000 euros, de sorte qu'il peut en être déduit qu'elle disposait d'un important patrimoine constitué de liquidités et qu'elle disposait toujours de fonds conséquents au moment de son décès.

La cour ajoute que:

- si Mme [J] affirme qu'elle était retraitée depuis l'âge de ses 40 ans et ne percevait qu'une faible pension inférieure à 500 euros, elle ne justifie de ses ressources

qu'à compter de l'année 2009, de sorte que la cour n'est pas mise en mesure d'examiner si les versements réalisés antérieurement étaient manifestement excessifs,

- même si [S] [L] disposait de faibles revenus, elle était en mesure de procéder à des versements conséquents, bien supérieurs à ceux qu'une personne ne percevant que 500 euros par mois est en mesure de faire, de sorte qu'il y a lieu de retenir qu'elle disposait d'un patrimoine conséquent composé de liquidités, ce qui est corroboré par le fait que l'actif de la succession s'élève à la somme de 147 000 euros,

- le contrat d'assurance-vie présentait une utilité pour [S] [L] qui a procédé à des rachats partiels en 2011 et 2014,

- même si [S] [L] était atteinte d'un cancer, aucun élément ne permet d'établir que lors du versement de la dernière prime, en 2017, elle « se savait condamnée » ainsi que l'affirme Mme [J].

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient, par confirmation du jugement, de retenir que Mme [J] ne rapporte pas la preuve du caractère manifestement exagéré des primes versées par [S] [L] et, par voie de conséquence, de la débouter de sa demande de réduction.

3. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Les dépens d'appel sont à la charge de Mme [J] qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne Mme [D] [J] aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/04386
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;22.04386 ?
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