N° RG 23/06991 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PF4K
Décision du Juge de l'exécution du TJ de LYON
du 18 juillet 2023
RG : 23/373
S.C.I. COTE MERBLANC
C/
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 27 Juin 2024
APPELANTE :
S.C.I. COTE MERBLANC
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
assisté de Me Valérie MALLARD de la SELARL MALLARD AVOCATS, avocat au barreau de LYON
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Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil : 21 Mai 2024
Date de mise à disposition : 27 Juin 2024
Audience présidée par Joëlle DOAT, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Cécile NONIN, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Joëlle DOAT, présidente
- Evelyne ALLAIS, conseillère
- Stéphanie ROBIN, conseillère
Arrêt contradictoire rendu en chambre du conseil par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Faits, procédure et demandes des parties
Par acte authentique du 3 décembre 2021, la SCI Cote Merblanc a consenti à la SARL Terramo une promesse de vente portant sur un tènement immobilier situé à Vienne (38), comportant une maison individuelle et quatre parcelles de terrain à bâtir au prix de 1 200 000 euros, pour une durée expirant dans les deux mois de la réalisation de la dernière de l'ensemble des conditions suspensives et au plus tard le 30 juin 2023 à 18 heures.
Une indemnité d'immobilisation d'un montant de 120 000 euros était prévue en cas de non réalisation de la vente, une somme de 24 000 euros ayant été réglée et séquestrée entre les mains du notaire.
Un mandat de vente avait été donnée par la SCI Cote Merblanc à la SARL Valfi Patrimoine.
La vente n'a pas eu lieu.
Par requête déposée le 18 juillet 2023, la SCI Cote Merblanc et la SARL Valfi Patrimoine ont saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon aux fins d'être autorisées à pratiquer :
- toutes saisies conservatoires sur tous comptes bancaires que détient ou détiendra la SARL Terramo auprès de tous établissements,
- toutes saisies conservatoires sur les créances que la société Terramo détient ou détiendra auprès de tiers,
- toutes saisies conservatoires hypothécaires sur tous immeubles dont est ou sera propriétaire la société Terramo,
pour garantie s'agissant de la SCI Cote Merblanc de la somme en principal de 120 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse de vente, et s'agissant de la société Valfi patrimoine de la somme en principal de 57 600 euros toutes taxes comprises au titre de sa rémunération prévue par le mandat de vente.
Par ordonnance du 18 juillet 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon a
rejeté la requête.
Le 31 juillet 2023, la SCI Cote Merblanc a interjeté appel de cette ordonnance.
Le juge de l'exécution de Lyon a refusé de rétracter son ordonnance et le dossier a été transmis à la cour d'appel.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mai 2024, la SCI Cote Merblanc demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance rendue
et statuant à nouveau
- d'autoriser la SCI Cote Merblanc à pratiquer toutes saisies concervatoires sur tous comptes bancaires que détient ou détiendra la SARL Terramo auprès de tous établissements, toutes saisies conservatoires sur les créances que la société Terramo détient ou détiendra auprès de tiers, toutes saisies conservatoires hypothécaires sur tous immeubles dont est ou sera propriétaire la société Terramo pour garantie de la somme en principal de 120 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse de vente.
Au soutien de ses prétentions elle fait valoir que :
- la saisie conservatoire nécessite de rapporter la preuve d'une créance fondée en son principe, et non une créance certaine, une apparence de créance fondée en son principe étant suffisante, le juge de l'exécution n'ayant pas à se prononcer sur la réalité de la créance ou le montant de celle-ci, mais seulement sur le caractère vraisemblable de la créance,
- la promesse de vente prévoit une indemnité d'immobilisation en cas de non réalisation de la vente et cette indemnité caractérise un principe de créance, l'existence de conditions suspensives n'y faisant pas obstacle,
- le juge de l'exécution ne pouvait au surplus pas rejeter la requête, au motif que de nombreuses conditions suspensives étaient stipulées à la promesse de vente, les conditions suspensives ayant été réalisées comme elle l'a constaté le 26 janvier 2023 et la société Terramo le 23 janvier 2023, cet élément étant confirmé par l'étude notariale Notae.
L'indemnité d'immobilisation était donc exigible, dès la réunion des conditions suspensives et c'est dans ce contexte qu'un rendez-vous était fixé pour la réitération de la vente, le bénéficiaire ne se rendant pas au rendez vous, souhaitant en réalité renégocier les conditions de celle-ci.
- les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance sont avérées par l'analyse de la situation financière de la société Terramo confiée à la société Borel et associés.
Au regard des comptes déposés en 2021, il est souligné que la pérénnité de l'entreprise reste discutable, au regard de la faiblesse de ses fonds propres et d'un ratio d'endettement de 1,87 lorsqu'il est en général de 1.
Le bilan de la société Terramo déposé au 31 décembre 2022, dernier bilan disponible, révèle une aggravation de la situation financière, la trésorerie apparemment confortable n'étant que la contrepartie d'avances et prêts devant être honorés au cours de l'année 2023.
Elle ajoute que le dirigeant de la société Terramo s'est rendu au domicile des représentants de la SCI pour leur indiquer que la société n'était pas en mesure de payer le prix de vente, soit la somme de 1 200 000 euros et que si le paiement de l'indemnité lui était réclamé, elle déposerait le bilan.
Le dossier a été communiqué au ministère public, qui par avis du 25 avril 2024, n'a pas formulé d'observations.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la demande de saisie conservatoire
Aux termes de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.
En l'espèce, la promesse de vente prévoit en page 9 que 'les parties conviennent de fixer le montant de l'indemnité d'immobilisation à la somme forfaitaire de 120 000 euros, sur laquelle somme le bénéficiaire versera dans les 10 jours du dépôt du permis d'aménager au promettant la somme de 24 000 euros représentant partie de l'indemnité d'immobilisation ci-dessus fixée, somme versée avec l'accord des parties entre les mains du notaire et séquestrée.
En l'absence de versement dans le délai imparti, les présentes seraient considérées comme nulles et non avenues.
Cette somme sera versée au promettant et lui restera acquise à titre d'indemnité, faute pour le bénéficiaire ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition dans les délais et conditions ci dessus, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées.
Quant au surplus de l'indemnité d'immobilisation soit la somme de 96 000 euros, le bénéficiaire s'oblige à le verser au promettant au plus tard dans le délai de huit jours de l'expiration du délai de réalisation de la promesse de vente pour le cas où le bénéficiaire, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, ne signerait pas l'acte de vente de son seul fait.'
La promesse de vente liste les conditions suspensives.
La société Cote Merblanc communique aux débats un avenant à la promesse de vente, document signé respectivement le 23 janvier 2023 par la société Terramo et le 26 janvier 2023 par la société Cote Merblanc mentionnant que les parties déclarent que l'ensemble des conditions suspensives sont réalisées, mais qu'elles se sont entendues pour proroger le délai de la levée d'option au 31 mars 2023.
En outre, un mail de la société Notae, notaires associés, du 28 juin 2023 relate qu'il était fixé un rendez-vous pour la signature de l'acte de vente le 28 juin 2023 à 10 heures, mais que la société Terramo a annulé ce rendez-vous, sans proposer une nouvelle date. Par courrier du 1er septembre 2023, Maître [K], notaire, indique que le dossier était effectivement complet et permettait la réitération de l'acte, l'ensemble des conditions suspensives ayant été levées.
Au regard de ces éléments, la société Cote Merblanc justifie suffisamment d'une créance fondée en son principe, faute pour la société Terramo d'avoir signé l'acte authentique de vente.
Il convient donc d'examiner la seconde condition, tenant à une menace dans le recouvrement de la créance.
La société Cote Merblanc verse tout d'abord une analyse de la situation financière de la société Terramo effectuée par la société B et A sur la base des comptes établis au 31 décembre 2021. Il résulte de cette dernière que la trésorerie de l'enteprise d'apparence confortable (759 000 euros) est en fait la contrepartie d'avances et de prêts devant obligatoirement être honorés dans les prochains mois suivants le 31 décembre 2021 et que rien ne laisse à penser qu'elle sera en mesure de les honorer notamment dans l'hypothèse de difficultés postérieures rencontrées, telles le dépôt de bilan d'un sous traitant intervenant dans la construction des immeubles en cours ou encore la non réalisation des ventes de la totalité des biens immobiliers en cours de construction. Il est mentionné que 'la pérennité de l'entreprise reste discutable, notamment au regard de la faiblesse des fonds propres, ce qui contrairement aux apparences peut être insuffisant pour absorber les incidents de parcours. Cette situation la rend fortement dépendante des financeurs externes'.
Cette analyse ne fait cependant référence qu'à des événéments hypothétiques, n'est pas actualisée, et est insuffisante à caractériser une menace dans le recouvrement de la créance.
Cependant, il est produit en cause d'appel le rapport d'analyse effectué à nouveau par la société B et A avec le bilan de la société Terramo au 31 décembre 2022 faisant référence à une trésorerie de 1 176 000 euros d'apparence confortable, mais qui n'est que la contrepartie d'avances et prêts perçus devant être honorés dans l'année 2023. Il est repris les mêmes mentions concernant les préoccupations sur la pérennité de l'entreprise qui reste discutable et il est interrogé la possibilité de faire face à des incidents de parcours. Il est surtout relevé la diminution des fonds propres dans des proportions très importantes puisqu'ils sont passés de 599 142 euros à 300 979 euros en une année et l'augmentation du montant des dettes. Le compte de résultat fait en outre apparaître un bénéfice de 340 942 euros au 31 décembre 2021 et une perte de 148 163 euros au 31 décembre 2022, de sorte que la situation s'est considérablement dégradée, alors que le contexte actuel dans le domaine de la construction et de la vente immobilière est peu favorable.
En outre, les attestations des membres de la société Cote Merblanc et de l'agent immobilier rapportent les propos tenus par le gérant de la société Terramo, selon lesquels il déposerait le bilan s'il était tenu au paiement de l'indemnité d'immobilisation ne sont pas rassurantes, même si ces déclarations ont pu être faites dans le cadre de négocations du prix de vente.
Au regard de ces éléments, l'appelante caractérise suffisamment une menace dans le recouvrement de la créance. Les conditions de la saisis conservatoire sont ainsi réunies et cette dernière est justifiée, mais il appartient à la cour d'évaluer le montant de la créance. Il est établi aux termes de la requête que la somme de 24 000 euros sur la somme de 120 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, a été séquestrée entre les mains du notaire, conformément à la promesse de vente, de sorte que la saisie conservatoire doit être autorisée à hauteur de 96 000 euros.
Il convient dès lors d'autoriser la SCI Cote Merblanc à pratiquer toutes saisies conservatoires sur tous comptes bancaires que détient la société Terramo auprès de tous établissements, l'ordonnance déférée étant infirmée sur ce point.
En revanche, la demande de saisie conservatoire sur les créances que la société Terramo détient ou détiendra auprès de tiers n'est pas suffisamment précise et ne peut pas prospérer.
Ce faisant, l'ordonnance est confirmée sur ce point.
De même, aux termes de l'article R 511-4 du code des procédures civiles d'exécution, à peine de nullité de son ordonnance, le juge détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et précise les biens sur lesquels elle porte.
En l'espèce, la requête est dépourvue de précision et ne comporte aucune identification des biens, et plus particulièrement des immeubles dont la société Terramo est propriétaire, sur lesquelles la mesure conservatoire est sollicitée.
Dès lors, la demande de saisie conservatoire hypothécaire sur tous immeubles dont est ou sera propriétaire la société Terramo est rejetée, conformément à l'ordonnance déférée.
L'ordonnance est en conséquence infirmée uniquement en ce qu'elle a rejeté la demande de toutes saisies conservatoires sur tous comptes bancaires que détient la SARL Terramo auprès de tous établissements pour garantie de la somme en principal de 120 000 euros, et il convient d'autoriser la société Cote Merblanc à pratiquer toutes saisies conservatoires sur tous comptes bancaires détenus par la SARL Terramo auprès de tous établissements pour garantie de la somme en principal de 96 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse de vente, déduction faite de la somme de 24 000 euros déjà séquestrée entre les mains du notaire.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
statuant dans les limites de l'appel,
Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de toutes saisies conservatoires sur tous comptes bancaires que détient ou détiendra la SARL Terramo auprès de tous établissements pour garantie de la somme en principal de 120 000 euros, au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse de vente,
statuant à nouveau de ce chef,
Autorise la société Cote Merblanc à pratiquer toutes saisies conservatoires sur tous comptes bancaires détenus par la SARL Terramo auprès de tous établissements pour garantie de la somme en principal de 96 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse de vente,
Confirme l'ordonnance déférée pour le surplus.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE