N° RG 22/03434 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJJ2
Décision du Tribunal de proximité de VILLEURBANNE
du 24 mars 2022
RG : 11-21-003186
S.A. LYONNAISE DE BANQUE
C/
[K]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 27 Juin 2024
APPELANTE :
S.A. LYONNAISE DE BANQUE
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Géraldine ROUX de la SELARL B2R & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 781
assistée de Me TOUCANE de la SCP LE HAN, BOUREAU, TOUCANE, KERGALL, avocat au barreau de SAINT NAZAIRE
INTIME :
M. [T] [M] [K]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 6]
[Adresse 2]'
[Localité 4]
Représenté par Me Mélanie CAMBON-PELLERIN, avocat au barreau de LYON, toque : 141
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/010621 du 02/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 27 Juin 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Mai 2024
Date de mise à disposition : 27 Juin 2024
Audience tenue par Joëlle DOAT, présidente, et Stéphanie ROBIN, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Joëlle DOAT, présidente
- Evelyne ALLAIS, conseillère
- Stéphanie ROBIN, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Suivant offre préalable acceptée le 8 juillet 2014, la société Lyonnaise de Banque a consenti à M. [T] [K] une ouverture de crédit permanent d'un montant plafonné à 5 000 euros, remboursable par échéances mensuelles variant en fonction du découvert utilisé et incluant les intérêts au taux nominal annuel révisable de 2,86 %.
Suivant offre préalable acceptée le 2 novembre 2017, la société Lyonnaise de Banque a consenti à M. [T] [K] une seconde ouverture de crédit permanent d'un montant plafonné à 5 000 euros.
Chacun des deux contrats a fait l'objet de deux déblocages de fonds.
La société Lyonnaise de Banque a ouvert six dossiers :
- 'crédit en réserve' n° 808 (consenti le 8 juillet 2014), n° 813 (premier déblocage d'un montant de 1 500 euros) et n° 817 (second déblocage d'un montant de 1 559,49 euros)
- 'crédit en réserve' n° 819 (consenti le 2 novembre 2017), n° 821 (premier déblocage d'un montant de 5 000 euros) et n° 822 (second déblocage d'un montant de 1 500 euros).
M. [K] a cessé de rembourser ces crédits.
Par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 9 mars et 8 juillet 2020, la banque a prononcé l'exigibilité de ses créances.
Par acte d'huissier en date du 14 septembre 2021, la société Lyonnaise de Banque a fait assigner M. [T] [K] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne pour s'entendre condamner ce dernier à lui payer diverses sommes au titre des ouvertures de crédit.
Le juge a soulevé d'office la forclusion des utilisations n°813, 817 et 821 et la déchéance du droit aux intérêts pour le surplus en raison de la non-conformité de l'offre avec les dispositions du code de la consommation en ce qu'une seule offre fonde plusieurs opérations de crédit distinctes.
Par jugement en date du 24 mars 2022, le juge des contentieux de la protection a :
- constaté la résiliation du contrat
- déclaré forcloses les demandes relatives aux utilisations n°100961822200021968817 et n° 10096 18222 00021968821
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels
- condamné M. [T] [K] à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 1 470,33 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 18 août 2020 (dossier n° 822)
- débouté la société Lyonnaise de Banque de ses demandes plus amples ou contraires
- autorisé M. [K] à se libérer de sa dette par le versement de 12 mensualités consécutives d'un montant de 120 euros chacune et d'une 13ème mensualité permettant le règlement intégral du solde, mensualités payables au plus tard le 20 de chaque mois et pour la première fois le 20 du mois suivant la signification du jugement
- dit qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à son terme, la totalité des sommes restant dûes deviendra à nouveau immédiatement exigible, huit jours après une mise en demeure restée infructueuse
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. [K] aux dépens.
Le juge a constaté que les premiers incidents de paiement non régularisés dataient du 10 septembre 2019 en ce qui concerne les dossiers n° 817 et n° 821 et que l'assignation ayant été délivrée le 14 septembre 2021, la banque était forclose en ses demandes en paiement relatives à ces crédits.
Ensuite, en ce qui concerne le dossier n° 822, après avoir constaté qu'une seule offre de crédit avait été signée par M. [K] et que chaque utilisation avait donné lieu à l'établissement d'un tableau d'amortissement distinct avec application d'un taux propre et remboursement de mensualités qui se cumulaient entre elles, la banque elle-même se prévalant de quatre opérations de crédit distinctes, le juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
La société Lyonnaise de Banque a interjeté appel de ce jugement, le 11 mai 2022.
Elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement
- de débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes
- de déclarer son action recevable
- de condamner M. [K] à lui payer les sommes suivantes :
* 842,28 euros outre les intérêts au taux de 3,26 % à compter du 10 juillet 2020, au titre du crédit renouvelable 21968817
* 3 910,50 euros outre les intérêts au taux de 4,91 % à compter du 5 août 2020, au titre du crédit renouvelable 21968821
* 1 768,57 euros outre les intérêts au taux de 6,10 % à compter du 5 août 2020, au titre du crédit renouvelable 21968822
' de statuer ce que de droit sur la demande de délais
- de condamner M. [K] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.
Elle fait valoir que :
- sur le déblocage 817 : le premier impayé non régularisé est celui d'octobre 2019, si bien que la forclusion n'est pas acquise, l'assignation ayant été délivrée le 14 septembre 2021
- sur le déblocage 821 : le premier impayé non régularisé est celui d'octobre 2019, si bien que la forclusion n'est pas acquise, l'assignation ayant été délivrée le 14 septembre 2021.
Elle soutient que les historiques produits n'ont pas été tronqués, 'qu'il n'y a pas eu d'échéance en juillet 2019, qu'une modification de date d'échéance a été effectuée le 2 juillet 2019 sur les trois crédits, passant le prélèvement de l'échéance du 20 au 5 du mois et que la modification de l'échéance a été proposée au 5 août 2019 pour une saisie en modification faite le 2 juillet 2019.'
Elle estime que, contrairement à l'avis rendu par la Cour de cassation le 6 avril 2018, l'offre passeport crédit est conforme aux exigences du code de la consommation en matière de crédit renouvelable.
M. [K] demande à la cour :
- de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a fixé les délais de paiement à la somme de 120 euros par mois sur une période de 12 mois plus le solde au 13ème réglement et sauf en ce qu'il l'a condamné aux dépens
- de lui accorder des délais de paiement à hauteur de 60 euros par mois en 23 mensualités la 24ème au titre du solde
- de dire que les paiements s'imputeront en priorité sur le capital et de rappeler la suspension de toute mesure d'exécution
à titre subsidiaire, si les demandes au titre des utilisations 817 et 821 n'étaient pas déclarées forcloses,
- de rejeter toutes les demandes en paiement formées au titre de ces deux utilisations
à titre très subsidiaire,
- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel au titre des utilisations 817 et 821
- de dire que les éventuelles condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal non majoré
- de lui accorder des délais de paiement à hauteur de 60 euros par mois en 23 mensualités, la 24ème au titre du solde
- de dire que les paiements s'imputeront en priorité sur le capital et de rappeler la suspension de toute mesure d'exécution
en toute hypothèse,
- de condamner la société Lyonnaise de Banque à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Barthelat, avocat, sur son affirmation de droit.
Il fait valoir que :
- il ne peut être soutenu que les premiers incidents de paiement non régularisés remonteraient à octobre 2019, alors que les échéances du mois de juillet ne figurent pas sur les décomptes produits
- les explications de la banque sur la prétendue modification des dates d'échéances sont confuses et insuffisantes.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2023.
SUR CE :
Seules sont en litige les utilisations n° 817, 821 et 822.
utilisation 817
La somme de 1 559,49 euros, remboursable en 60 mensualités de 28,55 euros, a été débloquée le 17 novembre 2016.
L'historique des prélèvements à compter du 6 décembre 2016 montre que la mensualité de juin 2019 prélevée le 20 juin 2019 a été impayée, qu'elle a été régularisée le 2 juillet 2019, qu'aucune mensualité n'a été prélevée en juillet 2019, que les mensualités ont été prélevées le 5 août 2019 et le 10 septembre 2019, que le 10 octobre 2019, la mensualité est restée impayée et qu'ensuite, aucune régularisation n'est intervenue.
utilisation 821
La somme de 5 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 96,11 euros, a été débloquée le 10 novembre 2017.
L'historique des prélèvements à compter du 18 décembre 2017 montre que la mensualité de juin 2019 prélevée le 20 juin 2019 a été impayée, qu'elle a été régularisée le 2 juillet 2019, qu'aucune mensualité n'a été prélevée en juillet 2019, que les mensualités ont été prélevées le 5 août 2019 et le 5 septembre 2019, que le 5 octobre 2019, la mensualité est restée impayée et qu'ensuite, aucune régularisation n'est intervenue.
Il ressort des historiques des deux utilisations 817 et 821 qu'aucune échéance n'ayant été prélevée en juillet 2019, les mensualités prélevées le 5 août 2019 correspondaient en réalité à celles du 5 juillet 2019 et les mensualités prélevées les 5 et 10 septembre 2019 à celles du 5 août 2019.
C'est à juste titre en conséquence que le premier juge a constaté que la première échéance impayée non régularisée était celle du 10 septembre 2019 en ce qui concerne l'ouvertude de crédit 817, que l'utilisation 821 appelait les mêmes observations (la dernière échéance impayée non régularisée étant en l'espèce, au vu de l'historique, celle du 5 septembre 2019) et que les premiers incidents de payer non régularisés s'étaient produits plus de deux ans avant la délivrance de l'assignation devant le juge des contentieux de la protection.
Le courriel suivant versé aux débats par la banque, daté du 14 février 2023 : 'le CIC nous répond en ces termes. Le 2 juillet 2019, une modification de date d'échéance a été effectuée sur les UTIL 762111121/762111113 et 762111117 passant le prélèvement de l'échéance du 20 au 5 du mois. Selon nos règles de gestion concernant la modification de la date d'échéance, si la date de modification de l'échéance est inférieure à 11 jours par rapport à la date d'effet (date de la prochaine échéance), la prise d'effet de la modification est proposée à l'échéance du mois suivant. Par conséquent, il n'y a pas eu d'échéance en juillet 2019, la modification de l'échéance a été proposée au 5 août 2019 pour une saisie en modification faite le 2 juillet 2019.'
Cette explication incompréhensible ne permet pas de déterminer pour quel motif l'échéance de juillet 2019 aurait été supprimée en raison d'une modification de la date du prélèvement, dont la banque, du reste, ne justifie pas avoir informé l'emprunteur, alors que l'historique mentionne seulement, à la date du 2 juillet 2019, la régularisation des échéances impayées de juin 2019.
Il convient de confirmer le jugement qui a déclaré forcloses les demandes en paiement de la banque au titre des utilisations 817 et 821, en application de l'article L311-52 du code de la consommation.
utilisation 822
La banque expose que la particularité du 'passeport crédit' est que, en fonction de l'objet des utilisations, un taux d'intérêt plus favorable peut être appliqué à l'emprunteur (pour les travaux et l'achat de véhicules), que les utilisations sont donc enregistrées sur des sous-comptes distincts qui permettent à l'emprunteur de continuer à bénéficier de ce taux favorable jusqu'au remboursement total de chaque utilisation et que le crédit fonctionne comme un crédit renouvelable dans la mesure où tous les remboursements effectués au titre de l'ensemble des utilisations reconstituent en temps réel le montant disponible de l'enveloppe.
En application de l'article L312-57 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016, applicable à la date de souscription du crédit, le 2 novembre 2017, constitue un crédit renouvelable, une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti.
Le contrat de crédit renouvelable permet à l'emprunteur de reconstituer le crédit utilisé, à la différence du crédit affecté qui est destiné au financement de l'acquisition de biens particuliers.
En l'espèce, il est prévu que le montant du crédit renouvelable est de 5 000 euros, pour une durée d'un an renouvelable, que le montant minimum de chaque utilisation est de 1 500 euros, que pour chaque utilisation, le montant des échéances est fonction du montant de l'utilisation et de la durée du remboursement choisie, que le taux débiteur est calculé au moment de la conclusion du contrat et qu'il est déterminé selon la nature de l'utilisation, les options et la durée choisies pour chacune d'elles : véhicule auto moto, travaux, autres projets.
L'utilisation n° 822 correspond au second déblocage d'un montant de 1 500 euros effectué le 2 août 2019, alors qu'un premier déblocage d'un montant de 5 000 euros avait été effectué le 10 novembre 2017.
Le plafond de 5 000 euros ayant été dépassé et aucune nouvelle offre de crédit n'ayant été consentie au bénéficiaire de l'utilisation, alors que ce déblocage a eu lieu plus d'un an après le précédent, pour ce motif et ceux retenus par le premier juge, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels et de confirmer le jugement qui a condamné M. [K] à payer à la société Lyonnaise de banque la somme de 1 470,33 euros, augmentée des intérêts au taux légal non majoré à compter du 18 août 2020.
Le délai de paiement octroyé par le premier juge (13 mois à compter de la signification du jugement rendu le 24 mars 2022) est expiré à la date du présent arrêt sans avoir été respecté par M. [K], ainsi qu'il le déclare lui-même dans ses conclusions.
M. [K] justifie certes qu'il a travaillé en intérim en janvier 2023 pour un salaire net de 877,51 euros et qu'il a perçu une allocation de retour à l'emploi en mars, avril et mai 2023.
Toutefois, dans la mesure où la condamnation prononcée par le premier juge confirmée par le présent arrêt n'a pas été exécutée, même partiellement, et que la créance est ancienne, M. [K] ayant bénéficié des délais de la procédure, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de délais de paiement formée devant la cour.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné M. [K] aux dépens et rejeté la demande de la banque fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La société Lyonnaise de Banque dont le recours est rejeté est condamnée aux dépens d'appel et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel est rejetée.
Pour des raisons d'équité, la demande de M. [K] fondée sur l'article 700 2° du code de procédure civile en cause d'appel est rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement
CONSTATE que le délai de paiement accordé au débiteur par le jugement est expiré
STATUANT par dispositions nouvelles,
REJETTE la demande de délais de paiement formée devant la cour par M. [K]
CONDAMNE la société Lyonnaise de Banque aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Berthelat, avocat, conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 et sur l'article 700 2° du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE