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25/06/2024 | FRANCE | N°22/07430

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 25 juin 2024, 22/07430


N° RG 22/07430 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OTD7









Décision du

Tribunal Judiciaire de Saint Etienne

Au fond

du 19 octobre 2022



RG : 21/721

ch n°1





[J]



C/



S.A.R.L. BONNEVIE AUTO PRESTIGE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 25 Juin 2024







APPELANTE :



Mme [E] [J]

née

le 20 Juin 1991 à [Localité 5] (31)

[Adresse 3]

[Localité 2]





Représentée par Me Simon ULRICH, avocat au barreau de LYON, toque : 2693





INTIMEE :



La société BONNEVIE AUTO PRESTIGE

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Pierre BERGER de la SELARL LE...

N° RG 22/07430 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OTD7

Décision du

Tribunal Judiciaire de Saint Etienne

Au fond

du 19 octobre 2022

RG : 21/721

ch n°1

[J]

C/

S.A.R.L. BONNEVIE AUTO PRESTIGE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 25 Juin 2024

APPELANTE :

Mme [E] [J]

née le 20 Juin 1991 à [Localité 5] (31)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Simon ULRICH, avocat au barreau de LYON, toque : 2693

INTIMEE :

La société BONNEVIE AUTO PRESTIGE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Pierre BERGER de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mars 2024

Date de mise à disposition : 25 Juin 2024

Audience présidée par Stéphanie LEMOINE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 29 mars 2017, Mme [J] a acquis auprès de la société Bonnevie auto prestige (la société) un véhicule de marque Audi type A1 Sportback, immatriculé [Immatriculation 4], moyennant le prix principal de 13 990 euros, avec garantie moteur, boîte, pont et turbo pour une durée de 6 mois et avec présentation d'un contrôle technique réalisé le 25 octobre 2016.

Mme [J] a constaté des désordres sur le véhicule, notamment des bruits de roulement.

Par déclaration au greffe enregistrée le 28 mars 2019, Mme [J] a saisi le tribunal judiciaire de Saint-Etienne à l'effet d'obtenir la condamnation de la société à lui payer différentes sommes.

Par jugement du 19 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par déclaration du 7 novembre 2022, Mme [J] a relevé appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 12 février 2024, Mme [J] demande à la cour de:

- infirmer intégralement le jugement attaqué en date du 19 octobre 2022 en ce qu'il a :

« - débouté [E] [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné [E] [J] à verser à la société la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 cpc ;

- condamné [E] [J] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Berger, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi n91.647 du 10 juillet 1991 et du décret n°91.1266 du 19 décembre 1991 relatifs à l'aide juridictionnelle »

Statuant à nouveau,

A titre principal

- ordonner la résolution de la vente du véhicule litigieux pour vices cachés, avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

A titre subsidiaire

- prononcer la nullité de la vente du véhicule pour réticence dolosive commise par la société;

A titre infiniment subsidiaire

- ordonner la résolution de la vente du véhicule pour défaut de délivrance avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

En tout état de cause

- condamner la société à la restitution du prix de vente à hauteur de 13.990 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

- condamner la société au remboursement des frais de réparations engagés;

- condamner la société à la somme de 4.500 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de préjudice de jouissance subi ;

- condamner la société à la somme de 3.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

A titre infiniment subsidiaire

- condamner la société à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'inexécution contractuelle ;

En tout état de cause :

- condamner la société à la somme de 2.000 euros au titre des frais de l'article 700 cpc de première instance et appel compris ;

- condamner la société aux dépens de première instance et d'appel.

- dire n'y avoir lieu à condamnation à l'article 700 cpc et aux dépens d'appel à son encontre.

Par conclusions notifiées le 22 février 2024, la société demande à la cour de:

A titre principal

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne,

En conséquence,

- débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes car non fondées.

A titre subsidiaire

Si par impossible, la juridiction estimait devoir prononcer une prétendue nullité de la vente,

- retenir une valeur du véhicule inférieure au prix d'achat en raison de l'usage effectué par Mme [J] et fixer cette valeur à une somme de 8.000 € (à parfaire)

En tout etat de cause

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne,

Y ajoutant,

- condamner Mme [J] à verser à la société la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct

au profit de Me Berger, de la Selarl Lexface, sur son affirmation de droit.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 7 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la résolution de la vente

Mme [J] sollicite à titre principal la résolution de la vente en raison des vices cachés affectant le véhicule. Elle fait notamment valoir que:

- peu après son acquisition, elle a remarqué des bruits de roulement anormaux,

- le concessionnaire Audi a relevé que deux sinistres étaient intervenus en 2016 sur la partie avant droit du véhicule, le second ayant conduit à l'ouverture d'une « procédure VGE »,

- le second contrôle technique, qui ne mentionne aucune anomalie, a été réalisé par un ami du vendeur,

- les désordres ont persisté et ont nécessité des réparations en lien avec les sinistres précédents la vente, puisqu'elles concernent toutes le côté avant droit du véhicule,

- la société n'est pas en mesure de prouver les réparations qu'elle a effectuées, ni leur conformité aux règles de l'art,

- elle n'a pu jouir paisiblement du véhicule,

- le vice, découvert à l'usage, était caché et antérieur à la vente.

La société fait notamment valoir que:

- Mme [J] ne liste pas les désordres affectant le véhicule,

- le 2ème jeu de clé manquant n'est pas un vice caché,

- Mme [J] a effectué toutes les réparations de sorte qu'il est impossible de procéder à d'éventuelles constatations,

- elle a pris en charge les frais de réparation indiqués dans le devis de réparation de la société Bymycar,

- le devis réalisé par le garage Bymycar prévoit le remplacement du roulement avant droit sans indiquer en quoi ce changement est nécessaire,

- le diagnostic réalisé par Norauto en décembre 2018 établit que le véhicule est en bon état,

- le véhicule totalisait 83 500 km lors de sa vente en 2017 et possédait en 2022, 170 000 km, de sorte qu'il n'y a pas d'impropriété de destination ni diminution de l'usage.

Réponse de la cour

Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Mme [J], qui sollicite la résolution de la vente sur le fondement de ce texte, doit démontrer que le vice était antérieur à la vente, caché et rend le bien impropre à sa destination.

A cet effet, Mme [J] produit:

- la facture d'achat du véhicule du 24 mars 2017 pour un montant de 13 990 euros,

- le procès-verbal de contrôle technique réalisé par la société le 25 octobre 2016, qui lui a été remis en même temps que le véhicule qui mentionne, au titre des défauts à corriger sans obligation d'une contre-visite: angles, ripages avant, ripage excessif et usure irrégulière des pneumatiques avant droit et avant gauche,

- le procès-verbal de contrôle technique réalisé par la société, postérieurement à la vente, à la demande de Mme [J], qui ne mentionne plus aucun défaut,

- un historique du véhicule réalisé le 4 mai 2017 par un concessionnaire Audi qui révèle que:

- deux sinistres sont survenus avant la vente, le 19 juillet et le 5 décembre 2016, touchant le côté avant droit, le dernier ayant conduit à une « procédure VGE » (véhicule gravement endommagé), qui nécessite, compte tenu de la dangerosité du véhicule, qu'un expert contrôle les réparations effectuées avant qu'il soit remis en circulation,

- le véhicule a été remis en circulation le 31 janvier 2017, après avoir été contrôlé par un expert qui a considéré qu'il n'y avait plus de dangerosité,

- une facture du 16 août 2017 du garage GVF Bymycar qui mentionne un choc sur la roue avant droite, que le berceau n'est pas aligné, que l'amortisseur avant droit est à remplacer mais pas le gauche et qu'il convient de prévoir le remplacement du roulement avant droit, de nombreuses pièces n'étant, en outre, pas d'origine du côté droit,

- un devis du 16 août 2017 du garage GVF Bymycar pour remplacer les amortisseurs avant, pour contrôler et régler la géométrie et remplacer le roulement de la roue avant sur un côté,

- une facture de Nauroto du 26 décembre 2018 pour procéder au montage d'un triangle de suspension droit, au réglage du parallélisme avant et au contrôle de la géométrie, étant précisé qu'il est préconisé de remplacer les rotules de direction avant droite,

- une facture du 10 avril 2019 pour procéder au remplacement de la rotule de direction avant droite et contrôler la géométrie.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si Mme [J] établit que des désordres affectaient la direction avant droite de son véhicule, celle-ci a procédé aux réparations nécessaires, notamment en remplaçant la rotule de direction avant droite, de sorte qu'elle ne rapporte pas la preuve que le véhicule était impropre à l'usage auquel on le destine, surtout qu'elle n'a jamais cessé d'utiliser le véhicule litigieux et ne conteste pas avoir réalisé entre 2017 et 2022 plus de 80 000 kilomètres.

En conséquence, par confirmation du jugement, il convient de débouter Mme [J] de son action rédhibitoire.

2. Sur l'annulation de la vente

Mme [J] sollicite à titre subsidiaire que la vente soit annulée en raison de la réticence dolosive de la société. Elle fait notamment valoir que :

- la société lui a intentionnellement caché l'existence des deux sinistres de 2016,

- le contrôle technique qu'elle lui a fourni était antérieur aux deux sinistres,

- le garage lui avait indiqué que le véhicule n'avait jamais été accidenté.

La société fait notamment valoir que:

- la procédure dite des véhicules endommagés a pour objectif de retirer temporairement de la circulation les véhicules accidentés présentant un danger pour la circulation routière,

- pour lever cette interdiction de rouler, un expert doit s'assurer que le véhicule est réparé dans les règles de l'art,

- il y a eu une levée d'opposition du véhicule acquis par Mme [J],

- elle avait informé Mme [J] de cet accident, ce qui résulte de l'avis qu'elle a posté sur Google,

- l'attestation qu'elle produit a été rédigée pour les besoins de la cause,

- elle ne démontre pas de préjudice de jouissance ou moral et continue à utiliser son véhicule.

Réponse de la cour

S'il résulte du dépôt de plainte de Mme [J] et de l'avis qu'elle a posté sur Google, que le vendeur lui a dit au moment de la vente que le véhicule avait eu un « accrochage » sur un parking, il n'a manifestement rien dit de la procédure dite de « véhicule gravement endommagé » (VGE) engagée suite à un accident du véhicule le 5 décembre 2016, ce qu'il ne conteste pas et dont atteste une amie de l'appelante, qui l'a accompagnée lors de l'achat.

Même si la procédure VGE implique le contrôle du véhicule par un expert pour valider la remise en circulation, Mme [J] avait légitimement le droit d'être avertie qu'en raison d'un accident ce véhicule avait été temporairement retiré de la circulation en raison du danger qu'il représentait pour la circulation routière, ainsi que la société l'explique elle-même dans ses conclusions.

La société, qui est un vendeur de véhicule professionnel avait nécessairement connaissance du sinistre ayant déclenché la procédure VGE, qui apparaît sur l'historique du véhicule qui a été édité par le garagiste GVF Bymycar, auquel a été confié la voiture le 16 août 2017 en vue de sa réparation.

Dès lors, compte tenu de la dissimulation de cette information essentielle, déterminante du consentement de Mme [J], il convient de faire droit à sa demande d'annulation de la vente.

Par voie de conséquence, il convient de condamner la société à payer à Mme [J] la somme de 13 990 euros, correspondant au prix de vente, cette dernière étant en contrepartie tenue de restituer le véhicule au vendeur, auquel il incombe de venir chercher le véhicule où il se trouve, à ses frais.

Le jugement est donc infirmé.

3. Sur les demandes de dommages-intérêts

Mme [J] sollicite les sommes de 4 500 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance, de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, ainsi que le remboursement des frais de réparation qu'elle a engagés.

La société ne conclut pas sur ce point.

En l'absence de tout élément au soutien des demandes formées au titre de l'indemnisation d'un préjudice de jouissance ou moral, il convient de débouter Mme [J].

En revanche, les frais de réparation du véhicule sont justifiés par des factures émanant:

- du garage GVF Bymycar du 16 août 2017 d'un montant de 308,69 euros,

- du garage Norauto du 26 décembre 2018 d'un montant de 545,60 euros,

- du garage Saint Joseph du 11 avril 2019 d'un montant de 202,92 euros,

- du garage Norauto du 8 juillet 2023 d'un montant de 224,89 euros,

soit pour un total de 1282,10 euros.

En conséquence, il convient de condamner la société à payer à Mme [J] la somme de 1 282,10 euros au titre des frais de réparation.

4. Sur les autres demandes

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [J] et condamne la société à lui payer la somme de 1.500 euros à ce titre.

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la société.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il déboute Mme [E] [J] de son action rédhibitoire;

statuant de nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité de la vente du véhicule de marque Audi type A1 Sportback conclue entre la société Bonnevie auto prestige et Mme [E] [J] le 29 mars 2017,

Condamne la société Bonnevie auto prestige à payer à Mme [E] [J], la somme de 13 990 euros au titre de la restitution du prix de vente, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt;

Ordonne à Mme [E] [J] de restituer le véhicule à la société Bonnevie auto prestige, à charge pour cette dernière de venir le récupérer à l'endroit où il se trouve à ses frais,

Condamne la société Bonnevie auto prestige à payer à Mme [E] [J], la somme de 1 282,10 euros au titre des frais de réparation,

Condamne la société Bonnevie auto prestige à payer à Mme [E] [J], la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Bonnevie auto prestige aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/07430
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.07430 ?
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