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25/06/2024 | FRANCE | N°22/04469

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 25 juin 2024, 22/04469


N° RG 22/04469 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLYQ









Décision du

Tribunal Judiciaire de SAINT-ETIENNE

Au fond

du 04 mai 2022



RG : 21/304

ch 1





[L]



C/



Syndicat UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS FORCE OUVRIERE DE LA LOIRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 25 Juin 2024







APPELANT :



M. [H] [L]

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 5] (42)

[Adresse 2]

[Localité 4]





Représenté par Me Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 101









INTIMEE :



Association l'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS FORCE ...

N° RG 22/04469 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLYQ

Décision du

Tribunal Judiciaire de SAINT-ETIENNE

Au fond

du 04 mai 2022

RG : 21/304

ch 1

[L]

C/

Syndicat UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS FORCE OUVRIERE DE LA LOIRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 25 Juin 2024

APPELANT :

M. [H] [L]

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 5] (42)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 101

INTIMEE :

Association l'UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS FORCE OUVRIERE DE LA LOIRE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe MONTMEAT de la SELARL MONTMEAT-ROCHER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 15 Février 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Mars 2024

Date de mise à disposition : 25 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Mr [H] [L] était salarié de la société [I] [J], en qualité de responsable qualité, sécurité et environnement, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 6 octobre 2014.

Il a démissionné de cette entreprise le 29 février 2016.

Parallèlement, la société [I] [J] a été déclarée en liquidation judiciaire consécutivement à la résolution d'un plan de redressement avec maintien d'activité et a fait l'objet d'un plan de cession arrêté par le tribunal de commerce de Saint-Etienne le 13 janvier 2016.

La liquidation de la clôture de la société [I] [J] est intervenue le 30 novembre 2016.

Le 18 juin 2018, Mr [L] a régularisé une convention d'assistance juridique avec l'Union Départementale des syndicat de Force Ouvrière de la Loire, ci-après l'Union Départementale, afin de l'assister dans la procédure envisagée devant le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne en vue d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires.

Cette procédure a été engagée le 1er juin 2018 à l'encontre du mandataire liquidateur de la société [I] [J] et de l'AGS.

Par jugement en date du 13 mars 2019, le conseil des prud'hommes de Saint-Etienne a déclaré prescrite l'action de Mr [L] aux motifs que celle-ci avait été introduite plus de deux mois après la publicité des relevés de créances salariales.

Mr [L] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 4 avril 2019.

Par ordonnance en date du 10 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel au motif que l'appelant n'avait pas procédé à la signification de sa déclaration d'appel à la selarl MJ Alpes dans le délai de l'article 902 du code de procédure civile, ni notifié ses conclusions à l'association Unedic AGS CGEA de Chalon sur Saone.

Par exploit d'huissier du 21 janvier 2021, Mr [H] [L] a fait assigner l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en réparation du préjudice subi du fait de ses manquements.

Par jugement du 4 mai 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :

- condamné l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire à verser à Mr [H] [L] la somme de 3.850 € en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance,

- débouté Mr [H] [L] du surplus de ses demandes,

- condamné l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire à verser à Mr [H] [L] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire aux dépens,

- rappelé que la décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 16 juin 2022, Mr [L] a interjeté appel de cette décision.

Au terme de ses dernières conclusions en date du 29 mai 2023, Mr [L] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- reconnu l'existence d'une faute de l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire ayant vocation à engager sa responsabilité,

- condamné l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

-réformer le jugement pour le surplus de ses dispositions en ce qu'il :

- a condamné l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire au paiement de la somme de 3.850 € de dommages et intérêts,

et statuant à nouveau de ces chefs réformés,

- débouter l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire de l'intégralité de ses chefs de demande,

y ajoutant,

- condamner l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire au paiement de la somme de 40.000 € de dommages et intérêts,

- condamner l'Union Départementale des syndicats de Force Ouvrière de la Loire au paiement de la somme complémentaire de 2.500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Josserand, avocat sur son affirmation de droit.

Mr [L] fait valoir que l'Union Départementale FO a commis une faute pour ne pas avoir signifié la déclaration d'appel et les conclusions dans le délai prévu par le code de procédure civile, et déclare sur le préjudice que :

- le conseil des prud'hommes a à tort déclaré sa demande forclose au motif qu'il ne disposait que d'un délai de deux mois à compter de la publication des relevés de créance alors que le délai de forclusion ne court pas lorsque le représentant des créanciers n'a pas informé le salarié de l'existence du relevé de créance et de son point de départ et qu'en l'espèce, il n'a jamais été prévenu par le mandataire judiciaire du dépôt du relevé de créances salariales et de sa publication,

- en outre, le délai de forclusion n'ayant pas commencé à courir, il ne pouvait demander un relevé de forclusion,

- il avait de très fortes chances d'obtenir gain de cause devant la cour d'appel sur ses prétentions en paiement de rappels d'heures supplémentaires,

- il avait en effet produit un décompte précis des dépassements de la durée légale du travail ainsi que des éléments extérieurs à ses propres déclarations corroborant l'accomplissement des heures supplémentaires et la réalité du temps de travail n'a jamais été contestée par l'employeur,

- l'Union Départementale n'est pas fondée à soutenir que du fait de sa qualité de cadre, il organisait librement sa charge de travail dés lors qu'il n'était en effet pas un cadre au forfait jour mais un cadre rémunéré sur 39 heures,

- sa demande en paiement d'heures supplémentaires reposait sur l'existence d'un accord implicite de son employeur et sur le fait que ces heures supplémentaires étaient justifiées par la charge de travail imposée par celui-ci,

- il était également fondé en sa demande en paiement du repos compensateur obligatoire qui est une conséquence automatique de l'accomplissement d'heures supplémentaires au delà du contingent fixé par accord collectif ou par la loi et d'une indemnité pour travail dissimulé, son employeur ayant volontairement mentionné sur ses bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué,

- il justifie enfin d'un préjudice moral important alors qu'il a consacré du temps pour préparer son dossier et qu'il a été particulièrement abattu par le peu de sérieux avec lequel son dossier a été traité.

Au terme de ses conclusions en date du 7 décembre 2022, l'Union Départementale des syndicats Force Ouvrière de la Loire demande à la cour de :

à titre principal

- réformer en toutes ses disposition le jugement entrepris du 4 mai 2022,

statuer à nouveau,

- débouter Mr [H] [L] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner Mr [H] [L] à lui payer la somme totale de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mr [H] [L] aux entiers dépens de l'instance et de ses suites, distraits au profit de Maître Christophe Montmeat de la selarl Montmeat Rocher, avocat sur son affirmation de droit qui sollicite le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire, si par exceptionnel la cour d'appel confirme la décision entreprise et retient une perte de chance,

- réduire à de plus justes proportions les demandes de Mr [H] [L] à titre de dommages et intérêts en réparation de perte de chance,

en conséquence,

- la condamner à la somme de 3.850 € en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance.

L'Union Départementale FO qui ne conteste pas que l'appel a été déclaré caduc pour défaut de diligences dans les délais légaux, estime toutefois que sa responsabilité ne peut aboutir à l'allocation de dommages et intérêts faute de justifier de l'existence d'un préjudice caractérisé par la perte de chance certaine et actuelle d'une éventualité favorable de gagner le procès.

Elle fait valoir que :

- le liquidateur de la société [I] [J] avait informé Mr [L] qu'il ne donnait pas suite à sa demande en paiement d'heures supplémentaires et il appartenait à ce dernier, qui ne figurait plus dans les créances salariales, de saisir le conseil des prud'hommes,

- or ce n'est qu'en juin 2018, soit bien au delà du délai édicté par les textes pour saisir le conseil des prud'hommes ou demander un relevé en forclusion, que Mr [L] a saisi officiellement le représentant syndical et il ne saurait lui faire supporter sa propre négligence,

- ainsi, alors que Mr [L] ne rapporte pas la preuve qu'il n'a pas reçu d'avis de la part du mandataire liquidateur, ses demandes semblaient bien être forcloses,

- par ailleurs, à la lecture des bulletins de salaire, Mr [L] bénéficiait d'une convention de forfait mensuel qui peut inclure le paiement d'un certain nombre d'heures supplémentaires dans le salaire de base et il résulte des explications de son ancien dirigeant qu'il bénéficiait d'une certaine liberté dans l'organisation de ses horaires de travail de sorte que sa demande de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires ne pouvait prospérer,

- en outre, il ne peut être considéré que l'employeur avait implicitement consenti des heures supplémentaires ainsi qu'il ressort de la réponse sans équivoque de l'ancien dirigeant,

- la demande au titre du travail dissimulé n'a jamais été réclamée et ne peut donc l'être à titre de préjudice.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Pour être indemnisable, une perte de chance suppose la réunion de trois conditions :

- un fait générateur de responsabilité,

- la probabilité d'une éventualité favorable, cette probabilité étant caractérisée dès lors qu'il existe une chance, même minime, que l'événement favorable se réalise,

- la disparition de la probabilité de réalisation de l'événement favorable en raison du fait générateur de responsabilité.

La perte de chance subie par le justiciable qui a été privé de la possibilité de faire valoir ses droits, en raison des manquements de son conseil, se mesure à la seule probabilité du succès de l'action qui n'a pas été exercée. Pour apprécier les chances de succès de la voie de droit envisagée, il incombe au juge du fond de reconstituer la discussion qui n'a pas pu s'instaurer devant la juridiction par la faute du conseil au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats.

1.sur le fait générateur de responsabilité :

Le salarié fait valoir que l'Union Départementale a commis une faute dans le cadre de l'appel du jugement du conseil des prud'hommes de Saint-Etienne pour avoir omis de signifier la déclaration d'appel dans le délai de l'article 902 du code de procédure civile ce qui a entraîné la caducité de la déclaration d'appel.

Ce fait est établi par l'ordonnance de caducité du conseiller de la mise en état de la chambre sociale et l'Union Départementale ne discute pas un défaut de diligences à l'origine de cette décision de caducité.

Le jugement a donc justement retenu que Mr [L] rapporte la preuve d'un manquement de l'Union Départementale à ses obligations à son égard.

2. sur l'existence d'une perte de chance :

L'article L 625-1 du code du commerce dispose que :

'Après vérification, le mandataire judiciaire établit, dans les délais prévus à l'article L. 143-11-7 du code du travail, les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, le débiteur entendu ou dûment appelé. Les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article L. 625-2. Ils sont visés par le juge-commissaire, déposés au greffe du tribunal et font l'objet d'une mesure de publicité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité mentionnée à l'alinéa précédent. Il peut demander au représentant des salariés de l'assister ou de le représenter devant la juridiction prud'homale'.

Selon l'article R 625-3 du code du commerce 'le mandataire judiciaire informe par tout moyen chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées et lui indique la date du dépôt au greffe du relevé des créances. Il rappelle que le délai de forclusion prévu à l'article L. 625-1 court à compter de la publication prévue au troisième alinéa ci-après. Les salariés dont les créances sont admises sont informés au moment du paiement'.

Il est de jurisprudence constante que le délai de forclusion ne court pas lorsque le représentant des créanciers n'a pas informé le salarié de l'existence de ce délai et de son point de départ (Cour de cassation soc 25 juin 2002 N° 00644.704) et ce sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la créance a été rejetée ou omise (Cour de cassation soc 16 décembre 2018)

En l'espèce, par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont constaté qu'il ressortait du jugement du conseil des prud'hommes, alors que la société [I] [J] n'était pas représentée en première instance et que l'AGS avait soulevé l'application des dispositions de l'article L 625-1 du code du commerce, qu'il avait déclaré l'action de Mr [L] prescrite sans constater qu'il avait été personnellement informé par le liquidateur de la société du dépôt au greffe du relevé des créances salariales et de ce que le point de départ du délai lui avait été rappelé, le courrier du mandataire du 29 juin 2016 étant insuffisant.

Ce courrier par lequel le mandataire judiciaire de la société [I] [J] informe Mr [L] qu'il n'est pas en mesure de prendre en charge sa demande d'heures supplémentaires ne comporte en effet aucune information sur la possibilité de contester cette décision et le point de départ du délai de contestation.

Le délai de forclusion ne courant pas, Mr [L] n'avait pas à solliciter un relevé de forclusion.

Par ailleurs, il n'incombait pas au salarié de rapporter la preuve négative, et donc impossible, qu'il n'avait pas reçu l'information nécessaire mais bien au liquidateur d'établir qu'il avait informé Mr [L] de la possibilité de contester le refus de sa demande et dans quel délai, ce qu'il n'a pas fait devant la juridiction prud'homale, pas plus que ne le fait l'Union Départementale dans le cadre de la présente instance.

La contestation de Mr [L] sur la forclusion de sa demande conseil des prud'hommes était donc justifiée et ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et demandes accessoires manifestement recevables devant la cour, sans qu'il y ait lieu à ce stade du raisonnement d'apprécier le préjudice dans le cadre d'une perte de chance dés lors d'une part que la règle précitée repose sur une jurisprudence constante et certaine et d'autre part, qu'aucun élément au dossier ne permet de constater que Mr [L] ait bénéficié de cette information.

Il est donc établi que du fait de la faute imputable à l'Union Départementale, Mr [L] a perdu toute chance d'obtenir une réformation du jugement alors que celle-ci s'imposait nécessairement.

Il convient d'apprécier maintenant si Mr [L] avait une chance de voir ses prétentions prospérer devant la cour.

a) sur la perte de chance de bénéficier du paiement d'heures supplémentaires :

Mr [L] a donc revendiqué devant la cour d'appel de Lyon le paiement d'heures supplémentaires.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, les heures supplémentaires doivent avoir été réalisées selon les instructions de l'employeur ou du moins avec l'accord, même implicite, de l'employeur. A défaut d'un tel accord le salarié ne peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires que s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En l'espèce, Mr [L] verse aux débats :

- un tableau récapitulatif détaillé des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées au sein de la société [I] [J] entre le 7 novembre 2014 et faisant ressortir un total de 143 heures supplémentaires accomplies dans le quotidien et de 86 heures supplémentaires lors d'un déplacement au Japon, soit au total 229 heures supplémentaires,

- des attestations d'anciens collègues, dont celle du délégué du personnel et délégué syndical de la société témoignant du dépassement des heures par Mr [L] et de ce qu'il travaillait tard le soir jusqu'à l'extrême limite de l'heure de fermeture de l'entreprise, ce point étant confirmé par les deux salariés chargés de la fermeture, et celle du directeur adjoint déclarant que Mr [L] a effectué des heures supplémentaires pendant sa période d'activité chez la société [I] [J], ces heures étant nécessitées en majeure partie par la préparation des dossiers qualité pour les organismes d'inspection et la nécessité de modifier et de réécrire des procédures en vue du renouvellement de la certification Iso 9001, qu'il a également effectué un voyage professionnel au Japon, effectué en partie le week-end, à la demande du dirigeant de la société, qu'il a ensuite enchaîné par un autre déplacement en Belgique et qu'au cours de ces voyages, il a travaillé tard le soir.

La cour relève que le tableau de relevés d'heures établi sur l'ensemble de la période travaillée constituait un document suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

Il ressort des mentions portées sur les bulletins de salaire de Mr [L] que celui-ci était salarié cadre auprès de la société [I] [J] en qualité de responsable qualité, sécurité, environnement, et rémunéré selon un forfait mensuel de 167,75 heures dont 14,08 heures supplémentaires.

Ces bulletins de salaire démontrent que Mr [L] n'a bénéficié d'aucun paiement d'heures de travail au delà de ce forfait et le premier juge a justement retenu que la qualité de cadre n'est pas en soi exclusive du paiement d'heures supplémentaires et que l'existence d'une convention de forfait n'interdit pas au salarié de prétendre au paiement d'heures supplémentaires accomplies au delà du forfait convenu.

Le courriel de Mr [K], ancien dirigeant de Mr [L], atteste de ce qu'il ne conteste pas que ce dernier ait accompli des heures supplémentaires, ni qu'elles l'ont été pour les besoins de l'entreprise, ce qui suffit à caractériser un accord implicite, et si celui-ci déclare que le salarié ne lui a jamais formulé de demande expresse en ce sens, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a relevé qu'une telle circonstance ne fait pas obstacle à sa demande en paiement des dites heures.

Force est de constater par ailleurs qu'aucun élément n'a été produit afin de contredire utilement les éléments versés par le salarié.

Il en résulte que la probabilité que Mr [L] obtienne satisfaction auprès de la cour dans sa demande en paiement des heures supplémentaires était très grande et elle peut être fixée au vu des éléments de la cause à 90 % de chance de succès.

L'Union Départementale a chiffré le total de la réclamation de Mr [L] au titre des heures supplémentaires, congés payés de 10 % inclus, à 9.903,88 €, demande formée devant le conseil des prud'hommes puis devant la cour d'appel, et elle ne conteste pas devant la cour l'exactitude de ce calcul.

Il est donc alloué à Mr [L] au titre d'un préjudice de perte de chance d'obtenir devant la cour le paiement de ses heures supplémentaires et congés payés la somme de 9.903,88 € x 90 % soit 8.913,49 €.

Il convient, réformant le jugement de ce chef, de condamner l'Union Départementale à payer à Mr [L] la somme de 8.913,49 €.

b) sur la perte de chance de bénéficier du paiement des rappels de repos compensateurs :

L'article L 3121-30 du code du travail dispose que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale.

Le contingent légal est fixé à 220 heures par l'article D 3121-41 du code du travail.

Les éléments versés aux débats par l'appelant sont manifestement insuffisants pour caractériser dans son cas un dépassement de ce contingent légal, le tableau qu'il produit au titre des heures supplémentaires faisant ressortir un total d'heures supplémentaires de 223 heures sur une durée de plus d'un an puisque s'étendant du 7 novembre 2014 au 14 décembre 2015.

La cour estime que Mr [L] ne justifie pas d'un préjudice dans le fait de n'avoir pu obtenir satisfaction sur cette demande, fut-ce au titre d'une perte de chance, et confirme le jugement en ce qu'il l'a débouté de cette prétention.

c) sur la perte de chance de bénéficier du paiement d'indemnités pour travail dissimulé :

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont relevé qu'il n'existait aucune chance pour Mr [L] d'obtenir la condamnation de son employeur au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé dés lors qu'il n'avait pas formulé une telle demande ainsi qu'il ressort de ces conclusions déposées devant la chambre sociale de cour.

La cour confirme le jugement en ce qu'il l'a débouté de cette prétention.

d) sur le préjudice moral :

La cour a reconnu que l'Union Départementale a commis une faute dans l'exécution de son mandat dont il est résulté pour le salarié un préjudice lié à la perte de chance d'obtenir gain de cause devant la cour d'appel.

La cour estime que cette faute est à l'origine d'un préjudice moral, le salarié ayant été privé de la possibilité de faire valoir ses droits en justice et de voir reconnaître la responsabilité de son employeur, préjudice qu'elle chiffre à 1.500 €.

Il convient, réformant le jugement, de condamner l'Union Départementale à payer à Mr [L] la somme de 1.500 € euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

3. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel sont à la charge de l'Union Départementale qui succombe en ses prétentions ;

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mr [L] en cause d'appel et il lui est alloué à ce titre la somme de 2.000 €

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf sur le montant alloué à Mr [L] en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance et ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre du préjudice moral ;

statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne l'Union Départementale des syndicat de Force Ouvrière de la Loire à payer à Mr [H] [L] la somme de 8.913,49 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance.

Condamne l'Union Départementale des syndicat de Force Ouvrière de la Loire à payer à Mr [H] [L] la somme de 1.500 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Condamne l'Union Départementale des syndicat de Force Ouvrière de la la Loire à payer à Mr [H] [L] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne l'Union Départementale des syndicat de Force Ouvrière de la Loire aux dépens de l'instance d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 de code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/04469
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.04469 ?
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