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25/06/2024 | FRANCE | N°22/03665

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 25 juin 2024, 22/03665


N° RG 22/03665 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJ4B









Décision du

Tribunal Judiciaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Au fond

du 17 mars 2022



RG : 19/00576







[I]



C/



S.C.P. [N] GENIN THUILLEAUX ET ASSOCIES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 25 Juin 2024







APPELANT :



M. [W] [I]
r>né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 13] (69)

[Adresse 2]

[Localité 12]



Représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

ayant pour avocat plaidant Me Astrid ALLALA, avocat au barreau de LYON, toque : 1807







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N° RG 22/03665 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJ4B

Décision du

Tribunal Judiciaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Au fond

du 17 mars 2022

RG : 19/00576

[I]

C/

S.C.P. [N] GENIN THUILLEAUX ET ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 25 Juin 2024

APPELANT :

M. [W] [I]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 13] (69)

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

ayant pour avocat plaidant Me Astrid ALLALA, avocat au barreau de LYON, toque : 1807

INTIMEE :

La SCP [N] GENIN THUILLEAUX ET ASSOCIES

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentée par Me Maïté ROCHE, avocat au barreau de LYON, toque : 539

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 01 Juin 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Mars 2024

Date de mise à disposition : 25 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

M. [W] [I] est propriétaire de parcelles cadastrées section D n° [Cadastre 5], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] sur la commune de [Localité 14] (Rhône).

M. [U] [T] est propriétaire de parcelles contiguës cadastrées section D n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 6] et [Cadastre 7].

Le 16 décembre 2011, M. [I] a assigné M. [T] devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de voir constater qu'il bénéficie d'une servitude de passage en voiture s'exerçant pour partie sur la parcelle D [Cadastre 3], dire que le défendeur ne peut lui entraver l'accès et le voir condamné à remettre en état ladite servitude de sorte que les véhicules puissent circuler.

Par un jugement du 11 septembre 2013, rectifiée par un jugement du 5 décembre 2013, le tribunal a notamment débouté M. [I] de toutes ses demandes et dit que la servitude dont il bénéficie sur la parcelle D [Cadastre 3] appartenant à M. [T] ne permet pas le passage en voiture mais seulement à pied.

Le 3 octobre 2013, Maître [E] [N] a relevé appel du jugement pour le compte de M. [I], son client.

Par une ordonnance du 15 juillet 2014, le conseiller de la mise en état de la 1re chambre civile A de la cour d'appel de Lyon a prononcé la caducité de la déclaration d'appel et constaté le dessaisissement la cour, au motif que M. [I] n'a pas fait déposer de conclusions dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, qui expirait le 3 janvier 2014.

Soutenant que Maître [N] avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, M. [I] a assigné la SCP [N] Genin Thuilleaux (la SCP d'avocats) et Maître [N] devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, devenu le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône, en indemnisation de son préjudice lié à la perte de chance d'obtenir gain de cause en appel et de voir réformer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 11 juillet 2013, sollicitant, avant-dire droit, la mise en 'uvre d'une mesure d'expertise judiciaire afin d'évaluer son préjudice.

Par jugement du 17 mars 2022, le tribunal :

- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes au fond et de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté la SCP d'avocats et Maître [N] de leur demande d'indemnisation sur le même fondement,

- a dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,

- a condamné M. [I] à supporter les entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 20 mai 2022, M. [I] a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 15 février 2023, il demande à la cour, au visa des articles 1217 du code civil, 908 et 909 du code de procédure civile, de :

- réformer le jugement rendu,

Statuant à nouveau,

- juger que la SCP d'avocats a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne produisant pas de conclusions d'appel dans le délai de trois mois,

- juger que la SCP d'avocats a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard,

- juger qu'aucun désistement en cause d'appel n'est intervenu,

- en conséquence, déclarer la SCP d'avocats responsable des préjudices qu'il a subis du fait de cette faute,

- juger qu'il apporte des éléments de nature à démontrer qu'il a perdu une chance raisonnable d'obtenir gain de cause en appel,

- juger que la SCP d'avocats est donc responsable du préjudice qu'il a subi, né de la perte de chance d'obtenir gain de cause en appel et de voir réformer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 11 juillet 2013, ensemble le préjudice moral,

- en conséquence, ordonner une expertise judiciaire avant-dire droit afin d'évaluer le préjudice tiré de la perte de chance d'obtenir gain de cause en appel et de voir réformer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon (à savoir notamment la dévaluation de la propriété en lien avec la non reconnaissance de la servitude de passage),

- en tout état de cause, la condamner à lui verser la somme de 190 000 euros en réparation de son préjudice lié à la perte de chance, à parfaire en fonction du rapport de l'expertise judiciaire à intervenir, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- la condamner à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- condamner la SCP d'avocats au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens de l'instance,

- débouter la SCP d'avocats de ses demandes incidentes tendant à voir le condamner à lui verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Maître Roche sur son affirmation de droit par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 5 avril 2023, la SCP d'avocats demande à la cour, au visa des articles 691, 1231-1 et 1315 du code civil, 9 et 908 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté M. [I] de l'intégralité de ses demandes au fond et de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la SCP d'avocats et Maître [N] de leur demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ce faisant,

- constater que Maître [N] avait pour seul interlocuteur les parents de M. [I], lesquels se sont désistés en cause d'appel au nom et pour le compte de leur fils,

- constater que M. [I] n'apporte pas d'éléments de nature à démontrer qu'il a perdu une chance raisonnable d'obtenir gain de cause en appel,

- juger que ses chances d'obtenir réformation en cause d'appel étaient nulles,

- juger que M. [I] n'apporte pas la preuve de l'existence comme de l'étendue du préjudice financier et du préjudice moral qu'il invoque,

En conséquence,

- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre comme étant mal fondées et injustifiées,

A titre incident,

- condamner M. [I] à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître Maïté Roche sur son affirmation de droit par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er juin 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de constatations qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques. Il en est de même pour les demandes tendant à voir « juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

1. Sur la demande d'indemnisation au titre de la perte de chance

Pour être indemnisable, une perte de chance suppose la réunion de trois conditions :

- un fait générateur de responsabilité,

- la probabilité d'une éventualité favorable, cette probabilité étant caractérisée dès lors qu'il existe une chance, même minime, que l'événement favorable se réalise,

- la disparition de la probabilité de réalisation de l'événement favorable en raison du fait générateur de responsabilité.

La perte de chance subie par le justiciable qui a été privé de la possibilité de faire valoir ses droits, en raison des manquements de son conseil, se mesure à la seule probabilité du succès de l'action qui n'a pas été exercée. Pour apprécier les chances de succès de la voie de droit envisagée, il incombe au juge du fond de reconstituer la discussion qui n'a pas pu s'instaurer devant la juridiction par la faute du conseil au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats.

1.1. Sur le fait générateur de responsabilité

M. [I] fait valoir que :

-Maître [N] a continué d'échanger avec lui et lui a adressé des conclusions en février 2015 alors qu'elle savait depuis le 24 septembre 2014 que la déclaration d'appel était caduque ;

- la SCP d'avocats ne démontre absolument pas que ses parents auraient demandé à Maître [N] de se désister de la procédure d'appel ni qu'elle lui aurait volontairement menti, sur demande de ses parents, en prétendant que la procédure était encore en cours, étant observé qu'un tel procédé est proprement contraire aux règles déontologiques ;

- le fait qu'aucune demande d'honoraires n'ait été faite depuis octobre 2013 n'a aucune incidence.

La SCP d'avocats réplique que :

- Maître [N] a effectivement omis de notifier ses conclusions dans le délai de trois mois de l'article 908 du code de procédure civile, suite à la mise en 'uvre de la médiation; par conséquent, un manquement peut lui être reproché de ce fait, la faute n'étant pas contestée ;

- néanmoins, l'affaire est intervenue dans un contexte particulier, les interlocuteurs de Maître [N] ayant toujours été les parents de M. [I], en raison de liens de connaissance les unissant à leur conseil, et jamais l'appelant directement, compte tenu de son état de fragilité ; les parents ont été avertis de la caducité de l'appel et ont accepté de se désister ; Maître [N] n'a appris qu'en janvier 2015 que M. [I] n'avait pas été tenu informé de la difficulté procédurale par ses parents et ces derniers lui ont demandé de prétendre que la procédure était toujours pendante, ce qu'elle a accepté de faire ;

- aucune demande d'honoraires n'a émané du cabinet depuis octobre 2013, ce qui démontre que les parents avaient bien été informés de la caducité encourue.

Réponse de la cour

Ainsi que l'a retenu le premier juge, il n'est pas contesté par la SCP d'avocats que Maître [N] a commis une faute en ne respectant pas le délai de trois mois de l'article 908 du code de procédure civile pour conclure, entraînant le prononcé de la caducité de l'appel.

Le contexte particulier allégué par la société intimée ne saurait avoir pour conséquence de retirer au défaut de diligence de l'avocat son caractère fautif. Au contraire, en maintenant M. [I] dans la croyance erronée que l'instance d'appel était toujours en cours, Maître [N] a incontestablement manqué à ses obligations à l'égard de son mandant.

1.2. Sur la perte de chance d'obtenir la réformation du jugement

M. [I] fait valoir que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'appel qu'il avait engagé n'était pas voué à l'échec et il avait au contraire de grandes chances de voir le jugement du tribunal de grande instance de Lyon réformer et de se voir reconnaître le bénéfice d'une servitude de passage de véhicules sur la parcelle D [Cadastre 3] appartenant à M. [T] ;

- en effet, alors qu'en présence d'une servitude conventionnelle peu précise, il convient de se référer à l'usage du fond à l'époque de la constitution de la servitude et à l'utilité de celle-ci pour le fonds dominant, il dispose d'éléments probants permettant de démontrer que la portion de la parcelle D [Cadastre 3] située entre sa maison d'habitation et celle de M. [T] pouvait être empruntée par véhicule et que telle était l'intention des parties à l'époque de la constitution de la servitude conventionnelle ;

- à titre subsidiaire, l'assiette de la servitude a été modifiée pendant 30 ans d'un commun accord entre les précédents propriétaires afin que les véhicules à moteur puissent passer ; M. [T] qui est le neveu du propriétaire précédent de la parcelle grevée du droit de passage, ne pouvait ignorer cette modification conventionnelle de l'assiette de la servitude;

- le plan annexé à son acte d'achat figure en bleu la servitude de passage et démontre indéniablement son assiette sur la totalité du chemin et son usage par véhicule ; ce plan qui n'avait pas été produit en première instance aurait indéniablement entraîné la réformation du jugement s'il avait été produit en appel.

La SCP d'avocats réplique que :

- M. [I] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice allégué, en l'absence de possibilité d'obtenir réformation cause d'appel ;

- en effet, à l'aune des différents actes versés aux débats, le passage litigieux est nécessairement « à talons » et le terme « latéral » figurant dans l'acte de vente de M. [T] pour qualifier le droit de passage sert précisément à délimiter l'assiette de la servitude ;

- le caractère agricole des terres est indifférent ; la servitude continue, apparente ou non apparente, ne s'acquérant que par titre, les attestations produites sont sans incidence ; les arrêts cités par M. [I] sont sans lien avec le cas d'espèce car ils visent notamment la prescription extinctive et non la prescription acquisitive ; l'attestation du notaire produite par la partie adverse ne pourra pas emporter l'adhésion de la cour d'appel car l'interprétation du notaire se heurte à l'acte de donation-partage de 1950 dans lequel la possibilité de passer en voiture avait été expressément rayée.

Réponse de la cour

Le litige qui a opposé M. [I] à M. [T], et qui a donné lieu au jugement du 11 septembre 2013 frappé d'appel par le premier, ne portait pas sur le principe même de la servitude de passage, dont M. [T] ne contestait pas l'existence et qui résulte de son acte de vente du 22 septembre 2003 mentionnant que « le vendeur déclare qu'il n'a créé, ni laissé créer aucune servitude sur l'immeuble vendu et qu'à sa connaissance il n'en existe pas d'autres que celles pouvant résulter de la situation des lieux, de la loi ou de l'urbanisme [...] à l'exception d'un droit de passage latéral sur la parcelle [Cadastre 3] » (la dernière partie de la phrase ayant été rajoutée en marge de l'acte de manière manuscrite).

Seul était en conflit le mode d'exercice de ce passage, M. [I] soutenant qu'il bénéficiait d'une servitude de passage par automobile et le défendeur soutenant que le passage ne pouvait se faire qu'à pied.

C'est à tort que le premier juge a considéré qu'au regard de l'intégralité des éléments produits par M. [I], sa procédure d'appel était vouée à l'échec, alors que la solution du litige l'opposant à son voisin impliquait d'interpréter les différents actes versés aux débats - et plus particulièrement le terme « latéral » figurant dans l'acte de vente précité, les expressions « passage commun à divers propriétaires » et « passage commun à plusieurs » figurant respectivement dans l'acte de vente des 3 et 10 septembre 1920 et l'acte de donation-partage du 24 octobre 1950, l'absence de précision d'une restriction du mode d'exercice du droit de passage litigieux dans l'acte précité de 1920 (à la différence du droit de passage mentionné en page 3 de l'acte dont il est expressément précisé qu'il s'exerce « à talons seulement ») et le sens à donner à la rature du paragraphe relatif au « droit de passage à voiture » en page 15 de l'acte précité de 1950, cette interprétation devant se faire à la lumière notamment de l'usage agricole du bâtiment situé sur la parcelle aujourd'hui cadastrée [Cadastre 9].

Compte tenu de la nécessité d'interpréter ces actes peu précis, la cour retient, par infirmation du jugement déféré, qu'il existait une chance pour M. [I] d'obtenir la réformation du jugement du 11 septembre 2013 en cause d'appel.

1.3. Sur le préjudice

M. [I] fait valoir que :

- sa perte de chance doit être évaluée à 95 % ;

- le fait qu'il ne dispose plus de droit de passage par véhicule pour accéder à son garage entraîne une perte de valeur de son bien ainsi qu'une réduction de l'usage de sa parcelle estimées à 200'000 euros ; il convient toutefois d'ordonner une expertise avant-dire droit afin d'estimer son préjudice.

La SCP d'avocats réplique que :

- la propriété de M. [I] n'est pas enclavée ; en toute hypothèse, cet état de prétendue enclave procède d'un choix délibéré puisqu'il a renoncé, dès la vente, à bénéficier du passage commun tous usages situé sur la parcelle de son oncle ;

- ses demandes indemnitaires et d'expertise judiciaire ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur quantum.

Réponse de la cour

Au regard de l'interprétation des actes à opérer, la perte de chance pour M. [I] d'obtenir l'infirmation du jugement en appel et la reconnaissance d'un droit de passage en voiture peut être estimée à 40 %.

Au vu des éléments du dossier, et plus particulièrement de la description de la parcelle [Cadastre 9] dans les actes produits et des photographies versées aux débats, la cour dispose des éléments lui permettant d'évaluer à 20'000 euros la dévalorisation du fonds du fait de l'absence de droit de passage en voiture, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise avant-dire droit.

Aussi convient-il, par infirmation du jugement déféré, de condamner la SCP d'avocats à payer à M. [I] la somme de 20'000 € x 40 % = 8 000 euros au titre de son préjudice de perte de chance, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

2. Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral

M. [I] soutient qu'il a également subi un préjudice moral, la faute commise par Maître [N] lui ayant causé du tracas et l'avocat n'ayant pas hésité à jeter le discrédit sur sa personne.

La SCP d'avocats réplique que l'appelant ne démontre pas le préjudice moral qu'il invoque.

Réponse de la cour

Le fait pour Maître [N] d'avoir omis d'informer M. [I] de la caducité de la déclaration d'appel constitue une faute de l'avocate dans l'exercice de son mandat.

Cette faute a contraint l'appelant à engager diverses procédures de nature à générer chez lui un stress et le sentiment de ne pas avoir été considéré par son avocat.

Ce préjudice moral justifie l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [I] de ce chef de demande.

3. Sur les demandes accessoires

Il y a lieu d'autoriser la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, en application de l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

La SCP d'avocats, partie perdante, est condamnée aux entiers dépens et à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a dû engager en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SCP [N] Genin Thuilleaux à payer à M. [W] [I] la somme de 8 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir la réformation du jugement du 11 septembre 2013 en cause d'appel, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Condamne la SCP [N] Genin Thuilleaux à payer à M. [W] [I] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Autorise la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

Condamne la SCP [N] Genin Thuilleaux à payer à M. [W] [I] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCP [N] Genin Thuilleaux aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/03665
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.03665 ?
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