N° RG 22/02871 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OH6C
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond
du 08 février 2022
RG : 18/08636
ch n°4
[L]
C/
S.A. AVANSSUR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 25 Juin 2024
APPELANT :
M. [T] [L]
né le [Date naissance 3] 1983
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Sylvain CORMIER, avocat au barreau de LYON, toque : 870
INTIMEE :
AXA FRANCE IARD venant aux droits de la société AVANSSUR
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Marie-christine MANTE-SAROLI de la SELARL MANTE SAROLI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1217
PARTIES INTERVENANTES :
CPAM DU PUY DE DÔME
[Adresse 5]
[Localité 6]
Défaillante
Mme [C] [K] épouse [D]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Défaillante
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 15 Février 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Mars 2024
Date de mise à disposition : 25 Juin 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt rendu par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 2 juillet 2010, M. [T] [L] a été victime d'un accident de la circulation routière impliquant un véhicule conduit par Mme [C] [K] épouse [D], assuré auprès de la société Avanssur.
Une expertise médicale amiable et contradictoire a été confiée par cet assureur au Docteur [S] qui a constaté le 23 novembre 2011 que l'état de santé de M. [L] n'était pas consolidé.
Les Docteurs [S] et [X] ont déposé leur rapport définitif le 13 janvier 2015.
La société Avanssur a procédé au versement de plusieurs provisions à titre amiable pour un montant total de 17 000 euros.
Aucun accord n'étant intervenu quant à la liquidation du dommage, M. [L] a assigné en indemnisation Mme [D], son assureur et la sécurité sociale des indépendants devant le tribunal de grande instance de Lyon, devenu le tribunal judiciaire de Lyon.
Par jugement, réputé contradictoire du 8 février 2022, le tribunal a :
- condamné in solidum Mme [D] et la société Avanssur à régler à M. [L], la somme de 114 032,60 euros en réparation des dommages consécutifs à l'accident survenu le 2 juillet 2010, provisions déduites, avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement,
- débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,
- condamné in solidum Mme [D] et la société Avanssur à supporter les entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement au profit de Maître Faten Mazigh,
- condamné in solidum Mme [D] et la société Avanssur à payer à M. [L], la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclarations des 19 avril et 2 mai 2022, M. [L] a relevé appel du jugement, intimant la société Avanssur. Par une ordonnance du 19 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.
Par actes huissier de justice des 17 octobre 2022 et 22 juin 2023, la société Axa France IARD (la société Axa), venant aux droits de la société Avanssur, a attrait à la procédure Mme [D] et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme (la caisse), leur signifiant les deux déclarations d'appel, les conclusions d'appelant de M [L] et ses propres conclusions d'appel incident.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2023, M. [L] demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
statuant à nouveau :
- condamner la société Axa à l'indemniser de son entier préjudice résultant de l'accident de la circulation dont il a été victime le 2 juillet 2010 comme suit :
postes
préjudice
organisme social
part victime
préjudices patrimoniaux temporaires
dépenses de santé actuelles
69,50 €
69,50 €
frais divers
1 639,58 €
1 639,58 €
assistance tierce personne temporaire
24.772 €
24 772 €
pertes de gains
professionnels actuels
142 924,28 €
142 924,28 €
préjudices patrimoniaux permanents
pertes de gains
professionnels futurs échus
2 857 329,6 €
37 196,04 €
2 820 133,56 €
pertes de gains
professionnels futurs à échoir
683 420 €
683 420 €
incidence
professionnelle
544 024,76 €
544 024,76 €
préjudices extrapatrimoniaux temporaires
déficit fonctionnel
temporaire
12 547 €
12 547 €
souffrances
endurées
40 000 €
40 000 €
préjudice esthétique
temporaire
3 500 €
3 500 €
préjudices extrapatrimoniaux permanents
déficit fonctionnel
permanent
44 250 €
44 250 €
préjudice esthétique
8 000 €
8 000 €
préjudice
d'agrément
30 000 €
30 000 €
- fixer son préjudice total à la somme de 4 355 280,62 euros,
- déduire la somme de 17 000 euros équivalent à la provision versée la société Axa,
- condamner la même à payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux dépens de l'instance,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse et à Mme [D].
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 25 mai 2023, la société Axa demande à la cour de :
à titre principal,
- juger que la cour n'est saisie d'aucune demande par les déclarations d'appel du 19 avril 2022 et du 2 mai 2018 (sic) de M. [L] qui n'ont pas opéré dévolution,
- dire n'y avoir lieu à statuer sur l'appel de M. [L],
- condamner M. [L] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [L] aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la selarl Mante Saroli avocats associés, avocat, sur son affirmation de droit,
subsidiairement, si la cour devait considérer que les déclarations d'appel successives ont opéré dévolution,
- débouter M. [L] de son appel,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- condamné in solidum Mme [D] et la société Avanssur à régler à M. [L], la somme de 114 032,60 euros, en réparation des dommages consécutifs à l'accident survenu le 2 juillet 2010, provisions déduites, avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement,
- débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,
- condamné in solidum Mme [D] et la société Avanssur à supporter les entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement au profit de Maître Faten Mazigh,
- condamné in solidum Mme [D] et la société Avanssur à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer recevable et bien fondé son appel provoqué à l'encontre de la caisse et de Mme [D],
et statuant à nouveau,
- fixer le préjudice de M. [T] [L] dans les suites de l'accident de la circulation dont il a été victime le 2 juillet 2010 comme suit :
Poste de préjudice
Préjudice total
Créance CPAM (anciennement RSI)
Indemnité revenant à M. [L]
Dépenses de santé actuelles
49,50 €
Sans objet
49,50€
Frais divers
1 246 €
Sans objet
1 246 €
Assistance par tierce personne temporaire
12 386 €
Sans objet
12 386 €
Déficit fonctionnel temporaire
10 456,25 €
Sans objet
10 456,25 €
Souffrances endurées
20 000 €
Sans objet
20 000 €
Déficit fonctionnel permanent
30 000 €
37 196,07 €
0 €
Préjudice esthétique temporaire
1 000 €
Sans objet
1 000 €
Préjudice esthétique permanent
4 000 €
Sans objet
4 000 €
Préjudice d'agrément
5 000 €
Sans objet
5 000 €
- fixer le préjudice total subi par M. [L] à la somme de 54 137,75 euros,
- déduire de cette somme les provisions déjà versées à M. [L] d'un montant de 17 000 euros,
en conséquence,
- allouer à M. [T] [L] la somme de 37 137,25 euros en capital,
- débouter M. [T] [L] de toute autre demande indemnitaire notamment au titre
- des pertes de gains professionnels actuels
- des pertes de gains professionnels futurs
- de l'incidence professionnelle,
- débouter M. [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [L] aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la selarl Mante Saroli avocats associés, avocat, sur son affirmation de droit,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse et à Mme [D],
à titre plus subsidiaire,
si le jugement était infirmé au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,
- allouer à M. [T] [L] la somme de 14 638 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,
si la perte de gains professionnels actuels devait être indemnisée,
- allouer à M. [T] [L] la somme de 40 577,10 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,
si la perte de gains professionnels futurs devait être indemnisée,
- allouer à M. [T] [L] la somme de 283 497,72 euros en capital, outre une rente mensuelle viagère de 2 505,42 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, jusqu'à l'âge de 62 ans,
- juger que la rente sera payable mensuellement à terme échu et sera indexée selon les modalités fixées par l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985,
plus subsidiairement, si un capital devait être octroyé au titre de ce poste,
- allouer à M. [L] la somme de 950 339,42 euros,
si l'incidence professionnelle devait être indemnisée,
- allouer à M. [L] la somme de 20 000 euros au titre de ce poste dans ces deux derniers cas,
- fixer les autres préjudices subis par M. [T] [L] comme tel :
- 49,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles
- 1 246 euros au titre des frais divers
- 12 386 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire
- 10 456,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 20 000 euros au titre des souffrances endurées
- 30 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
- 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
en tout état de cause,
- déduire la provision déjà perçue par M. [L] à hauteur de 17 000 euros,
- débouter M. [L] de toute autre demande indemnitaire,
- ramener à de plus justes proportions la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile , la somme allouée ne pouvant être supérieure à 1 500 euros,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse et à Mme [D].
Mme [D] et la caisse, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée le 17 octobre 2022, à étude pour l'une, à personne habilitée pour l'autre, n'ont pas constitué avocat.
Par courrier du 9 novembre 2022, la caisse a indiqué qu'elle n'entendait pas intervenir à l'instance et a fait connaître le montant définitif de ses débours au titre de la pension d'invalidité (37'196,04 euros).
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIVATION
1. Sur l'effet dévolutif de l'appel
La société AXA soutient que les déclarations d'appel des 19 avril et 2 mai 2022 n'ont pas opéré dévolution et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel de M. [L], la cour n'étant saisie d'aucune demande. Elle fait valoir essentiellement que :
- la première déclaration d'appel ne reprend pas les chefs de jugement critiqués, l'appelant se contentant de préciser qu'il entend solliciter la réformation du jugement concernant plusieurs postes de préjudices évoqués dans la motivation du jugement, sans viser les chefs de jugement figurant au dispositif ;
- la deuxième déclaration d'appel, qui s'est substituée à la première, ne mentionne pas non plus les chefs du jugement critiqués, l'appelant se contentant de préciser qu'il entend solliciter l'infirmation du jugement « en toutes ses dispositions » avant de reprendre le détail de différents postes de préjudices évoqués dans la motivation du jugement ;
- le total des sommes reprises dans la déclaration d'appel ne correspond d'ailleurs pas à la somme de 114'032,60 euros au paiement de laquelle la société Avanssur a été condamnée dans le dispositif du jugement ;
- la déclaration d'appel est affectée d'autres incohérences, notamment de différences entre les sommes allouées par le tribunal et celles visées dans la déclaration d'appel ;
- M. [L] critique le jugement en ce qu'il lui « alloue » des sommes mais pas en ce qu'il « condamne » in solidum la société Avanssur et Mme [D] à lui régler ces sommes ; - s'il a précisé par la suite dans ses conclusions d'appelant les chefs de jugement qu'il entendait critiquer, cette mention devait être présente dans la déclaration d'appel sans qu'une régularisation puisse intervenir par le biais de conclusions ultérieures.
M. [L] réplique que ses déclarations d'appel opèrent effet dévolutif car :
- les demandes rejetées par le tribunal ne font pas l'objet d'un dispositif détaillé et la seule mention de la phrase laconique du dispositif ne permet pas de critiquer les chefs de jugement expressément critiqués ;
- il a repris la motivation du jugement afin d'en comprendre la portée et d'indiquer expressément quels points du jugement tranchés dans son dispositif étaient déférés à la cour.
Réponse de la cour
Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Et selon l'article 901, 4°, du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021, régissant la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement doit mentionner les chefs du jugement expressément critiqués.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de dispositif du jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.
Ces règles, qui encadrent les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures avec représentation obligatoire dans lesquelles l'appelant est représenté par un professionnel du droit, poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice, en permettant notamment à la cour d'appel d'avoir connaissance, dès la déclaration d'appel, des chefs de jugement critiqués.
En l'espèce, les déclarations d'appel formées par M. [L] ne visent aucun des chefs du jugement critiqués, c'est-à-dire les chefs de dispositif de ce jugement. Or, contrairement à ce que soutient l'appelant, le fait que les demandes rejetées par le tribunal ne fassent pas l'objet d'un dispositif détaillé ne l'empêchait pas, au contraire, de viser dans sa déclaration d'appel les chefs de jugement dont il entendait solliciter la réformation.
En outre, la cour ne peut que constater que, même en s'éclairant de ce qui a été jugé dans la motivation du jugement, la déclaration d'appel ne correspond pas à ce qui a été tranché par le tribunal s'agissant de plusieurs postes de préjudice contestés par l'appelant.
Aussi convient-il de considérer qu'en l'absence d'indication des chefs de jugement critiqués, l'effet dévolutif de l'appel n'opère pas. La cour n'est donc saisie d'aucune demande de la part de M. [L].
2. Sur les autres demandes
La cour ayant fait droit à la demande principale de la société AXA, il n'y a pas lieu d'examiner sa demande subsidiaire.
Mme [D] et la caisse étant partie à l'instance, il n'y a pas lieu de leur déclarer le présent arrêt commun et opposable.
M. [L] est condamné aux dépens d'appel. Il n'apparaît pas contraire à l'équité, en revanche, de laisser à la charge de la société AXA ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Constate l'absence d'effet dévolutif des déclarations d'appel de M. [T] [L] des 19 avril et 2 mai 2022,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [T] [L] aux dépens d'appel,
Fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT