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25/06/2024 | FRANCE | N°22/02706

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 25 juin 2024, 22/02706


N° RG 22/02706 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OHRG









Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 08 mars 2022



RG : 19/04077

ch n°4





Compagnie d'assurance GMF ASSURANCES



C/



[W]

Compagnie d'assurance MAIF VENANT AUX DROITS DE FILIA-MAIF

Compagnie d'assurance ASSURANCES CRÉDIT MUTUEL IARD

S.A.R.L. AUTOMATISME [W]

Groupement FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES (FGAO)





RÉPUBLIQUE FRANÇAIS

E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 25 Juin 2024







APPELANTE :



Compagnie d'assurance GMF ASSURANCES

GMF Assurances

[Localité 5]



Représe...

N° RG 22/02706 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OHRG

Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 08 mars 2022

RG : 19/04077

ch n°4

Compagnie d'assurance GMF ASSURANCES

C/

[W]

Compagnie d'assurance MAIF VENANT AUX DROITS DE FILIA-MAIF

Compagnie d'assurance ASSURANCES CRÉDIT MUTUEL IARD

S.A.R.L. AUTOMATISME [W]

Groupement FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES (FGAO)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 25 Juin 2024

APPELANTE :

Compagnie d'assurance GMF ASSURANCES

GMF Assurances

[Localité 5]

Représentée par Me Jacques VITAL-DURAND de la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : T.1574

INTIMES :

M. [B] [W]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Défaillant

Le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me Baptiste BEAUCOURT de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 716

ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, toque : 1983

Ayant pour avocat plaidant Me Didier SARDIN de la SCP SARDIN ET THELLYERE (ST AVOCATS), avocat au barreau de LYON, toque : 586

S.A.R.L. AUTOMATISME [W]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Défaillante

PARTIE INTERVENANTE:

FILIA-MAIF

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Valérie ORHAN-LELIEVRE de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 716

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 15 Février 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Mars 2024

Date de mise à disposition : 25 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Rendu par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 mai 2018, M. [B] [W] qui conduisait un véhicule appartenant à la société automatisme [W] dont il est le gérant, assuré auprès de la société Assurances du crédit mutuel IARD (la société ACM), a percuté la motocyclette pilotée par [D] [M], assuré auprès de la société GMF assurances (la société GMF), qui est décédé dans les suites de l'accident.

M. [U] [X] qui suivait le motard au volant d'un véhicule assuré par la société Filia-MAIF, a pu éviter la motocyclette et son pilote mais a heurté la barrière de sécurité, provoquant des dégâts matériels.

Par jugement du 8 février 2021 devenu définitif, le tribunal correctionnel de Lyon a déclaré M. [W] coupable du chef d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur dont le permis de conduire a été invalidé.

Entre-temps, soutenant s'être aperçue que M. [W] conduisait sans permis suite à des retraits de points, qu'il avait déjà été condamné pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique en 2007 et que son permis avait été invalidé en 2010 puis en 2015, la société ACM a prononcé la nullité des trois contrats d'assurance automobile souscrits par ce dernier et l'a assigné, ainsi que les sociétés automatisme [W], GMF et Filia-MAIF devant le tribunal de grande instance de Lyon, devenu le tribunal judiciaire de Lyon, afin de voir confirmer la nullité des contrats d'assurance, obtenir le remboursement des indemnités versées ensuite de précédents sinistres et voir juger que l'indemnisation des victimes de l'accident sera prise en charge par la société GMF.

Le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le fonds de garantie) est intervenu volontairement à la procédure, ainsi que M. [T] [M] et Mme [R] [P], aux côtés de la société GMF.

Par jugement du 8 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a principalement :

- mis hors de cause le fonds de garantie,

- annulé les contrats de M. [W] et de la société automatisme [W] n° AA 634.6264 du 1er janvier 2013 et son avenant du 3 décembre 2015, n° AA 634.6245 du 1er janvier 2013 et n° AA 2010 1923 du 11 décembre 2015 souscrits auprès de la société ACM,

- condamné la société GMF à rembourser à la société ACM les sommes réglées aux victimes pour le compte de qui il appartiendra,

- dit que la société ACM pourra capitaliser les intérêts échus pour une année entière à compter de la décision dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- condamné in solidum M. [W] et la société Automatisme [W] à payer à la société ACM la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société GMF à payer à la société ACM la somme de 1 500 euros sur le même fondement,

- débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par M. [W] et la société automatisme [W] prise in solidum d'une part, et la société GMF d'autre part, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 12 avril 2022, la société GMF a relevé appel du jugement, intimant la société ACM, M. [W], la société [W] et le fonds de garantie.

Par acte d'huissier de justice du 29 septembre 2022, la société ACM a assigné la société Filia-MAIF en appel provoqué.

Par conclusions notifiées le 7 février 2024, la société GMF demande à la cour de :

à titre principal, au visa des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985,

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé les contrats de M. [W] et de la société automatisme [W] souscrits auprès de la société ACM,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

mis hors de cause le fonds de garantie,

condamné la société GMF à rembourser à la société ACM les sommes réglées aux victimes pour le compte de qui il appartiendra,

dit que la société ACM pourra capitaliser les intérêts échus pour une année entière à compter de la présente décision dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code,

condamné la société GMF à payer à la société ACM la somme de 1 500 euros sur le même fondement,

débouté les parties pour le surplus de leurs demandes,

fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par M. [W] et la société automatisme [W] prise in solidum d'une part, et la société GMF d'autre part, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeter la demande de la société ACM dirigée contre elle aux fins de remboursement des sommes réglées par la société ACM aux victimes pour le compte de qui il appartiendra,

à titre très subsidiaire, au visa de la directive 72/166/CEE du Conseil du 24 avril 1972 et la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil du 30 décembre 1983, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne 6ème chambre du 20 juillet 2017 dans la procédure Fidelidade-Companhia de Seguros SA c/ Caisse suisse de compensation et autres, de l'arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 29 août 2019, n° 18-14768, de l'arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 16 janvier 2020, n° 18-23381, de l'article L. 211-7-1 du code des assurances et des articles 1382 (devenu 1240) et 1251 (devenu 1346) du code civil,

- constater qu'en tant qu'assureur du véhicule impliqué conduit par M. [M], elle ne peut se voir opposer la nullité éventuelle du contrat de la société ACM afin qu'il soit mis à sa charge l'indemnisation versée par ses dernières en tant qu'assureur du véhicule conduit par M. [W], conducteur déclaré judiciairement et définitivement seul et entièrement responsable de l'accident,

par conséquent,

- réformer le jugement rendu,

- débouter la société ACM de sa demande de remboursement à son encontre des indemnités qu'elle a versées aux victimes,

- condamner la société ACM à indemniser les tiers victimes au titre de son contrat,

- rejeter la demande de la société ACM formée contre elle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable au fonds de garantie,

- condamner la société ACM à lui payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3 500 euros,

- condamner la société ACM aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées le 8 février 2024, la société ACM demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu dans toutes ses dispositions mais le réformer sur le point de départ des intérêts,

- condamner la société GMF à lui rembourser les sommes réglées aux victimes pour le compte de qui il appartiendra, outre intérêts à compter de l'assignation délivrée à la société GMF et à prendre en charge l'indemnisation des victimes,

ajoutant au jugement déféré,

- condamner in solidum les sociétés GMF et Filia-MAIF, ou qui mieux d'entre elles le devra, à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

à titre subsidiaire,

- juger que le véhicule assuré par la société Filia-MAIF est impliqué dans l'accident au cours duquel M. [M] a trouvé la mort et que la nullité du contrat de la société ACM lui est opposable,

- condamner la société Filia-MAIF à prendre en charge l'indemnisation des victimes,

- condamner in solidum les sociétés GMF et Filia-MAIF, ou qui mieux d'entre elles le devra, à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 16 décembre 2022, la société Filia-MAIF demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la société ACM de ses demandes dirigées contre elle,

en conséquence,

- juger que le véhicule conduit par M. [X] n'est en aucun cas impliqué dans les dommages supportés par les victimes,

- débouter la société ACM de toutes les demandes dirigées contre elle,

à titre subsidiaire, au visa de l'article L. 211-7-1 du code des assurances transposant la jurisprudence communautaire et de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 20 juillet 2017,

- dire et juger que l'exception de nullité pour fausse déclaration intentionnelle est inopposable aux tiers lésés et donc à la société Filia-MAIF,

- condamner la société ACM à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 7 octobre 2022, le fonds de garantie demande à la cour de :

à titre liminaire,

- constater que la société GMF et la société ACM ne formule aucune demande à son encontre,

au visa notamment du nouvel article L. 211-7-1 du code des assurances transposant la jurisprudence communautaire, de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 20 juillet 2017,

- confirmer le jugement rendu,

en conséquence,

- juger que l'exception de nullité pour fausse déclaration intentionnelle est inopposable aux tiers lésés,

- le mettre purement et simplement hors de cause,

y ajoutant,

- condamner la société GMF, ou qui mieux le devra, à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [W] et la société automatisme [W], auxquels la déclaration d'appel et les conclusions de la société GMF ont été signifiées par actes d'huissier de justice des 30 mai et 12 juillet 2022 remis à étude, n'ont pas constitué avocat devant la cour.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aucune des parties ne demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a :

- annulé les contrats de M. [W] et de la société automatisme [W] n° AA 634.6264 du 1er janvier 2013 et son avenant du 3 décembre 2015, n° AA 634.6245 du 1er janvier 2013 et n° AA 2010 1923 du 11 décembre 2015 souscrits auprès de la société ACM,

- condamné in solidum M. [W] et la société Automatisme [W] à payer à la société ACM la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le jugement est donc définitif sur ces points.

1. Sur la condamnation de la société GMF à prendre en charge l'indemnisation des victimes de l'accident et à rembourser à la société ACM les sommes réglées à ces dernières

La société GMF soutient essentiellement que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en la condamnant à indemniser les ayants droits de son propre assuré et à rembourser à la société ACM les sommes réglées aux victimes pour le compte de qui il appartiendra, alors qu'en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, elle ne peut être l'assureur régleur de son propre conducteur ou des ayants droits de celui-ci ; en effet, si la motocyclette de son assuré est incontestablement impliquée dans l'accident, la victime de l'accident, conducteur non fautif, n'est pas susceptible de voir son assureur indemniser les victimes indirectes ;

- le contrat souscrit par [D] [M] garantissait les conséquences pécuniaires de la responsabilité qu'il pouvait encourir en raison des dommages corporels et matériels subis par des tiers et ne permet pas à ses ayants droits d'obtenir de sa part la réparation des préjudices résultant du décès du souscripteur ;

- les victimes indirectes ou victimes par ricochet ne sont pas des victimes non conductrices au sens de la loi du 5 juillet 1985, de sorte que leur régime d'indemnisation n'est pas identique à celui applicable aux victimes non conductrices de l'accident, passagers ou piétons; les ayants droits de la victime directe doivent être indemnisés dans les mêmes circonstances que celles dans lesquelles l'aurait été la victime directe, donc exclusivement par l'autre conducteur co-impliqué ou par son assureur ;

- il appartient à la société ACM d'indemniser les victimes indirectes en suite du décès de [D] [M].

À titre très subsidiaire, elle fait valoir que :

- le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué ou/et son assureur que sur le fondement des articles 1382 (devenu 1240) et 1251 (devenu 1346) du code civil ; en conséquence, l'assureur du conducteur impliqué fautif ne peut obtenir remboursement des sommes versées aux victimes de la part de l'assureur de l'autre conducteur impliqué, en l'absence de toute faute de ce dernier ;

- en application de la jurisprudence européenne (arrêt de la 6ème chambre de la Cour de justice de l'Union européenne du 20 juillet 2017 dans la procédure Fidelidade-Companhia de Seguros SA c/ Caisse suisse de compensation et autres) et de celle de la Cour de cassation (2e civ., 29 août 2019, pourvoi n° 18-14.768), la nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit, de sorte qu'il appartient à la société ACM d'indemniser les victimes quel que soit le motif de nullité éventuelle de son contrat ;

- il résulte encore de l'article L. 211-7-1 du code des assurances adopté pour mettre le droit français en conformité avec le droit européen, que l'assureur auprès duquel a été souscrit un contrat, même entachée de nullité, doit indemniser les victimes et qu'il ne peut exercer un recours contre l'assureur d'un autre véhicule impliqué que dans la limite de la responsabilité du conducteur de cet autre véhicule ; c'est en ce sens que s'est prononcée la cour d'appel de Rennes dans un arrêt du 7 juin 2023.

La société ACM fait valoir essentiellement que :

- la question juridique soulevée par le litige n'a encore donné lieu à aucune décision de la Cour de cassation ; les jurisprudences citées par la société GMF ne sont pas transposables au présent litige et l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, qui a été rendu dans une instance à laquelle elle était partie, a fait l'objet d'un pourvoi actuellement pendant devant la Cour de cassation ;

- la société GMF commet une erreur de droit en considérant que sa condamnation repose sur son contrat d'assurance et confond garantie d'assurance et obligation légale d'indemnisation ; dans la présente espèce, il y a bien un véhicule responsable identifié mais son assureur refuse sa garantie et indemnise les victimes pour le compte de qui il appartiendra ; le refus de garantie ayant été confirmé en raison de la nullité du contrat, que ne conteste pas la société GMF, l'obligation d'indemniser les victimes pour le compte de qui il appartiendra est transférée de la société ACM sur la société GMF, qui doit indemniser puisqu'elle est assureur d'un véhicule impliqué et que l'autre véhicule impliqué n'est pas assuré ;

- si la nullité du contrat d'assurance n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation et à leurs ayants droit, elle l'est en revanche à l'assureur d'un autre véhicule impliqué, les directives européennes et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ne protégeant que les victimes et le fonds de garantie ;

- les règles invoquées par la société GMF, issues des articles 1382 et 1251 (devenus 1240 et 1346) du code civil, ne s'appliquent que lorsque les assureurs impliqués ont tous un contrat valide ; en l'espèce, dans la mesure où le contrat de la société ACM est nul, il ne s'agit pas d'un recours en contribution mais d'un recours en remboursement d'un assureur dont le contrat est nul et qui a payé pour le compte d'un assureur dont le contrat est valable.

Réponse de la cour

Ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière des directives et de la jurisprudence européennes, n'est pas opposable aux victimes d'un accident de circulation ou à leurs ayants droits, étant observé que l'article L. 211-7-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, qui a confirmé cette solution jurisprudentielle, n'est pas applicable à la cause au regard de la date de l'accident.

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 211-20 du code précité que lorsque l'assureur invoque une exception de garantie légale ou contractuelle, il est tenu de satisfaire aux prescriptions des articles L. 211-9 à L. 211-17 relatifs à l'offre d'indemnité pour le compte de qui il appartiendra.

C'est encore à juste titre que le tribunal a énoncé que l'assureur dont le contrat est nul et qui a fait l'avance des fonds est ensuite subrogé dans les droits de la victime pour en demander le remboursement au responsable (fût-il son assuré) ou aux assureurs des autres véhicules impliqués.

En l'espèce, la société ACM, qui a obtenu le prononcé de l'annulation des contrats d'assurance automobile souscrits par M. [W] et la société automatisme [W], demande, à titre principal, la condamnation de la société GMF à lui rembourser le montant des indemnités qu'elle a versées aux victimes indirectes de l'accident en application de l'article L. 211-20 du code des assurances.

Pour faire droit cette demande, le tribunal a, par des motifs pertinents adoptés par la cour, retenu que le véhicule de [D] [M] est impliqué dans l'accident au sens de la loi du 5 juillet 1985, ce que la société GMF ne conteste pas, indépendamment du fait qu'il n'a commis aucune faute, de sorte que son assureur est tenu d'indemniser les victimes en application de la loi précitée.

Pour confirmer le jugement déféré, la cour ajoute en premier lieu, qu'ainsi que le fait observer à juste titre la société ACM, l'indemnisation des victimes par la société appelante ne repose pas sur le contrat d'assurance souscrit par [D] [M] mais résulte du fait qu'elle est l'assureur d'un véhicule impliqué dans l'accident, l'autre véhicule impliqué n'étant pas assuré du fait de l'annulation des contrats.

La cour ajoute en deuxième lieu que si la nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit, elle l'est en revanche à l'assureur d'un autre véhicule impliqué.

Enfin, si les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, qui sont d'ordre public, n'excluent pas l'application de celles relatives à la responsabilité civile extracontractuelle de droit commun à l'encontre de toute personne autre que les conducteurs et gardiens des véhicules terrestres à moteur impliqués dans l'accident, les articles 1382, devenu 1240, et 1251,devenu 1346, du code civil ne peuvent, en revanche, contrairement à ce que soutient la société GMF, être invoqués par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers à l'encontre d'un autre conducteur impliqué ou/et son assureur.

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société GMF à rembourser à la société ACM les sommes réglées aux victimes pour le compte de qu'il appartiendra.

En conséquence, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire formée par la société ACM à l'encontre de la société Filia-MAIF, laquelle est sans objet.

2. Sur le point de départ des intérêts

La société ACM sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que les sommes versées par elle porteraient intérêts à compter de la décision alors qu'il était demandé de condamner aux intérêts à compter de l'assignation, laquelle vaut mis en demeure au sens de l'article 1231-6 du code civil. Elle demande donc la condamnation de la société GMF à lui rembourser les sommes réglées aux victimes pour le compte de qui il appartiendra, avec intérêts à compter de l'assignation.

Réponse de la cour

Selon l'article 1231-6, alinéa 1er, du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Et selon l'article 1344 du même code, le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l'obligation.

Par ailleurs, l'article 1343-2 dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

En l'espèce, le premier juge a condamné la société GMF à rembourser à la société ACM les sommes réglées aux victimes pour le compte de qui il appartiendra et a dit que la société ACM pourra capitaliser les intérêts échus pour une année entière à compter de la décision dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil.

En l'absence de production devant la cour d'appel des dernières conclusions notifiées par la société ACM en première instance, il convient de relever qu'il ne ressort pas de l'exposé du litige du jugement déféré que la société ACM avait sollicité la capitalisation des intérêts à compter de l'assignation délivrée à la société GMF.

En outre, force est de considérer que cette assignation ne porte pas une interpellation suffisante au sens de l'article 1344, puisque la société ACM se contente de demander au tribunal « de condamner en tant que de besoin la GMF à lui rembourser les sommes réglées aux victimes pour le compte de qu'il appartiendra », sans plus de précisions, ainsi qu'il ressort de l'exposé du litige du jugement attaqué.

Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a autorisé la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter du jugement.

3. Sur la mise hors de cause du fonds de garantie

Compte tenu de la condamnation de la société GMF et du fait qu'aucune partie ne forme de demandes à l'encontre du fonds de garantie, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a mis hors de cause.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est encore confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

En cause d'appel, la société GMF, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel et à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros à la société ACM et celle de 1 000 euros au fonds de garantie.

La société ACM qui a assigné la société Filia-MAIF en appel provoqué, est condamnée à lui payer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû engager en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne la société GMF assurances à payer à la société Assurance du crédit mutuel IARD la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société GMF assurances à payer au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 1 000 euros sur le même fondement,

Condamne la société Assurance du crédit mutuel IARD à payer à la société Filia-MAIF la somme de 800 euros sur le même fondement,

Condamne la société GMF assurances aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/02706
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.02706 ?
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