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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01594

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 25 juin 2024, 22/01594


N° RG 22/01594 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OEYC









Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 25 janvier 2022



RG : 19/03731

ch 4



S.A.S. HELIOTHERMIE ASSERVISSEMENT PRODUCTION DITE HTA PR ODUCTION



C/



Compagnie d'assurance GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE HONE ALPES A. GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE

Société QBE EUROPE SA/NV





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON


r>1ère chambre civile B



ARRET DU 25 Juin 2024







APPELANTE :



La société HELIOTHERMIE ASSERVISSEMENT PRODUCTION (HTA PRODUCTION)

[Adresse 7]

[Localité 8]





Représentée par Me Yves TETREAU de la SELARL VE...

N° RG 22/01594 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OEYC

Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 25 janvier 2022

RG : 19/03731

ch 4

S.A.S. HELIOTHERMIE ASSERVISSEMENT PRODUCTION DITE HTA PR ODUCTION

C/

Compagnie d'assurance GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE HONE ALPES A. GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE

Société QBE EUROPE SA/NV

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 25 Juin 2024

APPELANTE :

La société HELIOTHERMIE ASSERVISSEMENT PRODUCTION (HTA PRODUCTION)

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Yves TETREAU de la SELARL VERNE BORDET ORSI TETREAU, avocat au barreau de LYON, toque : 680

INTIMEES :

La Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricole de RHONE ALPES AUVERGNE dite GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Bruno METRAL de la SELARL BALAS METRAL & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 773

La société QBE EUROPE SA/NV prise en sa succursale en France sise [Adresse 6]

[Adresse 4]

[Localité 1] BELGIQUE

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

ayant pour avocat plaidant Me Capucine BERNIER de l'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 15 Février 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Mars 2024

Date de mise à disposition : 25 Juin 2024

Audience tenue par Stéphanie LEMOINE, président, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES 

En 2013, la société Héliothermie asservissement production (la société HTA), spécialisée en matière de dispositifs solaires thermiques et assurée auprès de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne (Groupama), a été chargée par la communauté de communes de Chamousset en Lyonnais de procéder à l'installation d'un capteur sur le toit du centre multimédia situé à [Localité 8].

Elle a confié au bureau d'études Segmo, assuré auprès de la société QBE insurance Europe limited (la société QBE), le soin d'élaborer la structure métallique destinée à supporter son installation.

Les travaux ont été réceptionnés le 6 juillet 2015, mais un affaissement de la structure porteuse ayant été observé le 25 septembre 2015, la société HTA a fait une déclaration de sinistre auprès de son assureur le 28 septembre 2015.

Après un refus de prise en charge du sinistre par son assureur, ainsi que par l'assureur de la société Segmo, la société QBE insurance Europe limited (la société QBE), à qui elle prétend avoir confié le soin d'élaborer la structure métallique destinée à supporter son installation, la société HTA a financé les travaux de réfection s'élevant à 209.335, 82 € hors taxes.

Elle a reçu à ce titre quittance subrogative émise par la communauté de commune des Monts du Lyonnais, qui a succédé à celle de Chamousset en Lyonnais.

Par acte d'huissier de justice du 19 décembre 2017, la société HTA a fait assigner les compagnies Groupama et QBE insurance Europe limited devant le tribunal de commerce de Lyon, qui s'est déclaré incompétent le 26 février 2019 au profit du tribunal judiciaire de Lyon.

La société QBE Europe SA/NV est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 25 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- reçu l'intervention volontaire de la société QBE Europe SA/NV,

- mis hors de cause la société QBE insurance Europe limited,

- débouté la SAS Héliothermie asservissement production de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SAS Héliothermie asservissement production à prendre en charge les entiers dépens de l'instance,

- condamné la SAS Héliothermie asservissement production à payer à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes auvergne dite Groupama Rhône-Alpes Auvergne et à la société QBE Europe SA/NV la somme de 1.500 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 25 février 2022, la société HTA a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 18 novembre 2022, la société HTA demande à la cour de :

- dire que la Société QBE SA/NV venant aux droits de la société QBE insurance Europe limited a commis une faute dans la délivrance d'une attestation d'assurance trompeuse, visant une activité incompatible avec l'exclusion de garantie des ouvrages de bâtiment stipulée par la police, engageant par là même sa responsabilité quasi-délictuelle vis-à-vis de la société HTA,

- à titre subsidiaire, dire que la société QBE ne peut faire valoir cette même exclusion si, d'aventure, la cour ne retenait pas la qualification d'ouvrage au contraire du premier juge,

- dire que la compagnie Groupama engage sa responsabilité contractuelle pour inexécution de son obligation d'information et de conseil auprès du souscripteur d'assurance, privant l'appelante de toute chance de souscrire une garantie correspondant à l'ouvrage réalisé par elle, lui permettant de faire prendre en charge le sinistre,

en conséquence, il est demandé à la cour de faire droit aux prétentions de l'appelante, savoir:

- réformer le jugement rendu le 25 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il a :

- débouté la SAS Héliothermie asservissement production de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SAS Héliothermie asservissement production à prendre en charge les entiers dépens de l'instance,

- condamné la SAS Héliothermie asservissement production à payer à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône Alpes Auvergne dite Groupama Rhône Alpes Auvergne et à la société QBE Europe SA/NV la somme de 1500 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société QBE insurance Europe limited à garantir l'appelante pour les conséquences du sinistre ayant affecté l'installation mécanique supportant le système de production héliothermique tri génération,

- condamner la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne à prendre en charge les conséquences du sinistre, cette dernière ayant fait perdre toute chance à l'appelante de souscrire une garantie d'assurance adéquate et cohérente avec cette installation, expressément visée par la Compagnie Groupama dans son courrier du 12 avril 2018,

- condamner in solidum les sociétés QBE et Groupama à régler à la société HTA production la somme de 209.335,82 € HT,

par suite, il est demandé à la cour de rejeter les prétentions adverses, savoir :

- rejeter l'appel incident limité formé par la compagnie QBE,

- rejeter la demande de confirmation et les demandes additionnelles à titre des frais irrépétibles présentées par la compagnie Groupama,

- rejeter les demandes présentées au titre des frais irrépétibles et des dépens par la compagnie QBE et la compagnie Groupama,

enfin, il est demandé à la cour de :

- condamner in solidum les mêmes à régler à la société HTA production la somme de 5.000€ chacune sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et correspondant aux frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Yves Tetreau avocat sur son affirmation de droit,

- rejeter toute demande contraire ou plus ample.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 15 février 2023, Groupama demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 25 janvier 2022,

- déclarer Groupama Rhône-Alpes Auvergne hors de cause,

- débouter la société HTA production et la société QBE Europe SA/NV de toute demande formulée à l'encontre de la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne ;

à titre subsidiaire,

- constater la faute de la société Segmo,

- condamner la société QBE Europe SA/NV assureur de la société Segmo à relever et garantir Groupama Rhône-Alpes Auvergne de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre,

- condamner la société HTA production ou la société QBE Europe SA/NV au paiement de la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code civil au profit de Groupama Rhône-Alpes Auvergne.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 31 mai 2023, la société QBE Europe SA/NV demande à la cour de :

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé que l'activité exercée par la société Segmo est à l'origine du sinistre entrait dans le champ des activités assurées déclarées par la société Segmo lors de la souscription de sa police d'assurance auprès de la compagnie QBE,

- confirmer la décision sur le surplus,

statuant à nouveau :

- juger que la société HTA ne justifie pas d'un intérêt à agir,

en conséquence :

- juger que la société HTA est irrecevable en son action,

- juger que la preuve de la responsabilité de la société Segmo n'est pas rapportée,

en conséquence :

- juger que les garanties de la compagnie QBE ne sont pas mobilisables,

- juger que l'activité exercée par la société Segmo et à l'origine du sinistre n'entrait pas dans le champ des activités assurées déclarées par la société Segmo lors de la souscription de sa police d'assurance auprès de QBE,

en conséquence :

- juger que les garanties de la compagnie QBE ne sont pas mobilisables,

- juger que l'installation de la société HTA, à laquelle les études de la société Segmo ont prétendument participé, par sa conception, son ampleur et l'emprunt de ses éléments à la construction immobilière, constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil,

en conséquence :

- juger que QBE est bien fondée à invoquer les exclusions visées aux conditions générales et particulières constituant la police d'assurance,

en conséquence :

- débouter la société HTA de l'intégralité de ses demandes présentées à l'encontre de la compagnie QBE,

- prononcer la mise hors de cause pure et simple de la compagnie QBE,

- débouter la compagnie Groupama de son appel en garantie dirigé à l'encontre de la compagnie QBE,

en tout état de cause :

- condamner in solidum la ou les parties succombantes à payer à la compagnie QBE la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la ou les parties succombantes aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la qualité de subrogée de la société HTA

La société QBE soutient que la société HTA, qui ne justifie pas d'un intérêt à agir, est irrecevable en son action. Elle fait notamment valoir que:

- la quittance subrogatoire produite par la société HTA, qui n'est pas datée, ne respecte pas l'exigence de concomitance de l'article 1346-1, alinéa 3 du code civil, qui dispose que la subrogation doit être consentie en même temps que le paiement,

- la société HTA ne démontre pas le règlement effectif de la somme de 209 335,82 euros, correspondant à « l'estimation transmise par la société HTA ».

La société HTA fait notamment valoir que:

- elle exerce le présent recours en sa qualité de subrogée de la communauté de communes, maître d'ouvrage,

- elle a financé les travaux de reprise aux frais avancés de qui il appartiendra, la collectivité territoriale lui ayant fait cession de ses droits relatifs au sinistre contre tous auteurs, garants d'assureur et présumés responsables de ce sinistre,

- à titre subsidiaire, si sa qualité de subrogée était écartée, elle revendique la qualité de tiers lésé au sens de l'article L 124-3 du code des assurances.

Groupama se joint à l'argumentation développée par la société QBE.

Réponse de la cour

Selon l'article 1346-1 du code civil, la subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.

Cette subrogation doit être expresse.

Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens.

Il résulte de ce texte que la subrogation, qui doit être faite antérieurement ou en même temps que le paiement, est impossible après celui-ci en raison de son effet extinctif.

En outre, il appartient au subrogé de rapporter la preuve de sa date.

En l'espèce, la société HTA énonce expressément dans ses conclusions (page 18) qu'elle exerce son recours en qualité de subrogée de la communauté de communes, maître d'ouvrage.

Il y a donc lieu de considérer qu'elle agit en lieu et place de la communauté de communes et non pas en son nom propre.

Elle produit à l'appui de ses demandes une quittance subrogative émanant du président de la communauté de communes des Monts du Lyonnais, qui énonce qu'il accepte l'avance de 209 335,82 euros HT faite par la société HTA conformément à l'estimation qu'elle lui a transmise pour effectuer les réparations rendues nécessaires par le sinistre survenu le 25 septembre 2015. Il ajoute que « la communauté de communes fait subrogation et cession de ces droits relatifs à ce sinistre au profit de la société HTA production susvisée, contre tous auteurs, garants assureurs et présumés responsables de ce sinistre, dans la limite des sommes préfinancées par la société HTA production. »

Il est constant que la quittance subrogative dont se prévaut la société HTA n'est pas datée.

Par ailleurs, la facture jointe à cette quittance, datée du 30 novembre 2016, comporte comme date d'échéance le 30 novembre 2016, de sorte qu'il y a lieu de présumer que le paiement a été fait à cette date.

Or, il est mentionné sur la quittance subrogative que M. [N] [M], qui en est le signataire, qu'il agit en qualité de représentant de la communauté de communes « en vertu de la délégation qui lui a été consentie par délibération du conseil communautaire en date du 6 février 2017 », soit postérieurement au paiement de la facture.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la subrogation est postérieure au paiement et, en tout état de cause, que la société HTA ne rapporte pas la preuve de sa concomitance ou de son antériorité.

En conséquence, à défaut pour la société HTA d'être régulièrement subrogée dans les droits de la communauté de communes, elle doit être déboutée de ses demandes fondées sur sa qualité de subrogée.

Il est ajouté que la circonstance que la société HTA fonde à titre subsidiaire son recours sur les dispositions de l'article L. 124-3 du code des assurances, qui dispose que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, en ce qu'il vise « le tiers lésé », ne modifie pas le fondement de son action, puisqu'elle agit ici encore à la place de la communauté de communes, qui est la victime du dommage et donc en vertu de la quittance subrogatoire, qui est irrégulière.

Le jugement ayant débouté la société HTA de ses demandes à l'encontre de la société QBE est donc confirmé par substitution de motifs.

2. Sur la garantie et la responsabilité de Groupama

La société HTA production sollicite la condamnation de la compagnie Groupama à prendre en charge les conséquences du sinistre, faisant valoir que :

- elle a manqué à son obligation de conseil visé aux articles L521-1 du code des assurances en la dissuadant de souscrire une assurance de responsabilité décennale, alors qu'elle devait prendre en compte les besoins de son souscripteur,

- le tribunal s'est contredit en relevant que l'ouvrage litigieux était un ouvrage de bâtiment tout en ne retenant pas la responsabilité de la compagnie d'assurance qui a dissuadé son assurée de souscrire un contrat garantissant ce type d'ouvrage,

- l'exclusion de garantie visée par Groupama n'a pas vocation à s'appliquer puis qu'elle concerne les « biens mobiliers » « cédés » par l'assuré et ayant servi à son exploitation, alors que la structure litigieuse est un dispositif solaire thermique ayant fait l'objet d'un marché de conception réalisation.

Groupama fait valoir en réplique que :

- la police d'assurance souscrite auprès d'elle couvre uniquement la responsabilité civile professionnelle au titre des dommages aux tiers et non la garantie décennale,

- le dommage est une atteinte à l'installation elle-même mise hors service par la déformation des cadres métalliques de support,

- la police d'assurance exclut expressément les dommages de l'installation elle-même et le coût de réparation de l'installation elle-même,

- elle n'a pas manqué à son obligation de conseil, dès lors que la société HTA Production a souscrit une assurance responsabilité civile professionnelle conforme à ses déclarations,

- les informations fournies par l'assuré durant la phase précontractuelle ont été distillées au compte-goutte,

- il faut prendre en compte la jurisprudence à l'époque de la signature du contrat qui précisait que seule l'installation intégrée au bâti a la qualification d'ouvrage relevant de l'obligation d'assurance au titre de la responsabilité civile décennale, or une installation photovoltaïque est non intégrée au bâti.

Réponse de la cour

Selon la police d'assurance responsabilité civile des entreprises conclue entre Groupama et la société HTA le 5 août 2013, pour laquelle cette dernière a déclaré procéder notamment à la « conception et réalisation pour l'installation d'un dispositif héliothermique tri-génération solaire sur la toiture d'un bâtiment », sont exclus de la garantie « (...) les dommages subis avant ou après leur achèvement et livraison, par les installations techniques elles-mêmes, dont la réalisation et/ou les essais de mise en route incombe en tout ou partie à l'assuré au terme de son marché, ainsi que les frais de démontage ou de dépose et de remontage ou de repose, de tout ou partie des installations, à la suite de ces dommages. »

Or, selon la déclaration de sinistre de la société HTA, retranscrite dans un courriel du 28 septembre 2015, repris dans un courrier du 7 octobre 2015 émanant de l'assureur, les dommages pour lesquels la garantie est sollicitée affectent une partie structurelle du capteur solaire en raison d'un défaut de conception.

En application de la clause d'exclusion de garantie précitée, c'est dès lors à bon droit que l'assureur a dénié sa garantie.

Cependant, il est établi qu'avant le démarrage des travaux litigieux, le dirigeant de la société HTA a échangé avec son assureur par courriels des 11 octobre 2013, 9 octobre 2014, 15 décembre 2014 et 6 janvier 2015, afin de lui expliquer en détail le projet et les différentes entreprises intervenantes, en lui joignant leurs polices d'assurance, pour lui demander la confirmation qu'en cas de sinistre sur son installation, elle était couverte par son assurance. Ainsi, elle a demandé:

- de « confirmer que dans le cadre du projet, HTA est garanti en cas de sinistre sur la couverture et que la continuité avec la garantie que nous avons contractualisé entre Groupama et HTA est assurée » (courriel du 11 octobre 2013),

- si « le capteur doit-il être soumis à la décennale ' Je pense que non car il est fixé sur les plots prévus à cet effet. Pouvez-vous me le confirmer ' » (courriel du 9 octobre 2014),

- si « dans cette configuration la chaîne de responsabilité sera donc assurée dans que HTA ne puisse être inquiétée ' » (courriel du 6 janvier 2015),

- « pouvez-vous me confirmer que la totalité de la chaîne de responsabilité est couverte par les polices d'assurances respectives et appropriées, confirmant ainsi que HTA production est couvert en terme de garantie pour lui et pour son maître d'ouvrage (...) », - « en cas de sinistre sur la bâtiment Erasme au cours des travaux et également en cas de sinistre survenant après la réalisation des travaux comment cela se passerait-il ' » (courriel du 15 décembre 2014).

Dans sa réponse du 6 janvier 2015, et alors qu'il était spécifiquement interrogé sur cette question, Groupama n'a pas alerté la société HTA sur le fait qu'en cas de sinistre touchant l'installation elle-même, sa garantie responsabilité civile des entreprises ne pourra être mise en oeuvre.

Par ailleurs, selon le marché de travaux passé entre la commune de [Localité 5] et la société HTA le 5 juillet 2013, cette dernière devait mettre en place un dispositif solaire thermique à usage de tri-génération sur la toiture d'un bâtiment destiné à produire le chauffage de ce bâtiment.

Il n'est pas contesté entre les parties que la structure de l'installation en aluminium mesurait 32 mètres de long et 6 mètres de large, ce qui lui conférait un caractère imposant par sa nature et son ampleur.

Ainsi, eu égard à sa conception, à son emprise sur l'ensemble du bâtiment existant et à sa mise en oeuvre empruntant aux techniques du bâtiment, l'installation répondait à la définition d'un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil, la circonstance que les panneaux photovoltaïques soient en surimposition de toiture étant sans incidence.

Dès lors, en réponse au questionnement de la société HTA, l'assureur aurait dû lui conseiller de souscrire une garantie décennale, ce qui lui aurait permis d'être couverte suite au sinistre affectant la structure métallique en treillis soudé.

Groupama, qui a manqué à son devoir de conseil, a donc engagé sa responsabilité à l'égard de la société HTA.

Le jugement est donc infirmé de ce chef.

3. Sur l'indemnisation de la société HTA

La société HTA production sollicite la condamnation de Groupama à lui régler la somme de 209.335,82 € HT correspondant au coût des travaux de reprise.

Elle fait valoir que :

- Groupama lui a fait perdre la chance de souscrire un contrat en rapport avec sa responsabilité qui lui aurait permis d'être couverte des conséquences du sinistre.

- elle a été obligée de prendre en charge les travaux de reprise pour la poursuite de son activité,

- elle n'a pas à assumer la charge définitive du coût de travaux réparatoires alors qu'elle n'est pas à l'origine des désordres qui les ont causés,

- elle produit l'ensembles des justificatifs afférents au coût des travaux.

Groupama fait valoir en réplique que :

- les causes de la panne sur l'installation et le chiffrage de la réparation ne présentent aucun caractère contradictoire à son égard , puisqu'elle ne les a ni constatées ni chiffrées,

- la somme réclamée lui est inopposable,

- certaines sommes réclamées apparaissent injustifiées et ne correspondent pas à des travaux de reprises.

Réponse de la cour

Le préjudice résultant du manquement, de la part de Groupama, à son devoir de conseil et d'information consiste en la perte de chance de son assurée de souscrire une assurance qui lui aurait permis d'être couverte des conséquences du sinistre qu'elle a causé.

Compte tenu des nombreux courriels adressés par la société HTA à son assureur afin de s'assurer que les travaux qu'elle entreprenait étaient couverts par la garantie qu'elle avait souscrite, il ya lieu d'évaluer la perte de chance à 80% du dommage.

La société HTA, qui soutient que la réparation du sinistre s'élève à la somme de 209.335, 82 euros, ne justifie du coût des dépenses liées au treillis défectueux qu'à hauteur de 199 576,06 euros, selon tableau récapitulatif des factures du 20 juin 2016.

En conséquence, il convient de condamner Groupama à payer à la société HTA, la somme de (199 576,06 X 80%) 159 660,84 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement est infirmé de ce chef.

3. Sur la garantie de la société QBE Europe

Groupama sollicite la condamnation de la société QBE Europe, assureur de la société Segmo, à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre. Elle soutient que :

- le dommage est la conséquence de la faute professionnelle de la société Segmo responsable du calcul de dimensionnement de la structure métallique litigieuse et de sa non-conformité,

- le dommage entre dans le champ de garantie de l'assureur de la société Segmo.

La société QBE Europe fait valoir en réplique que :

- il n'existe aucune preuve de la responsabilité de la société Segmo son assurée, aucun document ne le rattache au chantier litigieux et rien ne permet de déterminer le périmètre de sa prétendue intervention,

- la structure litigieuse n'avait pas de vocation industrielle, de sorte qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de sa garantie, l'activité de bureau d'étude de Segmo n'est couverte que « dans le domaine des machines et outillages industriels », ce qui n'est pas le cas de la structure objet du litige,

- l'exercice d'une activité non déclarée à l'assureur est un cas de non-assurance,

- la police d'assurance souscrite par la société Segmo ne garantit pas la responsabilité civile décennale des constructeurs relative à l'édification d'un ouvrage, ce qu'est la structure métallique en cause.

Réponse de la cour

Outre le fait que la société Segmo n'a pas été attraite à la procédure, aucun document contractuel afférent à son intervention dans le chantier litigieux n'est produit ni, a fortiori, aucune preuve du périmètre de son intervention n'est versée aux débats.

Alors que le marché de travaux du 25 mars 2013 stipule que les actes de sous-traitance sont annexés à l'acte d'engagement, aucune annexe n'est produite.

Par ailleurs, il ressort de l'acte d'engagement que la société HTA était responsable « des études techniques capteurs solaires, fabrication, pose » pour un montant de 486.760 euros et la société Alto des études techniques pour un montrant de 90 000 euros, de sorte que même à considérer que la société Segmo serait intervenue en tant que bureau d'études sous-traitant de la société HTA, le périmètre de son intervention n'est pas démontré.

Ainsi que le relève la société QBE Europe, la lettre de rappel qu'a adressée la société Segmo à la société HTA le 19 août 2016 ne mentionne pas le chantier litigieux, de sorte qu'elle ne peut pas lui être rattachée.

De même, le procès-verbal de réception ne fait pas mention de l'intervention de la société Segmo.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de débouter Groupama de sa demande tendant à voir condamner la société QBE Europe à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.

4. Sur les autres demandes

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société HTA et la société QBE Europe et condamne Groupama à leur payer, à chacune, la somme de 2.000 euros à ce titre.

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de Groupama.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il déboute la société Héliothermie asservissement production de ses demandes à l'encontre de la société QBE Europe SA/NV ;

statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne (Groupama) à payer à la société Héliothermie asservissement production, la somme de 159 660,84 euros à titre de dommages-intérêts;

Déboute la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne (Groupama) de sa demande tendant à voir condamner la société QBE Europe SA/NV à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre,

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne (Groupama) à payer à la société Héliothermie asservissement production, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne (Groupama) à payer à la société QBE Europe SA/NV, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne (Groupama) aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/01594
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01594 ?
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