La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°22/03279

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 20 juin 2024, 22/03279


N° RG 22/03279 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OI46









Décision du Tribunal Judiciaire de Lyon

du 17 mars 2022



RG : 11-21-004760

Section 2





[K]



C/



[O]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRET DU 20 Juin 2024







APPELANT :



M. [J] [K]

né le 15 Juillet 1931 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Loca

lité 2]



Représenté par Me Pierre-Etienne MOULLE, avocat au barreau de LYON, toque : 2828





INTIMEE :



Mme [P] [O]

née le 04 Avril 1942 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Sébastien BOURILLON de la SELARL URBAN CONSEIL, avocat au barreau...

N° RG 22/03279 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OI46

Décision du Tribunal Judiciaire de Lyon

du 17 mars 2022

RG : 11-21-004760

Section 2

[K]

C/

[O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 20 Juin 2024

APPELANT :

M. [J] [K]

né le 15 Juillet 1931 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Pierre-Etienne MOULLE, avocat au barreau de LYON, toque : 2828

INTIMEE :

Mme [P] [O]

née le 04 Avril 1942 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sébastien BOURILLON de la SELARL URBAN CONSEIL, avocat au barreau de LYON, toque : 2419

assistée de Me Florence DAVID, du CABINET URBAN CONSEIL AVOCATS ASSOCIES, AARPI, avocat au barreau de VIENNE

* * * * * *

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mai 2024

Date de mise à disposition : 20 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseillère

- Stéphanie ROBIN, conseillère

assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Faits, procédure et prétentions des parties

Mme [P] [O] est domiciliée [Adresse 1] dans un appartement situé sur une parcelle contiguë à celle sur laquelle se trouve la maison dont est propriétaire M. [J] [K].

Par acte d'huissier du 22 décembre 2021, Mme [P] [O] a fait assigner M. [J] [K] et son épouse [W] [K] devant le tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de les voir condamner à :

- couper ou faire couper les branches dépassant sur sa propriété,

- réduire à hauteur de deux mètres ou arracher l'arbre planté à moins de deux mètres de la limite séparative de propriété et dépassant deux mètres de hauteur,

- arracher les plantes et plus précisément le laurier poussant contre le mur nord de sa propriété,

- le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard jusqu'à l'exécution de l'obligation,

- payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir,

- payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme [K] est décédée le 9 décembre 2021.

A l'audience du 18 janvier 2022, M. [J] [K] s'est opposé à l'ensemble des demandes.

Par jugement du 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- ordonné à M. [J] [K] de couper ou faire couper les branches des arbres de sa propriété surplombant le terrain de Mme [P] [O], ce sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification du présent jugement pendant une durée de trois mois,

- ordonné à M. [J] [K] de réduire à deux mètres ou d'enlever l'arbre se trouvant à moins de deux mètres de la ligne séparative entre sa propriété et celle de Mme [P] [O], ce sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification du présent jugement, pendant une durée de trois mois,

- ordonné à M. [J] [K] d'arracher sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification du présent jugement pendant une durée de trois mois, le laurier poussant contre un mur de la maison de Mme [P] [O],

- condamné M. [J] [K] à payer à Mme [P] [O] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné M. [J] [K] à payer à Mme [P] [O] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que cette décision ne sera pas assortie de l'exécution provisoire,

- condamné M. [J] [K] aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 5 mai 2022, M. [J] [K] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 novembre 2022, M. [J] [K] demande à la cour de :

- déclarer le jugement nul ou à tout le moins de l'infirmer,

statuant à nouveau de :

- rejeter les demandes de Mme [O] de coupe des branches surplombant le terrain de celle-ci,

- rejeter la demande de réduction de la hauteur ou d'arrachage des arbres se trouvant à moins de deux mètres de la ligne séparative,

- rejeter la demande d'arrachage du laurier poussant contre un mur de la maison de Mme [P] [O],

- rejeter la demande de paiement de dommages et intérêts,

- condamner Mme [P] [O] aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté, ayant été assigné une semaine après le décès de son épouse, ayant été diagnostiqué positif au Covid le 7 janvier 2022, et ce alors qu'il est âgé de quatre-vingt-dix ans, de sorte qu'il était très fébrile à l'audience du 18 janvier 2022 et n'a pas été placé en mesure de faire valoir ses droits,

- il est propriétaire depuis 1971 d'une maison au [Adresse 1] et les demandes d'élagage ou d'abattage des platanes centenaires se trouvant sur sa propriété mesurant plus de 7 mètres, entretenus et taillés depuis cinquante ans pour constituer une couronne, ne peuvent prospérer, la prescription trentenaire étant acquise. Ainsi, le point de départ du délai se situe à la date à laquelle les arbres ont dépassé la hauteur maximum autorisée.

Or, le rapport de la société Arbodiag mentionne que les arbres ont entre 80 et 90 ans et qu'ils ont atteint la taille ou hauteur dès leur plus jeune âge, c'est à dire environ 75 ans.

Leur ancienneté est de plus avérée par leur présence sur les plans des archives de la ville et les témoignages évoquant des tailles depuis plus de quarante ans.

Ils dépassaient déjà les deux mètres à la date de l'acquisition de sa maison en 1971 et les photographies produites en attestent dès 1983, les platanes atteignant alors nettement le deuxième étage de la maison,

- il estime que l'élagage et l'abattage des arbres dans les conditions prévues à l'article 671 du code civil s'appliquent, sauf dans les cas où ceux-ci sont régis par des règlements ou des usages, or en l'espèce il existe un usage centenaire concernant l'implantantion et la taille des arbres comme le démontrent divers témoignages, ces platanes étant la mémoire du quartier,

- les arbres sont sains, contrairement à ce qu'indique Mme [O] et leur état sanitaire ne justifie aucunement leur abattage, les pièces produites par l'intimée ne présentant pas de caractère probant.

Il considère que sa maison et les platanes bénéficient d'une protection spécifique au titre du plan local d'urbanisme, dans la mesure où sa propriété est visée comme présentant une architecture remarquable implantée au nord d'un jardin boisé et est identifiée au plan local d'urbanisme, de sorte que les éléments de végétation font l'objet d'une protection urbanistique au titre de ce plan local d'urbanisme, mais également de l'article R 111-27 du code de l'urbanisme, qui prévoit le refus de projets lorsque ceux-ci sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux payasages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales.

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 14 février 2023, Mme [P] [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 17 mars 2022,

et d'ajouter que l'élagage devra à l'avenir être régulièrement effectué, soit a minima deux fois par an, avec un retrait minimal de 2 mètres du mur mitoyen ou, à défaut, avec le sectionnement des branches charpentières à flanc du tronc dès leur apparition,

- condamner M. [J] [K] aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'au versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique que :

- le principe du contradictoire a été respecté, M. [K] ayant été présent à l'audience. Il ne peut en outre lui être reproché d'avoir délivré l'assignation une semaine après le décès de Mme [K] car elle ignorait le décès de cette dernière, l'assignation ayant d'ailleurs été délivrée à l'encontre des deux époux,

- l'élagage des branches du platane est justifié, les branches de ce dernier débordant sur sa propriété comme en attestent le constat d'huissier. Ces coupes sont d'autant plus nécessaires que le platane est porteur de la maladie du tigre du platane et le rapport de la société Arbodiag produit par l'intimé évoquant un bon état sanitaire, ne présente pas de caractère probant, en l'absence de précision sur la méthode utilisée,

- le plan local d'urbanisme protège la maison de M. [K], mais pas les jardins, la préservation de ces derniers et notamment leur classement dans une zone d'espaces boisés ne faisant en tout état de cause pas obstacle à l'élagage,

- de même, le prétendu usage centenaire et constant concernant l'implantation et la taille des arbres litigieux n'est démontré par aucun élément de preuve, ni commencement de preuve,

- si la prescription de trente ans concernant le platane était acquise, les dispositions de l'article 673 permettant de couper les branches débordant sur sa propriété sont néanmoins applicables, s'agissant d'un droit imprescriptible,

- la cour ajoutera que les branches devront être régulièrement élaguées, au moins deux fois par an pour éviter tout empiètement,

- l'arbre se situant à moins de deux mères de la ligne séparative doit être réduit à une hauteur de deux mètres ou enlevé, M. [K] ne démontrant pas que les platanes ont acquis une hauteur supérieure à deux mètres depuis plus de trente ans, puisque les attestations produites font référence à l'écologie et à l'environnement, mais pas à la hauteur des arbres.

Les plans de la ville transmis ne permettent pas davantage de s'assurer que les arbres figurant sur ceux ci correspondent aux platanes litigieux ni qu'ils mesuraient plus de deux mètres.

- l'arrachage du laurier poussant à l'aplomb de son mur est justifié, le constat d'huissier précisant que ce laurier a fissuré le mur, créant une instabilité, étant observé que depuis le jugement, M. [K] a procédé au dessouchage du laurier

- le montant des dommages et intérêts alloué doit être également confirmé, dans la mesure où elle a tenté depuis plusieurs années de faire procéder à l'élagage des arbres, en envoyant trois courriers de mise en demeure et en tentant une conciliation, en vain.

La cour se réfère aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur le respect du principe du contradictoire

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

En l'espèce, si M. [K] indique ne pas avoir été placé en situation de se défendre utilement, il convient d'observer qu'il a été régulièrement assigné et qu'il était présent lors de l'audience, le juge mentionnant qu'il s'est opposé à toutes les demandes de Mme [O] et faisant état de ses propos.

Il ne peut davantage être retenu que Mme [O] l'aurait sciemment fait assigner une semaine seulement après le décès de son épouse, alors qu'il ne peut être considéré qu'elle avait connaissance de cet événement, l'assignation délivrée le 22 décembre 2021 étant délivrée à l'encontre de M. [K] et de son épouse.

Par ailleurs, si M. [K] justifie avoir été diagnostiqué positif au covid onze jours avant l'audience, il a pu comparaître et n'a, ni fait part de son impossibilité à se défendre, ni sollicité le renvoi de l'affaire, ni fait état de sa volonté d'être assisté d'un avocat.

Au regard de ces éléments, le principe du contradictoire a été respecté et la nullité du jugement n'est pas encourue.

- Sur la demande d'enlèvement ou de réduction à deux mètres des arbres se trouvant à moins de deux mètres de la ligne séparative

Selon l'article 671 du code civil il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi mètre pour les autres plantations.

En application de l'article 672 du code civil, le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes plantés à une distance moindre que la distance légale soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.

Si les arbres meurent, ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales.

L'article 671 du code civil a un caractère supplétif et les distances et hauteurs prescrites ne sont applicables qu'à défaut de règlements particuliers ou d'usages constants et reconnus.

M. [K] oppose tout d'abord à Mme [O] l'existence de règlements particuliers mais également d'usages.

S'agissant des règlements, si M. [K] invoque une protection spécifique de la végétation de son terrain par le plan local d'urbanisme, cette affirmation est contredite par le plan local d'urbanisme versé aux débats, qui évoque comme unique élément à préserver la maison, et non les arbres. La seule mention d'une valeur urbaine, paysagère et architecturale se rapportant à la maison bourgeoise implantée au nord d'un jardin boisé, ne confère pas une protection au jardin et aux arbres.

Dès lors, il ne peut être considéré que ces derniers font l'objet d'un règlement spécifique.

De même, il n'est pas rapporté la preuve de l'existence d'un usage local, selon lequel la plantation des arbres n'était assujettie à aucune distance légale. La simple tolérance dont il n'est pas démontré qu'elle remonte à des temps immémoriaux ne peut en effet jamais constituer un usage pouvant prévaloir sur les dispositions du code civil. Un usage doit de plus répondre à trois caractères, l'ancienneté, la constance et la généralité, or ces trois conditions cumulatives ne sont pas réunies.

Les dispositions de l'article 671 du code civil sont donc bien applicables.

M. [K] fait ensuite valoir que la demande au titre de la réduction à hauteur de deux mètres ou la demande d'arrachage concernant le platane se situant à moins de deux mètres de la ligne séparative ne peut prospérer en raison de la prescription trentenaire.

Le point de départ de la prescription trentenaire est la date à laquelle les arbres ont dépassé la hauteur maximale permise.

En l'espèce, il résulte des pièces versées que les arbres concernés sont des platanes plantés entre cinquante centimètres et deux mètres de la ligne séparative. Il convient donc de déterminer si la hauteur a dépassé les deux mètres depuis plus de trente ans, étant observé que l'assignation délivrée reprise dans le jugement mentionne la réduction à une hauteur de deux mètres ou l'arrachage de l'arbre (au singulier) planté à moins de deux mètres de la limite séparative et dépassant les deux mètres, sans autre précision.

M. [K] produit tout d'abord aux débats un rapport d'Arbodiag, société de diagnostics sanitaires et mécaniques des arbres, daté de novembre 2022, indiquant que 'les platanes ont entre 80 et 90 ans. ils ont atteint la taille/ hauteur dès leur plus jeune âge, c'est à dire environ 75 ans'(...). Il est précisé également dans le rapport que les platanes ont une hauteur de 7 mètres. Il résulte de cette pièce que les platanes ont atteint leur hauteur soit 7 mètres dès leur plus jeune âge soit depuis 75 ans, la phrase contenue dans le rapport d'Arbodiag ne pouvant être interprétée autrement, de sorte qu'ils ont nécessairement dépassé les deux mètres depuis plus de trente ans. Il est également communiqué une photographie (pièce 32) datée de 1987 d'après la mention manuscrite figurant au dos et non 1983 comme indiqué dans les conclusions sur laquelle figurent deux individus, dont la taille est nettement inférieure au platane se trouvant derrière eux, ce qui confirme que le platane avait atteint une taille supérieure à deux mètres depuis plus de trente ans.

Il résulte également des plans de la ville communiqués et plus particulièrement du plan daté de 1945 (pièce n°11 du bordereau de l'appelant) que sur la propriété de M. [X] (ancien propriétaire de la maison de M. [K]) figurent distinctement deux arbres à proximité de la limite séparative. Compte tenu de l'ancienneté des arbres soit 80 à 90 ans d'après le rapport Arbodiag, il ne peut s'agir d'autres arbres, contrairement à ce que prétend Mme [O]. Il est donc établi que ces platanes existaient en 1945 et que compte tenu de la croissance rapide de ce type d'arbre, il est manifeste qu'ils ont dépassé la taille de deux mètres depuis plus de trente ans. De plus, les photographies de streetview et plus particulièrement celle de 2008, même si elle est de petite taille, permettent de voir qu'à cette date, la hauteur des platanes dépassait déjà le deuxième étage du bâtiment dans lequel habite Mme [O], seul bâtiment visible sur cette photographie en raison de l'angle de prise de vue. Compte tenu de cette hauteur en 2008, ils avaient nécessairement dépassé les deux mètres depuis plus de trente ans.

Les nombreuses attestations produites font état de l'ancienneté des arbres évoquant des arbres centenaires, ce qui ne résulte cependant pas de constatations personnelles. Pour autant, Mme [T] atteste de la taille en couronne depuis treize ans, date de son arrivée dans le quartier, Mme [R], vivant dans le quartier de Montchat depuis quinze ans, atteste que les platanes magnifiquement taillés et entretenus font partie du patrimoine, Mme [N] se souvient avoir vu pour la première fois ces platanes en couronne depuis 19 ans, date de son arrivée dans le quartier, et Mme [M] précise que depuis 2007 date à laquelle elle a fait connaissance de la famille [K], elle admire son implication et la création avec leur arbres remarquables d'une couronne unique.

Compte tenu de ces constatations et des photographies plus actuelles produites aux débats,il est établi que les platanes dépassaient les deux mètres depuis plus de trente ans, pour permettre cette taille en couronne, déjà ancienne elle-aussi.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [K] rapporte la preuve de ce qu'à la date de l'assignation, la prescription trentenaire de l'article 672 du code civil était acquise, ce qui fait obstacle à la demande d'enlèvement de l'arbre ou de sa réduction à deux mètres.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement, en ce qu'il a ordonné à M. [J] [K] de réduire à deux mètres ou d'enlever l'arbre se trouvant à moins de deux mètres de la ligne séparative entre sa propriété, sous astreinte et, statuant à nouveau, de débouter Mme [P] [O] de cette demande.

- Sur la demande d'arrachage du laurier

Conformément aux articles 671 et 672 précités, il a été rappelé les distances devant séparer les plantations de la limite de la propriété voisine.

Il est établi notamment par le constat d'huissier du 15 décembre 2020 que le laurier se trouvait dans la propriété de M. [K] contre le mur séparant les propriétés et ne respectait donc pas la distance prévue par la loi.

Il ressort cependant tant des écritures de M. [K] que de celles de Mme [O] qu'après le jugement rendu, le laurier a été arraché, de sorte qu'il convient de constater que la demande d'arrachage de ce laurier est désormais sans objet.

- Sur la demande d'élagage des arbres surplombant la propriété de Mme [O]

Aux termes de l'article 673 du code civil celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper (...)

Le droit tiré de l'article 673 est imprescriptible et ne peut être restreint en considération du fait que l'arbre litigieux aurait acquis par l'article 672 le droit d'être maintenu en place et en vie.

Ainsi, les développements de M. [K] sur l'acquisition de la prescription trentenaire concernant les platanes sont inopérants sur le droit imprescriptible de Mme [O] de faire couper les branches dépassant sur sa propriété.

De même,aucune restriction ne peut être apportée si ce n'est d'un commun accord au droit du propriétaire sur le fonds duquel s'étendent les branches des arbres voisines de demander la réduction des ramures empiétant sur la propriété, laquelle ne fait pas partie d'un espace boisé classé soumis aux dispositions de l'article L 130-1 du code de l'urbanisme devenu l'article L 113-1.

En l'espèce, M. [K] indique que les branches ont été coupées et que le jugement a été exécuté, tandis que Mme [O] soutient que l'exécution n'a été que partielle, des branches dépassant toujours sur sa propriété et que les arbres sont porteurs de la maladie du tigre du platane.

Si Mme [O] produit un courrier de la société Chieze espaces verts, daté du 8 février 2023, mentionnant que les platanes sont infestés par le tigre, comme cela a été constaté en septembre 2022, mais déjà observé en septembre 2021, cette information n'étant toutefois pas indiquée à cette dernière date, en l'absence d'incidence sur le devis sollicité pour l'élagage, M. [K] produit quant à lui une attestation de la société Arbiodag de novembre 2022, faisant état de la bonne santé des arbres, de sorte que la preuve de l'infection n'est pas rapportée et est en tout état de cause inopérante sur l'application des dispositions de l'article 673 du code civil rappelé précédemment.

Il n'y a en outre pas lieu d'examiner l'argument relatif au plan local d'urbanisme, celui-ci ne visant pas une protection des arbres, qui au demeurant ne serait pas exonératrice de la demande d'élagage.

Deux constats d'huissier ont été réalisés à la demande de Mme [O], soit le 15 décembre 2020 puis le 8 juin 2023, ce dernier étant postérieur au jugement déféré.

Le 15 décembre 2020, l'huissier a constaté que des branches du platane planté sur le terrain du voisin débordent sur la propriété de sa requérante, que l'un des platanes est planté très proche du mur de séparation, que les branches dépassent sur le terrain de Mme [O] et qu'il a constaté la présence de feuilles mortes le long du mur au sol, ainsi qu'un amas de feuilles mortes sur son terrain.

Lors du constat du 8 juin 2023, l'huissier observe que depuis la voie publique, à savoir la rue de l'église, quelques petites branches du premier platane qui se situe à l'entrée de la propriété voisine se trouvent au dessus du muret et que ces branches avancent jusqu'au milieu de la partie supérieure du muret située en limite séparative.

Concernant ce premier platane, il n'est donc pas établi que des branches dépassent sur la propriété voisine.

En revanche, l'huissier relève que certaines branches du second arbre situé au fond de la propriété de M. [K] dépassent d'environ 40 centimètres sur la propriété de sa requérante, comme l'illustrent les photographies huit à douze.

Il résulte donc de ce constat que Mme [O] est bien fondée à solliciter que les branches qui dépassent soient coupées.

Il convient cependant d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à M. [J] [K] de couper ou faire couper les branches 'des' arbres de sa propriété surplombant le terrain de Mme [O], ce sous astreinte provisoire, un seul arbre étant désormais concerné.

Dès lors, il est ordonné à M. [J] [K] de couper ou de faire couper les branches du second platane situé au fond de sa propriété par rapport à la voie publique dépassant sur le terrain de Mme [P] [O], sans qu'il soit besoin d'assortir cette obligation d'une astreinte, un élagage ayant pu avoir lieu après le jugement rendu le 17 mars 2022 et les branches ayant pu repousser depuis.

- Sur la demande d'élagage deux fois par an formée en cause d'appel

Si Mme [O] sollicite un élagage au moins deux fois par an, avec un retrait minimal de deux mètres du mur mitoyen ou, à défaut, avec le sectionnement des branches charpentières à flanc du tronc dès leur apparition, il convient de rappeler que seule la coupe des branches dépassant sur sa propriété peut être réclamée.

De plus, M. [K] ne peut être condamné préventivement à une taille au moins deux fois par an, dans la mesure où il ne peut être présumé de la date de dépassement des branches sur la propriété voisine.

En conséquence, Mme [O] est déboutée de cette demande.

- Sur la demande de dommages et intérêts

Mme [O] invoque l'envoi de mises en demeure et une tentative de conciliation restées vaines.

Toutefois, elle ne caractérise pas un préjudice distinct, procédant par voie d'affirmations.

Ainsi, la présence de feuilles sur son terrain ne résulte pas du seul dépassement des branches et elle n'a pas obtenu gain de cause sur l'enlèvement ou la réduction de la hauteur des platanes.

En conséquence, elle est déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement infirmé en ce sens.

- Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [K] obtenant partiellement gain de cause en appel, étant observé qu'il en a outre exécuté une partie du jugement concernant la coupe de certaines branches dépassant sur la propriété de Mme [O] et l'arrachage du laurier, il convient de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

L'équité commande de débouter M. [K] et Mme [O] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme le jugement déféré, sauf sur les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau,

Ordonne à M. [J] [K] de couper ou de faire couper les branches du second platane situé au fond de sa propriété par rapport à la voie publique dépassant sur le terrain de Mme [P] [O],

Déboute Mme [P] [O] de sa demande d'assortir cette obligation d'une astreinte,

Déboute Mme [P] [O] de sa demande de réduire à deux mètres ou d'enlever l'arbre se trouvant sur la propriété de M. [J] [K] à moins de deux mètres de la ligne séparative entre les deux propriétés

Constate que la demande d'arrachage du laurier poussant contre le mur nord de la propriété de Mme [O] est devenue sans objet

Déboute Mme [P] [O] de sa demande de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Déboute Mme [P] [O] de sa demande d'élagage au moins deux fois par an, avec un retrait minimal de deux mètres du mur mitoyen ou, à défaut, avec le sectionnement des branches charpentières à flanc du tronc dès leur apparition,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel,

Déboute les deux parties de leurs demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/03279
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.03279 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award