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11/06/2024 | FRANCE | N°23/05591

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 11 juin 2024, 23/05591


N° RG 23/05591 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PCYL







Décisions :



Tribunal de Grande Instance de TARASCON

Au fond

du 15 novembre 2018

RG : 16/01954



Cour d'Appel de AIX EN PROVENCE

Au fond du 21 octobre 2021

RG 18/18556



Cour de Cassation

Civ3 du 25 mai 2023

Pourvoi E21-24.560

Arrêt 343 F-D









[N]



C/



[Y]

[Y]

[Y]

[Y]

[Y] [H]

[U]

[Z] veuve [Y]



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 11 Juin 2024



statuant sur renvoi après cassation







APPELANT :



M. [K] [N]

né le 01 Novembre 1964 à [Localité 14]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

...

N° RG 23/05591 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PCYL

Décisions :

Tribunal de Grande Instance de TARASCON

Au fond

du 15 novembre 2018

RG : 16/01954

Cour d'Appel de AIX EN PROVENCE

Au fond du 21 octobre 2021

RG 18/18556

Cour de Cassation

Civ3 du 25 mai 2023

Pourvoi E21-24.560

Arrêt 343 F-D

[N]

C/

[Y]

[Y]

[Y]

[Y]

[Y] [H]

[U]

[Z] veuve [Y]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 11 Juin 2024

statuant sur renvoi après cassation

APPELANT :

M. [K] [N]

né le 01 Novembre 1964 à [Localité 14]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102

INTIMES :

Mme [V] [Y]

née le 09 Mai 1996 à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

M. [E] [Y]

né le 07 Août 1973 à [Localité 16]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Mme [I] [Y]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

M. [G] [Y]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Mme [L] [Y] [H] épouse [T]

née le 03 Août 1977 à [Localité 16]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

Mme [F] [U] épouse [H]

née le 30 Septembre 1946 à [Localité 11] (TUNISIE)

[Adresse 15]

[Adresse 15]

Mme [P] [Z] veuve [Y]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

tous représentés par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

ayant pour avocat plaidant Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 04 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Mars 2024

Date de mise à disposition : 11 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Depuis le décès de [W] [Y] le 11 juillet 1980, [F] [U] épouse [H], [O] [Y], [E] [Y], [L] [Y] [H] épouse [T], ci-après les consorts [H]-[Y] sont propriétaires de la parcelle cadastrée section [Cadastre 1] (anciennement [Cadastre 7]) [Adresse 15].

Mr [K] [N] est propriétaire depuis le 26 avril 2000 d'une parcelle mitoyenne par le nord et l'est, cadastrée section [Cadastre 9] (anciennement [Cadastre 8]).

Plusieurs différends ont opposé les parties depuis 2007.

A propos notamment d'une difficulté liée à l'emplacement des compteurs de gaz, Mr [X] a été désigné en qualité d'expert par le juge des référés en 2015 et a déposé son rapport le 3 novembre 2016.

Par acte d'huissier du 31 octobre 2016, les consorts [H]-[Y] ont fait assigner Mr [N] devant le tribunal de grande instance de Tarascon aux fins de le voir condamner à procéder sous astreinte à la remise en place de la gouttière sur un immeuble leur appartenant.

Les consorts [H]-[Y] ont ajouté en cours d'instance une demande tendant à contraindre le défendeur à enlever des compteurs gaz implanté sur ce même mur.

Mr [N] a revendiqué reconventionnellement l'acquisition de la mitoyenneté sur le mur litigieux et la condamnation des consorts [H]-[Y] à supprimer l'égout de toit empiétant sur sa propriété et à canaliser leurs eaux pluviales se déversant sur sa propriété.

Par jugement du 15 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Tarascon a :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par Mr [N],

- condamné Mr [N] à procéder sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à la remise en place de la gouttière sur l'immeuble appartenant aux consorts [H] [Y],

- débouté les consorts [H] [Y] de leur demande d'enlèvement des compteurs de gaz implantés dans le mur mitoyen,

- débouté Mr [N] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- condamné Mr [N] à payer aux consorts [H] [Y] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mr [N] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Mr [N] a interjeté appel de ce jugement.

Par un arrêt du 21 octobre 2021, la cour d'appel d'Aix en Provence a :

- infirmé le jugement, mais uniquement en ce qu'il a :

- condamné sous astreinte Mr [N] à procéder à la remise en place de la gouttière sur l'immeuble appartenant aux consorts [H] [Y],

- débouté les consorts [H] [Y] de leur demande d'enlèvement des compteurs de gaz implantés dans le mur mitoyen,

statuant à nouveau de ces chefs,

- rejeté la demande des consorts [H] [Y] tendant à voir condamner sous astreinte Mr [N] à procéder à la remise en place de la gouttière sur l'immeuble leur appartenant,

- condamné [K] [N] à enlever ses compteurs de gaz implantés dans le mur privatif des [H] [Y], et ce, dans un délai de trois mois suivant la signification de la décision, sous astreinte passé ce délai de 20 € par jour de retard pendant trois mois,

pour le surplus,

- confirmé le jugement entrepris,

y ajoutant,

- rejeté la demande de [K] [N] tendant à voir condamner in solidum les consorts [H] [Y] à canaliser leurs eaux de pluie provenant du versant est de leur toiture,

vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

- condamné [K] [N] aux dépens d'appel avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, et à payer 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux consorts [H] [Y] pour la procédure d'appel.

Mr [N] a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 25 mai 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne Mr [N] à enlever ses compteurs de gaz implantés dans le mur privatif des consorts [H]-[Y], et ce, dans un délai de trois mois suivant la signification de cette décision, sous astreinte passé ce délai de 20 € par jour de retard pendant trois mois, l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et a remis sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyés devant la cour d'appel de Lyon.

La Cour de cassation a cassé l'arrêt pour défaut de réponse aux conclusions au motif que la cour d'appel, qui avait fait droit à la demande d'enlèvement des compteurs du mur séparatif en retenant que cet ouvrage était intégralement construit sur la parcelle des consorts [H]-[Y] et qu'il n'était pas établi que sa sur épaisseur corresponde à la largeur d'origine du mur ce dont il se déduisait qu'il présentait un caractère privatif, n'avait pas répondu aux conclusions de Mr [N] qui soutenait que même privatif, la mitoyenneté du mur avait été acquise par prescription.

Par déclaration de saisine du 10 juillet 2023, Mr [N] a saisi la cour d'appel de Lyon.

Mr [O] [Y] étant décédé le 5 mai 2022. Mme [V] [Y], Mme [I] [Y], Mr [G] [Y] et Mme [P] [Z] veuve [Y] ont repris l'instance en qualité d'héritiers.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 27 février 2024, Mr [K] [N] demande à la cour de :

- déclarer non rapportée par Mme [F] [U], épouse [H], Mr [O] [Y], Mr [E] [Y], Mme [L] [Y] [H], épouse [T], Mme [P] [Z], veuve [Y], Mr [G] [Y], Mme [I] [Y], Mme [V] [Y], la preuve que ses compteurs de gaz seraient implantés dans leur mur privatif,

- déclarer mitoyen le mur en pierres servant de limite entre sa propriété et celle de Mme [F] [U], épouse [H], Mr [O] [Y], Mr [E] [Y], Mme [L] [Y] [H], épouse [T], Mme [P] [Z], veuve [Y], Mr [G] [Y], Mme [I] [Y], Mme [V] [Y] se trouvant au rez-de-chaussée (c'est-à-dire jusqu'au niveau supérieur de la dalle de la terrasse, soit environ 3m),

- juger que ses compteurs de gaz sont installés à l'intérieur du mur mitoyen à mi-hauteur environ, et n'empiètent pas sur la parcelle de Mme [F] [U], épouse [H], Mr [O] [Y], Mr [E] [Y], Mme [L] [Y] [H], épouse [T], Mme [P] [Z], veuve [Y], Mr [G] [Y], Mme [I] [Y], Mme [V] [Y],

- déclarer irrecevables et infondés Mme [F] [U], épouse [H], Mr [O] [Y], Mr [E] [Y], Mme [L] [Y] [H], épouse [T], Mme [P] [Z], veuve [Y], Mr [G] [Y], Mme [I] [Y], Mme [V] [Y] en leurs demande de condamnation à enlever sous astreinte de 50 € par jour de retard ses compteurs de gaz,

par conséquent,

- débouter Mme [F] [U], épouse [H], Mr [O] [Y], Mr [E] [Y], Mme [L] [Y] [H], épouse [T], Mme [P] [Z], veuve [Y], Mr [G] [Y], Mme [I] [Y], Mme [V] [Y], de l'ensemble de leurs demandes d'enlèvement des compteurs de gaz sous astreinte,

- les débouter de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Tarascon le 15 novembre 2018 qui a débouté les consorts [Y] [H] de leur demande d'enlèvement des compteurs de gaz implantés dans le mur mitoyen,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Tarascon le 15 novembre 2018 qui a :

- débouté Mr [N] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- condamné Mr [N] à payer aux consorts [Y] [H] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mr [N] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

y ajouter,

- condamner in solidum Mme [F] [U], épouse [H], Mr [O] [Y], Mr [E] [Y], Mme [L] [Y] [H], épouse [T], Mme [P] [Z], veuve [Y], Mr [G] [Y], Mme [I] [Y], Mme [V] [Y] à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par leur procédure abusive,

- condamner in solidum Mme [F] [U], épouse [H], Mr [O] [Y], Mr [E] [Y], Mme [L] [Y] [H], épouse [T], Mme [P] [Z], veuve [Y], Mr [G] [Y], Mme [I] [Y], Mme [V] [Y] à lui payer la somme de 3.000 € payée par lui sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que celle de 6.401,35 € correspondant aux dépens (état de frais de Maître [D] [A]).

- condamner in solidum Mme [F] [U], épouse [H], Mr [O] [Y], Mr [E] [Y], Mme [L] [Y] [H], épouse [T], Mme [P] [Z], veuve [Y], Mr [G] [Y], Mme [I] [Y], Mme [V] [Y] à lui payer la somme de 4.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure,

- condamner in solidum Mme [F] [U], épouse [H], Mr [O] [Y], Mr [E] [Y], Mme [L] [Y] [H], épouse [T], Mme [P] [Z], veuve [Y], Mr [G] [Y], Mme [I] [Y], Mme [V] [Y] aux entiers dépens et notamment aux frais de l'expertise judiciaire sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, et dire qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 dudit code.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 22 février 2024, les consorts [Y] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Tarascon le 18 novembre 2018 en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'enlèvement des compteurs de gaz implantés dans le mur mitoyen,

- condamner Mr [K] [N] à procéder sous astreinte de 50 € par jour de retard à l'enlèvement de ces compteurs de gaz implantés dans leur mur privatif de l'immeuble,

- débouter Mr [K] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouter Mr [K] [N] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mr [K] [N] à leur payer la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens incluant le coût de l'expertise judiciaire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu du dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation, la cour de renvoi n'est plus saisie que de la demande des consorts [H]-[Y] d'enlèvement par Mr [N] de ses compteurs de gaz de leur mur dont ils soutiennent qu'il s'agit d'un mur privatif.

1° sur la demande d'enlèvement des compteurs de gaz :

Mr [N] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'enlèvement des compteurs à gaz des consorts [Y] et fait valoir que:

- le mur du rez-de-chaussée sur lequel sont implantés les compteurs de gaz est mitoyen puisqu'il sert de séparation entre les deux fonds qui sont contiguës, il est donc légalement présumé mitoyen en vertu de l'article 653 du code civil et les consorts [H]-[Y] ne renversent nullement cette présomption légale,

- le rapport d'expertise confirme le caractère mitoyen de la partie rez-de-chaussée du mur litigieux puisqu'il a seulement considéré qu'il était privatif au dessus du rez-de-chaussée et l'expert n'a jamais considéré que le mur litigieux se trouvait sur le fonds [H]-[Y],

- la mitoyenneté a en outre été acquise par prescription trentenaire dés lors qu'en effet ses auteurs ont adossé sur ledit mur en pierre leur terrasse constituant un acte de possession caractérisé et ce il y a plus de 30 ans, d'après le rapport d'expertise.

Mr [N] soutient encore que l'implantation des compteurs de gaz dans le mur mitoyen est légale et ne requérait aucune autorisation de ses voisins et déclare que :

- chacun des copropriétaires d'un mur mitoyen a le droit de s'en servir, à sa volonté et à sa convenance, pour tous les usages auxquels une telle construction est ordinairement destinée,

- l'article 662 du code civil ne concerne que les ouvrages nuisibles aux droits de l'autre et en l'espèce, les consorts [H]-[Y] ne démontrent ni gêne, ni nuisance à leurs droit, concernant les compteurs de gaz,

- il n'avait donc pas besoin de leur autorisation pour l'installation des compteurs, autorisation qu'il a néanmoins reçue tacitement en 2003 ainsi qu'en atteste l'absence de plainte de leur part durant 13 ans.

Les consorts [H]-[Y] sollicitent le déplacement des compteurs de gaz litigieux sous astreinte et font valoir que :

- l'analyse de l'expert est inexacte, son rapport s'avère trop succinct quant à la prise des mesures pour déterminer les limites entre les deux propriétés,

- en réalité, leur auteur Mr [Y] a construit 27 cm à l'intérieur de la limite de son fonds ce qui implique que le mur litigieux se trouve bien sur leur fonds et qu'il n'est pas mitoyen,

- les conditions de la prescription acquisitive ne sont pas remplies dés lors que la dalle de la terrasse de l'immeuble [N] n'appuie pas contre leur partie de mur ancien dans laquelle sont implantés les compteurs à gaz et qu'en outre, la date de réalisation de la terrasse est inconnue,

- au surplus, Mr [N] ne justifie pas avoir obtenu une autorisation de leur part pour procéder à l'installation des compteurs à gaz litigieux et a contrevenu ainsi aux dispositions de l'article 662 du code civil, d'autant que cet ouvrage n'est pas exempt de risque de fuite notamment.

Sur ce :

L'article 653 du code civil dispose que dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire.

En l'espèce, l'expert judiciaire avait notamment pour mission de déterminer si le mur empiète sur la propriété des consorts [H]-[Y] ou s'il revêt un caractère mitoyen.

Dans son rapport, Mr [X] précise qu'aucun bornage ou reconnaissance de limite n'a été porté à sa connaissance et que le cadastre n'ayant qu'une valeur fiscale dont la précision géométrique est approximative, il fait le choix de s'appuyer sur les possessions et l'état des lieux.

Il constate que :

- au niveau du rez-de-chaussée, le mur entre les deux propriétés est plus épais qu'au premier étage,

- lorsqu'on se dirige vers le Nord, soit en profondeur depuis la rue, la sur épaisseur du mur est continue sur tout le niveau du rez-de-chaussée depuis l'impasse et tout le long de la façade,

- au niveau du premier étage, la terrasse (propriété [N]) repose sur le mur inférieur en sur épaisseur et vient s'appuyer contre le mur de façade de l'immeuble [U]-[Y].

L'expert estime que l'état des lieux laisse à penser que la sur épaisseur du mur correspond à la largeur du mur d'origine de séparation entre les propriété [U]-[Y] et [N].

Il s'appuie pour cela sur le fait que le mur présente la même largeur dans sa partie donnant sur rue et dans sa partie donnant sur la terrasse de Mr [N], sur les mentions du permis de construire délivré à Mr [Y] en 1966 lors des travaux de sur élévation de sa maison et sur le fait que cet épaisseur est en continuité avec la façade de Mr [N].

Ainsi, selon l'expert le mur d'origine présentait une largeur supérieure à l'actuelle et lors de la rénovation de l'immeuble, seuls les étages ont été arasés, puis dans un second temps, les murs ont été montés avec une largeur plus faible que ceux d'origine, d'où le décalage d'épaisseur entre le 1er étage et le rez-de-chaussée.

L'expert relève encore que le mur servait d'appui à la construction de deux bâtiments mitoyens et que la surélévation effectuée par Mr [Y] s'est appuyée au milieu du mur existant comme il est d'usage pour un exhaussement privatif sur un mur mitoyen et non au nu extérieur de ce mur comme il est d'usage pour un exhaussement sur un mur privatif.

Il conclut ainsi que si au dessus du rez-de-chaussée, c'est à dire au niveau de la dalle de la terrasse de Mr [N], le mur qui a été bâti par Mr [Y] à l'intérieur du mur d'origine, devenu mur de façade, peut être considéré comme mur privatif, la partie du mur servant de limite entre les deux propriétés au rez-de-chaussée, c'est à dire jusqu'au niveau supérieur de la dalle de la terrasse, est par contre mitoyenne.

Ces conclusions de l'expert reposent sur une analyse sérieuse et un raisonnement logique fondé à partir de ses constatations in situ et elles sont retenues par la cour en considération aussi de ce que la partie en sur épaisseur donnant sur l'impasse du Pavé d'Amour correspond manifestement à un mur ancien pouvant constituer à l'origine le mur séparant les deux fonds (anciennement 310 et 312) qui étaient autrefois complètement bâtis, ainsi qu'en atteste l'ancien cadastre.

Cette analyse n'est pas contredite par les mesures prises sur le terrain par l'expert en comparaison avec celles du permis de construire accordé à Mr [Y] en 1966 et l'expert a justement relevé à cet égard que la concordance des mesures de la longueur du bâtiment entre celle prise par l'expert (7,56 m) et celle portée sur le projet de permis de construire (7,60 m) ne présume en rien de la propriété du mur de limite.

Cette cote figurant sur un plan de masse annexé à un permis de construire avait seulement pour objet de définir la longueur du bâtiment et non pas des limites de propriété et il en est de même s'agissant de la cote de 7,26 m figurant sur un autre plan qui ne présume pas davantage de la propriété du mur litigieux.

Au vu de ces éléments, la cour constate qu'il n'est justifié d'aucun titre ou marque contraire venant contredire la présomption de mitoyenneté édictée par l'article 653 du code civil et confirme le jugement en ce qu'il a jugé que le mur devait être regardé dans sa partie du rez-de-chaussée comme mitoyen.

Il est constant que les compteurs de gaz litigieux ont été posés sur la partie mitoyenne du mur.

En application de l'article 662 du code civil, l'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre.

Mr [N] indique, sans avoir été contredit sur ce point que les compteurs ont été installés en 2003 et force est de constater en l'espèce qu'aucune opposition n'a été manifestée à cette implantation, si ce n'est des années plus tard à l'occasion du litige de voisinage portant à l'origine sur un tout autre problème, ce qui fait présumer de l'existence d'un accord tacite.

Au demeurant, la cour constate, comme l'a fait avant elle le premier juge, que la pose de ces compteurs ne cause aucun préjudice aux consorts [H]-[Y] ni un empiétement à leur propriété de sorte que Mr [N] n'avait pas à demander une autorisation particulière.

L'ouvrage ainsi implanté n'étant pas nuisible aux droits des consorts [H]-[Y], la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ces derniers de leur demande d'enlèvement des compteurs de gaz.

2° sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Mr [N] sollicite la condamnation des consorts [Y] à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Les consorts [H]-[Y] font valoir à juste titre que le rejet de la demande de dommage et intérêts par la cour d'appel d'Aix en Provence est définitif, celui-ci n'étant pas atteint par la cassation.

Par ailleurs, le seul fait pour ces derniers d'avoir maintenu leur résistance à la demande de Mr [N] devant la cour de renvoi ne saurait caractériser à leur encontre une faute de nature à faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice et ce alors même qu'une précédente cour d'appel a estimé fondée leur opposition à cette demande.

Il convient de débouter Mr [N] de sa demande de dommages et intérêts.

3° sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, Mr [N] ayant succombé pour la plus grande part en ses prétentions.

Au regard de la solution donnée au litige concernant l'implantation des compteurs, la cour estime par contre que les dépens de la procédure d'appel devant la cour de renvoi sont à la charge des consorts [H]-[Y].

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mr [N] et il lui est alloué à ce titre la somme de 2.500 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant dans les limites de la cassation,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts [H]-[Y] de leur demande d'enlèvement des compteurs de gaz ;

y ajoutant,

Condamne les consorts [H]-[Y] in solidum à payer à Mr [K] [N] la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mr [K] [N] du surplus de ses prétentions ;

Condamne les consorts [H]-[Y] aux dépens d'appel et accorde à Maître de Fourcroy le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 23/05591
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;23.05591 ?
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