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11/06/2024 | FRANCE | N°22/05430

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 11 juin 2024, 22/05430


N° RG 22/05430 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OOGF









Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 14 juin 2022



RG : 19/07914

ch n°4





[R]

[N]



C/



[N]

[H]

S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS

S.E.L.A.R.L. SELARL [T] [K] NOTAIRE ASSOCIE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 11 Juin 2024


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APPELANTS :



M. [U] [R]

né le [Date naissance 8] 1955 à [Localité 18] (Algérie)

[Adresse 11]

[Localité 9]



Mme [D] [N] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 14] (Algérie)

[Adresse 11]

[Localité 9]



Représentés par Me Julie BAILLY-...

N° RG 22/05430 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OOGF

Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 14 juin 2022

RG : 19/07914

ch n°4

[R]

[N]

C/

[N]

[H]

S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS

S.E.L.A.R.L. SELARL [T] [K] NOTAIRE ASSOCIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 11 Juin 2024

APPELANTS :

M. [U] [R]

né le [Date naissance 8] 1955 à [Localité 18] (Algérie)

[Adresse 11]

[Localité 9]

Mme [D] [N] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 14] (Algérie)

[Adresse 11]

[Localité 9]

Représentés par Me Julie BAILLY-COLLIARD, avocat au barreau de LYON, toque : 241

ayant pour avocat plaidant Me Stéphane AUBERT, avocat au barreau de NIMES, toque : A17

INTIMES :

M. [V] [N]

né le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 15] (Algérie)

[Adresse 16]

TAHITI

98713 TAHITI POLYNESIE FRANCAISE

Mme [L] [H] épouse [O]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 13] (Algérie)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

ayant pour avocat plaidant Me Catherine PY de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de NIMES, toque : B103

La société LCL - LE CREDIT LYONNAIS

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représentée par Me Anne JALOUSTRE de la SELARL ANNE JALOUSTRE, avocat au barreau de LYON, toque : 503

SELARL [T] [K] NOTAIRE ASSOCIE venant aux droits de la SCP [S] [K] et [T] [K] notaires associés

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Stéphane CHOUVELLON de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON, toque : 719

ayant pour avocat plaidant la SCP COULOMB DIVISA CHIARINI, avocat au barreau de NIMES

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 04 Mai 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Mars 2024

Date de mise à disposition : 11 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par acte notarié du 14 décembre 2004, la société Univerkad (la société) a fait l'acquisition d'un fonds de commerce financé par un apport de ses associés et par un prêt de 158 850 euros souscrit auprès de la société LCL Crédit Lyonnais (la banque).

Les associés, M. [V] [N], M. [U] [R] et Mme [D] [N] épouse [R] (les époux [R]), ainsi que Mme [L] [H], alors épouse de M. [V] [N], se sont engagés en qualité de cautions de la société au titre du prêt.

Par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 2 mars 2010, la liquidation judiciaire de la société a été prononcée.

La banque a déclaré au passif de la liquidation judiciaire une créance de 96 798,25 euros.

Parallèlement, elle a prononcé la déchéance du terme du prêt et mis en demeure les époux [R], par courriers du 9 avril 2010, d'avoir à lui payer la somme de 101'187,60 euros au titre de leur engagement de caution.

Par un jugement du 31 mars 2015, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 13 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a débouté les époux [R] de leurs demandes tendant à voir déclarer nul leur engagement de caution et non écrites les stipulations de solidarité.

À l'issue de la vente du bien immobilier appartenant aux époux [R] pour un prix de 187'000 euros, la somme de 89'911,40 euros a été versée à la banque en remboursement du solde d'un prêt souscrit par eux pour l'acquisition de ce bien, le reliquat de 95'588 euros étant consigné entre les mains de Maître [K], notaire associé à [Localité 17] (Gard).

Par acte d'huissier de justice des 10, 12, 16 et 23 mai 2017, les époux [R] ont assigné la banque, M. [N], Mme [H] et la SCP [S] et [T] [K], notaires associés, devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nîmes, sollicitant à titre principal la restitution de la somme de 47'204 euros séquestrée et à titre subsidiaire la condamnation de M. [N] et Mme [H] à leur régler une quote-part des sommes payées en vertu du cautionnement.

Le 5 octobre 2018, le juge de l'exécution s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Lyon, devenu le tribunal judiciaire de Lyon.

Par jugement du 14 juin 2022, ce tribunal a :

- ordonné, au détriment de la banque, la déchéance des intérêts échus depuis le 31 mars 2005 jusqu'au 18 mars 2009,

- dit que les paiements effectués par la société sont réputés, dans les rapports entre les époux [R] et la banque, effectués prioritairement au règlement du principal de la dette,

- débouté les époux [R] du surplus de leurs demandes,

- débouté la banque de sa demande reconventionnelle en procédure abusive,

- condamné la banque aux dépens,

- condamné la banque à payer aux époux [R] la somme de 1 500 euros au titre des frais non irrépétibles de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Par déclaration du 25 juillet 2022, les époux [R] ont relevé appel du jugement en ce qu'il a les a déboutés du surplus de leurs demandes.

Par conclusions notifiées le 24 octobre 2022, ils demandent à la cour de :

A titre principal,

vu les dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier,

vu l'échéancier consenti par la banque,

- confirmer la déchéance des intérêts échus depuis le 31 mars 2005 jusqu'au 18 mars 2009 au détriment de la banque et l'imputation des paiements effectués par la société prioritairement au règlement du principal de la dette,

- fixer à 67'346,97 euros le montant de la créance de la banque abstraction faite des règlements intervenus et à 19'064,65 euros en l'état du paiement de la somme de 48'282,32 euros d'ores et déjà payée par eux,

vu l'article 2224 du code civil,

vu l'article 2314 du code civil, anciennement 2037 du même code,

vu les pièces produites,

- les dire et juger déchargés de leur engagement de caution,

en conséquence,

- ordonner la restitution à leur profit de la totalité des sommes leur appartenant actuellement séquestrées par la SCP [S] [K] et [T] [K],

Subsidiairement,

vu les dispositions de l'acte authentique du 11 décembre 2004,

vu l'article 1134 du code civil pris dans sa rédaction applicable à l'espèce,

vu l'absence de lien de solidarité entre cautions stipulé dans l'acte authentique du 11 décembre 2004,

- ordonner la restitution à leur profit de la somme de 47'204 euros sur les 57'765,43 euros actuellement détenus par Maître [K],

- allouer le surplus des sommes détenues par Maître [K] à la banque en exécution de leurs engagements de caution,

Plus subsidiairement,

vu l'article 1251, aujourd'hui 1346, du code civil,

vu l'article 2310 du code civil,

- condamner M. [N], d'une part, et Mme [H], d'autre part, à rembourser à chacun d'entre eux le quart de toute somme exposée par ces derniers excédant la quote-part leur incombant au titre dudit cautionnement,

En toute hypothèse,

vu le caractère abusif des agissements de la banque vis-à-vis d'eux et les préjudices en résultant,

- condamner la banque à leur payer une indemnité d'un montant équivalent aux intérêts dont se prévaut la banque à leur égard soit la somme de 53'458,33 euros, outre une somme de 10'000 euros en réparation du préjudice ayant résulté pour eux de la vente de leur logement,

- condamner la partie succombant à leur payer une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 30 novembre 2022, la banque demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1240, 2224, 2288, 2310 et suivants du code civil, L. 313-22 du code monétaire et financier, L. 341-4 du code de la consommation, de :

- la recevoir en ses conclusions, l'y déclarer bien fondée,

- débouter les époux [R] de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement,

par conséquent,

- condamner les époux [R] à lui payer et porter la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les appelants aux entiers dépens d'instance.

Par conclusions du 6 janvier 2023, M. [N] et Mme [H] épouse [O] (Mme [O]) demandent à la cour, au visa des articles 2224, 2230, 2231, 2305, 2306, 2310 (version antérieure à 2022) du code civil, de :

tenant l'absence de toute demande de la banque à leur égard,

- statuer ce que de droit sur la prescription de l'action de la banque à l'égard des époux [R],

-débouter les époux [R] de leur appel à leur égard,

- les recevoir en leur appel incident,

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que le point de départ du délai de prescription de l'action des époux [R] se situait à la date à laquelle ils avaient procédé au versement auprès de la banque et les a déboutés de leur demande tendant à voir juger prescrite l'action subrogatoire des époux [R] à leur encontre,

- juger que l'action des époux [R] est une action subrogatoire,

- juger l'action subrogatoire des époux [R] prescrite depuis le 9 avril 2015,

Subsidiairement,

- juger que la part contributive de Mme [O] dans ses relations avec ses cofidéjusseurs est nulle et doit être réduite en tout état de cause à l'euro symbolique au regard de la gestion irresponsable de la société par les époux [R] entre 2005 et 2013,

- juger que dans ses relations avec ses cofidéjusseurs, la part contributive de M. [N] doit être réduite à l'euro symbolique au regard de la gestion irresponsable de la société par les époux [R] entre 2005 et 2013,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les époux [R] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les mêmes à payer à chacun de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 21 novembre 2022, la SELARL [T] [K] notaire associé, venant aux droits de la SCP [S] [K] et [T] [K] notaires associés (la société de notaire), demande à la cour de :

- mettre hors de cause la SCP [S] et [T] [K],

- condamner la partie succombante à payer à la SCP [S] et [T] [K] la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mai 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aucune des parties ne demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a :

- ordonné, au détriment de la banque, la déchéance des intérêts échus depuis le 31 mars 2005 jusqu'au 18 mars 2009,

- dit que les paiements effectués par la société sont réputés, dans les rapports entre les époux [R] et la banque, effectués prioritairement au règlement du principal de la dette,

- débouté la banque de sa demande reconventionnelle en procédure abusive.

Le jugement est donc définitif sur ces points.

1. Sur la demande de mise hors de cause

La société de notaire sollicite la mise hors de cause de la SCP [S] et [T] [K] aux motifs que les époux [R] ont régularisé un appel général qui la contraint à se représenter devant la cour d'appel alors qu'elle n'est pas impliquée et qu'aucune demande ne peut être présentée à son encontre puisque aucune demande n'a été présentée en première instance.

Réponse de la cour

La cour observe que dans le dispositif de ses conclusions, la société de notaire sollicite, non pas sa mise hors de cause, mais celle de la SCP [S] [K] et [T] [K] notaires associés, aux droits de laquelle elle vient.

Il convient donc, conformément à la demande et en l'absence de toute contestation adverse, de mettre hors de cause la SCP [S] [K] et [T] [K] notaires associés.

2. Sur la demande de fixation de la créance de la banque

Les époux [R] demandent à la cour de fixer la créance de la banque à la somme de 67'346,97 euros, faisant valoir que :

- le jugement a prononcé la déchéance des intérêts échus entre le 31 mars 2005 et le 18 mars 2009 pour défaut d'information annuelle de la caution ;

- la banque produit un décompte des sommes dont elle prétend être créancière et se prévaut de 47'656,08 euros d'intérêts sur six ans, sans jamais donner le détail du calcul de ces intérêts ; or, la banque ne justifie pas de l'information annuelle de la caution et l'échéancier de 400 euros par mois accepté par la banque a rendu inopérant tout calcul d'intérêts de retard ;

- les règlements effectués par eux s'élèvent à 48'282,32 euros, somme supérieure à la moitié de la dette garantie d'un montant de 41'648,16 euros ;

- compte tenu de la décision du premier juge, le montant global des intérêts qui auraient dû être imputés à désintéresser le capital restant dû s'élève, de 2005 à 2009, à la somme de 21'957,27 euros.

La banque réplique qu'elle verse aux débats un décompte actualisé au 29 novembre 2022 laissant apparaître une créance de 153'732,58 euros à l'encontre de la société et donc des cautions. Elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé qu'elle n'avait à aucun moment accepté la suspension du cours des intérêts contractuels. Elle sollicite donc le débouté des appelants de leur demande de voir fixer sa créance à la somme de 67'346,97 euros.

M. [N] et Mme [O] indiquent reprendre à leur compte, à titre subsidiaire, les conclusions des époux [R] sur ce point et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que les paiements du débiteur principal et des époux [R] s'imputent sur le principal.

Réponse de la cour

Les époux [R] et la banque s'opposent sur le montant de la créance de cette dernière.

La banque affirme que sa créance s'élève à la somme de 153'732,58 euros arrêtée au 29 novembre 2022 sur la base d'un décompte couvrant la période du 14 avril 2008 au 29 novembre 2022.

Toutefois, la cour observe qu'alors que le prêt a été souscrit en décembre 2004 et que la banque sollicite la confirmation du jugement, notamment en ce qu'il a ordonné la déchéance des intérêts échus du 31 mars 2005 au 18 mars 2009, le décompte qu'elle produit ne couvre que la période postérieure au 14 avril 2008 et inclut des intérêts au taux de 8,05 % sur la période antérieure au 18 mars 2009, ce qui permet de considérer qu'il n'est pas conforme aux dispositions non contestées du jugement déféré. En conséquence, ce décompte ne peut servir de base à la fixation du montant de la créance de la banque à l'égard des époux [R].

Ces derniers se fondent quant à eux sur un décompte de créance établi le 21 décembre 2017 par l'huissier de justice mandaté par la banque, qui fait état d'une dette de 89'304,24 euros, ainsi décomposée :

principal 86'397,63 €

intérêts 58'584,08 €

versement direct LCL - 9 154,30 €

frais 1 759,15 €

------------------

S/total 137 786,56 €

à déduire, versements - 48'282,32 €

En l'absence de décompte actualisé et exact produit par la banque, il convient de retenir ce décompte de créance, sauf à déduire de la somme de 89'304,24 euros le montant des intérêts échus du 31 mars 2005 au 18 mars 2009, conformément aux dispositions non contestées du jugement attaqué. En l'absence de décompte de ces intérêts produit par la banque, la cour retient le calcul effectué par les époux [R] à hauteur de la somme totale de 21'957,27 euros.

Les époux [R] ne justifiant pas avoir effectué des versements excédant la somme de 48'282,32 euros déjà prise en compte dans le décompte de l'huissier de justice et le premier juge ayant justement retenu que la banque n'avait pas accepté de suspendre le cours des intérêts contractuels pendant l'échéancier accordé aux cautions, il convient de fixer la créance de la banque à leur encontre à la somme de 89'304,24 € - 21'957,27 € = 67'346,97 euros, arrêtée au 21 décembre 2017.

3. Sur la demande de restitution des sommes séquestrées par le notaire

3.1. Sur la demande principale en restitution de la totalité des sommes

Les époux [R] sollicitent la restitution de la somme de 57'765,43 euros encore séquestrés par le notaire. Ils font valoir que :

- la créance de la banque est éteinte par prescription depuis le 6 février 2017, de sorte que l'intégralité des fonds actuellement séquestrés par le notaire doit leur être restituée ; aucun acte positif, interruptif de prescription de la part de la banque n'est intervenu ; ils contestent depuis l'origine leur obligation d'avoir à supporter l'entièreté de la dette garantie, de sorte que l'on ne saurait admettre une reconnaissance de dette interrompant la prescription ;

- en n'entreprenant aucune démarche à l'encontre de M. [N] et de Mme [O] pour recouvrer sa créance, la banque a délibérément laissé prescrire ses droits vis-à-vis de ces derniers ; cette inaction de la banque leur porte incontestablement préjudice puisque, par son inaction, la banque a anéanti la subrogation légale dans ses droits et privilèges qu'ils tenaient; ils doivent donc être déchargés de leur engagement de caution par application de l'article 2314 du code civil.

La banque réplique que :

- sa créance n'est pas éteinte puisque le point de départ de la prescription se situe à la date du dernier paiement effectué, lequel est daté du 27 novembre 2017, et que les procédures engagées par les appelants aux fins de voir fixer la créance ont été initiées en 2014, puis en 2017, et qu'elles ont interrompu les délais faisant courir la prescription ;

- elle a respecté l'obligation d'information des cautions posées par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier en adressant les 18 mars 2009 et 18 mars 2010 des lettres d'information aux cautions, à leur domicile ; il convient dès lors de débouter les époux [R] de leur demande de non-paiement des pénalités ou intérêts de retard.

M. [N] et Mme [O] font valoir que :

- la banque disposait d'un délai de cinq ans à compter de l'ouverture de la procédure collective pour mettre en jeu une action contre les cautions, en vertu du titre exécutoire dont elle disposait, en application de l'article 2224 du code civil ; l'ouverture de la procédure collective est intervenue le 2 mars 2010 ; la banque qui ne produit pas sa déclaration de créance, produit une mis en demeure adressée aux époux [R] le 9 avril 2010 ; le point de départ du délai de cinq ans peut donc se situer à cette date en ce qui concerne l'action de la banque contre les époux [R] ; l'hypothèque judiciaire provisoire prise en 2010 et le commandement de payer délivré le 8 février 2012 ne sont pas des actes interruptifs de la prescription au sens des articles 2240 et suivants du code civil ;

- la créance de la banque est donc définitivement prescrite que ce soit à l'égard des époux [R] ou à leur égard, la banque n'ayant jamais mis en 'uvre la moindre mesure d'exécution forcée à leur encontre ;

- les versements imputés aux époux [R] entre 2012 et 2017, mais dont rien ne démontre qu'ils proviennent des époux [R] et non du liquidateur, ne sauraient être analysés comme interruptifs de la prescription, dès lors que ces derniers, parallèlement à ces versements, avaient agi en nullité de l'engagement de caution qui leur était opposé.

Réponse de la cour

* Sur la prescription

Selon l'article 2204 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Et selon l'article 2240 du même code, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

En l'espèce, les époux [R] soulèvent la prescription de la créance de la banque depuis le 6 février 2017, sans toutefois s'expliquer sur cette date, ainsi que l'a justement relevé le premier juge.

En tout état de cause, leur courrier du 26 février 2012 dans lequel ils sollicitent de la banque l'octroi de délais de paiement afin de s'acquitter de leur dette, les versements mensuels de 400 euros effectués entre 2012 et 2014 en application de l'échéancier consenti, puis leur courrier du 9 octobre 2017 dans lequel ils donnent instruction au notaire de libérer la somme de 37'482,32 euros au profit de la banque en paiement de « la part dont [ils] estim[ent] être redevables vis-à-vis de la banque dans le cadre du cautionnement actuellement débattu devant les tribunaux », constituent des actes de reconnaissance de la dette émanant des débiteurs, de nature à interrompre le délai de prescription conformément à l'article 2240 précité.

En conséquence, le premier juge a considéré à juste titre que la créance de la banque n'était pas prescrite.

* Sur la décharge de la caution

Selon l'article 2314 du code civil, en sa rédaction applicable au litige, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.

En l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a retenu que dans la mesure où les époux [R], M. [N] et Mme [O] se sont engagés en qualité de caution solidaire avec la société en renonçant au bénéfice de discussion et au bénéfice de division, le fait pour la banque d'agir uniquement à l'encontre des époux [R] ne peut être considéré comme fautif, de sorte que leur demande tendant à être déchargés de leur engagement sur le fondement de l'article 2314 du code civil doit être rejetée.

Pour confirmer le jugement sur ce point, la cour ajoute seulement que la question de l'engagement solidaire des époux [R] a été définitivement tranchée par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 13 décembre 2016 qui confirme le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 31 mars 2015 ayant débouté les époux [R] de leurs demandes tendant à voir déclarer non écrites les stipulations de solidarité insérées dans le cautionnement et à voir dire et juger que le montant de la créance dont dispose la banque à l'égard de chacun d'eux au titre de leur engagement de caution ne saurait excéder le quart de la créance déclarée au passif de la liquidation de la société.

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [R] de leur demande de restitution de la totalité des sommes séquestrées par le notaire.

3.2. Sur la demande subsidiaire en restitution de la somme de 47'204 euros

À titre subsidiaire, les époux [R] sollicite la restitution de la somme de 47'204 euros sur les 57'765,43 euros actuellement détenus par le notaire.

Toutefois, cette demande ne peut qu'être rejetée dès lors que la cour a fixé le montant de la créance de la banque à leur égard à la somme de 67'346,97 euros arrêtée au 21 décembre 2017, somme supérieure à celle séquestrée chez le notaire.

4. Sur la demande de remboursement formée contre les cofidéjusseurs

Les époux [R] soutiennent que M. [N] et Mme [O] sont conjointement tenus au titre de leur cautionnement à garantir le paiement de la dette de la société, pour s'être engagés en qualité de caution solidaire. Ils sollicitent donc leur condamnation, sur le fondement de l'article 2310 du code civil, à leur rembourser le quart des sommes qu'ils ont exposées et qui excèdent la quote-part leur incombant au titre du cautionnement.

A titre principal, M. [N] et Mme [O] demandent à la cour, par infirmation du jugement déféré, de déclarer cette demande irrecevable comme prescrite, aux motifs que les époux [R] agissant dans le cadre d'un recours subrogatoire fondé sur les articles 2306 et 1346 du code civil, leur action est soumise à la même prescription que celle applicable au droit du créancier et devait être engagée dans les cinq ans du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action, à savoir la date à laquelle la banque a eu connaissance de la liquidation judiciaire de la société, en l'espèce le 9 avril 2010.

À titre subsidiaire, ils demandent à la cour de réduire leur part contributive à l'euro symbolique, faisant valoir que :

- Mme [O] n'était pas associée ni intéressée à la gestion et aux bénéfices de la société, et M. [N] n'a jamais envisagé de participer à l'exploitation de la société et n'a jamais été tenu informé de la gestion de celle-ci, après y avoir pourtant injecté une grande partie de ses économies ;

- la gestion opaque de la société par les époux [R] a précipité la société en procédure collective.

Réponse de la cour

* Sur la recevabilité de la demande

Les époux [R] agissent tant au visa de l'article 1251 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, relatif à la subrogation de plein droit, qu'au visa de l'article 2310 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable au litige, relatif au recours personnel, qui dispose que lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion ; Mais ce recours n'a lieu que lorsque la caution a payé dans l'un des cas énoncés en l'article précédent.

Le recours personnel de l'article 2310 ancien s'exerçant après paiement dans les conditions définies à l'article 2309 du code civil, le premier juge a exactement retenu qu'il ne peut intervenir tant que la caution appelée par le créancier n'a pas payé, de sorte que le point de départ du délai de prescription de l'action ne saurait se situer à la date à laquelle le créancier a fait assigner la caution.

Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

* Sur le fond

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que :

- le recours d'une caution contre les autres n'est possible que dans la mesure où son paiement excède sa part et portion, et qu'entre cofidéjusseurs s'étant engagés à couvrir toute la dette, le recours s'opère, en principe, par parts viriles,

- l'acte authentique du 14 décembre 2004 prévoit que la caution s'engage solidairement avec le débiteur « au paiement de toutes sommes susceptibles d'être dues au titre du prêt faisant l'objet du présent acte ainsi que des primes de l'assurance décès invalidité si une assurance a été souscrite, le tout en principal, intérêts et accessoires, ces derniers étant constitués des commissions, intérêts et pénalités de retard »,

- en l'absence de dispositions contractuelles sur une éventuelle répartition entre les cautions, le recours exercé doit s'opérer par parts viriles.

Le décompte de créance daté du 21 décembre 2017, retenu plus avant par la cour pour fixer le montant de la dette des époux [R], fait état d'une créance de la banque d'un montant de 137'586,56 euros, dont il convient de déduire la somme de 21'957,27 euros au titre de la déchéance du droit aux intérêts, soit une dette de 115'529,29 euros.

La somme de 48'282,32 euros réglée par les époux [R] représentant moins de la moitié de cette dette, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que les appelants ne démontrent pas que leur paiement a excédé leur part et portion, et les a en conséquence déboutés de leur demande en paiement dirigée contre les cofidéjusseurs.

5. Sur l'action en responsabilité de la banque

Les époux [R] soutiennent que la banque doit voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil que leurs préjudices seront justement indemnisés par l'allocation d'une indemnité d'un montant égal aux intérêts dont la banque se prévaut, selon son décompte, outre une somme de 10'000 euros en réparation du préjudice résultant de la vente de leur maison. Ils font valoir qu'en s'acharnant sur les plus infortunées des cautions tout en laissant les autres, pourtant également tenues et bien plus fortunées, à l'abri de toute poursuite, la banque les a contraints à vendre leur logement, a désorganisé le mode de vie de la famille et les a tourmentés durablement sans raison objective.

La banque réplique que :

- les époux [R], ainsi que M. [N] et Mme [O] se sont portés cautions d'un même débiteur, pour la même dette, et sont donc obligés chacun à toute la dette ; en conséquence, il ne peut lui être reproché de n'avoir poursuivi que les époux [R] ;

- il ne tenait qu'aux époux [R], en application des articles 2305 et suivants du code civil, d'engager un recours contre les autres cautions.

Réponse de la cour

C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause, que la cour adopte sans qu'il y ait lieu de les paraphraser, que le premier juge a considéré que les époux [R] ne rapportent pas la preuve d'un abus de la banque dans son droit de leur réclamer la paiement de l'intégralité de sa créance, et partant, la responsabilité de la banque, et les a en conséquence déboutés de leurs prétentions indemnitaires.

En cause d'appel, force est de relever que les époux [R] ne font valoir aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause la décision rendue par le tribunal qui est dès lors confirmée.

6. Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive en appel

Le droit d'exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de son droit qui ne saurait résulter du seul rejet de ses prétentions.

Faute pour la banque d'établir un tel abus, sa demande de dommages-intérêts est rejetée.

7. Sur les frais irrépétibles et dépens

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Les époux [R], partie perdante en appel, sont condamnés aux dépens d'appel et à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

la somme de 1 500 euros à la banque,

celle de 800 euros à M. [N] et Mme [O],

celle de 800 euros à la société de notaire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Met hors de cause la SCP [S] [K] et [T] [K] notaires associés,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Fixe la créance de la société LCL Crédit Lyonnais à l'égard de M. [U] [R] et Mme [D] [N] épouse [R] à la somme de 67'346,97 euros arrêtée au 21 décembre 2017,

Déboute la société LCL Crédit Lyonnais de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne in solidum M. [U] [R] et Mme [D] [N] épouse [R] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

la somme de 1 500 euros à la société LCL Crédit Lyonnais ,

celle de 800 euros à M. [V] [N] et Mme [L] [H] épouse [O], unis d'intérêt,

celle de 800 euros à la SELARL [T] [K] notaire associé,

Condamne in solidum M. [U] [R] et Mme [D] [N] épouse [R] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/05430
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;22.05430 ?
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