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11/06/2024 | FRANCE | N°22/02710

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 11 juin 2024, 22/02710


N° RG 22/02710 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OHRO









Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 17 février 2022



RG : 20/09317

ch n°1 cab 01 B





[Y]



C/



[T]

[T]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 11 Juin 2024







APPELANTE :



Mme [W], [G] [Y]

née le [Date

naissance 2] 1958 à [Localité 17] (69)

[Adresse 11]

[Localité 13]



Représentée par Me Thierry DUPRE, avocat au barreau de LYON, toque : 264



INTIMEE:



Mme [A] [X], décédée le [Date naissance 1] 2022





PARTIES INTERVENANTES :



M. [M] [T] ès-qualité d'héritier de Mm...

N° RG 22/02710 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OHRO

Décision du

Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond

du 17 février 2022

RG : 20/09317

ch n°1 cab 01 B

[Y]

C/

[T]

[T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 11 Juin 2024

APPELANTE :

Mme [W], [G] [Y]

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 17] (69)

[Adresse 11]

[Localité 13]

Représentée par Me Thierry DUPRE, avocat au barreau de LYON, toque : 264

INTIMEE:

Mme [A] [X], décédée le [Date naissance 1] 2022

PARTIES INTERVENANTES :

M. [M] [T] ès-qualité d'héritier de Mme [A] [X]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Mme [H] [T] épouse [P] ès-qualité d'héritier de Mme [A] [X]

[Adresse 7]

[Localité 12]

M. [C] [T] ès-qualité d'héritier de Mme [A] [X]

[Adresse 8]

[Localité 14]

M. [S] [T] ès-qualité d'héritier de Mme [A] [X]

[Adresse 5]

[Localité 12]

tous représentés par Me Jeanne CIUFFA de la SELARL CABINET CIUFFA, avocat au barreau de LYON, toque : 1194

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 16 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Mars 2024

Date de mise à disposition : 11 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mr [J] [Y] s'est marié le [Date naissance 3] 1999 en secondes noces avec Mme [A] [X] sous le régime de la séparation de biens.

Mr [J] [Y] est décédé le [Date décès 6] 2019 laissant pour recueillir sa succession :

- son épouse survivante, Mme [A] [X],

- ses six enfants issus de sa première union dont Mme [W] [Y].

Mr [J] [Y] a souscrit le 16 janvier 2006 un contrat d'assurance vie auprès de la société [16] désignant comme bénéficiaire son épouse, Mme [A] [X], et à défaut ses enfants et les enfants de son épouse.

Par testament olographe en date du 6 mars 2007, Mr [Y] a institué Mme [A] [X] légataire universelle de sa succession.

La clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie a été modifiée en mars 2013 et prévoit qu'en cas de vie de l'assuré, les sommes dues lui seront versées, et qu'en cas de décès, les sommes seront versées aux bénéficiaires désignés ci-après :

- mon épouse Mme [A] [Y] née [X] à 100 %,

- à défaut 30 % à Mme [V] [D] née [Y], 30 % à Mme [W] [D] née [Y], 10 % à Mme [H] [P] née [T], 10 % à Mr [C] [T], 10 % à Mr [S] [T] et 10 % à Mr [M] [T].

Les consorts [T] étant les enfants de Mme [A] [X].

Au décès de Mr [Y], le montant des placements sur le contrat d'assurance vie s'élevait à 171.827 €.

Par jugement du juge des tutelles en date du 22 octobre 2020, Mme [A] [X] veuve [Y] a fait l'objet d'une mesure d'habilitation familiale, Mr [M] [T] et Mme [H] [P] née [T] étant habilités pour la représenter de manière générale.

Par acte d'huissier du 24 novembre 2020, Mme [W] [Y] a fait assigner Mr [M] [T] et Mme [H] [P] née [T] en leur qualité de représentant de Mme [A] [X] devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de rapport de la somme de 148.939 € à l'actif de la succession de Mr [J] [Y].

Par jugement du 17 février 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- débouté Mme [W] [Y] de sa demande de rapport à la succession de Mr [J] [Y] des primes versées au contrat d'assurance vie auprès de la société [16] sous le N° 90009310203388,

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [W] [Y] aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.

Par déclaration du 12 avril 2022, Mme [W] [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Mme [A] [X] est décédée le [Date décès 10] 2022.

Mme [Y] a appelé en cause ses héritiers, Mme [H] [P] née [T], Mr [C] [T], Mr [S] [T] et Mr [M] [T], ci-après les consorts [T].

Aux termes de ses conclusions déposées le 25 janvier 2023, Mme [W] [Y] demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon, le 17 février 2022,

et statuant à nouveau,

- ordonner à Mr [M] [T], Mme [H] [T] épouse [P], Mr [C] [T] et Mr [S] [Z] [T] de rapporter à l'actif de la succession la somme de 148.939 € représentant le montant total des primes versées par Mr [J] [Y] sur le contrat d'assurance vie formule autonomie ouvert auprès de la société [16] sous le n°90009310203388,

à titre subsidiaire,

- requalifier le contrat d'assurance vie formule autonomie ouvert par Mr [J] [Y] auprès de la société [16] sous le n°90009310203388 en donation indirecte,

- ordonner la réduction des primes versées sur ce contrat d'assurance-vie à la quotité disponible,

en toutes hypothèses,

- renvoyer au notaire désigné le calcul de l'indemnité de réduction due par les intimés,

- condamner Mr [M] [T], Mme [H] [T] épouse [P], Mr [C] [T] et Mr [S] [Z] [T] à lui payer une somme de 3.000 € pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et 3.500 € pour ceux exposés en cause d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,,

- condamner Mr [M] [T], Mme [H] [T] épouse [P], Mr [C] [T] et Mr [S] [Z] [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Dupré, avocat sur son affirmation de droit.

Aux termes de ses conclusions déposées le 1er mars 2023, Mr [M] [T], Mme [H] [T] épouse [P], Mr [C] [T] et Mr [S] [T] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 17 février 2022,

y ajouter,

- condamner l'appelant au paiement d'une somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1° sur la demande de réintégration des primes :

Mme [Y] demande à la cour d'ordonner aux consorts [T] en leur qualité d'héritiers de Mme [A] [X] de rapporter à l'actif de la succession de Mr [J] [Y] le montant des primes versées par celui-ci sur un contrat d'assurance vie.

Elle soutient que les versements effectués par Mr [Y] pour un total de 50.755 € entre janvier 2006 et septembre 2017, puis le versement d'une somme de 98.184 € entre avril 2010 et avril 2011 avaient un caractère manifestement excessif au regard de son âge et de sa situation familiale et patrimoniale.

Elle fait valoir notamment que :

- depuis 2006, toutes les économies du couple ont été placées sur le contrat d'assurance vie et que Mr [Y] y a versé la quasi-totalité de son épargne, ce qui est très exagéré,

- en avril 2010, il a été contraint de vendre des biens immobiliers venant de la succession de son père afin de réaliser des travaux dans sa maison,

- à compter d'avril 2011, ses revenus ont été complètement absorbés par ses charges et il a pourtant continué à effectuer des versements sur les contrats d'assurance vie l'obligeant à puiser sur ses comptes bancaires pour faire face à l'entretien du couple,

- de même, le versement sur le contrat d'une somme de 98.184 € entre avril 2010 et avril 2011 représentant les 2/3 du produit de la vente de biens immobiliers lui venant de la succession de son père était exagéré alors qu'âgé de 86 ans, il ne pouvait tirer aucun bénéfice ou utilité de ce versement.

Les consorts [T] déclarent que les primes versées jusqu'en avril 2010 provenaient des loyers perçus par Mr [Y] qui lui permettaient de mettre des sommes de côté, à l'époque et au regard de ses facultés financières et patrimoniales, les sommes placées n'étaient manifestement pas excessives et enfin la somme de 98.000 € versée entre avril 2010 et avril 2011 provenant de la vente de biens qu'il détenait à [Localité 15] n'était pas excessive au regard de son patrimoine.

Sur ce :

L'article L 132-13 du code des assurances dispose que le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant et que ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Les premiers juges ont justement rappelé que le caractère manifestement exagéré s'apprécie au moment du versement des primes en considération de l'âge, des situations familiales et patrimoniales du souscripteur ainsi que de l'utilité du contrat par le souscripteur.

Par une exacte appréciation des éléments de la cause, une analyse détaillée des pièces et des motifs pertinents adoptés par la cour, le tribunal a justement retenu que :

- Mr [J] [Y] percevait une pension de retraite de 1.450 € par mois, laquelle jusqu'en avril 2010 était complétée par les loyers qu'il percevait de ses biens immobiliers pour un montant d'environ 1.000 € par mois,

- les versements effectués sur la même période (janvier 2006 à avril 2010) sur le contrat d'assurance vie, soit au total 44.693 € et une moyenne de 900 € par mois n'étaient constitutifs d'aucune exagération manifeste au regard de ses revenus mensuels de 2.450 € et alors qu'il était propriétaire de la maison où il vivait,

- à compter d'avril 2010, date de la vente de biens immobiliers, il ne percevait plus de loyers, mais il n'a versé entre le 1er avril 2011 et le 26 septembre 2017 au titre de primes courantes qu'une somme de 6.062 € ce qui là encore ne peut être considéré comme étant manifestement exagéré,

- il n'est pas davantage démontré que les sommes versées par Mr [Y] entre avril 2010 et avril 2011 pour un montant de 98.184 € étaient préjudiciables au regard de sa situation familiale et patrimoniale alors que ces versements sont intervenus à la suite de la vente de biens immobiliers lui appartenant et qu'il est décédé plus de huit ans après ce versement.

La cour ajoute que cette opération n'a nullement eu pour effet de dépouiller Mr [Y] de son patrimoine alors qu'il était propriétaire d'un bien immobilier situé à Mornand, dont la valeur à l'époque n'est pas connue mais qui sera revendue par les héritiers en 2022 au prix de 400.000 €, et de liquidités de l'ordre de 50.000 € et qu'en tout état de cause, il pouvait à tout moment user de la faculté de rachats prévue au contrat.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [W] [Y] de sa demande de réintégration à l'actif de la succession de Mr [Y] des sommes versées sur son contrat d'assurance vie.

2° sur la demande de requalification du contrat en donation indirecte et de réduction des primes versées à la quotité disponible :

Mme [W] [Y] déclare à titre subsidiaire que le contrat d'assurance vie doit être requalifié de donation indirecte, sujette à réduction, dés lors que les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable, que cette libéralité excède la quotité disponible et que Mr [Y] a voulu contourner les règles de la réserve héréditaire afin d'avantager son épouse.

Les consorts [T] répliquent que la somme de 98.000 € versée à compter d'avril 2010 était en deçà de la quotité disponible et n'était manifestement pas excessive par rapport au patrimoine de Mr [Y].

Sur ce :

Il convient de rappeler que l'article L 132-13 institue une dispense de rapport et de réunion fictive pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible et que les règles du rapport et de la réduction spécifiques au droit des successions n'ont vocation à s'appliquer que lorsque les primes présentent un caractère manifestement exagéré ce qui n'est pas le cas en l'espèce ainsi qu'il a été jugé plus haut.

Ajoutant au jugement, il y a lieu de rejeter les demandes de Mme [Y] en requalification du contrat d'assurance vie en donation indirecte et en réduction des primes.

3° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les dépens d'appel sont la charge de Mme [Y] qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts [T] en cause d'appel et il leur est alloué à ce titre la somme de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris ;

y ajoutant,

Déboute Mme [W] [Y] de sa demande en requalification du contrat d'assurance vie en donation indirecte et en réduction des primes.

Condamne Mme [W] [Y] à payer en cause d'appel aux consorts [T], unis d'intérêt, la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [W] [Y] aux dépens de l'instance d'appel.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 22/02710
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;22.02710 ?
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