N° RG 22/02443 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OG3R
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond
du 02 février 2022
RG : 15/05891
ch n°
[X]
[X]
C/
[P]
[D]
[I]
[YR] VEUVE [UH]
[E]
[G]
[G]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 11 Juin 2024
APPELANTS :
M. [TX] [X]
né le 23 Août 1973 à [Localité 21] (CAMBODGE)
[Adresse 15]
[Localité 14]
Mme [FP] [X] ès-qualités d'héritière de Mme [B] [T] [H] [N], décédée le 5 mars 2018
née le 19 Janvier 2000 à [Localité 17]
[Adresse 15]
[Localité 14]
Représentés par Me Guillaume ROSSI de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON, toque : 538
INTIMES :
M. [U] [P]
né le 26 Juin 1966 à [Localité 19]
[Adresse 8]
[Localité 14]
Mme [KE] [D] épouse [P]
née le 10 Juillet 1968 à [Localité 12]
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représentées par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
ayant pour avocat plaidant Me Marine BERTHIER, avocat au barreau de LYON, toque : 75
Mme [B] [YR] VEUVE [UH]
née le 31 Mai 1964 à [Localité 17] (RHONE)
[Adresse 6]
[Localité 14]
M. [V] [G]
né le 09 Novembre 1972 à [Localité 23](RHONE)
[Adresse 7]
[Localité 14]
Mme [A] [G]
née en à [Localité 23] (RHONE)
[Adresse 7]
[Localité 14]
tous les trois représentés par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Représentée par Me Pascale BURDY-CLEMENT, avocat au barreau de LYON, toque : 142
PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES :
Monsieur [C] [O] [W]
né le 29 décembre à [Localité 20]
[Adresse 7]
[Localité 14]
Madame [L] [FK] [UM], épouse [W]
née le 29 mars 1974 à [Localité 18]
demeurant [Adresse 7]
[Localité 14]
représentés par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
ayant pour avocat plaidant Me Pascale BURDY-CLEMENT, avocat au barreau de LYON, toque : 142
APPELEES EN INTERVENTION FORCEE :
M. [Z] [ZB]
né le 29 Mai 1986 à [Localité 16]
[Adresse 8]
[Localité 14]
Mme [F] [K]
née le 12 Octobre 1986 à [Localité 11] (80)
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représentés par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
ayant pour avocat plaidant Me Marine BERTHIER, avocat au barreau de LYON, toque : 75
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 16 Mars 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Mars 2024
Date de mise à disposition : 11 Juin 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [TX] [X] et Mme [B] [N] étaient propriétaires indivis de deux parcelles situées [Adresse 15], à [Localité 14] (métropole de [Localité 17]), soit la parcelle [Cadastre 2] comprenant une maison d'habitation avec jardin et la parcelle de terrain [Cadastre 3]. Les deux parcelles sont séparées par la parcelle [Cadastre 1].
Par acte d'huissier de justice des 10 et 12 mars 2015, M. [X] et Mme [N] ont fait assigner M. [U] [P] et Mme [KE] [D] épouse [P] (les époux [P]), M. [Y] [UH] et Mme [B] [YR] épouse [UH] (les époux [UH]), M. [J] [E] et Mme [S] [I] épouse [E] (les époux [E]), M. [V] [G] et Mme [A] [G] (les époux [G]), ainsi que M. [PI] [M] devant le tribunal de grande instance de Lyon afin d'obtenir l'instauration d'une servitude de passage au profit de la parcelle [Cadastre 3] qui est selon eux enclavée, soit au nord, sur les parcelles des époux [G], [UH] et [E], soit au sud, sur les parcelles de M. [M] et des époux [P].
Suite au décès de Mme [N], sa fille, Mme [FP] [X], est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'héritière.
Le 29 mars 2019, M. [M] a vendu sa propriété à M. [Z] [ZB] et Mme [F] [K] (les consorts [ZB]-[K]).
Par jugement du 2 février 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- débouté M. [TX] [X] et Mme [FP] [X] (les consorts [X]) de leurs demandes,
- constaté l'exécution provisoire,
- condamné les consorts [X] à payer aux époux [P], d'une part, et aux consorts [E]-[G] et [UH], d'autre part, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les consorts [X] aux dépens,
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens distraits au profit de Maître Marine Berthier et Burdy Clément sur leur affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 31 mars 2022, les consorts [X] ont relevé appel du jugement.
Par assignation du 24 juin 2022, ils ont appelé en intervention forcée les consorts [ZB]-[K].
Après avoir acquis des époux [E], le 30 septembre 2021, une maison d'habitation située [Adresse 5] à [Localité 14], ainsi que le tiers indivis d'une parcelle à usage de voirie privée cadastrée AB [Cadastre 4], M. [C] [O] [W] et Mme [L] [FK] [UM] épouse [W] (les époux [W]) sont intervenus volontairement à l'instance.
Par ordonnance du 15 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard des époux [E].
Par une seconde ordonnance du 3 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a notamment constaté que les consorts [X] ont exécuté le jugement et que la demande de radiation est en conséquence devenue sans objet, et a dit que le conseiller de la mise en état est incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [ZB]-[K] qui relève de la seule compétence de la cour.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 21 décembre 2022, les consorts [X] demandent à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement,
et, statuant à nouveau :
- prendre acte de l'assignation en intervention forcée délivrée à l'encontre des consorts [ZB]-[K],
- débouter les époux [W], les consorts [G]-[UH], les consorts [ZB]-[K] et les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- juger que leur parcelle [Cadastre 3] est enclavée et que le droit de passage sur la parcelle [Cadastre 1] ne leur permet pas d'y accéder notamment avec un véhicule,
- à titre principal, fixer l'assiette de la servitude de passage bénéficiant à la parcelle [Cadastre 3] sur la partie de la parcelle indivise [Cadastre 4] des consorts [G]-[UH] et des époux [W] ou sur la partie des parcelles indivises [Cadastre 10] et [Cadastre 9] appartenant aux époux [P] et aux consorts [ZB]-[K],
- à titre subsidiaire, fixer l'assiette de la servitude de passage sur la partie des parcelles indivises [Cadastre 10] et [Cadastre 9] appartenant aux époux [P] et aux consorts [ZB]-[K],
- à titre infiniment subsidiaire, fixer l'assiette de la servitude de passage sur la partie de la parcelle indivise [Cadastre 4] des consorts [G]-[UH] et des époux [W],
- fixer l'indemnité à la somme de 5 000 euros,
- condamner in solidum, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, les époux [G] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, les époux [UH] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, les époux [W] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, les époux [P] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, les consorts [ZB]-[K] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2022, M. [V] [G], Mme [A] [G] et Mme [B] [YR] veuve [UH] et les époux [W] (les consorts [G]-[UH]-[W]) demandent à la cour de :
- déclarer recevable l'intervention volontaire des époux [W],
à titre principal,
- débouter les consorts [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à leur encontre,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement
Y ajoutant,
- condamner in solidum les consorts [X] à régler :
aux époux [G] la somme de 1 500 euros,
à Mme [UH] la somme de 1 500 euros,
aux époux [W] la somme de 1 500 euros,
en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
subsidiairement si la cour déclare la parcelle [Cadastre 3] enclavée,
- fixer un droit de passage au profit de la parcelle [Cadastre 3] sur les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] qui constituent la voie d'accès au lotissement des [Localité 13],
- condamner in solidum les consorts [X] à régler à :
aux époux [G] la somme de 1 500 euros,
à Mme [UH] la somme de 1 500 euros,
aux époux [W] la somme de 1 500 euros,
en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner en tous les dépens de l'instance distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet, avocat.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 10 février 2023, les époux [P] demandent à la cour de :
- débouter les consorts [X] de leur appel,
à titre principal,
- débouter les consorts [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à leur encontre à raison de l'absence d'état d'enclave,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
subsidiairement,
- débouter les consorts [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à leur encontre à raison de l'absence de réunion des conditions requises par l'article 682 du code civil,
- débouter les consorts [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à leur encontre à l'encontre dès lors que la servitude revendiquée peut s'exercer sur la parcelle [Cadastre 4] du lotissement Goiffon,
- débouter les consorts [G]-[UH]-[W] de leurs demandes tendant à fixer un droit de passage au profit de la parcelle [Cadastre 3] sur les parcelles [Cadastre 9] et 2017,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
plus subsidiairement, si par impossible il était fait droit à la demande des appelants en établissement de servitude,
- condamner in solidum les consorts [X] à leur payer la somme de 250 000 euros en application de l'article 682 du code civil au titre de l'indemnité proportionnée et en application de l'article 1240 du même code en réparation des préjudices subis,
- débouter les consorts [X] de toutes leurs autres demandes,
en tous les cas, y ajoutant,
- condamner in solidum les consorts [X] à leur payer la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les consorts [X] aux dépens avec droit au profit de Maître [FK] de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 10 février 2023, les consorts [ZB]-[K] demandent à la cour de :
à titre principal,
vu l'article 555 du code de procédure civile,
- déclarer comme étant irrecevable l'appel en intervention forcée devant la cour formé par les consorts [X] à leur encontre,
à titre subsidiaire
vu les servitudes déjà existantes au profit de la parcelle cadastrée section AB [Cadastre 3],
vu le cahier des charges du lotissement Goiffon,
vu les articles 4 et suivants du code de procédure civile
vu les dispositions des articles 682, 683 et 684 du code civil,
- débouter les consorts [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à leur encontre comme étant irrecevables et en raison de l'absence d'état d'enclave,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter les consorts [X] de toutes leurs demandes au fond, fins et conclusions à leur encontre à raison de l'absence de réunion des conditions requises par l'article 682 du code civil,
- débouter les consorts [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à leur encontre dès lors que la servitude revendiquée peut s'exercer sur la parcelle [Cadastre 4] du lotissement Goiffon,
- débouter les consorts [G]-[UH]-[W] de leurs demandes tendant à fixer un droit de passage au profit de la parcelle [Cadastre 3] sur les parcelles [Cadastre 9] et 2017,
encore plus subsidiairement
- condamner in solidum les consorts [X] à leur payer la somme de 50 000 euros en application de l'article 682 du code civil au titre de l'indemnité proportionnée,
en tous les cas,
- condamner in solidum les consorts [X] à leur payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les consorts [X] aux dépens avec droit au profit de Maître [FK] de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mars 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIVATION
1. Sur l'intervention volontaire des époux [W]
Selon l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Les époux [W] justifiant d'un intérêt à intervenir à l'instance d'appel en leur qualité de propriétaires indivis de la parcelle [Cadastre 4], il convient de recevoir leur intervention volontaire.
2. Sur la recevabilité de l'intervention forcée des consorts [ZB]-[K]
Les consorts [ZB]-[K] soulèvent l'irrecevabilité de la demande d'intervention forcée dont ils font l'objet sur le fondement de l'article 555 du code de procédure civile, faisant valoir que :
- la subrogation stipulée dans l'acte de vente du 29 mars 2019 n'a pas pour effet de rendre les acquéreurs parties à l'instance et leur rendre le jugement opposable ;
- les consorts [X] qui savaient dès l'audience de plaidoiries du 18 décembre 2019 que M. [M] avait cédé son bien, n'ont pas assigné les nouveaux propriétaires, se contentant de demander au tribunal de constater une subrogation des acquéreurs dans les droits de M. [M], demande sur laquelle le tribunal n'a pas statué considérant qu'elle ne constituait pas une prétention ;
- la vente du 29 mars 2019 a été révélée aux consorts [X] avant le jugement dont appel, de sorte que les données juridiques du litige n'ont pas été modifiées.
Les consorts [X] soutiennent que leur demande d'intervention forcée est recevable aux motifs que :
- l'acte de vente du 29 mars 2019 par lequel M. [M] a vendu sa propriété aux consorts [ZB]-[K] stipule que ces derniers sont subrogés dans les droits du vendeur dans la procédure en cours ; la subrogation, prévue par acte authentique, vaut citation ;
- le tribunal judiciaire a été informé de cette subrogation par une note en délibéré du 14 novembre 2019 mais ne l'a pas prise en compte.
Réponse de la cour
Il résulte des articles 554 et 555 du code de procédure civile que les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité, peuvent être appelées devant la cour d'appel, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
Selon une jurisprudence constante et publiée, l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, au sens de l'article 555, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige (Ass. plén., 11 mars 2005, pourvoi n° 03-20.484, publié).
En l'espèce, il ressort de la note en délibéré adressé le 14 novembre 2019 par le conseil des consorts [X] au tribunal de grande instance de Lyon que :
- la vente par M. [M] de sa propriété aux consorts [ZB]-[K] avait été évoquée lors de l'audience qui s'est tenue le 7 novembre 2019 devant les premiers juges,
- la question de « la dénonce de la procédure en cours aux nouveaux propriétaires » avait alors été posée,
- le conseil des consorts [X] n'a pas sollicité la réouverture des débats pour appeler en la cause les consorts [ZB]-[K] mais a demandé au tribunal de « bien vouloir prendre acte dans le cadre du dispositif du jugement de la subrogation des acquéreurs [...] dans les droits des vendeurs », en application de la clause insérée dans l'acte de vente en pages 13 et 14.
Il résulte de ce qui précède que les consorts [X] étaient informés du transfert de propriété antérieurement au prononcé du jugement déféré, de sorte qu'il ne peut être retenue la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.
Par ailleurs, il importe peu qu'une clause de l'acte de vente stipule que « l'acquéreur sera subrogé dans les droits du vendeur et fera la perte ou le profit de [la] procédure [engagée par les consorts [X]] à compter de la signature de l'acte authentique de vente », cette clause n'ayant pas pour effet de conférer aux consorts [ZB]-[K] la qualité de parties à l'instance devant le tribunal et ne valant pas, contrairement à ce que soutiennent les consorts [X], citation.
Aussi convient-il de déclarer les consorts [X] irrecevables en leur demande d'intervention forcée des consorts [ZB]-[K] devant la cour d'appel.
3. Sur la demande de désenclavement
Les consorts [X] demandent à la cour de constater l'état d'enclavement de leur parcelle [Cadastre 3] et d'instaurer une servitude de passage à leur bénéfice sur la parcelle [Cadastre 4], propriété indivise des consorts [G]-[UH]-[W], ou sur les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10], propriétés des époux [P] et des consorts [ZB]-[K]. Ils soutiennent que :
- il est de jurisprudence constante que même si un fonds a une issue à pied suffisante sur la voie publique, il y a enclave dès lors que le passage en véhicule automobile est insuffisant;
- ils bénéficient, au terme de l'acte de vente notariée de 1987, d'un droit de passage piéton entre leurs deux parcelles, qui se situe en partie sous la parcelle [Cadastre 1] appartenant aux époux [OY] ; l'accès à ce passage se fait par l'une des pièces de leur maison et se poursuit en petit chemin étroit jusqu'à la parcelle de jardin ; dès lors, le passage d'un véhicule afin d'accéder à leur jardin est impossible ; ce droit de passage ne peut être modifié sous peine de détruire la maison d'habitation des consorts [OY], ce que confirme un constat d'huissier dressé le 23 mai 2022 ; il en résulte qu'une procédure à l'encontre des consorts [OY] se serait révélée inutile ;
- la parcelle [Cadastre 3] est longée par deux allées privatives, carrossables : d'une part, les parcelles indivises [Cadastre 10] et [Cadastre 9] qui constituent une voie commune du lotissement, appartenant aux époux [R] et aux consorts [ZB]-[K], d'autre part, la parcelle indivise [Cadastre 4], qui est un chemin d'accès privatif pour desservir les lots appartenant aux consorts [G]-[UH]-[W] ; le passage demandé ne créerait donc aucun dommage aux fonds servants ;
- il existe deux solutions : à titre principal, ils s'en remettent à la cour sur le choix de la parcelle au regard des arguments des intimés ; à titre subsidiaire, ils demandent que soient retenues les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10], au motif que le trajet est plus court pour accéder à la voie publique et que ces parcelles proviennent de la division d'un plus grand fonds ; à titre infiniment subsidiaire, ils demandent de fixer le droit de passage sur la parcelle [Cadastre 4].
Les consorts [G]-[UH]-[W] répliquent que :
- il ressort de l'extrait d'acte d'acquisition [OY] que la parcelle [Cadastre 1] est grevée d'une servitude de passage au profit des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] pour désenclaver cette dernière et permettre à ses propriétaires d'accéder à leur jardin ; une servitude de passage étant d'ores et déjà établie sur la parcelle [Cadastre 1] par un titre, le désenclavement ne peut s'exercer que sur cette parcelle et la demande de désenclavement est dénuée de tout fondement juridique ;
- les difficultés auxquelles sont confrontées les consorts [X], qui relèvent de l'assiette de passage et des modalités d'exercice de la servitude grevant le fonds 119, ne concernent que les consorts [X] et le propriétaire de cette parcelle [Cadastre 1], lequel n'a jamais été attrait dans la cause ; cette situation suffit à déclarer infondée leur demande de prétendu désenclavement sur les fonds voisins ;
- en application de l'article 684 du code civil, la cour ne pourra que rejeter la demande de désenclavement dirigée à leur encontre, dès lors que les parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 9], 2107 sont issues de la division d'un fonds plus important qui est la cause de l'état d'enclave de la parcelle [Cadastre 3] et leurs parcelles ne sont pas concernées par la division de ce fonds ;
- en application de l'article 683 du même civil, le désenclavement ne peut s'envisager que sur la voie commune du lotissement, c'est-à-dire sur les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10], puisqu'elle constitue le passage du côté où le trajet est le plus court et à l'endroit le moins dommageable;
- la création de la servitude, qui implique le passage de canalisations tréfonds, impliquerait des travaux d'affouillement du sol qui ne poseraient aucune difficulté sur les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10], à ce jour non goudronnées ; à l'inverse, de tels travaux endommageraient le chemin d'accès de la parcelle [Cadastre 4] viabilisé et parfaitement entretenu.
Les époux [P] font valoir que :
- la parcelle [Cadastre 3] n'est pas enclavée au sens de l'article 682 du code civil ; en effet, l'acte de vente du 23 juin 1987 ne contenant aucune mention du bénéfice d'une servitude de passage pour desservir la parcelle [Cadastre 3], il y a lieu d'en déduire l'existence d'une servitude par destination de père de famille ; cette servitude a été mentionnée dans l'acte contenant vente à [OY] de la parcelle [Cadastre 1] ; la parcelle [Cadastre 3] étant un jardin, le propriétaire du fonds dominant est en droit de faire passer des engins pour le cultiver et l'entretenir, et son assiette ne saurait être réduite au passage décrit par les consorts [X] puisque l'accès peut avoir lieu en tous points de la parcelle [Cadastre 1] et notamment par le chemin d'accès [Cadastre 4] au lotissement Goiffon ;
- les demandeurs à la constitution d'une servitude de passage doivent mettre en cause tous les propriétaires dont les fonds confinent le leur ;
- les consorts [X] ont reconnu que le passage s'est toujours fait par le lotissement Goiffon et cette tolérance, qui n'est pas contestée, est constitutive d'un droit de passage ; si la servitude de passage ne peut s'acquérir par prescription, en application de l'article 685 du code civil, son assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminées par 30 ans d'usage continu ; sous réserve de la prescription abrégée, il n'est pas contesté et même revendiqué que les propriétaires de la parcelle [Cadastre 3] sont toujours passés par le chemin voirie du lotissement Goiffon ;
- la servitude de passage telle qu'elle résulte de l'acte de vente [OY] ou de la tolérance et de la prescription sur la voirie du lotissement Goiffon n'a été entravée par quiconque ; les consorts [X] sont déjà remplis de leurs droits et la servitude actuelle est conforme à l'utilité du fonds qui est un jardin ; il n'est d'ailleurs pas établi la preuve que la parcelle [Cadastre 3] est susceptible d'être construite ;
- rien dans les titres formant l'origine de propriété n'établit que les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] seraient issues, avec les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10], d'un fonds plus important ;
- la voirie des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] ne serait pas l'endroit le moins dommageable étant donné qu'elle est viabilisée et goudronnée, alors que le goudronnage de la parcelle [Cadastre 4] est vétuste et abîmé ;
- l'éventuelle servitude de passage doit être prise sur la voirie du lotissement Goiffon pour les trois raisons suivantes :
en application de la servitude résultant de la tolérance et de la prescription, et le cas échéant de celle existant sur la parcelle [Cadastre 1],
en application des dispositions des articles 682 à 684 du code civil,
en application du cahier des charges du lotissement Goiffon.
Réponse de la cour
Selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.
Et selon l'article 683 du même code, le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique.
Néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.
Encore, selon l'article 684, si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.
Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable.
Enfin, en application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, pour débouter les consorts [X] de leurs demandes, le tribunal a exactement retenu que :
- alors que les consorts [X] reconnaissent l'existence d'un droit de passage conventionnel dont les débiteurs sont les propriétaires de la parcelle [Cadastre 1], ils n'ont pas assigné les consorts [OY], propriétaires actuels de ladite parcelle, empêchant que ceux-ci puissent s'expliquer sur l'impossibilité de leur laisser l'usage d'un passage suffisant au sens de l'article 682 précité,
- ils n'ont fourni aucun élément de fait démontrant l'emplacement et l'assiette de leur servitude actuelle et permettant d'apprécier le bien-fondé de leurs demandes,
- ils ne prouvent pas que ce passage indéterminé est insuffisant pour accéder à la voie publique et ils n'ont pas sollicité de mesure d'expertise.
En cause d'appel, les consorts [X] n'ont pas appelé en la cause les consorts [OY], se contentant d'affirmer qu'une procédure à l'encontre de ces derniers serait inutile au motif que le droit de passage fermé qui s'exerce sur la parcelle [Cadastre 1] ne peut être modifié sous peine de détruire la maison d'habitation des consorts [OY], ce que confirmerait le constat d'huissier établi postérieurement au jugement attaqué.
Toutefois, la cour observe que si le procès-verbal de constat établi le 23 mai 2022 par Maître [FV], huissier de justice à [Localité 22], décrit l'accès à la parcelle [Cadastre 3] (jardin) depuis la parcelle [Cadastre 2] (maison d'habitation des consorts [X]) comme « un couloir étroit situé sous la maison de Mme [OY] », poursuivi par un passage extérieur d'une largeur inférieure à un mètre, longeant le jardin de cette dernière ainsi que la parcelle [Cadastre 4], l'officier ministériel n'affirme nullement, en revanche, que l'accès qu'il décrit constitue le seul accès permettant une issue suffisante de la parcelle [Cadastre 3] sur la voie publique.
En outre, à supposer qu'il s'agisse du seul passage existant à ce jour, il ne résulte pas du procès-verbal la preuve qu'aucun autre passage ne pourrait exister sur la parcelle [Cadastre 1] et notamment, il ne peut être tenu pour acquis que le passage d'environ un mètre longeant le jardin des consorts [OY] ne pourrait être élargi ni qu'aucun autre passage que celui situé sous la maison de ces derniers n'est envisageable.
Il résulte de ce qui précède que les consorts [X] échouent à démontrer que leur accès à la voie publique depuis la parcelle [Cadastre 3] est insuffisant et qu'ils sont enclavés.
Par ailleurs, à supposer établi l'état d'enclave, le débat sur l'instauration d'une servitude de passage et sur son assiette ne peut avoir lieu en l'absence des consorts [ZB]-[K] et des consorts [OY], propriétaires de parcelles contiguës.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts [X] de leurs demandes.
3. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
En cause d'appel, les consorts [X], partie perdante, sont condamnés in solidum aux dépens et à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
la somme de 1 000 euros aux époux [G],
la somme de 1 000 euros à Mme [UH],
la somme de 1 000 euros aux époux [W],
la somme de 1 500 euros aux époux [P],
la somme de 1 500 euros aux consorts [ZB]-[K].
PAR CES MOTIFS
La cour,
Reçoit M. [C] [O] [W] et Mme [L] [FK] [UM] épouse [W] en leur intervention volontaire devant la cour d'appel,
Déclare M. [TX] [X] et Mme [FP] [X] irrecevables en leur demande d'intervention forcée de M. [Z] [ZB] et Mme [F] [K] devant la cour d'appel,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [TX] [X] et Mme [FP] [X] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
la somme de 1 000 euros à M. [V] [G] et Mme [A] [G],
la somme de 1 000 euros à Mme [B] [YR] veuve [UH],
la somme de 1 000 euros à M. [C] [O] [W] et Mme [L] [FK] [UM] épouse [W],
la somme de 1 500 euros à M. [U] [P] et Mme [KE] [D] épouse [P],
la somme de 1 500 euros à M. [Z] [ZB] et Mme [F] [K],
Condamne in solidum M. [TX] [X] et Mme [FP] [X] aux dépens d'appel.
Fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT