N° RG 19/04693 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MOZR
Décision du Tribunal d'Instance de NANTUA
du 20 juin 2019
RG : 11-18-0062
[O]
[G]
C/
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAV OIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 06 Juin 2024
APPELANTS :
M. [F] [O]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Mme [S] [G]
née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentés par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
assisté de Me Jean-Yves REMOND, avocat au barreau du JURA
INTIMEE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentée par Me Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : 713
assisté de Me LETONDOR de la SCP LETONDOR - GOY-LETONDOR - MAIROT, avocat au barreau du JURA
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 14 Mars 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Avril 2024
Date de mise à disposition : 06 Juin 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Joëlle DOAT, présidente
- Evelyne ALLAIS, conseillère
- Stéphanie ROBIN, conseillère
assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Le 9 octobre 2009, puis le 29 mai 2013, M. [F] [O] et Mme [S] [G] ont ouvert auprès de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie deux comptes joints.
Le 24 février 2012, la banque a consenti une autorisation de découvert sur le premier compte-joint, à hauteur de la somme de 3 500 euros.
Selon offres acceptées le 6 février 2013, le 23 mai 2013 et le 23 octobre 2014, M. [O] et Mme [G] ont souscrit auprès de la même banque trois prêts d'un montant respectif de 20 000 euros, 30 000 euros et 35 000 euros, aux taux annuels de 4,5435 %, 4,5347 % et 3,561 %, remboursables en 300 échéances mensuelles pour les deux premiers prêts et en 120 échéances mensuelles pour le troisième.
Après avoir vainement mis en demeure les emprunteurs d'avoir à régulariser les soldes débiteurs des comptes courants et les mensualités de crédit impayées, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie a prononcé la déchéance du terme, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 septembre 2017.
Par acte d'huissier en date du 4 janvier 2018, la banque a fait assigner M. [O] et Mme [G] devant le tribunal d'instance de Nantua pour s'entendre condamner ceux-ci à lui payer les sommes restant dûes.
M. [O] et Mme [G] ont soulevé l'incompétence du tribunal d'instance de Nantua pour connaître des demandes de la banque et, subsidiairement, ils ont fait valoir le non-respect des règles relatives à la vérification de leur solvabilité, le non-respect de l'obligation de mise en garde et la faute commise par la banque qui leur a accordé des crédits alors que leur situation ne leur permettait pas de les rembourser.
Par jugement en date du 20 juin 2019, le tribunal d'instance :
- s'est déclaré compétent pour connaître du litige
- a prononcé la déchéance intégrale du droit aux intérêts sur les trois crédits
- condamné solidairement M. [O] et Mme [G] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie les sommes suivantes :
* 16 101,39 euros avec intérêt au taux légal non majoré à compter du jugement, au titre du contrat de crédit souscrit le 6 février 2013
* 24 637,25 euros avec intérêt au taux légal non majoré à compter du jugement, au titre du contrat de crédit souscrit le 23 mai 2013
* 27 738,58 euros euros avec intérêt au taux légal non majoré à compter du jugement, au titre du contrat de crédit souscrit le 23 octobre 2014
- rejeté les demandes de condamnation au titre de l'indemnité légale pour chaque contrat de crédit
- condamné solidairement M. [O] et Mme [G] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie les sommes suivantes :
* 12 943,02 euros avec intérêt au taux légal à compter du jugement, au titre du compte joint n° [XXXXXXXXXX06]
* 10 929,30 euros avec intérêt au taux légal à compter du jugement, au titre du compte joint n° [XXXXXXXXXX07]
- rejeté la demande de capitalisation des intérêts
- rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour perte de chance
- rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné solidairement M. [O] et Mme [G] aux dépens
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
M. [O] et Mme [G] ont interjeté appel de ce jugement, le 4 juillet 2019.
Par ordonnance en date du 21 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie aux fins de radiation de l'affaire pour non exécution du jugement frappé d'appel.
Dans leurs dernières conclusions, M. [O] et Mme [G] demandent à la cour :
- de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription de leur demande reconventionnelle
- d'infirmer le jugement en ce qui concerne les condamnations en paiement prononcées contre eux, en ce qu'il a rejeté leur demande reconventionnelle et leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il les a condamnés aux dépens
statuant à nouveau,
à titre principal,
- de prononcer la nullité des prêts consentis le 23 mai 2013 et le 23 octobre 2014 d'un montant respectif de 30 000 euros et 35 000 euros et des autorisations de découvert sur les deux comptes courants
- en tout état de cause, de prononcer la déchéance des intérêts au titre des prêts consentis le 23 mai 2013 et le 23 octobre 2014 d'un montant respectif de 30 000 euros et 35 000 euros et des autorisations de découvert sur les deux comptes courants
- de condamner la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie à leur payer la somme de 118 912,62 euros correspondant à la perte de chance de ne pas contracter les emprunts litigieux
à titre subsidiaire,
- de condamner la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie à leur payer la somme de 86 654,03 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non souscription des assurances pour leur compte, au motif que la banque a commis une faute en sa qualité de courtier et d'intermédiaire d'assurance en ne souscrivant pas les contrats d'assurance destinés à garantir M. [O] contre le risque d'invalidité
- d'ordonner que les sommes dûes par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie au titre de sa responsabilité devront être compensées avec les condamnations prononcées à leur encontre au profit de celle-ci
- de débouter la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie de toutes ses demandes
- de condamner la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie à leur payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Ils soutiennent que la méconnaissance des dispositions du code de la consommation, à savoir l'absence de remise de la fiche d'information standardisée, le non-respect de la vérification de la solvabilité des emprunteurs et le non-respect des obligations de conseil et de mise en garde, entraîne la nullité des contrats, subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts.
Ils affirment que leur demande reconventionnelle n'est pas prescrite puisqu'elle a été formée dans le délai de cinq ans suivant le premier incident de paiement, lequel s'est produit en avril 2016.
Ils ajoutent qu'ils n'ont pas été informés de ce que l'assureur des prêts avait refusé leur demande d'adhésion car la banque a prélevé les primes d'assurances, que la banque a commis une faute en n'intervenant pas auprès des organismes d'assurances quand elle a eu connaissance de leur situation et que M. [O] a perdu une chance de bénéficier d'une assurance du fait de son invalidité reconnue à 100 % à la suite de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime.
La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie demande à la cour :
- de déclarer prescrite et mal fondée l'exception de nullité soulevée par M. [O] et Mme [G]
- de déclarer prescrites et mal fondées les demandes relatives à son prétendu manquement à son devoir de conseil et de mise en garde
- de débouter M. [O] et Mme [G] de toutes leurs autres demandes
- de confirmer le jugement
- de condamner M. [O] et Mme [G] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec possibilité pour la SCP Levy Roche Sarda de faire application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- la demande de nullité des prêts est prescrite
- la sanction des éventuels manquements invoqués est, d'une part la déchéance du droit aux intérêts, d'autre part, l'allocation de dommages et intérêts
- la demande de dommages et intérêts fondée sur le défaut de mise en garde en ce qui concerne le prêt du 6 février 2013 que M. [O] et Mme [G] ont laissé s'exécuter pendant plus de cinq ans est prescrite
- les emprunteurs perçoivent des revenus locatifs
- les contrats d'assurance ont bien été souscrits
- l'absence de prise en charge par l'assurance est justifiée par le fait que M. [O] a été défaillant dans le paiement des échéances de prêt comprenant les cotisations d'assurance à compter d'avril 2016 pour les deux premiers prêts et de juillet 2017 pour le troisième
- M. [O] n'a jamais déposé son dossier de demande de prise en charge dans les conditions requises par son contrat, conditions qu'elle lui a rappelées dans une lettre du 19 décembre 2019.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023.
SUR CE :
Sur les demandes en paiement de la banque
Comme le relève à juste titre la banque, le non-respect par le prêteur des dispositions des anciens articles L311-6 et L311-9 du code de la consommation et le non-respect de l'obligation de mise en garde ne sont pas susceptibles d'entraîner la nullité des contrats de prêt et des autorisations de découvert.
La demande en nullité de deux des trois prêts et des deux autorisations de découvert doit être rejetée.
M. [O] et Mme [G] demandent dans le dispositif de leurs conclusions d'appel l'infirmation du jugement et le débouté de toutes les demandes de la banque, mais ils ne soulèvent devant la cour aucun moyen de nature à remettre en cause le montant des condamnations prononcées qui tiennent déjà compte de la déchéance du droit aux intérêts, le tribunal ayant en outre rejeté les demandes de la banque au titre de l'indemnité légale pour chaque contrat de crédit.
La banque demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels stipulés pour les crédits souscrits le 6 février 2013, le 23 mai 2013 et le 23 octobre 2014 et la déchéance du droit aux intérêts afférents aux découverts bancaires figurant sur les deux comptes courants et en ce qui concerne le montant des sommes que M. [O] et Mme [G] ont été condamnés à payer à la banque au titre des trois prêts et des soldes débiteurs des deux comptes courants.
Sur les demandes reconventionnelles
M. [O] et Mme [G] soutiennent que la banque a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde, au motif que le Crédit agricole a accepté de consentir les multiples prêts litigieux, alors qu'il s'agissait, en termes de construction, d'une opération à risque avec l'obligation de souscrire une assurance dommages ouvrages eu égard à l'importance des travaux réalisés dans l'immeuble financés par les prêts, le Crédit agricole ayant également financé l'acquisition du bien immobilier.
Ils affirment qu'ils subissent un endettement excessif depuis la conclusion du prêt d'un montant de 30 000 euros, que la banque avait connaissance de cet endettement et qu'elle aurait dû leur conseiller de souscrire une assurance dommages ouvrage.
La banque soulève la prescription de la demande tendant à voir engager sa responsabilité au titre du devoir de mise en garde lui incombant lors de l'octroi du prêt signé le 6 février 2013, le point de départ du délai se situant à la date d'octroi du prêt.
En ce qui concerne les deux autres prêts, elle soutient qu'elle n'était pas tenue d'une obligation de conseil à l'égard de ses clients, qu'il incombait au maître d'oeuvre qui assistait M. [O] et Mme [G] dans leur opération immobilière de leur conseiller de souscrire l'assurance dommages ouvrage et que les emprunteurs ne démontrent pas leur incapacité à rembourser le crédit au moment de son octroi, de sorte qu'elle n'était tenue à aucune obligation de mise en garde, le devoir de mise en garde portant sur le risque d'endettement et non sur les risques de l'opération financée par le prêt.
L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde se manifeste envers l'emprunteur dès l'octroi des crédits.
L'action en responsabilité de M. [O] et Mme [G] au titre du prêt consenti par la banque le 6 février 2013 est donc prescrite, cette demande ayant été formée pour la première fois par conclusions du 5 avril 2018.
La banque, organisme prêteur, n'est pas tenue à l'égard des emprunteurs d'une obligation de conseil relativement à la conduite des travaux financés par les prêts qu'elle accorde.
L'argumentation des emprunteurs relative au manquement de la banque à son devoir de conseil à leur égard, au motif qu'elle n'a pas trouvé utile de leur conseiller de souscrire une assurance dommages ouvrage, est inopérante.
La banque est tenue à l'égard des emprunteurs non avertis d'un devoir de mise en garde à raison de leurs capacités financières et des risques d'endettement nés de l'octroi du prêt à la date de conclusion du contrat.
La Caisse régionale de crédit agricole a consenti à M. [O] et Mme [G], le 23 mai 2013 et le 23 octobre 2014 deux prêts d'un montant respectif de 30 000 euros et 35 000 euros, alors qu'elle leur avait consenti quelques mois plus tôt, le 6 février 2013, un prêt de 20 000 euros, et un an auparavant, par offre acceptée le 29 mars 2012, un prêt immobilier d'un montant de 259 042 euros.
A la date de souscription des deux prêts litigieux, M. [O] et Mme [G] s'étaient déjà engagés à rembourser :
- à compter d'avril 2012, au titre du prêt immobilier, 36 échéances mensuelles de 928,23 euros puis 276 échéances mensuelles de 1 443,49 euros à compter du 37ème mois pendant les 276 mois suivants
- à compter de mars 2013, au titre du prêt personnel amortissable travaux du 6 février 2013, 24 échéances mensuelles de 62,50 euros, 299 échéances de 102,83 euros et une échéance de 101,02 euros
soit un total mensuel de 990,73 euros à compter de mars 2013, auquel étaient destinées à s'ajouter les échéances mensuelles de :
- 95 euros pendant 24 mois puis 155,06 euros pendant 299 mois et 153,58 euros pendant un mois au titre du prêt de 30 000 euros consenti le 23 mai 2013
- 382,18 euros pendant 120 mois au titre du prêt de 35 000 euros consenti le 23 octobre 2014,
ce qui portait le montant total des échéances mensuelles à rembourser à la somme de 1 085,93 euros à compter de juin 2013, de 1 467,91 euros à compter de novembre 2014 et de 1 980,73 euros à compter de juin 2015.
Il apparaît en outre que le Crédit agricole avait déjà consenti à M. [O] et Mme [G] un autre prêt immobilier d'un montant de 229 078,81 euros, ainsi qu'il résulte de la fiche de dialogue du 29 janvier 2013 établie par la banque lors de l'octroi du prêt de 20 000 euros, laquelle contient les informations suivantes :
- M. [O] et Mme [G] sont locataires de leur habitation principale, leur foyer comprend trois personnes, ils ont contracté auprès du Crédit agricole deux prêts d'un montant respectif de 259 042 euros et de 229 078,81 euros, ils doivent rembourser également chaque mois une somme de 608 euros jusqu'au 1er janvier 2017 au titre d'un prêt contracté auprès d'une autre banque, le salaire total du couple s'élève à 5 369 euros et les revenus fonciers à 826 euros, il reste un disponible mensuel avant impôts sur le revenu total de 3 297 euros pour les deux emprunteurs, l'endettement bancaire est de 29 % et le ratio de solvabilité de 47 %.
Il résulte des deux autres fiches de dialogue produites que :
- le 15 mai 2013, lors de l'octroi du prêt de 30 000 euros, le disponible avant impôts sur le revenu était de 1 845 euros pour les deux emprunteurs, l'endettement bancaire était de 54 % et le ratio de solvabilité de 71 %
- le 23 octobre 2014, lors de l'octroi du prêt de 35 000 euros, les ressources mensuelles du couple s'élevaient à 6 175 euros net et le total des mensualités de remboursement des emprunts se montait à 2 330 euros, auquel devait donc s'ajouter le remboursement mensuel du prêt envisagé, soit 382,18 euros, ce qui donne un total de 2 712,18 euros
Ainsi, alors que l'on ne tient pas compte de l'augmentation au bout de 24 ou 36 mois des échéances fixées au titre des deux prêts consentis le 29 mars 2012 et le 6 février 2013, à la date du 15 mai 2013, le taux d'endettement était déjà supérieur à 50 % et il se trouvait aggravé un an plus tard par l'octroi du nouveau prêt de 35 000 euros.
Au vu de ces éléments, il est établi qu'à la date à laquelle ils ont été souscrits, les deux prêts de 30 000 euros et 35 000 euros n'étaient pas adaptés aux capacités financières des emprunteurs et qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi de ces deux prêts.
Il appartient dès lors à la banque de démontrer qu'elle a rempli son obligation de mise en garde à l'égard des emprunteurs, ce qu'elle ne fait pas.
Cette faute de la banque a causé aux emprunteurs un préjudice, lequel s'analyse en une perte de chance de ne pas avoir contracté les deux prêts litigieux.
La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Au regard de la nature des prêts immobiliers et mobiliers successifs qui s'inscrivaient dans une même opération d'investissement immobilier comprenant l'acquisition d'un immeuble et la réalisation de travaux de rénovation et d'aménagement de gîtes ruraux destinés à la location, du montant des deux prêts litigieux et de la durée du remboursement contractuellement fixée, la perte de chance pour M. [O] et Mme [G] de ne pas contracter doit être évaluée à 20 % du montant de ces deux prêts (65 000 x 20 %), soit une somme de 13 000 euros que la Caisse régionale de crédit agricole doit être condamnée à payer à M. [O] et Mme [G].
Cette somme sera déduite des créances de la banque telles que déterminées par le jugement confirmé par le présent arrêt.
La demande principale en dommages et intérêts étant accueillie, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire fondée sur la faute qu'aurait commise la banque en sa qualité d'intermédiaire d'assurance.
Compte-tenu de la solution apportée au litige, il convient de confirmer le jugement qui a condamné M. [O] et Mme [G] aux dépens et rejeté la demande de la banque fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
M. [O] et Mme [G] obtenant très partiellement gain de cause en leur recours, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts fondée sur le manquement de la banque à son obligation de mise en garde
STATUANT à nouveau sur le chef infirmé,
DECLARE prescrite l'action en responsabilité de M. [O] et Mme [G] au titre du prêt consenti par la banque le 6 février 2013
DIT que la banque a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de M. [O] et Mme [G] lors de l'octroi des deux prêts du 23 mai 2013 et du 23 octobre 2014
CONDAMNE la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie à payer à M. [O] et Mme [G] la somme de 13 000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice
DIT que cette somme sera déduite de la créance de la banque telle que fixée par le jugement confirmé
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel
REJETTE les demandes des deux parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE