N° RG 23/07767 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PHUI
Décision du Juge de l'exécution du TJ de LYON
du 19 septembre 2023
RG : 23/00057
S.C.I. MANOIR PATRIMOINE
C/
[K]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 30 Mai 2024
APPELANTE :
S.C.I. MANOIR PATRIMOINE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
assisté de Me Ghislaine BETTON de la société PIVOINE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
Mme [B] [K] veuve [G]
née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Caroline JEGOU-HUNTLEY de la SELARL CJH AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 2195
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Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Avril 2024
Date de mise à disposition : 30 Mai 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Joëlle DOAT, présidente
- Evelyne ALLAIS, conseillère
- Stéphanie ROBIN, conseillère
assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Faits, procédure et demandes des parties
Par acte authentique du 30 août 2021, intitulé reconnaissance de dettes et affectation hypothécaire, Mme [B] [K] veuve [G] a consenti à M. [R] [D] un prêt de 187 500 euros, remboursable au plus tard le 31 janvier 2022, avec un taux d'intérêt annuel de 5,08 % et la SCI Manoir patrimoine, dont M. [D] est associé, a consenti, en garantie de ce prêt, une caution hypothécaire de l'ensemble de son patrimoine immobilier, soit un appartement, une cave, et un garage situés [Adresse 4] à [Localité 8].
Par acte de commissaire de justice du 22 février 2023, Mme [K] a fait délivrer à la SCI Manoir patrimoine un commandement aux fins de saisie immobilière, lui faisant sommation de payer 209 250 euros, montant arrêté au 1er janvier 2023, outre intérêts et frais postérieurs, en vertu de l'acte reçu le 30 août 2021.
Ce commandement a été publié le 13 avril 2023 à la conservation des hypothèques de Lyon, pour valoir saisie du bien immobilier appartenant à la SCI Manoir patrimoine, cette dernière n'ayant pas satisfait au commandement de payer.
Par acte de commissaire de justice du 5 juin 2023, Mme [K] a fait assigner la SCI Manoir patrimoine devant le juge de l'exécution de Lyon à l'audience d'orientation.
Par jugement du 19 septembre 2023, le juge de l'exécution a notamment :
- fixé la créance de Mme [K] à la somme de 209 250 euros en principal, outre intérêts,
- ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Manoir patrimoine figurant sur le commandement de saisie de l'immeuble, sur une mise à prix de 150 000 euros.
Cette décision a été signifiée à la SCI Manoir patrimoine le 26 septembre 2023.
Par déclaration du 11 octobre 2023, la SCI Manoir patrimoine a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 20 octobre 2023, la SCI Manoir patrimoine a été autorisée à assigner Mme [B] [K] à jour fixe à l'audience du 2 avril 2024 à 13 heures 30.
Parallèlement, par ordonnance de référé du 19 février 2024, le délégué de la première présidente a ordonné le sursis à exécution du jugement rendu le 19 septembre 2023.
Par acte de commissaire de justice du 27 octobre 2023, la SCI Manoir patrimoine a fait assigner Mme [K] devant la cour, aux fins d'obtenir l'infirmation du jugement du 19 septembre 2023, la nullité de la caution hypothécaire, la mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie immobilière et le débouté de la vente forcée.
Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 avril 2024, la SCI Manoir patrimoine demande à la cour de :
- rejeter l'intégralité des demandes adverses,
- déclarer son appel recevable,
- déclarer recevables ses moyens, demandes et contestations,
à titre principal,
- réformer le jugement rendu par le juge de l'exécution le 19 septembre 2023,
statuant à nouveau :
- juger que la caution hypothécaire qu'elle a consentie en garantie de la dette personnelle de M. [R] [D] est nulle,
- débouter Mme [K] de ses demandes à son encontre et notamment de la demande de vente forcée des biens immobiliers lui appartenant,
- ordonner la mainlevée du commandement publié le 13 avril 2023 à la conservation des hypothèques de [Localité 7] sous les références '[Localité 7]-3ème bureau/2023 S/ n°24"
à titre subsidiaire, si la caution hypothécaire était considérée comme valide,
- juger que les indemnités de retard, indemnités forfaitaires et intérêts de retard prévus à l'acte authentique de reconnaissance de dette constituent une clause pénale,
- réduire les montants des dommages et intérêts dus en application de cette clause par M. [R] [D] à de plus justes proportions en exécution du pouvoir modérateur du juge,
- autoriser la vente amiable des biens immobiliers,
- fixer le prix minimum de vente de ces biens,
- réserver les dépens.
A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :
- son appel est recevable, les conclusions étant jointes à la requête aux fins d'autorisation à assigner à jour fixe, ce qui implique que la requête les contient, conformément aux dispositions de l'article 918 du code de procédure civile,
- ses moyens et contestations sont recevables, n'ayant pas comparu lors de l'audience d'orientation, l'assignation n'ayant pas été délivrée à sa personne, un seul avis de passage ayant été laissé. Elle estime ainsi qu'elle peut présenter ses moyens et contestations pour la première fois en cause d'appel, le principe de concentration des moyens ne pouvant lui être opposé, sauf à la priver d'un second degré de juridiction.
- sur le fond, la caution hypothécaire consentie doit être considérée comme nulle, étant contraire à son intérêt social, et compromettant même son existence, de sorte que Mme [K] ne peut s'en prévaloir.
Elle précise qu'elle ne dispose que de ce bien immobilier, que la créance de Mme [K] atteint la somme de 239 059,93 euros, ce qui est supérieur au montant du patrimoine immobilier, le bien ayant été acquis pour la somme de 176 000 euros et étant à ce jour évalué entre 221 500 euros et 230 000 euros.
La créance est en outre bien supérieure à la mise à prix de 150 000 euros.
- subsidiairement, si la vente forcée était ordonnée, les indemnités et intérêts de retard prévus à l'acte doivent s'analyser en une clause pénale et devront être réduits en application de l'article 1231-5 du code civil. Elle devra en outre être autorisée à vendre amiablement le bien immobilier.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2024, Mme [K] demande à la cour de :
à titre principal :
- déclarer irrecevable d'office l'appel interjeté par la SCI Manoir patrimoine à l'encontre du jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution,
à titre subsidiaire :
- déclarer irrecevable d'office l'ensemble des contestations et demandes incidentes formées par la SCI Manoir patrimoine,
en tout état de cause et sur le fond :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon,
- débouter la SCI Manoir patrimoine de l'intégralité de ses demandes,
y ajoutant :
- condamner la SCI Manoir patrimoine à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.
Elle soutient que :
- l'appel du jugement d'orientation est irrecevable, ne respectant pas les formalités de l'assignation à jour fixe prévues par l'article 918 du code de procédure civile, les conclusions au fond ne figurant pas dans la requête, et le seul fait qu'elle soient jointes à cette dernière ne permettant pas de pallier cette carence,
- les contestations formées par la SCI Manoir patrimoine sont irrecevables, ayant été formulées après l'audience d'orientation, à laquelle elle a été régulièrement convoquée, n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.
Elle ne peut donc plus en cause d'appel invoquer que la caution consentie est contraire à son intérêt social, que les différentes indemnités correspondant à une clause pénale doivent être réduites ou solliciter une vente amiable.
- subsidiairement, elle fait valoir que la garantie consentie est valide, la SCI Manoir patrimoine pouvant continuer à réaliser après la vente forcée son activité d'acquisition et de gestion de biens immobiliers.
Elle ajoute que la nullité de la caution hypothécaire résulte de deux critères cumulatifs, le risque de disparition de la société et l'absence de contrepartie, or ces conditions ne sont pas remplies en l'espèce.
- les indemnités et intérêts sont prévus par l'acte authentiques et justifiés, l'appelante ne caractérisant pas leur caractère excessif,
- la demande de vente amiable doit être rejetée, aucun mandat de vente n'étant produit.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la recevabilité de l'appel du jugement d'orientation
Il résulte des articles R. 311-7 et R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, l'appel du jugement d'orientation doit être formé selon la procédure à jour fixe dans les quinze jours suivant la notification de ce jugement.
En application de l'article 918 du code de procédure civile, la requête aux fins d'assignation à jour fixe doit contenir les conclusions sur le fond, et viser les pièces justificatives. Une expédition de la décision ou une copie certifiée conforme par l'avocat doit y être jointe. Une copie de la requête et des pièces doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour.
En l'espèce, si Mme [K] invoque l'irrégularité de la requête aux fins d'assignation à jour fixe, au motif que celle-ci ne contient pas en son sein les conclusions au fond, il importe d'observer que celles-ci sont jointes à la requête, ce qui est suffisant à répondre aux exigences précitées, seul le défaut de conclusions au fond déposées avec la requête étant sanctionné par l'irrecevabilité.
Dès lors, les dispositions de l'article 918 du code de procédure civile sont respectées, et le moyen invoqué ne peut pas prospérer.
En conséquence, l'appel est recevable.
- Sur la recevabilité des contestations et demandes formées par la SCI Manoir patrimoine
Selon l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.
Les parties régulièrement assignées qui ne comparaissent pas devant le juge de l'exécution ne peuvent plus former de contestations sur la procédure antérieure à l'audience d'orientation, ce qui n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6 §1 de la convention européenne des droits de l'homme.
En application de l'article 664 du code de procédure civile, la signification à une personne morale est faite à personne, lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.
Il résulte en outre de l'article 656 du code de procédure civile que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications mentionnées dans l'acte que le destinataire habite bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile, le commissaire de justice laissant au domicile où à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655.
En l'espèce, l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation a été signifiée à la SCI Manoir patrimoine par acte du commissaire de justice du 5 juin 2023, l'acte mentionnant que la certitude du domicile est confirmée par le nom sur la boîte aux lettres et que la signification à personne s'est avérée impossible en l'absence de réponse lors du passage et de la fermeture du local. Un avis de passage a ainsi été déposé au domicile ou à la résidence du destinataire, cet avis de passage reprenant les mentions imposées par l'article 655 du code de procédure civile.
Il s'en déduit que la SCI Manoir patrimoine a été régulièrement assignée à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution.
Régulièrement assignée, elle n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter à l'audience d'orientation devant le juge l'exécution, elle n'est dès lors plus recevable pour la première fois en cause d'appel à former des contestations portant sur la procédure antérieure à l'audience d'orientation, ni à former des demandes incidentes, l'effet dévolutif de l'appel en matière de saisie immobilière étant limité, contrairement à ce qu'elle soutient.
Ses demandes tendent à contester la validité de la caution hypothécaire consentie au motif de sa contrariété à l'intérêt social, à solliciter la mainlevée du commandement aux fins de saisie immobilière, à subsidiairement former une demande de réduction des intérêts et indemnités dues et une demande de vente amiable. Aucune de ces contestations est née de circonstances postérieures à l'audience d'orientation. Elles sont ainsi irrecevables.
En conséquence, il convient de déclarer irrecevables toutes les contestations et demandes de la SCI Manoir patrimoine.
Les demandes et contestations formées par la SCI Manoir patrimoine étant irrecevables, la cour ne peut que confirmer le jugement déféré.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de confirmer le jugement déféré concernant les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La SCI Manoir patrimoine succombant en son recours est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité commande de condamner la SCI Manoir patrimoine à payer à Mme [K] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par elle en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Déclare recevable l'appel formé par la SCI Manoir patrimoine,
Déclare irrecevables les contestations et demandes incidentes formées par la SCI Manoir patrimoine devant la cour d'appel,
Confirme le jugement déféré,
Condamne la SCI Manoir patrimoine à payer à Mme [K] Veuve [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la SCI Manoir patrimoine aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE