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11/04/2024 | FRANCE | N°23/03303

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 11 avril 2024, 23/03303


N° RG 23/03303 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O5WI









Décision du Juge de la mise en état du TJ de LYON

du 04 avril 2023



RG : 21/08143





[O]

[E]

[E]



C/



[M]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRET DU 11 Avril 2024







APPELANTS :



M. [U] [O]

né le [Date naissance 7] 1970 à [Localité 16]

[Adresse 4]

[Localité 9]



Mme [B] [E] épouse [O]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 18]

[Adresse 4]

[Localité 9]



M. [C] [E]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 14] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 9]



Représentés par Me Mélissa ELOFIR, avocat au b...

N° RG 23/03303 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O5WI

Décision du Juge de la mise en état du TJ de LYON

du 04 avril 2023

RG : 21/08143

[O]

[E]

[E]

C/

[M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 11 Avril 2024

APPELANTS :

M. [U] [O]

né le [Date naissance 7] 1970 à [Localité 16]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Mme [B] [E] épouse [O]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 18]

[Adresse 4]

[Localité 9]

M. [C] [E]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 14] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentés par Me Mélissa ELOFIR, avocat au barreau de LYON, toque : 2859

INTIMEE :

Mme [S] [E] née [M]

née le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 13] (MAROC)

agissant en son nom personnel et en en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [R] [E] né le [Date naissance 10] 2010 à [Localité 17] et [H] [E] né le [Date naissance 11] 2015 à [Localité 12]

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-Christophe GIRAUD de la SELARL SELARL LYRIS, avocat au barreau de LYON, toque : 239

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/000856 du 11/05/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 27 Février 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Mars 2024

Date de mise à disposition : 11 Avril 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseillère

- Stéphanie ROBIN, conseillère

assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

Par acte d'huissier de justice du 10 décembre 2021, Mme [S] [M] veuve [E], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [R] [E], né le [Date naissance 10] 2010 à [Localité 17] (69) et [H] [E], né le [Date naissance 11] 2015 à [Localité 12] (69) a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Lyon Mme [B] [E] épouse [O], M. [U] [O] et M. [C] [E], respectivement soeur, beau-frère et frère de M. [X] [E], décédé le [Date naissance 6] 2017.

Elle sollicitait en dernier lieu de voir :

- condamner in solidum les consorts [E]-[O] à lui restituer sous astreinte le livre en granit qu'elle avait déposé sur la tombe de son mari, [X] [E], ou à défaut, à lui payer la somme de 720 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum les consorts [E]-[O] sous astreinte à s'abstenir de :

subtiliser ou enlever les objets déposés par elle ou ses enfants sur la sépulture de [X] [E] en signe de recueillement,

compromettre, entraver ou nuire à leur recueillement sur cette sépulture,

subtiliser ou arracher les avis et affiches promouvant le livre écrit par elle en hommage à [X] [E],

- condamner in solidum les consorts [E]-[O] à lui payer en son nom propre et ès-qualités, Ia somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter les consorts [E]-[O] de leurs demandes reconventionnelles.

Les consorts [E]-[O] demandaient de voir :

- débouter Mme [M] de ses demandes,

- juger que Mme [M] ne détenait aucun droit sur la concession familiale [E] située au cimetiere israélite,

- juger qu'elle ne détenait ni le droit d'user ni celui de jouir de la concession familiale [E] située au cimetière israélite,

- condamner Mme [M] à payer à M. [O] la somme de 978 euros en réparation du préjudice matériel subi par celui-ci à la suite des dégradations de la pierre tombale commises par la demanderesse,

- juger que les propos tenus dans le livre intitulé 'Cérémonial d'un hommage » écrit par Mme [M] sont des propos dégradants et humiliants à leur égard,

- condamner Mme [M] à leur régler la somme de 3.000 euros chacun en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à leur vie privée,

- ordonner le retrait de toutes les affiches de promotion du livre intitulé « Cérémonial d'un hommage » sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de cette décision,

- ordonner le retrait des pages 30-47-48-49-143 du livre intitulé « Cérémonial d'un hommage » sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de cette décision.

- plus précisément ordonner le retrait des passages suivants :

Page 30 : 'En exposé introductif, [...] parées de vice et d'offenses,

Page 47: 'Pour sortir de ma réserve, [...] afin de les déchirer...'

Page 48 : 'Dans son attitude tout aussi déplacée [...] les enfants de son frère [X]'

Page 49 : 'Visiblement,la structure mentale de l'ensemble de la famille [...] face au regrettable décès de [X]...'

Page 143: Photo de la tombe familiale.

Mme [M], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, a saisi le juge de la mise en état afin de voir déclarer irrecevables comme prescrites certaines demandes incidentes des consorts [E]-[O].

Les consorts [E]-[O] ont conclu au rejet de cette fin de non-recevoir.

Par ordonnance du 4 avril 2023 , le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon a :

- déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes des consorts [E]-[O] suivantes :

juger que les propos tenus dans le livre intitulé 'Cérémonial d'un hommage » écrit par Mme [M] sont des propos dégradants et humiliants à leur égard,

juger que Mme [M] a porté atteinte à leur vie privée,

juger qu'il y a lieu à réparer le préjudice subi,

condamner Mme [M] à leur régler la somme de 3.000 euros chacun en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à leur vie privée,

ordonner le retrait de toutes les affiches de promotion du livre intitulé « Cérémonial d'un hommage » sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de cette décision,

ordonner le retrait des pages 30-47-48-49-143 du livre intitulé « Cérémonial d'un hommage » sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de cette décision,

plus précisément ordonner le retrait des passages suivants :

Page 30 : 'En exposé introductif, [...] parées de vice et d'offenses,

Page 47: 'Pour sortir de ma réserve, [...] afin de les déchirer...'

Page 48 : 'Dans son attitude tout aussi déplacée [...] les enfants de son frère [X]'

Page 49 : 'Visiblement,la structure mentale de l'ensemble de la famille [...] face au regrettable décès de [X]...'

Page 143 : Photo de la tombe familiale.

- réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- renvoyé l'instance à l'audience de mise en état électronique pour les conclusions au fond des consorts [E]-[O] qui devraient être adressées par le RPVA au plus tard le 31 août 2023 avant minuit à peine de rejet.

Par déclaration du 20 avril 2023, les consorts [E]-[O] ont interjeté appel de la décision, sauf en ce qu'elle a renvoyé l'instance à l'audience de mise en état électronique pour leurs conclusions à adresser par le RPVA au plus tard le 31 août 2023 avant minuit à peine de rejet.

L'affaire a été fixée d'office à l'audience du 5 mars 2024 par ordonnance du président de la chambre du 25 avril 2023 en application de l'article 905 du code de procédure civile

Dans leurs conclusions notifiées le 24 mai 2023, les consorts [E]-[O] demandent à la Cour de :

- infirmer l'ordonnance dans les limites de l'appel,

- juger non prescrites, et en conséquence recevables, leurs demandes visant la réparation de l'atteinte portée à leur vie privée et reproduites ci-après :

juger que les propos tenus dans le livre intitulé « Cérémonial d'un hommage » écrit par Mme [M] sont des propos dégradants et humiliants à leur égard,

juger que Mme [M] a porté atteinte à leur vie privée,

juger qu'il y a lieu à réparer le préjudice subi,

condamner Mme [M] à leur régler la somme de 3.000 euros chacun en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à leur vie privée

ordonner le retrait de toutes les affiches de promotion du livre intitulé « Cérémonial d'un hommage » sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de cette décision.

ordonner le retrait des pages 30-47-48-49-143 du livre intitulé « cérémonial d'un hommage » sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de cette décision,

plus précisément ordonner le retrait des passages suivants :

Page 30 :

« en exposé introductif, je dus observer les Chiv'ah (7 jours de deuil) à notre domicile où il s'est éteint ; son âme y étant présente'et parce qu'il était logique de le faire chez nous.

Aussi, j'ai renoncé à les exécuter avec la famille de [X] car je n'ai jamais été acceptée par sa mère ; par haine gratuite caractérisée.

Je gardais une certaine distance, évitant ainsi de contracter tout élément probant à d'éventuelles joutes verbales ou autre maux' »

Avant de connaître [X], il était déjà en discorde avec sa s'ur et m'avait jadis déconseillé de la côtoyer, pour biens des raisons et entre autres pour sa médisance légendaire, son bavardage excessif, son exubérance, son esprit conflictuel, ses traîtrises et manipulations répétées.

Les propos de [X] ont très vite corroboré avec ces travers que j'avais pu remarquer, par moi-même' [X] n'avait rien à craindre ; le profil moral de sa s'ur n'avait aucune chance d'être en adéquation avec le mien'

Par simple principe une à deux personnes lui avaient insufflé de se réconcilier avec elle sans pour autant connaître leurs différends mais [X] pour ses raisons et vu sa relation avec elle, toxique pour lui (comme l'a elle l'a souvent été), rejeta catégoriquement, irrévocablement leur proposition. Conjointement, je le comprenais. Aussi, sa décision lui appartenait. Elle doit à présent méditer sur ses remords quant à sa conduite exécrable et au fait qu'il ne lui ait pas pardonné avant de quitter ce monde. L'ensemble de sa famille exalte une mentalité très particulière, très complexe, très conflictuelle.

Nous sommes nombreux à faire front commun quant à le constater et à dénigrer leur langage trivial, leurs pensées négatives, malsaine, versatiles, parées de vice et d'offenses. »

Page 47 :

« pour sortir de ma réserve, le matin dechlochims, je fus encore surprise, contrariée, déçue que cette même personne ait maltraité mon père devant la porte du cimetière.

Alors lorsque j'ai appris cet incident dans la journée, je lui en fait aisément et fermement le reproche. J'en fus apaisée ; car mon père ne méritait pas l'assaut de ces propos insultants et démesurés'

Ce même jour, sa mère m'avait humilié (en émettant des missives) en présence d'une horde de personne et du ciel témoin, alors que je pleurais [X] en allumant une bougie.

J'aurais pu donner la réplique, mais je m'étais abstenue, la laissant à son chagrin et ses frasques désagréables et coutumières. Aussi le moment et le lieu n'étaient pas indiqués à l'incitation aux polémiques. De plus il était irrespectueux de se mettre en exergue devant la sépulture de [X]'

Ce même proche était rendu à mon domicile pour récupérer les chaussures de [X] afin de les déchirer' »

Page 48 :

« dans son attitude tout aussi déplacée il voulait s'approprier la tablette de [R] (Ipad) que [X] lui avait offerte pour son anniversaire. Son but était de récupérer les photos de son contenu alors que mon frère et moi pouvions tout aussi bien le faire et lui en fournir ensuite une copie.

À travers le prisme de ses arguments, il insista à plusieurs reprises mais manifestement il cherchait des infos autres que des prétendues photos.

Ainsi sa démarche perfide le positionnait à user d'un vieux stratagème bien connu : se rapprocher au plus près (se faire ami) pour mieux se servir où trahir. Seul son mobile l'importait, de la même à ignorer ses neveux : les enfants de son frère [X]. »

Page 49 :

« visiblement, la structure mentale de l'ensemble de la famille n'appelle pas à rassembler ; bien au contraire.

En tout état de cause en tant qu'épouse et mère des enfants de [X], je n'ai perçu aucun régime de faveur '

Mais je n'en suis pas étonnée vu le conclave familial enclin esprit étriqué à connotation anachronique et à tendance rétrograde.

C'est là le dressage de mon réquisitoire qui reste toutefois accessoires et secondaire face au regrettable décès de [X]' »

Page 143 :

Photo de la tombe familiale

- débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [M] à leur verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [M] aux entiers dépens de la procédure d'incident.

Dans ses conclusions notifiées le 7 juin 2023, Madame [M], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [R] et [H], demande à la Cour de :

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré prescrites les demandes incidentes des consorts [E]-[O] précisées dans le dispositif de cette décision,

- condamner in solidum les consorts [E]-[O] à lui payer à titre personnel et ès-qualités, la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les consorts [E]-[O] aux entiers dépens de l'incident et de l'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le premier juge a déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles des consorts [E]-[O] précisées dans le dispositif de l'ordonnance, au motif que les griefs relatifs au livre 'Cérémonial d'un hommage' consistent en des atteintes à l'honneur, l'usage d'expressions ou de termes outrageants ou méprisants et non des atteintes à la vie privée, de telle sorte qu'ils relèvent de la loi du 29 juillet 1881 et non de la responsabilité de droit commun et sont prescrits, plus de trois mois s'étant écoulés entre le 27 octobre 2020, date de publication de l'ouvrage considéré, et le 27 septembre 2022, date des demandes reconventionnelles des consorts [E]-[O].

Les consorts [E]-[O] font valoir que :

- en accord avec Mme [M], M. [X] [E], décédé le [Date naissance 6] 2017, a été inhumé au cimetière israélite de [Localité 15] ([Localité 9]) dans la concession perpétuelle octroyée à Mme [K] [E], mère du défunt, laquelle concession a été étendue à deux places au lieu d'une,

- Mme [M] a accumulé les objets personnels dont un imposant livre en granit sur la tombe de son mari en contradiction avec les grands principes de la religion israélite refusant tout signe ostentatoire, ce qui est devenu problématique quand Mme [K] [E] a été inhumée auprès de son fils le 30 juin 2019,

- Mme [M] a en outre décidé d'écrire et de publier un livre sur la famille [E] à compte d'auteur, sans concertation préalable avec sa belle-famille et sans se soucier de l'impact de ses écrits,

- ils sollicitent la réparation d'une atteinte à leur vie privée sur le fondement des articles 9 du code civil, 8 de la convention européenne des droits de l'homme ainsi que 1240 du code civil et non de faits relevant de la loi du 29 juillet 1881, de telle sorte que leur action en responsabilité est soumise à la prescription de cinq ans et n'est pas prescrite, leurs demandes reconventionnelles ayant été formulées moins de cinq ans après la publication de l'ouvrage litigieux,

- les écrits de Mme [M] portent atteinte à leur vie privée, en ce qu'ils font état de faits relevant de l'intimité familiale (comme les circonstances de la mort et de l'enterrement de M. [X] [E], les différents familiaux, les relations entre le défunt et sa soeur, le mode de vie de la famille [E]) et portent en outre atteinte à la mémoire de Mme [K] [E] (décrite comme une personnalité désagréable et se plaisant à humilier les gens dans une situation de détresse).

Mme [M] réplique que :

- les consorts [E]-[O] s'opposent à ce que les enfants de M. [X] [E] et elle-même puissent manifester par des signes extérieurs leur recueillement, de telle sorte que ces signes extérieurs ont été enlevés à plusieurs reprises de la tombe de son mari, ce qui explique la procédure engagée par elle,

- les passages du livre dont les consorts [E]-[O] sollicitent la suppression et pour lesquels ils demandent une indemnisation ne relèvent pas de l'atteinte à la vie privée mais de la diffamation et de l'injure ; en effet, ils ne contiennent aucun élément objectif se rapportant à la sphère sexuelle, la vie sentimentale, la vie familiale, la situation financière, l'état de santé ou les convictions politiques ou religieuses mais relèvent d'appréciations subjectives,

- le premier juge a donné leur exacte qualification juridique aux faits et a considéré à juste titre que ces faits étaient prescrits.

Les conclusions au fond des consorts [E]-[O], notifiées le 27 septembre 2022, font apparaître que les demandes reconventionnelles de ceux-ci tendent à la réparation d'une atteinte à leur vie privée sur le fondement des articles 9 et 1240 du code civil ainsi que de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.

Toutefois, il ressort de ces mêmes conclusions que les propos tenus dans le livre 'Cérémonial d'un hommage' dont les consorts [E]-[O] sollicitent réparation sur le fondement de l'atteinte à la vie privée sont aussi constitutifs de propos dégradants et humiliants à leur égard.

Par ailleurs, les consorts [E]-[O] ne démontrent pas ni même ne soutiennent en cause d'appel avoir saisi le tribunal judiciaire de Lyon de propos constitutifs d'une atteinte à leur vie privée, distincts de ceux de nature à porter atteinte à leur honneur ou à leur considération, soutenant au contraire que tous les propos du livre dont ils sollicitent la suppression sont dégradants et humiliants.

Aussi, à supposer que certains des propos considérés soient constitutifs d'une atteinte à la vie privée des consorts [E]-[O], la protection de cette atteinte ne peut réduire le champ d'application de la loi sur la liberté de la presse. C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que les propos reprochés par les consorts [E]-[O] à Mme [M] étaient constitutifs de faits de diffamation ou d'injure publique prévus et réprimés par l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, de telle sorte que ces faits étaient exclusivement régis par la loi précitée et non par les articles 9 et 1240 du code civil ainsi que l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme invoqués par les consorts [E]-[O].

Plus de trois mois s'étant écoulés entre le 27 octobre 2020, date de publication du livre litigieux et le 27 septembre 2022, date des demandes reconventionnelles des consorts [E]-[O], ces demandes sont prescrites en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, étant observé que les consorts [E]-[O] ne soutiennent pas en cause d'appel que la photographie de la tombe familiale serait constitutive en elle-même d'une atteinte à leur vie privée.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles des consorts [E]-[O] fondées sur l'atteinte à leur vie privée.

L'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens. Toutefois, les consorts [E]-[O], parties perdantes dans le cadre du recours, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et conserveront la charge de leurs frais irrépétibles en cause d'appel. L'équité ne commande pas d'allouer à Mme [M], tant en son nom personnel qu'ès-qualités, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme l'ordonnance dans la limite des dispositions soumises à la Cour ;

Condamne in solidum les consorts [E]-[O] aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes respectives des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/03303
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.03303 ?
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