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11/04/2024 | FRANCE | N°22/01334

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 11 avril 2024, 22/01334


N° RG 22/01334 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OECW









Décision du Tribunal de proximité de MONTBRISON

du 07 janvier 2022



RG : 11-20-0344





[S]



C/



[J]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRET DU 11 Avril 2024







APPELANT :



M. [Y] [S]

né le 21 Juin 1957 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 7]<

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Représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

assisté de Me Catherine BOUCHET de la SELARL BASSET - BOUCHET - HANGEL, avocat au barreau de SAINT ETIENNE





INTIMEE :



Mme [A] [J]

née le 29 Décembre 1973

[Ad...

N° RG 22/01334 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OECW

Décision du Tribunal de proximité de MONTBRISON

du 07 janvier 2022

RG : 11-20-0344

[S]

C/

[J]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 11 Avril 2024

APPELANT :

M. [Y] [S]

né le 21 Juin 1957 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

assisté de Me Catherine BOUCHET de la SELARL BASSET - BOUCHET - HANGEL, avocat au barreau de SAINT ETIENNE

INTIMEE :

Mme [A] [J]

née le 29 Décembre 1973

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Laurence CHANTELOT de la SELARL CHANTELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROANNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 17 Janvier 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Mars 2024

Date de mise à disposition : 11 Avril 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseillère

- Stéphanie ROBIN, conseillère

assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Faits, procédure et demandes des parties

Les parents de [Y] [S] étaient propriétaires d'une maison construite sur une grande parcelle de terrain, située [Adresse 3] à [Localité 7] (42).

La mère de ce dernier est décédée le 14 novembre 1986.

Par acte de cession à titre de licitation reçu devant notaire le 6 août 1988, M. [Y] [S] a reçu de son père et de ses frères et soeurs une partie du terrain, soit la parcelle actuellement cadastrée AB [Cadastre 6], sur laquelle il a fait édifier sa maison.

M. [I] [N] géomètre est intervenu en février1988.

Après le décès du père de M. [Y] [S], la maison et le reste de la parcelle qu'ils avaient conservés cadastrée AB n°[Cadastre 5], devenue propriété de l'indivision [S] a été vendue aux enchères à Mme [Z] et M. [W] [H] [U], qui ont fait procéder à une division et à un bornage réalisé par M. [D] [T], géomètre expert le 22 mars 2017, créant les parcelles AB [Cadastre 1] et AB [Cadastre 2].

Le 24 avril 2017, Mme [A] [J] a acquis de Mme [Z] et de M. [W] [H] [U] la parcelle de terrain cadastrée AB [Cadastre 2].

Les propriétés de Mme [A] [J] et de M. [Y] [S] sont contigües.

Par acte d'huissier délivré le 28 février 2018, Mme [A] [J] a fait assigner en référé M. [Y] [S] devant le tribunal d'instance de Montbrison, aux fins de désignation d'un expert en bornage. En l'absence de compétence du juge des référés en la matière, l'affaire a été renvoyée au fond et par jugement du 21 septembre 2018, en l'absence d'accord amiable, le tribunal d'instance de Montbrison a, avant dire droit, désigné M. [O], en qualité de géomètre expert.

L'expert a déposé son rapport le 26 avril 2019.

Par jugement du 15 mai 2020, le tribunal de proximité de Montbrison a réouvert les débats et étendu la mission de l'expert, en lui demandant de convoquer les autres propriétaires voisins concernés par la délimitation de la limite AK séparative des parcelles dont sont propriétaires Mme [A] [J] et M. [Y] [S].

L'expert a déposé son rapport complémentaire le 18 mai 2021.

Mme [A] [J] a demandé au tribunal :

- d'homologuer les rapports d'expertise établis par M. [X] [O] géomètre expert les 26 avril 2019 et 18 mai 2021,

- d'ordonner le bornage des fonds [J] et [S] dans les conditions proposées par M. [X] [O], géomètre expert dans les rapports précités,

- de débouter M. [Y] [S] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [Y] [S] à lui rembourser la moitié des frais de bornage avancés par elle à hauteur de 5 032,59 euros, soit la somme de 2 516,30 euros,

- d'ordonner à M. [Y] [S] de déposer à ses frais la clôture grillagée empiétant sur sa propriété, afin qu'une séparation puisse être établie entre les propriétés [J] et [S] conformément au plan de bornage établi par M. [X] [O], géomètre expert,

- de condamner M. [Y] [S] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [Y] [S] a quant à lui demandé au tribunal :

à titre principal,

- de dire qu'il est fondé à se prévaloir d'une prescription acquisitive trentenaire ou abrégée,

- de dire que la pose des bornes devra s'opérer conformément à la proposition 2 du rapport d'expertise judiciaire,

à titre subsidiaire,

- de dire que la pose des bornes devra s'opérer conformément à la proposition 2 du rapport d'expertise judiciaire et de l'indemniser du coût des matériaux et du prix de la main d'oeuvre estimée à la date du remboursement,

en tout état de cause,

- de dire que Mme [A] [J] devra supporter à titre définitif les frais de bornage,

- de la condamner à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par jugement du 7 janvier 2022, le tribunal a :

- rejeté la demande formée par M. [Y] [S] sur la presciption acquisitive trentenaire,

- rejeté la demande formée par M. [Y] [S] sur la prescription abrégée,

- rejeté la proposition de bornage de M. [Y] [S],

- homologué les rapports d'expertise établis par M. [X] [O] géomètre expert les 26 avril 2019 et 18 mai 2021,

- ordonné à l'expert de se rendre sur les lieux et de planter les bornes conformément à ses rapports susvisés,

- condamné M. [Y] [S] à rembourser à Mme [A] [J] la somme de 2 516,30 euros correspondant à la moitié des frais de bornage,

- ordonné la démolition de la clôture grillagée aux frais de M. [Y] [S],

- condamné M. [Y] [S] à payer à Mme [A] [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu de suspendre l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné M. [Y] [S] aux entiers dépens.

Par déclaration du 15 février 2022, M. [Y] [S] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 novembre 2022, il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau

à titre principal de

- juger que Mme [J] n'est pas fondée à se prévaloir d'un droit auquel ses propres vendeurs ont renoncé,

- juger qu'il est fondé à se prévaloir d'une prescription acquisitive trentenaire ou abrégée,

- juger en conséquence que la pose des bornes devra s'opérer conformément à la proposition n° 2 du rapport d'expertise judiciaire,

à titre subsidiaire de

- juger que l'action en revendication de propriété et en conséquence le prétendu empiètement, relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire,

- rejeter à défaut la demande de Mme [A] [J] tendant à voir ordonner la démolition de la clôture grillagée à ses frais,

- juger en conséquence que la pose des bornes devra s'opérer conformément à la proposition n° 2 du rapport d'expertise judiciaire,et l'indemniser du coût des matériaux et du prix de main d'oeuvre estimé à la date du remboursement,

- en tout état de cause,

- juger que Mme [A] [J] devra supporter à titre définitif les frais de bornage judiciaire,

- condamner Mme [A] [J] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, il soutient tout d'abord que Mme [A] [J] ne peut se prévaloir d'un droit auquel ses propres vendeurs ont renoncé, puisque le cahier des conditions de vente mentionne que les acquéreurs ont renoncé à exercer tout recours à l'encontre de l'indivision [S] pour erreur sur la consistance des biens.

Ensuite, il invoque la prescription acquisitive concernant la clôture et la fixation de la limite séparative des fonds, et considère que cette dernière doit être matérialisée selon l'implantation actuelle de la clôture grillagée, soit selon sa proposition, à savoir la proposition n°2 contenue dans le rapport.

Il affirme justifier d'une possession continue, paisible, réelle, publique et non équivoque.

Il énonce ainsi que la clôture grillagée a été installée en 1988, soit depuis plus de trente ans et n'a jamais été contestée par les acquéreurs successifs.

Il estime que cette possession est paisible, contrairement à ce qu'a retenu l'expert, le caractère paisible imposant seulement une absence d'appropriation par des actes de violences.

Il ajoute que le courrier du 5 avril 2017 qui lui a été adressé par M. [T] ne peut interrompre la prescription, seule l'introduction d'une action en justice en revendication de propriété étant interruptive de prescription, de sorte que l'assignation en référé du 28 février 2018 tendant à la désignation d'un expert aux fins de bornage ne peut être interruptive.

Il estime même remplir les conditions de la prescription acquisitive abrégée, étant de bonne foi, justifiant d'un titre de propriété en date du 6 août 1988 et celle-ci étant sans incidence sur les autres propriétaires riverains.

A titre subsidiaire, il expose que la demande de démolition de la clôture grillagée constitue une action en revendication de propriété relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire en application de l'article R 211-36 du code de l'organisation judiciaire dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020.

Plus subsidiairement, il soutient que l'empiètement est minime, ne préjudicie pas à Mme [A] [J], qui agit de manière malveillante à son égard et que cette démolition présenterait un caractère disproportionné.

Il estime enfin au visa de l'article 555 du code civil que la démolition ne doit pas avoir lieu et que Mme [J] devra l'indemniser des matériaux utilisés.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 11 juin 2022, Mme [A] [J] demande à la cour de :

- débouter M. [Y] [S] de l'ensemble de ses demandes,

- de confimer le jugement rendu le 7 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

- condamner M. [Y] [S] à lui payer une nouvelle somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Elle réplique que :

- la division des propriétés effectuée par M. [N] en 1988 et reprise dans les expertises réalisées ultérieurement a été effectuée avant que les consorts [Z] et [H] [U] ne deviennent propriétaires du bien, de sorte que leur position est indifférente,

- les conditions de la prescription trentenaire acquisitive ne sont pas réunies, la preuve de la pose du grillage dès 1988 et d'une possession continue, réelle, paisible publique et non équivoque n'étant pas rapportée, l'expert ayant rappelé l'existence d'un courrier de M. [D] [T] géomètre adressée à M. [S] le 5 avril 2017 et faisant état de contestations.

De même, un procès verbal de rétablissement de la limite de propriété du 10 avril 2017 établi par M. [T] et communiqué à M. [O], également expert, mentionne que la limite de propriété matérialisée par le grillage était déjà contestée.

M. [S] avait connaissance du bornage effectué en 1988 et ne pouvait donc ignorer qu'il implantait sa clôture en dehors des limites de son terrain.

L'assignation en référé du 28 février 2018 constitue en outre un acte interruptif.

- les conditions de la prescription abrégée ne sont pas davantage remplies.

- l'exception d'incompétence de la demande en démolition de la clôture grillagée ne peut pas être soulevée pour la première fois en cause d'appel et en tout état de cause, il ne s'agit pas d'une action en revendication, la demande se fondant sur les dispositions de l'article 544 du code civil, de sorte que la décision du premier juge doit être confirmée.

- la clôture est en mauvais état, ne remplit plus sa fonction séparative, peut être dangereuse pour les enfants et ne lui permet pas de sécuriser sa propriété et d'installer sa propre clôture avec brise vue.

Il convient de se référer aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Liminairement, il convient de rappeler que la cour n'a pas à statuer sur les demandes de dire et juger qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

- Sur le droit à agir de Mme [A] [J]

Il ne peut être retenu contrairement à ce qu'indique M. [S] que Mme [J] ne peut se prévaloir d'un droit auquel les précédents acquéreurs Mme [Z] et M. [H] [U] auraient renoncé en application de l'article 2 du cahier des charges des conditions de vente, prévoyant 'l'acquéreur prendra les biens dans l'état où il se trouvent au jour de la vente sans pouvoir prétendre à aucune garantie ou indemnités contre les parties pour erreur dans la désignation, la consistance ou la contenance, alors même que la différence excéderait un vingtième', alors que le plan réalisé par M. [N] en février1988, fixant les limites de propriété, plan repris par la suite par les autres géomètres experts, est antérieur à l'acte de licitation au profit de M. [Y] [S] et bien antérieur à l'acquisition faite par Mme [Z] et M. [H] [U].

Ces derniers ont ainsi acquis une parcelle, alors que les limites étaient d'ores et déjà fixées par le plan [N] et n'ont renoncé à aucun droit. Ils ont en outre fait réaliser en 2017 un bornage, réalisé par M. [T] qui a repris les limites fixées par M. [N], lesquelles ne correspondent pas à celles délimitées par le grillage posé par M. [S].

Ce moyen ne peut donc pas prospérer.

- Sur la prescription acquisitive trentenaire

Aux termes de l'article 2258 du code civil, la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.

L'article 2261 du même code prévoit que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, non équivoque et à titre de propriétaire.

L'article 2272 dudit code dispose que le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.

En l'espèce, il convient de déterminer si les conditions de la prescription acquisitive concernant le grillage implanté par M. [Y] [S] pour déterminer les limites séparatives de propriété sont remplies, ce grillage ne respectant pas les limites fixées par les géomètres en 1988 et 2017. La charge de la preuve lui incombe.

Il est établi que la pose du grillage constitue un acte de possession. Néanmoins, si M. [Y] [S] déclare avoir posé le grillage après être devenu propriétaire de la parcelle actuellement cadastrée AB n° [Cadastre 6], soit juste après l'acte de licitation du 6 août 1988, il ne procède cependant que par voie d'affirmations, ne produisant aux débats aucun élément attestant de la date précise et réelle de la pose de ce grillage.

Le rapport d'expertise de la protection juridique de Mme [J] réalisé par Polyexpert le 14 septembre 2017 mentionne que 'cette clôture grillagée aurait été mise en place il y a plus de dix ans par M. [S]', sans davantage de précision.

Il ressort en outre du premier rapport de l'expert [O] déposé le 26 avril 2019 que cette question de prescription trentenaire a été evoquée et que le rapport mentionne 'que M. [Y] [S] a édifié il y a moins de trente ans la clôture grillagée suite à la construction de sa maison'.

M. [S] n'apporte aucune pièce au dossier justifiant de la date effective de la pose de ce grillage, étant observé que rien ne permet d'affirmer qu'il a souhaité immédiatement clore son terrain, alors que la parcelle contigue appartenait à cette date à sa famille.

Il résulte de ces éléments que la date de la pose de ce grillage n'est pas déterminée et que si elle est nécessairement postérieure à 1988, aucun élément ne permet d'attester qu'elle a eu lieu depuis plus de trente ans. Ainsi, le fait que le grillage soit éventré en plusieurs endroits ne permet pas de démontrer qu'il a été posé depuis plus de trente ans.

Dès lors, M. [S] échoue à rapporter la preuve d'une possession depuis plus de trente ans, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres conditions de la possession et l'existence d'un acte interruptif de prescription.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formée sur la prescription acquisitive trentenaire.

- Sur la prescription acquisitive abrégée

L'article 2272 alinéa 2 du code civil dispose que toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

Ce délai est applicable lorsque le possesseur justifie d'un juste titre et est de bonne foi. Le juste titre visé par l'article précité est l'acte juridique qui aurait transféré à l'acquéreur la propriété s'il était émané du véritable propriétaire. Le juste titre doit ainsi émaner de l'auteur du possesseur de bonne foi et implique que celui-ci concerne dans sa totalité le bien que le possesseur entend prescrire. Le juste titre doit donc être translatif de propriété et émaner d'une personne autre que le véritable propriétaire.

Or, en l'espèce, la propriété transmise dans le cadre de l'acte de cession à titre de licitation du 6 août 1988 au profit de M. [S], est définie par un bornage ayant été établi à l'époque par M. [N] en 1988 ne correspondant pas à la délimitation fixée par le grillage, puisque l'expert [O] a repris le plan de ce dernier, confirmé par le bornage ultérieur de M. [T], ce qui a permis de déterminer les bornes A et K et de démontrer que le grillage se situe sur la propriété actuelle de Mme [J]. Les parents de M. [S] étaient les propriétaires de la parcelle transmise et la partie entre la limite séparative établie par M. [N] et le grillage réalisé ultérieurement ne résulte donc d'aucun titre.

Ainsi, les conditions posées par l'article 2272 alinéa 2 du code civil ne sont pas réunies et il convient de confimer le jugement sur ce point.

- Sur la demande de matérialisation du bornage

L'article 646 du code civil dispose que tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs.

Si M. [S] sollicite que le bornage soit matérialisé par la pose de deux nouvelles bornes de sorte que son grillage, ainsi que les parpaings béton supportant les piquets de clôture soient entièrement chez lui, cette demande est contraire au plan d'origine réalisé par [I] [N] en février 1988, plan ensuite analysé et respecté par [D] [T] géomètre expert lors de la réalisation d'opérations de bornage en 2017, ces délimitations étant confirmées par les rapports de l'expert [O].

Il résulte de ces différents plans et analyses que la limite commune aux fonds [J] section AB n° [Cadastre 2] et [S] section AB n° [Cadastre 6] est définie par la ligne AK, le point A se situant au pied du mur de soutènement à une distance de 0,27 m de la borne A implantée par M. [T] et le point K à l'ouest marque peinture aujourd'hui disparues sur le mur. Cette proposition formulée par l'expert [O] dans son premier rapport et reprise comme étant la proposition n°3 dans son second rapport du 18 mai 2021, en présence des autres riverains doit ainsi être retenue.

Il convient donc d'ordonner le bornage selon les modalités précitées et reprises au dispositif et de demander à l'expert de se rendre sur les lieux et de planter les bornes conformément à sa proposition n° 3 détaillée ci-dessus.

Le jugement est ainsi infirmé en ce qu'il a homologué le rapport d'expertise, le juge devant préciser les modalités de réalisation du bornage.

- Sur le partage des frais de bornage judiciaire

En application de l'article 646 rappelé précédemment, le bornage se fait à frais commun, de sorte que M. [S] doit être condamné à payer la moitié des frais de bornage. Mme [A] [J] ayant fait l'avance des frais pour un montant total de 5 032,59 euros, soit 3 332,59 euros pour le premier rapport d'expertise et 1 700 euros pour le second rapport d'expertise, M. [S] est condamné à lui payer la moitié de cette somme soit 2 516,30 euros, conformément au jugement déféré.

- Sur la demande de démolition de la clôture aux frais de M. [Y] [S]

Aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.

La demande de Mme [J] est fondée sur les dispositions de l'article précité et sur une atteinte au droit de propriété, le grillage situé sur sa propriété l'empêchant de pouvoir jouir paisiblement de celle-ci.

Si M. [S] conteste la compétence du tribunal de proximité pour statuer sur cette demande, il est irrecevable à soulever pour la première fois en cause d'appel une exception d'incompétence, ayant été représenté en première instance.

Mme [J] souhaite légitimement clore sa propriété et pouvoir en jouir de manière absolue.

Il est établi que le grillage litigieux, dont le mauvais état est en outre constaté, situé sur sa propriété porte nécessairement atteinte à cette dernière, et lui occasionne un préjudice. M. [S] ne peut dans ces conditions valablement invoquer un débordement minime, sans conséquence pour l'intimée.

En conséquence, Mme [J] est fondée à solliciter la démolition de ce grillage aux frais de M. [S], cette demande ne revêtant nullement un caractère disproportionné et le jugement est donc confirmé.

- Sur la demande formée par M. [J] sur le fondement de l'article 555 du code civil

En application de cet article, lorsque des travaux ont été faits par un tiers avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit sous réserve des dispositions de l'alinéa 4 soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever. S'il décide de les conserver, le propriétaire du fonds doit à son choix rembourser au tiers soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté la valeur soit le coût des matériaux et le prix de la main d'oeuvre estimés à la date du remboursement compte tenu de l'état dans lequel se trouve lesdites constructions.

L'alinéa 4 dudit article prévoit que 'Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations' (...)

Le terme de bonne foi employé par l'alinéa 4 de l'article 555 s'entend par référence à l'article 550 et ne vise que celui qui possède comme propriétaire en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. En l'espèce, M. [S] ne dispose pas d'un titre translatif de propriété concernant le grillage, les limites ayant été fixées dès 1988 par le plan [N]. Il ne dispose pas davantage d'un titre putatif. Il ne peut être considéré comme de bonne foi.

En outre, l'indemnisation du propriétaire prévue à l'article 555 précité est applicable lorsque le propriétaire souhaite conserver les travaux réalisés, or Mme [J] a sollicité la démolition du grillage.

M. [S] est donc débouté de sa demande.

- Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer le jugement sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.

M. [Y] [S] succombant en son recours est condamné aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande de condamner M. [S] à payer à Mme [J] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles engagées par elle en cause d'appel.

M. [Y] [S] étant condamné aux dépens, sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme le jugement en ce qu'il a homologué les rapports d'expertise établis par M. [X] [O], géomètre expert les 26 avril 2019 et 18 mai 2021,

Statuant à nouveau sur ce point,

Dit que l'expert M. [X] [O] devra se rendre sur les lieux et planter les bornes concernant la limite commune aux fonds [J] section AB n° [Cadastre 2] et [S] section AB n° [Cadastre 6] selon la ligne A K, le point A se situant au pied du mur de soutènement à une distance de 0,27 m de la borne A' implantée par M. [T] géomètre expert et le point K à l'ouest marque peinture aujourd'hui disparue au pied du mur, conformément à sa proposition formulée dans le rapport du 26 avril 2019 et à sa proposition n° 3 formulée dans son rapport d'expertise complémentaire du 18 mai 2021.

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant

Déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par M. [Y] [S],

Déboute M. [Y] [S] de sa demande sur le fondement de l'article 555 du code civil,

Condamne M. [Y] [S] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne M. [Y] [S] à payer à Mme [A] [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute M. [Y] [S] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/01334
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.01334 ?
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