N° RG 19/07323 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MU6E
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 04 septembre 2019
RG : 13/05247
ch n°9 cab 09 G
[B]
C/
[F]
[M]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 06 Juin 2023
APPELANT :
M. [G] [B]
né le 01 Mars 1947 à [Localité 6] (SENEGAL)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Etienne TETE, avocat au barreau de LYON, toque : 2015
INTIMES :
M. [U] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Valérie MOULIN de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896
Mme [Y] [M] épouse [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Valérie MOULIN de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 19 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Mars 2023
Date de mise à disposition : 06 Juin 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Dominique DEFRASNE, magistrat honoraire
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Par acte authentique du 18 mai 2001, les époux [F] sont devenus propriétaires d'un terrain (lot n°108) cadastré section BE N° [Cadastre 5] sis [Adresse 2] sur la commune de [Localité 7] (Rhône), au sein du lotissement " [Adresse 8] ".
Le 25 mai 2008, ils ont obtenu un permis de construire pour la construction d'une maison individuelle comportant deux logements.
Par exploit d'huissier du 9 avril 2013, Mr [G] [B], propriétaire indivis avec ses deux soeurs par suite du décès de leurs parents, de la parcelle voisine a fait assigner les époux [F] en démolition de leur maison individuelle au motif qu'elle ne respectait pas les prescriptions du cahier des charges du lotissement.
Par jugement avant dire droit du 14 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a ordonné un transport sur les lieux et un procès-verbal a été dressé le 12 janvier 2017.
Par jugement du 4 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- déclaré recevable l'action de Mr [B],
- condamné Mr [U] [F] et Mme [Y] [F] à verser à Mr [B] la somme de 15.000€ à titre de dommages et intérêts,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné Mr [U] [F] et Mme [Y] [F] aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 24 octobre 2019, Mr [B] a interjeté appel de ce jugement.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 15 mars 2022, Mr [G] [B] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il est contraire aux demandes ci-dessous, le confirmer pour le surplus,
statuant à nouveau,
- ordonner à Mr et Mme [U] [F], la fermeture par un mur de trois fenêtres sur la face nord (fenêtre du rez-de-chaussée, nord-ouest et les deux fenêtres du premier étage) et la fermeture par un mur de quatre fenêtres sur la face sud (deux fenêtres du rez-de-chaussée et les deux fenêtres du premier étage) ayant pour origine le permis de construire 69 275 08 00032, pour la construction d'une maison individuelle comportant deux logements (Shon initiale : 180m² ; Shon construite 169,50m²), adresse du terrain, [Adresse 2] à [Localité 7], sur la parcelle de terrain cadastrée section BE parcelle n0[Cadastre 5], sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le délai de 3 mois après signification du jugement à intervenir,
- voir désigner tel huissier qu'il plaira avec pour mission de vérifier, après travaux, l'emprise au sol des constructions, le retour en pleine terre de 80 % de la surface, et le cas échéant, la fermeture des fenêtres sur les côtés nord et sud,
- condamner Mr et Mme [U] [F] à lui payer la somme de 90.000 € en application de l'article 1240 du code civil,
- condamner Mr et Mme [U] [F] à lui payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mr et Mme [U] [F] aux entiers dépens.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 3 février 2022, Mr [U] [F] et Mme [Y] [M] son épouse demandent à la cour de :
- déclarer leur appel incident recevable en la forme,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 4 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté la demande de fermeture de l'intégralité des fenêtres situées façade sud et façade nord de leur maison,
pour le surplus,
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 4 septembre 2019 en ce qu'il les a condamnés à verser à Mr [B] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
statuant à nouveau,
- rejeter la demande de dommages et intérêts de Mr [B],
en tout état de cause,
- condamner Mr [B] à leur payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mr [B] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Valérie Moulin.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mai 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a débouté Mr [B] de sa demande de démolition de la 2ème maison de sorte que la cour n'est plus saisie que des demandes de l'appelant tendant d'une part à la fermeture de fenêtres et de désignation d'un huissier et d'autre part, au paiement de dommages et intérêts.
1. sur la demande en fermeture de fenêtres et de désignation d'un huissier :
Il ressort des pièces produites que suivant acte notarié en date du 11 octobre 2021, les consorts [B] ont vendu leur bien.
Les époux [F] qui évoquent cette vente dans leurs écritures et font valoir que les acquéreurs qui sont désormais leurs voisins, n'ont pas souhaité être subrogés dans les droits et obligations des vendeurs, n'en tirent toutefois aucune conséquence juridique quant à la recevabilité de la demande de Mr [B] en ce qu'elle tend notamment à obtenir la fermeture de fenêtres.
Mr [B] fait valoir à juste titre sur ce point qu'il a été convenu dans l'acte de vente, alors que les acquéreurs ont été informés du litige, qu'il continuerait seul le contentieux à ses risques et périls et garderait à son profit les indemnités qui lui seraient allouées, notamment pour tenir compte de son préjudice personnel et de la moins-value du bien.
Ainsi la circonstance que le bien a été vendu n'est pas de nature à affecter la recevabilité des prétentions de Mr [B] étant rappelé au surplus que l'existence du droit à agir s'apprécie à la date de l'introduction de l'instance.
A l'appui de sa demande tendant à obtenir la fermeture des fenêtres de la maison [F], Mr [B] fait valoir que :
- le cahier des charges du lotissement " Le Prainet ", document contractuel engageant tous les co-lotis, prévoit que " dans tous les cas où ces ouvertures éclaireraient les pièces principales, les façades devront se trouver obligatoirement à 5 mètres de limites voisines",
- cette phrase s'interprète dans le sens que le cahier des charges institue, à savoir que, afin d'éviter des vues droites ou obliques chez le voisin, dans tous les cas où les ouvertures éclaireraient des pièces principales, les façades devront se trouver obligatoirement à cinq mètres des limites voisines,
- ainsi en considérant que cette disposition concernait seulement les garages et entrepôts, le premier juge a dénaturé les dispositions du cahier des charges,
- en l'espèce, la maison des époux [F], construite à 3,4 mètres, en façade nord, de sa propriété, dispose donc de fenêtres situées à moins de 5 mètres de la maison voisine et ne respecte pas le cahier des charges ce qui justifie que soit ordonnée la démolition de trois fenêtres, la quatrième étant réduite, sur la face nord et de quatre fenêtres sur la face sud, soit au total sept fenêtres à reboucher par un mur.
Les époux [F] font valoir en réplique que :
- la règle de la limite des 5 mètres instituée par l'article 6 du cahier des charges invoqué par l'appelant ne concerne que les annexes à savoir les garages et entrepôts et non pas leur résidence principale et le tribunal n'a pas dénaturé cette disposition,
- la demande de fermeture des fenêtres doit en conséquence être rejetée et ce d'autant qu'il n'est pas démontré que la façade sud serait à 3,50 mètres de la propriété voisine, le procès-verbal de transport sur les lieux n'évoquant que la façade nord.
Sur ce :
Il est constant en droit que le cahier des charges d'un lotissement constitue un document contractuel dont les clauses engagent les co-lotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues.
En l'espèce, il est stipulé à l'article 6 du cahier des charges applicable dans le lotissement la clause suivante :
'...Des garages ou entrepôts pourront cependant être construits, soit incorporés dans le bâtiment, soit construits sur mitoyenneté et accolés au bâtiment d'habitation.
Dans ce dernier cas les bâtiments pourront se trouver à 3 m de la limite voisine avec obligation de n'ouvrir de ce côté de façade que les ouvertures éclairant des pièces secondaires, W. C., vestibule, cage d'escalier, etc. Ces bâtiments ne pourront pas avoir plus de 3 mètres de hauteur sur pignon. Dans tous les cas où ces ouvertures éclaireraient les pièces principales, les façades devront se trouver obligatoirement à 5 m des limites voisines. Des poulaillers et clapiers domestiques pourront être aménagés. Ils ne pourront être construits dans la partie de terrain de chaque lot situé entre la maison et la voie publique. Ils devront être édifiés en dalle ou en béton avec ouverture ordinaire. Les édifices en bois ou en tôle sont forcément prohibés. Toute construction édifiée sur les lots de quelques natures que ce soit devra obligatoirement faire l'objet d'un permis de construire... »
Nonobstant la rédaction peu explicite de cette clause, la disposition selon laquelle 'dans tous les cas où ces ouvertures éclaireraient les pièces principales, les façades devront se trouver obligatoirement à 5 m des limites voisines' concerne évidemment les bâtiments d'habitation, et non pas les seuls garages et entrepôts, comme l'a retenu le premier juge, dés lors en effet que par hypothèse, les garages et entrepôts ne comprennent pas de pièces principales, cette notion faisant nécessairement référence à celle d'habitation.
Il ressort des pièces produites, notamment le procès-verbal de transport établi le 17 janvier 2017 en première instance, que la distance mesurée entre le mur mitoyen et la maison est de 3,60 mètres ce dont il se déduit qu'au moins une des façades de la maison comprenant des fenêtres est située à moins de 5 mètres de la limite de propriété voisine et que la preuve est rapportée que les époux [F] n'ont pas respecté les dispositions du cahier des charges.
Toutefois, si ainsi que rappelé plus haut l'intérêt au succès d'une prétention s'apprécie au jour de l'introduction de l'instance, il n'est pas contestable que par la vente de son lot, Mr [B] a perdu sa qualité de co-loti et n'a donc plus qualité pour faire respecter le règlement du lotissement.
Ainsi, sa demande en démolition ne pourrait être justifiée que si la mesure sollicitée avait pour objet de faire cesser son préjudice ce qui ne peut être le cas en l'espèce, Mr [B] n'étant désormais plus propriétaire de la maison.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mr [B] de cette demande.
Le même raisonnement conduit à confirmer le rejet de la demande de désignation d'un huissier pour vérifier l'importance de l'emprise au sol de la construction.
2. sur la demande en paiement de dommages et intérêts :
A l'appui d'une demande indemnitaire de 90.000 €, Mr [B] fait valoir que :
- du fait des époux [F], il a du subir 9 années de chantier, 5 années de procédure et un trouble de jouissance consécutif à l'indisponibilité du bien, soit un préjudice de jouissance qui peut être évalué à 10.000 € par an,
- la vente de l'immeuble a été impossible en raison du comportement des époux [F] et'en tout état de cause, le prix de vente a été dévalué.
Les époux [F] contestent la réalité du préjudice allégué et font valoir notamment que :
- aucune pièce produit ne justifie que Mr [B] a été empêché de par leur faute, de vendre son bien et il ne rapporte pas la preuve d'une causalité entre la moins-value de sa maison et leur prétendue faute,
- l'évaluation du bien produite, en date du 27 août 2019, est incomplète,
- Mr [B] ne subit aucun préjudice d'agrément dès lors qu'il n'habite pas la maison,
- les propriétés sont séparées par une haie non entretenue qui masque complètement ce qui se passe sur chaque parcelle.
Sur ce :
Il est constant qu'en parfaite violation de leur permis de construire et du cahier des charge, Mr et Mme [F] dont la première maison avait été endommagée par un incendie ont construit une seconde maison sans démolir la première et sans respecter les dispositions du cahier des charges ce qui a valu à Mr [F] une condamnation par le tribunal correctionnel de Lyon.
Par des motifs pertinents que la cour adopte le premier juge a relevé que si les époux [F] avaient démoli la maison d'origine, en s'exécutant sous la contrainte, ils ne justifiaient d'aucun travaux destinés à retirer les nombreux gravas qui avaient été constatés lors de la visite des lieux, qu'ils étaient ainsi restés plusieurs années en situation irrégulière par rapport aux exigences du cahier des charges et que l'état du chantier avait perduré depuis 2008 de façon anormale, que ce comportement fautif avait généré un préjudice d'agrément pour Mr [B] quand bien même celui-ci ne démontrait pas qu'il demeurait de façon constante dans sa propriété indivise et qu'il avait enfin également subi un préjudice pour s'être trouvé empêché de mettre en vente son bien dévalorisé par l'état de chantier de la propriété de son voisin immédiat.
Les pièces produites en cause d'appel par l'appelant ne justifient nullement de modifier l'évaluation du préjudice par le premier juge lequel par des motifs pertinents que la cour adopte, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en le fixant à la somme de 15.000 €.
Le jugement est confirmé de ce chef.
3. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour estime que l'équité ne commande pas davantage de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.
Les dépens d'appel sont à la charge de Mr [B] qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement en ces dispositions soumises à l'appréciation de la cour,
y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne Mr [G] [B] aux dépens d'appel et accorde à Maître Valérie Moulin, avocate, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, Le Président,