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25/05/2023 | FRANCE | N°23/00609

France | France, Cour d'appel de Lyon, Audience solennelle, 25 mai 2023, 23/00609


R.G : N° RG 23/00609 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OXZU





































































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aux parties le



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE LYON



AUDIENCE SOLENNELLE



ARRET DU 25 Mai 2023








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Décision déférée à la Cour : Conseil de l'ordre des avocats de l'Ain du 09 décembre 2022





DEMANDEUR AU RECOURS :



Madame [L] [M] épouse [C] [N]

[Adresse 5]

[Localité 6]



comparante







DEFENDEUR AU RECOURS :



CONSEIL DE L'ORDRE DU BARREAU DE L'AIN

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Maître DEBOURG Séverine, bâtonnier







EN PRESE...

R.G : N° RG 23/00609 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OXZU

notification

aux parties le

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

AUDIENCE SOLENNELLE

ARRET DU 25 Mai 2023

Décision déférée à la Cour : Conseil de l'ordre des avocats de l'Ain du 09 décembre 2022

DEMANDEUR AU RECOURS :

Madame [L] [M] épouse [C] [N]

[Adresse 5]

[Localité 6]

comparante

DEFENDEUR AU RECOURS :

CONSEIL DE L'ORDRE DU BARREAU DE L'AIN

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Maître DEBOURG Séverine, bâtonnier

EN PRESENCE DE :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 2]

[Localité 4]

L'affaire a été débattue le 27 Avril 2023, les parties ne s'y étant pas opposées,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, première présidente de chambre

- Olivier GOURSAUD, président de chambre

- Anne-Claire ALMUNEAU, présidente de chambre

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Bénédicte LECHARNY, conseillère

assistés pendant les débats de Sylvie NICOT, greffier

lors de l'audience ont été entendus :

- Anne WYON, en son rapport

- [L] [C] [N] en sa plaidoirie

- Olivier NAGABBO, avocat général, en ses réquisitions

- Maître Séverine DEBOURG, bâtonnier en ses observations

- Madame [L] [C] [N] ayant eu la parole en dernier

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel le 25 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, première présidente de chambre , agissant par délégation du premier président, selon l'ordonnance du 26 Avril 2023 et par Sylvie NICOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Par lettre du 6 octobre 2022, Mme [L] [M] épouse [C] [N] a sollicité son admission au barreau de l'Ain sous le bénéfice de la dispense de formation prévue par l'article 98-3° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, aux termes duquel sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat [...] les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises.

Après avoir entendu Mme [M] le 6 novembre 2022 et par décision du 9 décembre 2022, le conseil de l'ordre du barreau de l'Ain a rejeté la demande.

Mme [M] a relevé appel de cette décision par lettre recommandée avec avis de réception postée le 9 janvier 2023.

La procédure a été fixée à l'audience du 23 mars 2023 et renvoyée à celle du 27 avril afin de permettre à Mme [M] de communiquer ses pièces à Mme le bâtonnier et au ministère public. Mme [M] a remis ses écritures et ses pièces à l'audience, Mme le bâtonnier et M. l'avocat général ont indiqué qu'ils étaient en mesure de faire valoir leurs observations après avoir examiné la production de Mme [M] et qu'ils ne sollicitaient pas le renvoi de la procédure à une audience ultérieure.

Mme [M] qui s'est expressément référée à ses conclusions écrites a rappelé qu'elle satisfait à la condition de diplôme dans la mesure où elle est notamment titulaire d'une maîtrise en droit des affaires.

Elle dit justifier d'une pratique professionnelle de huit ans en qualité de juriste d'entreprise :

- au sein du département juridique de la BNP à [Localité 8] où elle a été recrutée en qualité de stagiaire le 12 juin 2008 puis dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée du 5 janvier 2009 au 31 décembre 2009 et d'un second contrat de travail à durée déterminée du 15 février au 30 novembre 2010, précisant que du 27 septembre au 30 novembre 2010 elle était en congé maternité,

- au sein de la société Sofgen Save Tax à [Localité 7] à compter du 7 mars 2011 pour une durée de 68 mois, soit cinq ans et un mois si l'on exclut les arrêts de travail pour maternité et maladie,

- au sein de la banque Lombard Odier à [Localité 7], en qualité de fondée de pouvoir du 1er mai 2017 au 30 juin 2019, soit pendant deux ans et deux mois.

Elle précise avoir constamment pratiqué le droit fiscal français durant toute son expérience professionnelle en Suisse et satisfaire aux conditions posées par le texte. Elle sollicite l'infirmation de la décision déférée.

Mme le bâtonnier répond que les pièces produites ne permettent pas de considérer que Mme [M] satisfait à la condition de durée exigée, et fait observer que les fonctions dont elle se prévaut ne correspondent pas à la définition du juriste d'entreprise dans la mesure où elle ne démontre pas avoir conseillé les sociétés qui l'employaient dans les domaines juridiques et fiscaux en vue de leurs propres besoins et intérêts et qu'elle ne produit aucun justificatif de ses travaux, les contrats de travail et les bulletins de salaire versés aux débats ne le démontrant pas davantage. Elle conclut à la confirmation de la décision critiquée.

Après avoir relevé dans son avis écrit du 2 mars 2023 qu'aucune motivation ni aucune pièce n'étaient produites à l'appui du recours, et qu'il convenait de confirmer la décision critiquée, ces observations ayant été adressées aux parties par lettre du 3 mars 2023, le ministère public a ajouté à l'audience que les documents produits à l'audience ne permettaient pas de faire application de l'article 98-3° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 au bénéfice de Mme [M].

Mme [M] a eu la parole en dernier.

La procédure a été mise en délibéré au 25 mai.

Par courrier du 2 mai 2022, Mme le bâtonnier de l'Ain a adressé à la cour et à Mme [M] l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 5 mai 2021 (pourvoi n°17-21006) ensuite d'un arrêt de la cour de justice de l'union européenne du 17 décembre 2020 cité par Mme [M].

En réponse à cet envoi, Mme [M] a adressé à la cour et au ministère public par courriel du 10 mai 2023 une pièce supplémentaire ainsi que ses conclusions complétées, précisant qu'une copie du tout était transmise à Mme le bâtonnier.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 mai 2023 reçue le 16, Mme [M] a adressé à la cour un nouveau courrier accompagné de la pièce supplémentaire déjà transmise par courriel du 10 mai.

MOTIVATION

Aux termes de l'article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 440 et 444.

En l'espèce, la cour n'a pas sollicité de note en délibéré. Si la communication d'une jurisprudence qui ne constitue pas une note n'entre pas dans les prévisions de l'article 445 du code de procédure civile, il en va autrement d'une argumentation supplémentaire et a fortiori d'une pièce qui n'ont pu faire l'objet d'une discussion contradictoire.

La cour écartera en conséquence les écrits que Mme [M] lui a adressés par courriel du 10 mai 2023 et par courrier du 11 mai.

Au fond, il n'est pas contesté que Mme [M] satisfait à la condition de diplôme prévue par l'article 98-3° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.

Le juriste d'entreprise qui sollicite le bénéfice du texte susvisé doit justifier de huit années au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises. En l'espèce, la décision dont appel précise que les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie et maternité de l'intéressée ne pouvaient être prises en compte et que le conseil de l'ordre n'était pas en mesure de s'assurer de l'effectivité de l'exercice professionnel durant les périodes alléguées.

Il y a lieu de rappeler que les fonctions d'assistante de justice et la période de stage à la BNP ne peuvent être prises en considération. Les périodes effectives de travail dont justifie Mme [M] au moyen des pièces citées ci-dessous sont les suivantes, étant précisé que la cour ne peut intégrer dans la durée de 8 ans les mois pour lesquels le bulletin de paie n'est pas produit :

' BNP

- contrat et bulletins de paie (sauf celui d'avril) pour la période du 5 janvier au 9 septembre 2009

- contrat et bulletins de paie pour la période du 24 septembre au 31 décembre 2009

- contrat et bulletins de paie pour la période du 15 février au 31 juillet 2010

- contrat prolongé au 30 novembre 2010 et bulletins de paie afférents.

Soit 19 mois et 26 jours.

' Sofgen SaveTax [Localité 7]

- contrat de travail entrant en vigueur le 1er avril 2011

- bulletins de paie du 30 avril 2011 au 30 novembre 2016 sauf : juillet 2011, février 2012, avril à juillet 2012 inclus, décembre 2012, janvier 2014, août 2015.

Soit 59 mois, dont 6 mois de congés selon les déclarations de Mme [M] à l'audience, restent 53 mois.

' Banque Lombard-Odier [Localité 7]

- contrat de travail entrant en vigueur le 1er mai 2017

- bulletins de paie de mai 2017 à juin 2019 inclus

Soit 26 mois.

En ce qui concerne l'activité exercée, Mme [M] produit les éléments suivants :

- BNP : les contrats de travail font apparaître les qualifications suivantes : juriste niveau H, conseiller juridique niveau H, juriste niveau H1.

Mme [M] produit un document qu'elle a rédigé et dont il ressort que sa tâche consistait essentiellement à faire en sorte que les clients acquéreurs de produits financiers se voyaient proposer des investissements dont ils avaient compris les caractéristiques et les risques qu'ils pouvaient présenter et qui étaient en adéquation avec leurs objectifs. Lorsque les produits étaient distribués par la BNP, Mme [M] validait la documentation juridique liée à leur émission avant de l'adresser à l'autorité des marchés financiers en vue d'obtenir son agrément.

- Sofgen : Il ressort du certificat de travail du 30 novembre 2016 que Mme [M] occupait

le poste d'analyste fiscal exigeant une excellente connaissance des réglementations fiscales spécifiques à chaque pays pour les produits bancaires et de gestion de patrimoine, une capacité à communiquer ces informations aux équipes de chefs de projet, d'analystes métier et de développeurs, Promue au poste de responsable opérationnelle de la fiscalité à compter du 1er décembre 2013, Mme [M] a assumé les tâches et responsabilités suivantes :

surveiller les changements fiscaux concernant la taxation des produits financiers dans les différentes juridictions couvertes par l'application et les conventions fiscales bilatérales,

rédiger des spécifications fiscales concernant les nouvelles règles fiscales ou les nouvelles juridictions fiscales,

examiner les spécifications métier des produits et s'assurer qu'elles sont conformes aux exigences réglementaires,

apporter un soutien à l'équipe produit de SaveTax pour comprendre les exigences réglementaires,

se coordonner avec des parties externes telles que les administrations fiscales, les Big Four ou les experts fiscaux locaux concernant les questions fiscales pertinentes,

identifier et coordonner les parties prenantes pour les services opérationnels fiscaux de tiers supplémentaires (par exemple, les fournisseurs de données, les bases de connaissances, les procédures de certification).

travailler avec l'équipe de gestion des produits pour identifier de nouveaux produits et services en fonction de la demande actuelle du marché et des évolutions réglementaires, et fournir des contributions sur la fiscalité opérationnelle et les processus susceptibles de soutenir l'offre du produit,

établir et gérer des relations avec ses pairs en matière de fiscalité opérationnelle du côté de la banque afin d'identifier les lacunes internes de la banque qui pourraient être exploitées pour améliorer l'offre de produits et de services de l'entreprise, et échanger sur les expériences et les interprétations possibles des changements de loi.

encadrer l'équipe d'analystes métier et développer leurs connaissances et leur sensibilisation aux processus et pratiques fiscaux opérationnels,

fournir, sur demande, des conseils fiscaux spécialisés aux clients et prospects de SOFGEN SaveTax.

- Banque Lombard-Odier : le certificat de travail du 18 novembre 2020 indique que Mme [M] a travaillé en qualité de spécialiste en fiscalité au rang de fondée de pouvoir auprès de l'unité Clientèle Privée dans le département 'Chief Operating Officer' et a été chargée des tâches suivantes :

- analyser la situation fiscale des clients, personnes physiques ou morales et des prospects lors de l'ouverture des comptes, avec une attention particulière aux questions de conformité et de blanchiment d'argent,

- effectuer des contrôles en conformité, de fiscalité ou de vérification de l'identité du client avec des outils dédiés,

- collaborer avec d'autres départements tels que les services juridiques;

- répondre aux questions fiscales de l'équipe et servir de référence en conformité fiscale,

- effectuer une vérification en matière de conformité fiscale lors du processus d'ouverture des comptes,

- participer à des réunions de retour d'expérience liées aux procédures et à leur mise en application,

- conseiller les gérants et leurs assistants sur les questions liées à la conformité fiscale,

- suivre l'évolution de l'attestation fiscale dans le monde,

- produire des analyses fiscales sur des sujets spécifiques (trusts, fondations...)

Il est constant que le juriste d'entreprise est celui qui exerce ses fonctions dans un département chargé, au sein d'une entreprise publique ou privée considérée comme étant la réunion de moyens matériels et humains coordonnés et organisés en vue de réaliser un objectif économique déterminé, de connaître les questions juridiques ou fiscales se posant à celle-ci, d'y assurer une fonction de responsabilité dans l'organisation et le fonctionnement de la vie publique de l'entreprise qui ne peut être confondue avec le simple exercice professionnel du droit assimilable à une activité d'administration pure et simple couramment pratiquée dans cette entreprise.

Si Mme [M] affirme avoir été chargée de veiller à la conformité à la réglementation fiscale des produits diffusés par son employeur avant qu'ils soient proposés à la clientèle lorsqu'elle travaillait au sein de la BNP, cela ressort exclusivement du document qu'elle a rédigé elle-même et ne peut être déduit des indications figurant sur les contrats qu'elle a versés aux débats. Nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, ce mémoire ne peut être considéré comme une preuve de l'activité qu'elle a alors exercée. Dans ces conditions, l'intéressée n'établit pas avoir exercé en qualité de juriste d'entreprise pendant la période 2009-2010.

Par suite, la cour ne pouvant prendre en considération que ses activités effectives ultérieures dont la durée totale n'excède pas 79 mois, il n'est pas justifié par Mme [M] d'une activité de juriste d'entreprise pendant la période de huit années exigée par l'article 98-3° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, de sorte que la décision critiquée sera confirmée, et que Mme [M] supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :

Ecarte les écrits et pièce adressés à la cour par Mme [M] épouse [C] [N] après la clôture des débats ;

Confirme la décision prise le 9 décembre 2022 par le conseil de l'ordre des avocats au barreau de l'Ain.

Dit que Mme [M] épouse [C] [N] supportera les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Audience solennelle
Numéro d'arrêt : 23/00609
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;23.00609 ?
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