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25/05/2023 | FRANCE | N°22/07647

France | France, Cour d'appel de Lyon, Audience solennelle, 25 mai 2023, 22/07647


R.G : N° RG 22/07647 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OTVJ





































































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aux parties le



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE LYON



AUDIENCE SOLENNELLE



ARRET DU 25 Mai 2023








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Décision déférée à la Cour : Conseil de l'ordre des avocats de LYON du 10 octobre 2022





DEMANDEUR AU RECOURS :



Madame [U] [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]



comparante, assistée de Me Jean-marie CHANON de la SELARL CHANON SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON







DEFENDEUR AU RECOURS :



CONSEIL DE L'ORDRE RESTREINT DES AVOCATS DE LYON

[A...

R.G : N° RG 22/07647 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OTVJ

notification

aux parties le

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

AUDIENCE SOLENNELLE

ARRET DU 25 Mai 2023

Décision déférée à la Cour : Conseil de l'ordre des avocats de LYON du 10 octobre 2022

DEMANDEUR AU RECOURS :

Madame [U] [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]

comparante, assistée de Me Jean-marie CHANON de la SELARL CHANON SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DEFENDEUR AU RECOURS :

CONSEIL DE L'ORDRE RESTREINT DES AVOCATS DE LYON

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Maître Jean-François BARRE, vice-bâtonnier

EN PRESENCE DE

Madame LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 4]

:

L'affaire a été débattue le 27 Avril 2023, les parties ne s'y étant pas opposées,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, première présidente de chambre

- Olivier GOURSAUD, président de chambre

- Anne-Claire ALMUNEAU, présidente de chambre

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Bénédicte LECHARNY, conseillère

assistés pendant les débats de Sylvie NICOT, greffier

lors de l'audience ont été entendus :

- Anne WYON, en son rapport

- la SELARL CHANON SOCIÉTÉ D'AVOCATS, en sa plaidoirie

- Olivier NAGABBO, avocat général, en ses réquisitions

- Maître Jean-François BARRE, vice-bâtonnier, en ses observations

- Madame [U] [L] ayant eu la parole en dernier

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel le 25 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, première présidente de chambre , agissant par délégation du premier président, selon l'ordonnance du 26 avril 2023 et par Sylvie NICOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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Par arrêté du 10 octobre 2022, le conseil de l'ordre restreint du barreau de Lyon a rejeté la demande d'inscription à l'ordre formulée par Mme [L] sur le fondement de l'article 98 4° du décret du 27 novembre 1991 qui prévoit que les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins dans une administration ou un service public ou une organisation internationale sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat.

Le conseil a ainsi motivé sa décision : si la demanderesse justifie bien avoir occupé des postes d'encadrement de haut niveau, supervisant des services de nature juridique, elle échoue à établir que la condition d'exercice d'activités juridiques au sens de l'article 98 4° du décret du 27 novembre 1991 est bien remplie.

Mme [L] a relevé appel de cette décision par lettre de son avocat remise au greffe le 17 novembre 2022.

La procédure a été fixée à l'audience du 26 janvier 2003, et renvoyée à l'audience du 23 mars puis à celle du 27 avril 2023.

Suivant mémoire déposé devant la cour le 20 mars 2023 et communiqué le même jour aux autres parties à la procédure, Mme [L] fait essentiellement valoir qu'elle est titulaire depuis 2010 d'un Master 'droit, économie, gestion, mention droit privé et sciences criminelles, spécialité en droit immobilier', d'une maîtrise ès sciences économiques obtenue en 1986 et qu'elle est diplômée de l'institut régional d'administration de [Localité 8].

Elle indique avoir consacré de 1987 à 2014 l'essentiel de sa carrière à des responsabilités importantes dont la constante est l'application de la règle de droit :

- en qualité de fonctionnaire de catégorie A du ministère des finances,

- dans le cadre d'un détachement auprès de la métropole de [Localité 8] où elle a exercé pendant neuf ans la fonction de directrice administrative, juridique et financière d'un service urbain, puis des quatre services urbains « propreté, eau, voirie, logistique et bâtiments »,

- en qualité de secrétaire générale de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse pendant neuf ans jusqu'au 31 décembre 2010,

- en qualité d'adjointe du responsable de la politique immobilière de l'État pendant quatre ans au sein de la direction régionale des finances publiques Rhône-Alpes.

Elle précise avoir quitté les services de l'État en 2014 alors qu'elle était inspectrice divisionnaire des finances publiques hors classe au 3è échelon pour créer son entreprise dénommée 'espaces & lumière' et spécialisée dans l'accompagnement d'opérateurs privés et publics dans les projets urbains complexes notamment sur les plan juridique, financier et urbanistique.

Elle soutient que contrairement à ce qu'ont pu penser les membres du conseil de l'ordre restreint, les responsabilités qu'elle a exercées exigent une connaissance sérieuse et concrète de nombreux domaines du droit : droit public, droit civil, droit social et ressource humaine, droit fiscal etc, comme en témoignent les attestations ainsi que les feuilles d'évaluation et de notation qu'elle produit.

Elle ajoute avoir enseigné la fiscalité immobilière en Master 2 de droit immobilier à l'institut du droit patrimonial et immobilier de 2012 à 2019 et avoir supervisé dans ce cadre la rédaction de 10 mémoires en relation avec la fiscalité immobilière.

Par conclusions reçues à la cour le 19 avril 2023, Mme la Bâtonnière de l'ordre des avocats de Lyon rappelle que le mode d'accès à la profession d'avocat par l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 est dérogatoire et, partant, d'interprétation stricte, subordonné à une condition d'aptitude tenant à une expérience pratique réelle et effective pour la durée requise.

Elle fait observer que dans le cadre de ses missions, Mme [L] supervisait les équipes travaillant sur des projets présentant certains aspects juridiques mais surtout des aspects financiers et d'application de politiques définies et que celle-ci ne démontre pas l'exercice effectif et personnel de tâches de nature juridique, de sorte que la cour devra confirmer la décision entreprise.

M. l'avocat général qui n'a pas déposé de conclusions écrites a indiqué après avoir entendu les parties que les conditions prévues par le texte étaient satisfaites et a conclu à l'infirmation de la décision critiquée.

Mme [L] et le représentant de Mme la Bâtonnière de l'ordre des avocats de Lyon ont indiqué qu'ils ne sollicitaient pas le renvoi de la procédure et qu'ils répondraient aux arguments du ministère public dans le cadre de leur plaidoirie et, en outre, qu'ils se référaient expressément à leurs écritures.

Mme [L] a eu la parole en dernier.

MOTIVATION

Aux termes de l'article 98 4° du décret du 27 novembre 1991, les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ou les personnes assimilées aux fonctionnaires cette catégorie ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins dans une administration ou un service public ou une organisation internationale peuvent être dispensés de l'information théorique et pratique et du Capa.

En l'espèce, Mme [L] satisfait à la condition de durée d'exercice dans la mesure où elle a été fonctionnaire de catégorie A du ministère des finances pendant une période de 27 ans et que la seule observation de ses fiches d'évaluation pour la période 1999-2010 qui mentionnent expressément son appartenance à cette catégorie de fonctionnaires suffit à en justifier.

Le conseil de l'ordre a considéré que Mme [L] qui démontre avoir occupé des fonctions d'encadrement et de supervision de services de nature juridique ne justifie pas d'un exercice effectif et personnel de tâches de nature juridique lors de ses fonctions au sein du MINEFI de la métropole de [Localité 8] ou de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée.

Mme [L] fait observer qu'elle ne dispose pas d'éléments matériels, dossiers, notes et mémoires rédigés par ses soins dans le cadre de ses activités à la communauté urbaine de [Localité 8], à l'agence de l'eau Rhône Méditerranée et à la direction régionale des finances publiques Rhône-Alpes car elle travaillait sur informatique et n'avait pas de raison d'emporter des dossiers lorsqu'elle a cessé ses fonctions.

Toutefois, elle produit les compte-rendus annuels d'entretien professionnel pour les années 2000-2010 qui énoncent ses résultats personnels ainsi que les objectifs fixés par sa hiérarchie.

Mme [L] a pris ses fonctions de secrétaire général de l'agence de l'eau le 1er juillet 2001.

Il est indiqué dans son évaluation relative à l'année 2001 que son poste correspond au grade d'administrateur que détenait son prédécesseur et qu'elle a notamment mis en route le nouveau code des marchés publics, ce qui implique à l'évidence des connaissances juridiques. Lors de l'entretien d'évaluation, Mme [L] a précisé avoir suivi à cette période une formation sur la gestion financière des établissements publics et a émis le souhait d'approfondir ses connaissances sur la loi organique d'août 2001 (loi organique relative aux lois de finance). Or, la mise en 'uvre de la LOLF exigeait une bonne connaissance des décisions du conseil constitutionnel précédentes à la lumière desquelles cette loi a été rédigée. Mme [L] a donc nécessairement mobilisé des compétences juridiques dans l'exercice de ses fonctions.

Les évaluations suivantes confirment l'application du nouveau code des marchés publics par l'agence sous l'égide de Mme [L] et la réforme de l'organisation et du fonctionnement de l'agence qui relevait de sa responsabilité en 2003.

Le rappel de ses fonctions dans l'évaluation 2004 indique qu'elle encadre et anime le secrétariat général, soit une équipe de 50 personnes dont 12 cadres A en matière de gestion financière et comptable, de gestion des ressources humaines, gestion de la logistique et des bâtiments, et gère l'aspect juridique de ces activités et le respect des règles de la commande publique.

Les évaluations suivantes confirment ces attributions de Mme [L] et évoquent notamment l'amélioration du dispositif de pilotage financier de l'agence, les modalités de gestion, les moyens à mettre en 'uvre, la mise en place du nouveau statut des agents, les relations avec les instances de concertation et les autorités de tutelle, toutes matières exigeant une connaissance précise et approfondie des règles juridiques applicables qui les encadrent.

Il est à remarquer qu'en 2006, Mme [L] a demandé à être formée en matière de responsabilité pénale des dirigeants publics, et qu'en 2007, elle indique devoir s'intéresser à la mise en 'uvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) par le gouvernement, notamment en matière patrimoniale, ce qui confirme l'imprégnation du droit sur l'ensemble de son activité.

Les évaluations ultérieures qui couvrent la période allant jusqu'au 31 décembre 2010 comportent des indications similaires.

Mme [L] s'est ensuite formée en droit de l'immobilier en vue de la mise en 'uvre de la RGPP et a obtenu un master dans cette matière en 2011.

Elle a ensuite été nommée à la direction régionale des finances publiques Auvergne Rhône-Alpes en qualité d'adjoint du responsable de la politique immobilière de l'État, et produit un organigramme en justifiant. Il ressort des documents récapitulatifs des présentations qu'elle a effectuées en 2011, 2013 et 2014 qu'elle a participé à l'élaboration et à la mise en 'uvre de la stratégie immobilière de l'État et travaillé dans les domaines suivants : diagnostic, densification, relogement, cession, rénovation, foncier public, cessions complexes de propriétés immobilières importantes à [Localité 8] et à [Localité 7], et à la renégociation des baux de l'État en Rhône-Alpes, toutes activités nécessitant une excellente connaissance du droit immobilier.

Les conditions d'accès à la profession d'avocat fixées par les textes poursuivent un but légitime permettant de « garantir les compétences des personnes exerçant cette profession par un niveau de connaissance suffisant aussi bien du droit français que de ses conditions de mise en oeuvre et, par voie de conséquence, le respect des droits de la défense ».

Selon la jurisprudence, le fonctionnaire de catégorie A doit avoir exercé des fonctions

juridiques de manière effective à titre principal ou prépondérant, mais pas exclusif.

A l'évidence, les fonctions de Mme [L] telles qu'elle les a décrites lors des débats et qui sont corroborées par ses évaluations sur la période 2000-2010 et les présentations ultérieures entraient toutes dans le cadre juridique régissant l'établissement public de l'État à caractère administratif qu'est l'agence de l'eau et toutes ses activités. Dans le cadre de son activité à la direction des finances publiques Auvergne Rhône-Alpes en qualité d'adjointe du responsable de la politique immobilière de l'Etat, elle a également exercé des fonctions juridiques effectives.

C'est pourquoi la décision du conseil de l'ordre des avocats de [Localité 8] sera infirmée et la demande de Mme [L] accueillie ; il sera ainsi enjoint au conseil de l'ordre de procéder à l'inscription de Mme [L] comme indiqué au dispositif (cf C. cass, 1ère Civ, 29 mars 2023 pourvoi n°22.14389).

Le conseil de l'ordre supportera les dépens, s'il s'en révèle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe :

Infirme la décision du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Lyon en date du 10 octobre 2022;

Statuant à nouveau,

Enjoint au conseil de l'ordre des avocats de [Localité 8] de procéder à l'inscription de Mme [U] [L] au tableau de l'ordre des avocats de [Localité 8] sous condition de réussite à l'examen prévu par l'article 98-1 du décret du 27 novembre 1991 ;

Dit que le conseil de l'ordre supportera les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Audience solennelle
Numéro d'arrêt : 22/07647
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;22.07647 ?
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