N° RG 21/00388 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NLGF
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon
Au fond
du 16 décembre 2020
RG : 17/01617
ch n°1 cab 01 B
[J]
C/
[L]
S.A. MMA IARD
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 25 Avril 2023
APPELANTE :
Mme [C] [J]
née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 8] (42)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON, toque : 219
INTIMES :
M. [T] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me François LOYE de la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, avocat au barreau de LYON, toque : T.692
Société MMA IARD venant aux droits de COVEA RISKS ès-qualités d'assureur de M. [L]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102
Représentée par Me FONTBRESSIN, avocat au barreau de PARIS
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de COVEA RISKS ès-qualités d'assureur de M. [L]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102
Représentée par Me FONTBRESSIN, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 17 Mars 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 25 Avril 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte authentique du 18 décembre 1997, Mme [J] a acquis des consorts [X], une maison d'habitation édifiée par la société Arbotech qui a assuré la maîtrise d'oeuvre partielle de l'opération, ainsi que la fourniture des éléments bois composant l'ossature de la maison.
Se plaignant de différents désordres, notamment des infiltrations au niveau des menuiseries extérieures, ainsi qu'un affaissement et un basculement de la maison, Mme [J] a, par assignation du 2 mai 2000, attrait la société Arbotech et les consorts [X] devant le tribunal de grande instance de Lyon et a sollicité du juge des référés la désignation d'un expert judiciaire.
Par ordonnance de référé du 9 mai 2000, M [L] a été désigné en qualité d'expert et il a déposé son rapport définitif le 3 février 2003.
Par ordonnance du 30 janvier 2001, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à M. [B], couvreur, intervenu pour procéder à la remise partielle de la couverture.
Par acte d'huissier de justice du 5 décembre 2000, Mme [J] a fait assigner la société Arbotech, les consorts [X] et M [B] aux fins d'être indemnisée de son préjudice sur le fondement de la garantie décennale.
Par jugement du 14 mai 2009, le tribunal de grande instance de Lyon a débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, laquelle a interjeté appel. Par arrêt du 11 janvier 2011, la cour d"appel de Lyon a confirmé le jugement.
Le 3 avril 2013, la Cour de cassation (3ème Civ. 3 avril 2013, pourvoi n° 11-13.917) a rejeté le pourvoi en cassation formé par Mme [J].
Considérant que l'expert n'avait pas mené à bien la mission qui lui était confiée, en ne déterminant pas le caractère décennal des désordres, qui avait conduit au rejet de ses demandes en justice, Mme [J] a, par assignation du 10 février 2017, fait attraire M. [L] et la société Covea Risks, en qualité d'assureur de M [L], devant le tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de mettre en jeu sa responsabilité civile délictuelle et obtenir réparation de ses préjudices.
Suivant un jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a notamment déclaré irrecevable, en raison de sa prescription, l'action exercée par Mme [J], et débouté M. [L], la société MMA IARD Assurances mutuelles et la société MMA IARD de leur demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 18 janvier 2021, Mme [J] a relevé appel du jugement.
Suivant conclusions notifiées le 1er février 2022, Mme [J] demande à la cour de:
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 16 décembre 2020, en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a déclaré irrecevable son action,
Et statuant à nouveau,
- rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription,
- déclarer, en conséquence, recevable son action,
- dire que M. [L], expert judiciaire, a commis des fautes dans l'exécution de la mission d'expertise qui lui était confiée par ordonnance de référé du 9 mai 2000,
- dire que ces fautes ont conduit au rejet de ses demandes à l'encontre des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale.
- condamner par conséquent M. [L], solidairement avec les sociétés MMA Assurances mutuelles et MMA IARD, si ces dernières s'avèrent être l'assureur de M. [L], à lui payer la somme de 218.550 € ou à défaut la somme de 213.750 €.
- condamner solidairement M [L] et sa compagnie d'assurance à lui payer la somme de 10.000€ au titre du préjudice moral.
- les condamner enfin à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
- débouter M [L] et les sociétés MMA Assurances mutuelles et MMA IARD de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouter les sociétés MMA Assurances mutuelle et MMA IARD de leur demande indemnitaire formée par voie d'appel incident, au titre du caractère prétendument abusif de l'appel principal.
Par conclusions notifiées le 13 juillet 2021, M. [L] demande à la cour de :
- juger l'action de Mme [J] prescrite.
En conséquence, la juger irrecevable en son action.
- confirmer le jugement du 16 décembre 2020
Y ajoutant,
- condamner Mme [J] à lui payer une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Subsidiairement,
- juger que Mme [J] ne rapporte pas la preuve des fautes qu'il a commises dans l'exécution de sa mission.
- juger que Mme [J] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice.
Très subsidiairement,
- réduire dans de notables proportions le préjudice allégué par Mme [J], qui ne saurait excéder la somme fixée par l'expert judiciaire pour remédier aux désordres.
- débouter Mme [J] du surplus de ses demandes.
- juger que MMA IARD et MMA Assurances mutuelles doivent le garantir intégralement de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
- condamner Mme [J] aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Juri Europ sur son affirmation de droit.
Par conclusions notifiées le 13 décembre 2021, la société MMA Iard Assurances mutuelles et la société MMA Iard demandent à la cour de:
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action exercée par Mme [J] comme prescrite
En conséquence
-s'entendre déclarer la demande introduite à leur encontre irrecevable.
Subsidiairement,
Pour le cas où par extraordinaire la cour de céans infirmerait la décision entreprise du chef de
la prescription,
- dire que Mme [J] ne rapporte la preuve d'aucune faute de M. [L] dans l'exécution de sa mission ayant un lien de causalité avec les chefs de dommage allégués
- s'entendre débouter Mme [J] de l'ensemble de ses chefs de demande.
Vu le caractère manifestement abusif de la procédure introduite devant la juridiction de céans,
- recevoir les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD, venant aux droits de Covea Risks en leur appel incident.
- s'entendre à ce titre condamner Mme [J] au paiement de la somme de 2500 € à leur profit à chacune à titre de réparation du préjudice occasionné par la présente procédure.
- s'entendre en outre condamner Mme [J] au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du CPC.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 17 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la prescription
Mme [J] conteste que son action soit prescrite. Elle fait valoir que dès lors qu'une action vise à engager la responsabilité civile d'autrui, du fait d'un préjudice résultant du rejet d'une demande en justice, comme c'est le cas en l'espèce, la jurisprudence retient comme point de départ du délai de prescription, la date à laquelle le rejet de cette demande en justice est devenu définitif.
Selon elle, le délai de prescription de l'action en responsabilité contre M. [L] n'a pas commencé à courir à compter de l'arrêt de la cour d'appel, en date du 11 janvier 2011, mais à compter de l'arrêt de la Cour de cassation, du 3 avril 2013.
M. [L] et les compagnies d'assurance font valoir qu'il ressort de l'arrêt du 11 janvier 2011 de la Cour d'appel de Lyon, qui a confirmé le jugement déboutant Mme [J] de sa demande en réparation des désordres sur le fondement de la garantie décennale, qu'à cette date, elle a eu connaissance du fait qu'elle n'obtiendrait pas d'indemnisation, la preuve du caractère décennal des désordres n'étant pas rapportée par l'expertise. Ils en déduisent, qu'en application de l'article 2224 du code civil, Mme [J] disposait d'un délai pour mettre en jeu la responsabilité délictuelle de l'expert jusqu'au 11 janvier 2016.
Ils ajoutent que le fait de former un pourvoi en cassation, qui n'est pas suspensif, ne peut avoir d'incidence sur la connaissance des faits lui permettant de considérer que l'expert avait engagé sa responsabilité.
Réponse de la cour
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il en résulte qu'en matière de responsabilité, la prescription ne court qu'à compter de la réalisation certaine du dommage ou de sa révélation à la victime.
Le dommage dont se prévaut Mme [J] étant le rejet de sa demande en justice en indemnisation d'un préjudice, sur le fondement de la garantie décennale, le délai ne court qu'à compter du jour où la décision de rejet est passée en force de chose jugée ou est devenue irrévocable.
En l'espèce, c'est à compter de l'arrêt de rejet de la Cour de cassation du 3 avril 2013 (3ème Civ. 3 avril 2013, pourvoi n° 11-13.917) que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, ayant confirmé le rejet des demandes d'indemnisation de Mme [J], est devenu irrévocable.
En conséquence, l'action en responsabilité qu'elle a introduite le 10 février 2017 à l'encontre de M. [L], est recevable. Le jugement est donc infirmé de ce chef.
2. Sur la faute de M. [L]
Mme [J] soutient que les fautes de l'expert résultent de la motivation des différentes décisions de justice qui relèvent, que ses conclusions sont 'hypothétiques', 'non étayées', ou que des sondages, nécessaires, n'ont pas été réalisés. Elle ajoute que M. [L] n'a, en outre, pas répondu précisément aux chefs de mission qui lui ont été confiés, en ne se prononçant pas sur la cause, la gravité et le caractère évolutif des désordres, de sorte qu'il n'a pas été possible de mobiliser la garantie décennale.
M. [L] et les assureurs font valoir que Mme [J] s'est opposée à la réalisation d'un sondage, de sorte qu'il ne saurait en être fait grief. Il ajoute qu'il s'est adjoint les services d'un sapiteur, ingénieur béton armé, qui a rendu un avis joint au rapport et qu'il a considéré que la dalle de fondation ne respectait pas les préconisations de l'étude géotechnique du 18 juillet 1987 et du 11 décembre 1989.
Il indique encore que malgré ses observations, le non-respect des DTU, l'avis de son sapiteur, la note d'un géotechnicien, les juridictions ont critiqué son rapport pour l'écarter. Néanmoins, selon lui, la cause du préjudice allégué par Mme [J], réside non pas dans le rapport d'expertise mais dans les décisions prises librement par les juges du fond, qui ne sont jamais tenus de suivre l'avis de l'expert, qui n'est tenu que d'une obligation de moyens. Il précise que même s'il s'est trompé dans son analyse, cela ne constitue pas en soi, une faute dans l'exécution de sa mission dès lors qu'il l'a remplie de manière consciencieuse.
Réponse de la cour
Pour un expert judiciaire, constitue une faute, au sens des dispositions de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, le fait d'émettre un avis erroné en raison d'erreurs que n'auraient pas commises un technicien normalement prudent et diligent.
Suivant une ordonnance du 9 mai 2000, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a confié à M. [L] la mission, notamment, de vérifier la liste des désordres, les décrire, en indiquer la nature et préciser s'ils étaient apparents ou non dans toutes leurs conséquences pour des profanes en matière de construction lors de la réception; préciser si les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination; dire si les éléments d'équipement défectueux font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert; rechercher les causes des désordres; dire s'ils proviennent d'une erreur de conception d'un vice des matériaux, d'une malfaçon dans leur mise en oeuvre, d'une négligence dans l'entretien ou l'exploitation des ouvrages ou de toute autre cause.
Or, si dans le rapport d'expertise du 3 février 2003, complété par le pré-rapport du 5 novembre 2002, M. [L] relève la présence de plusieurs fissures apparentes sur les doublages, cloisons et plafonds dans plusieurs pièces de l'habitation de Mme [J], il n'est pas précisé si ces fissures, localisées à l'intérieur du bâtiment, sont infiltrantes.
En outre, alors que le cabinet Eurisk a interrogé l'expert sur le caractère évolutif des fissures et la nécessité de réaliser des investigations afin de relever l'existence de mouvements différentiels, ce dernier n'y a pas donné suite, tout en affirmant qu'il appartenait au maître d'oeuvre de démontrer que les fondations qu'il a réalisées étaient conformes à ses plans et qu'elles ne subissaient ni déformation ni fissuration, ce qui caractérise une erreur dans la méthodologie de l'expertise.
M. [L] a également constaté que le carrelage sonnait creux sur plus de 50% de la surface de la maison.
Il en conclut que les deux types de désordres ont une cause commune possible, un mouvement de la dalle de fondations et une non-conformité de cette dalle.
Or, cette conclusion de l'expert est énoncée sous forme hypothétique et n'est pas étayée par des investigations, étant cependant précisé que Mme [J] s'est opposée à la réalisation de sondages.
Si cette dernière le nie désormais dans ses conclusions devant la cour, force est de reconnaître que l'expert l'a mentionné dans son rapport, sans que celle-ci ne le contredise par un dire, ni ne le conteste lors de la précédente procédure devant la cour ayant donné lieu à l'arrêt du 11 janvier 2011, de sorte qu'il y a lieu de retenir que cette affirmation est exacte.
Enfin, s'agissant des désordres affectant les cloisons, plafonds et le carrelage, les constatations de l'expert ne permettent pas de dire s'ils compromettent en eux-mêmes la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropres à sa destination et s'ils présentent un caractère évolutif dans le délai de la garantie décennale.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. [L] a commis une faute en ne précisant pas si les désordres qu'il avait constatés compromettaient la solidité de l'ouvrage ou le rendait impropre à sa destination, et en ne recherchant pas leur cause, même s'il doit être précisé que ce dernier grief ne peut pas lui être intégralement imputé puisque Mme [J] a refusé qu'il soit procédé à des sondages.
3. Sur le préjudice et le lien de causalité
Mme [J] fait valoir qu'elle a initié son action dans le délai de garantie décennale, de sorte que c'est l'absence de caractérisation de la nature décennale des désordres par l'expert, qui a empêché que les non-conformités qu'il avait mises en évidence soient réparées. Selon elle, il est démontré qu'outre son préjudice de jouissance et moral, des travaux importants sont désormais nécessaires afin de réparer l'atteinte structurelle de son immeuble, consolider les fondations et remettre en état l'intérieur de sa villa.
M. [L] et les compagnies d'assurance soutiennent que même s'il était retenu qu'il avait commis une faute dans l'exécution de sa mission, Mme [J] ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe qu'elle aurait obtenu gain de cause si les investigations que l'expert judiciaire n'a pas effectuées avaient été faites. M. [L] ajoute que le juge n'est jamais tenu de suivre l'avis de l'expert, de sorte que la cause du préjudice allégué par Mme [J] réside, selon lui, non pas dans le rapport d'expertise mais dans les décisions prises librement par les juges.
Réponse de la cour
Il est constant que Mme [J] a été déboutée de façon irrévocable de ses demandes en paiement fondées sur les dispositions de l'article 1792 du code civil.
Si le juge est libre de faire siennes ou d'écarter les conclusions d'une expertise, ainsi que d'en apprécier souverainement la valeur, l'objectivité et la portée, ainsi que le relève M. [L], les premiers juges comme la cour d'appel, ont, en l'espèce, débouté Mme [J] aux motifs qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un dommage portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans le délai de 10 années.
Les juges ont considéré que cette absence de preuve résultait pour partie du rapport d'expertise, en raison:
- du caractère hypothétique des conclusions sur la cause des désordres ;
- du caractère non étayé des conclusions par des investigations,
- de son imprécision, qui ne permettait pas de déterminer si les désordres affectant les cloisons, plafonds et le carrelage présentent un caractère évolutif et rendent l'ouvrage impropre à sa destination.
Les juges ont également considéré que cette absence de preuve résultait :
- du refus de Mme [J] de faire procéder à des sondages,
- de l'étude géotechnique effectuée à la demande de Mme [J] par la société Novageo en décembre 2009, qui est contredite par un rapport établi le 26 février 2010 par la société Arbotech mettant en évidence les inexactitudes de ses conclusions sur la faiblesse du radier mis en place sous la structure de la maison.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'absence de preuve de l'existence d'un dommage portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ne résulte pas intégralement des imprécisions de l'expertise et que même en l'absence de ces imprécisions, Mme [J] n'aurait pas nécessairement obtenu gain de cause.
Cependant, Mme [J] établit que les désordres en question étaient graves et portaient atteinte à la solidité de la construction puisqu'elle produit trois constats établis par des huissiers de justice le 15 juillet 2010, le 22 mars 2013 et le 7 mars 2016 qui relèvent que :
- les fissures se généralisent et sont évolutives,
- la baie vitrée du salon ne s'ouvre que très difficilement,
- le carrelage est affaissé dans certaines pièces, fissuré dans d'autres et les joints craquelés,
- certaines cloisons s'inclinent.
Dès lors, Mme [J] démontre bien que l'éventualité qu'il soit fait droit à ses demandes dans les précédentes instances existait et que cette éventualité a disparu en partie du fait des imprécisions du rapport d'expertise de M. [L].
Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu par ce dernier, qui réfute l'existence d'un préjudice consistant en une perte de chance d'obtenir gain de cause en justice, Mme [J] démontre qu'il existait une probabilité qu'il soit fait droit à ses demandes.
La perte de chance d'obtenir gain de cause en justice doit être évaluée à hauteur de 40% et ne peut correspondre à la totalité du dommage matériel, ainsi que Mme [J] le sollicite.
Compte tenu du devis du 21 décembre 2016 établi par la société Eiffage construction, il y a lieu de condamner M. [L] à payer à Mme [J] la somme de 85 500 euros à titre de dommages-intérêts.
M. [L] est également condamné à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et de jouissance.
Bien que le contrat d'assurance liant M. [L] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks ne soit pas produit, cette dernière ne conteste pas être son assureur, ni ne se prévaut d'une limitation de sa garantie, de sorte qu'il convient de la condamner in solidum avec son assuré à payer à Mme [J] l'intégralité des sommes mises à sa charge.
4. Sur les autres demandes
Compte tenu de ce qui vient d'être décidé, il convient de débouter la société MMA Iard de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.
La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [J] et condamne in solidum M. [L] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à lui payer la somme de 4.000 euros à ce titre.
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de M. [L] et des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
statuant de nouveau et y ajoutant,
Déclare l'action de Mme [C] [J] recevable,
Condamne in solidum M. [T] [L] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à payer à Mme [C] [J], la somme de 85 500 euros à titre de dommages-intérêts;
Condamne in solidum M. [T] [L] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à payer à Mme [C] [J], la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et de jouissance;
Déboute les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles de leur demande de dommages-intérêts;
Condamne M. [T] [L] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à payer à Mme [C] [J], la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne M. [T] [L] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, Le Président,