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21/03/2023 | FRANCE | N°20/06157

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 21 mars 2023, 20/06157


N° RG 20/06157 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NHFB









Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond

du 09 septembre 2020



RG : 16/01745

ch n°9 cab 09G





S.A.R.L. ADONIS INVEST

S.A.R.L. ATLASSIMMO



C/



S.C.P. ARCHERS NOTAIRES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 21 Mars 2023





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APPELANTES :



Société ADONIS INVEST

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106

ayant pour avocat plaidant Me Vanessa JAKUBOWICZ-AMBIAUX de la SCP JAKUBOWICZ & ASSOCIES, avocat au barreau d...

N° RG 20/06157 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NHFB

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond

du 09 septembre 2020

RG : 16/01745

ch n°9 cab 09G

S.A.R.L. ADONIS INVEST

S.A.R.L. ATLASSIMMO

C/

S.C.P. ARCHERS NOTAIRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 21 Mars 2023

APPELANTES :

Société ADONIS INVEST

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106

ayant pour avocat plaidant Me Vanessa JAKUBOWICZ-AMBIAUX de la SCP JAKUBOWICZ & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1003

Société ATLASSIMMO

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106

ayant pour avocat plaidant Me Vanessa JAKUBOWICZ-AMBIAUX de la SCP JAKUBOWICZ & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1003

INTIMEE :

SCP ARCHERS NOTAIRES anciennement dénommée [W] [U] [I] [O]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Joël TACHET de la SCP TACHET, AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 609

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 17 Mars 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 21 Mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

En 2010, les sociétés Atlassimmo et Adonis Invest ont proposé à la vente en état futur d'achèvement à plusieurs acheteurs des appartements dans deux immeubles situés au [Adresse 3].

L'opération a été commercialisée par la société Médicis à des investisseurs dans un but de défiscalisation sous le régime de la loi Scellier.

Les actes authentiques de vente ont été dressés en décembre 2010 par la SCP [K] [Z] [W], [F] [U], [G] [I] et [S] [O], aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SCP Archers Notaires.

Il a été précisé dans les actes notariés de vente que les biens vendus faisaient l'objet d'une opération de rénovation-construction, laquelle entrant dans le champ d'application de l'article 257-1 ancien du code général des impôts, était donc soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, le prix convenu étant fixé toutes taxes comprises.

Il est apparu par la suite que dés lors que les travaux de rénovation portaient sur une fraction inférieure aux deux tiers des éléments de second 'uvre, les ventes se trouvaient soumises au régime des droits d'enregistrement et non pas de celui de la tva.

Maître [K] [Z] [W] a donc dressé des actes rectificatifs pour chacune des ventes.

Deux acquéreurs ont sollicité et obtenu auprès des sociétés Atlassimmo et Adonis Invest le paiement du différentiel entre la taxe sur la valeur ajoutée et les droits d'enregistrement.

Par exploit d'huissier du 28 décembre 2015, les sociétés Atlassimmo et Adonis Invest ont fait assigner la SCP [K] [Z] [W], [F] [U], [G] [I] et [S] [O] aux fins de consacrer sa responsabilité et obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 9 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- débouté la SARL Atlassimmo et la SARL Adonis Invest de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné la SARL Atlassimmo et la SARL Adonis Invest à payer à la SCP [K] [Z] [W], Fréderic [U], [G] [I] et [S] [O] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Atlassimmo et la SARL Adonis Invest à supporter les dépens de l'instance et autorisé la SCP Tachet à recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont elle a fait directement l'avance sans avoir reçu provision,

- dit n'y avoir lieu d'assortir le jugement de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 5 novembre 2020, la SARL Adonis Invest et la SARL Atlassimmo ont interjeté appel de ce jugement.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 11 mars 2022, la société Adonis Invest et la société Atlassimmo demandent à la cour de :

- déclarer bien fondé leur appel à l'encontre du jugement rendu le 9 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu'il les a :

- déboutées de l'ensemble de leurs demandes,

- condamnées à payer à la SCP [K] [Z] [W], Fréderic [U], [G] [I] et [S] [O] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnées à supporter les dépens de l'instance et autorisé la SCP Tachet à recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont elle a fait directement l'avance sans avoir reçu provision,

- le réformer de ces chefs

et, statuant à nouveau,

- juger bien fondée leur action engagée à l'encontre de la SCP Archers Notaires (anciennement SCP [Z] [W], [U], [I] et [O]),

- débouter la SCP Archers Notaires de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et prétentions,

- juger que la SCP Archers Notaires a manqué à son devoir de conseil et de diligences dans l'exécution de sa mission relative à la vente des différents lots de l'immeuble [Adresse 3] par elles mêmes à :

- Mr [E],

- Mr [A],

- Mr [B],

- Mr [V],

- juger que la SCP Archers Notaires a manqué à son devoir de conseil et de diligences dans l'exécution de sa mission relative à la vente des différents lots de l'immeuble [Adresse 2] par elles mêmes à :

- Mr [P],

- Mr [T],

- Mr [C]

- Mr [L],

- Mr [Y],

- les époux [M],

- Mr [J],

- Mr [D],

- les consorts [H]/[X],

- juger que la SCP Archers Notaires (anciennement SCP [Z] [W], [U], [I] et [O]) a engagé sa responsabilité à ce titre envers elles,

- condamner en conséquence la SCP Archers Notaires (anciennement SCP [Z] [W], [U], [I] et [O]) à leur payer du chef de ces manquements, la somme de 178.952,90 € (122.910 +56.042,90) pour les préjudices subis,

- condamner la SCP Archers Notaires (anciennement SCP [Z] [W], [U], [I] et [O]) à leur payer la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec recouvrement direct au profit de Maître Vanessa Jakubowicz-Ambiaux, AARPI Jakubowicz & associés, avocat sur son affirmation de droit.

Les sociétés appelantes se prévalent d'une faute du notaire dans l'appréciation du régime juridique et fiscal applicable et font valoir que :

- la détermination du régime fiscal applicable était subordonnée à la nature des travaux projetés et à l'ampleur des travaux à réaliser et le notaire devait a minima les interroger sur la nature et l'ampleur des travaux et l'étendue du second oeuvre devant être réalisé,

- en ne le faisant pas, il a manqué à son devoir de conseil et ne s'est pas assuré de l'efficacité de l'acte juridique qu'il devait dresser,

- étant en charge de la rédaction des actes, l'étude a été destinataire de l'ensemble des éléments de l'opération immobilière entreprise y compris les contrats de réservation,

- elle a notamment été informée de la consistance des travaux par la lettre transmettant le projet d'acte de vente, adressée aux acquéreurs, qui comportait des éléments relatifs aux travaux et les nombreux documents en sa possession (actes de vente faisant état du paiement du prix en plusieurs fois, diagnostic dit état descriptif d'habitabilité avant travaux, attestation de l'architecte sur la ventilation du prix de vente et des travaux des lots) auraient dû l'alerter sur la nécessité de vérifier l'ampleur des travaux dès lors qu'en dépendait l'application de la tva,

- elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour vérifier l'ampleur des travaux et les conséquences que cela aurait pu occasionner, alors que disposant de tous les éléments, elle pouvait procéder à des vérifications sans avoir besoin de se transporter sur les lieux.

Les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo font valoir que leur préjudice consiste en l'obligation ayant découlé des actes rectificatifs d'indemniser certains acquéreurs et d'avoir du payer les droits d'enregistrement.

Elles soutiennent que :

- lorsque la SCP notariale a établi les actes rectificatifs, elle a transformé le prix qui contenait autrefois de la TVA en prix TTC ouvrant ainsi le droit à des contestations de la part des acquéreurs,

- elles ont dû rembourser la TVA qui avait été artificiellement créée par l'étude à hauteur de 40.000 € au profit des époux [M] et à hauteur de 16.042,90 € au profit de l'indivision [H] et [X] et ce remboursement partiel aux acquéreurs est la conséquence directe de la faute commise par l'étude,

- pour les autres acquéreurs, il ne peut être considéré qu'elles ont réalisé un profit en collectant de la TVA qui n'a pas été reversée au Trésor dés lors qu'en réalité, tout se passe comme si le prix de vente convenu avec les acquéreurs avait été réduit de 19,6 % du fait de l'erreur de la SCP notariale et que si le notaire n'avait pas manqué à son devoir de conseil, le prix aurait été sensiblement identique au prix voulu " TTC " et elles n'auraient pas eu à rembourser la quote-part correspondant à la TVA aux acquéreurs,

- en raison de l'erreur de la SCP notariale, les droits d'enregistrement reposant en principe sur l'acquéreur ont été acquittés par elles pour un montant total de 122.910 €.

* *

*

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 1er mars 2022, la SCP Archers Notaires anciennement dénommée [Z] [W], [U], [I] et [O] demande à la cour de :

- confirmer la décision rendue en première instance par le tribunal de grande instance de Lyon en ce qu'elle a débouté les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo de leurs demandes et les a condamnées à lui verser une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- condamner les sociétés Atlassimmo et Adonis Invest aux entiers dépens d'appel et dire que, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, la SCP Tachet pourra recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance, sans en avoir reçu provision,

- condamner in solidum les sociétés Atlassimmo et Adonis Invest à lui payer une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCP Archers notaires conteste l'existence d'une faute qui lui soit imputable et fait valoir que :

- les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo ont, sans le concours de l'étude, conçu et réalisé l'ensemble des opérations concourant à la production et à la commercialisation des locaux d'habitation et c'est avant toute présentation à des acquéreurs potentiels que le principe de la soumission des ventes à la TVA a été retenu par les sociétés appelantes,

- elles ont de même, seules et sans le concours de l'étude, établi les contrats de réservation en les soumettant à la TVA immobilière,

- c'est sans attendre une éventuelle requalification des actes par l'administration fiscale, que les appelantes ont décidé de rectifier la déclaration fiscale contenue dans les actes et de soumettre les ventes aux droits d'enregistrement qu'elles ont réglés,

- dès lors qu'elles n'ont pas préalablement consulté le notaire pour savoir quel était le régime fiscal applicable, elles ne peuvent lui reprocher de ne pas avoir remis en cause le régime qu'elles avaient elles-mêmes déterminé,

- par ailleurs, le notaire ne pouvait être tenu de procéder à la visite des biens pour la vente desquels son concours est requis,

- si les sociétés appelantes lui ont communiqué les contrats de réservations qui faisaient référence à une vente en état futur d'achèvement avec garantie financière, elles ne lui ont jamais remis une quelconque étude relative à la consistance des travaux et à leur incidence sur la fiscalité applicable à la vente,

- l'attestation établie par l'architecte le 6 septembre 2010 dont la seule finalité était de répartir le prix de vente entre l'existant et les travaux à réaliser n'était pas de nature à décrire et quantifier les travaux supportés par les vendeurs et à en déduire le régime fiscal applicable à la vente,

- l'éventuelle applicabilité de la TVA immobilière ne résultait pas d'une analyse théorique mais des conditions matérielles dans lesquelles les demanderesses ont procédé à la rénovation des immeubles vendus et de l'étendue de cette rénovation,

- les sociétés appelantes opèrent ainsi une confusion entre la situation juridique d'un immeuble que le notaire doit vérifier et les choix matériels et techniques d'aménagement faits par le vendeur de sorte que leur erreur quant à l'importance des travaux ne peut être imputée au notaire,

- elles ne rapportent pas la preuve d'un quelconque élément de fait qui aurait dû conduire le notaire à s'interroger sur l'exactitude de leur déclaration quant à l'importance des travaux réalisés.

S'agissant du préjudice allégué, la SCP Archers notaires déclare encore que :

- les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo doivent faire la preuve de ce qui serait advenu si, avant que les actes ne soient signés, le notaire en avait modifié le régime fiscal pour les soumettre aux droits d'enregistrement,

- l'éventuel préjudice ne peut reposer que sur un préjudice de perte de chance,

- les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo ne démontrent pas que si les modalités fiscales avaient été modifiées avant la signature des actes initiaux, elles auraient obtenu de leurs acquéreurs comme prix leur revenant, le montant TTC de la vente et non le seul montant HT,

- elles ne pouvaient ignorer qu'en stipulant un prix TTC, celui-ci était grevé d'une part de la TVA à reverser au Trésor public et rien ne permet de retenir le postulat selon lequel, en soumettant dès l'origine les ventes aux droits d'enregistrement, les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo auraient pu percevoir comme prix la valeur TTC initialement convenue,

- ainsi, les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo ne rapportent pas la preuve de ce que la prétendue faute du notaire leur a fait perdre une chance d'échapper au paiement des droits d'enregistrement et des frais et honoraires de l'acte qu'elles ont supportés,

- dès lors que la modification du régime fiscal des ventes faisait obligation aux sociétés Adonis Invest et Atlassimmo de restituer aux acquéreurs le montant de la TVA indûment perçu mais que les droits d'enregistrement ont été payés par elles pour le compte des acquéreurs par prélèvement sur des sommes qu'elles étaient tenues de leur restituer, ces droits n'ont pas été acquittés par les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo,

- les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo ont en outre réalisé un profit égal à la différence entre le montant de la TVA stipulé dans les actes qu'elles n'ont pas reversé au Trésor public, et celui des droits d'enregistrement qu'elles ont acquittés pour le compte des acquéreurs,

- le seul fait que les sociétés Adonis Invest et Atlassimmo aient restitué à deux acquéreurs des sommes qui leur revenaient et qu'elles avaient indûment perçues, ne permet pas de caractériser le préjudice dont elles demandent l'indemnisation,

- elles ne démontrent pas davantage une quelconque chance d'avoir pu échapper à cette restitution si les ventes en cause avaient été, dès l'origine, soumises aux droits d'enregistrement.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le notaire est tenu d'éclairer les parties sur la portée des actes qu'il dresse et doit attirer leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur les conséquences et les risques des actes qu'ils authentifient, notamment quant à ses incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours.

Il est également tenu envers ceux qui sollicitent son ministère d'un devoir de conseil et, le cas échéant de mise en garde, notamment en ce qui concerne les conséquences et risques des stipulations convenues.

Il s'oblige enfin à procéder à la vérification des faits et des conditions nécessaires pour assurer l'efficacité et la sécurité des actes juridiques qu'il dresse.

Le notaire engage sa responsabilité sur le fondement des dispositions précitées, à charge pour celui qui l'invoque de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité.

En l'espèce, les sociétés Atlassimmo et Adonis Invest reprochent donc au notaire d'avoir passé les actes en les soumettant à la tva alors qu'ils devaient l'être aux droits d'enregistrement et soutiennent que celui-ci n'est pas fondé à éluder sa responsabilité au motif que ce seraient elles qui auraient commis l'erreur relative à la soumission des ventes à la TVA.

Elles sollicitent l'indemnisation d'un préjudice résultant pour elles d'une part de l'obligation d'avoir du rembourser la TVA à deux des acquéreurs et d'autre part, du montant des droits d'enregistrement qu'elles ont réglés.

La cour note tout d'abord que le paiement des droits d'enregistrement réglés n'est pas constitutif d'un préjudice puisque l'exigibilité de cette taxe n'est que la conséquence de l'application du régime fiscal légalement applicable à l'opération immobilière réalisée.

Par ailleurs, si les sociétés appelantes justifient avoir remboursé à deux des acquéreurs (dossiers [M]/[S] et Via/[X]) le montant de la TVA qu'ils avaient contractuellement réglée, déduction faite des droits d'enregistrement légalement dus, force est de constater que s'agissant de tous les autres dossiers, soit 11, elles ne justifient ni ne soutiennent d'ailleurs avoir remboursé les acquéreurs de la TVA.

Ainsi, comme l'a relevé le premier juge, il est permis de s'interroger sur le préjudice des sociétés Atlassimmo et Adonis Invest qui ont encaissé le montant de la TVA grevant le prix inséré dans les actes de vente sans l'avoir reversé au Trésor Public et ont régularisé des droits d'enregistrement d'un montant moindre, réalisant ainsi un profit substantiel.

Les sociétés appelantes ne sont pas davantage fondées à se prévaloir de ce que le prix qu'elles devaient encaisser était un prix net qui aurait été artificiellement modifié par le notaire alors que les contrats de réservation qu'elles ont établis, en dehors de toute intervention du notaire, faisaient déjà mention d'un prix, TVA comprise, ce dont il résultait pour les venderesses l'obligation de reverser cette TVA.

Il ressort en effet d'un des contrats de réservation versé aux débats (contrat [M]) que le prix initialement convenu entre les sociétés Atlassimmo et Adonis Invest était un prix s'entendant 'au taux de TVA actuellement en vigueur', ce dont il résulte que le prix payé par le réservant incluait une part de TVA qui ne revenait pas au vendeur.

D'ailleurs, comme le fait justement observer la SCP Archers Notaires, le choix de soumettre les ventes au régime de la TVA, n'appartenait à l'évidence pas au notaire alors que l'éventuelle applicabilité de la TVA immobilière ne résultait que des conditions matérielles dans lesquelles les sociétés avaient procédé à la rénovation des immeubles vendus et de l'étendue de cette rénovation, conditions qui ont été déterminées par l'ampleur des travaux décidés par les sociétés appelantes et les professionnels qu'elles ont mandatés pour définir et réaliser les ouvrages.

Le reproche fait au notaire à ce titre est donc parfaitement inopérant.

Dans l'appréciation de la faute éventuelle du notaire et même si cela ne peut suffire à exonérer le notaire de la responsabilité qu'il encourt au titre de son obligation de conseil, il doit être tenu compte en l'espèce de ce que les société demanderesses étaient des professionnelles de l'immobilier qui ont donc sans le concours du notaire, conçu et réalisé l'ensemble des opérations de commercialisation des locaux vendus à des investisseurs immobiliers et ont, ainsi que rappelé plus haut, décidé de soumettre ces opérations à la TVA immobilière et non pas à un droit d'enregistrement, alors que leur qualité de professionnelles et leur connaissance précise de l'opération de rénovation leur permettaient, bien plus que le notaire, de vérifier qu'elle n'affectait pas plus des 2/3 des éléments du second oeuvre et ne pouvait dans ces conditions être assimilée à une véritable opération de construction relevant de la TVA.

Par des motifs justes et pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont justement considéré que les sociétés appelantes ne démontraient pas l'existence d'un élément de fait qui auraient pu faire naître chez le notaire un doute sur la réalité de l'existence d'une rénovation relevant du régime de la vente en l'état futur d'achèvement et ce d'autant moins qu'il avait affaire à un professionnel de l'immobilier.

Ces éléments ne résultent en effet :

- ni de l'état descriptif d'habitabilité avant travaux qui ne permet nullement de connaître l'importance des travaux de second oeuvre antérieurs à l'intervention des sociétés alors qu'il est fait état d'un plateau sans cloisons et l'absence d'installations et de réseaux techniques nécessitant donc a priori un aménagement complet,

- ni de l'attestation de l'architecte en date du 6 septembre 2010 qui se contente de chiffrer des prix lots par lots sans renseigner pour autant sur la nature et l'importance des travaux à faire par rapport à l'existant,

- ni des mentions des actes de vente eux mêmes faisant état du paiement du prix en plusieurs fois qui n'étaient pas de nature à renseigner sur l'étendue des travaux de rénovation,

- ni du courrier de Maître [W] du 13 décembre 2010 faisant état d'une acquisition en état futur de rénovation qui avait seulement pour objet de renseigner le réservant sur les modalités de confirmation du contrat de réservation et des délais pour pouvoir bénéficier du dispositif Scellier.

Le premier juge a encore justement retenu que non seulement le notaire n'avait pas à examiner les conditions matérielles d'exécution des travaux pris en charge par les vendeurs mais qu'il n'était pas tenu de les vérifier par lui même en se rendant sur les lieux.

Les éléments au dossier ne permettent pas de déterminer qui du notaire ou des sociétés appelantes a constaté l'erreur affectant les actes authentiques de vente sur le régime fiscal applicable et décidé de procéder à la rectification des actes, les parties étant contraires en fait sur cette question.

La SCP Archers Notaires soutient en effet que les sociétés Atlassimmo et Adonis Invest ont décidé postérieurement à la signature des actes de remettre en cause la soumission des ventes à la TVA immobilière plutôt qu'aux droits d'enregistrement alors que les appelants déclarent que Maître [Z] [W], ayant pris conscience de cette erreur, les en a informées.

Sur ce point, la cour confirme encore le jugement en ce qu'il a considéré qu'il ne pouvait être déduit de la mention figurant sur les actes rectificatifs selon laquelle 'au plan fiscal, c'est à tort et par erreur qu'il a été considéré à l'acte que l'opération ... était assimilable à une véritable opération de construction et se trouvait dans son intégralité dans le champ d'application de l'article 257-1 du code général des impôts et donc soumise au régime fiscal des ventes en état futur d'achèvement tant au niveau de la taxe sur la valeur ajoutée que de l'exonération de la taxe foncière...' la reconnaissance par le notaire qu'il avait commis une faute dans l'appréciation du régime fiscal applicable.

A supposer même qu'il puisse à tout le moins être reproché au notaire de ne pas avoir interrogé les sociétés Atlassimmo et Adonis Invest sur le détail et l'importance des travaux de rénovation et attiré leur attention sur le régime fiscal applicable pouvant en découler, il n'est pas établi de lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué.

En effet, le préjudice allégué par les demanderesses résulte non pas de ce que les actes de vente ont été rectifiés à la suite des ventes par acte authentiques mais de la discordance entre le régime fiscal annoncé dans les contrats de réservation et celui qui devait légalement s'appliquer compte tenu de la nature des travaux de rénovation.

Ainsi, et même si le notaire avait avant la signature de l'acte de vente informé les sociétés venderesses que le régime fiscal prévu n'était pas le bon, celles-ci qui s'étaient contractuellement engagées par le contrat de réservation à réserver et à offrir au réservataire les locaux désignés moyennent un prix déjà fixé auraient eu la même difficulté avec les futurs acheteurs.

Les conditions d'une action en responsabilité extra contractuelle ne sont donc pas réunies en l'espèce et le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes de l'ensemble de leurs demandes.

Il l'est également en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les dépens d'appel sont à la charge des sociétés appelantes qui succombent en leur tentative de remise en cause du jugement.

La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCP Archers Notaires en cause d'appel et lui alloue la somme de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne la société Atlassimmo et la société Adonis Invest in solidum à payer en cause d'appel à la SCP Archers Notaires la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Atlassimmo et la société Adonis Invest in solidum aux dépens d'appel et accorde à la scp Tachet, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 20/06157
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;20.06157 ?
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