N° RG 19/07565 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MVRH
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 17 octobre 2019
RG : 17/03154
ch1 cab01A
[Z] VEUVE [H]
C/
[K]
[K]
[K] EPOUSE [B]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 28 Février 2023
APPELANTE :
Mme [R] [Z] veuve [H]
née le 21 Novembre 1964 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Joseph PALAZZOLO de la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON, toque : 480
ayant pour avocat plaidant Me Antoine DEGUINES de la SCP DEGUINES, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER, toque : 21
INTIMES :
M. [M] [A] [V] [K]
né le 16 Décembre 1961 à [Localité 12] (25)
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représenté par Me Marie-christine PINEL et par Me Catherine VALENTI de la SELARL LINK ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 2848
M. [L] [E] [X] [K]
né le 13 Janvier 1963 à [Localité 12] (25)
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Marie-christine PINEL et par Me Catherine VALENTI de la SELARL LINK ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 2848
Mme [O] [G] [Y] [K] EPOUSE [B]
née le 15 Février 1964 à [Localité 12] (25)
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Marie-christine PINEL et par Me Catherine VALENTI de la SELARL LINK ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 2848
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE :
Mme [J] [F] épouse [P]
née le 28 Avril 1940 à [Localité 14] (21)
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Caroline SAUVAGET, avocat au barreau de LYON, toque : 1876
ayant pour avocat plaidant Me Ronit ANTEBI, avocat au barreau de GRASSE, toque : 336
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 03 Mars 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 28 Février 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
[S] [C], né le 27 janvier 1928, est décédé le 31 août 2016, ne laissant ni conjoint survivant ni descendant en ligne directe.
Pour la gestion de son important patrimoine, [S] [C] a entretenu avec un conseiller financier, [D] [H], des relations professionnelles qui se sont prolongées par la suite.
Par jugements des 18 juin 2015 et 13 janvier 2016, [S] [C] a été placé sous curatelle renforcée puis sous tutelle.
Le 6 octobre 2015, la curatrice de [S] [C] a déposé une plainte pour abus de faiblesse après avoir constaté l'existence de centaines chèques émis par celui-ci entre le 19 juin 2013 et le 31 décembre 2014 au profit de [D] [H], de son épouse, Mme [R] [Z], ou des deux. Une information judiciaire a été ouverte et [W] [K], cousin et héritier de [S] [C], s'est constitué partie civile.
A la suite du décès de [S] [C], la consultation du fichier central des dispositions des dernières volontés a révélé l'existence d'un testament daté du 12 février 2013 et déposé au fichier le 24 avril 2015, au terme duquel [S] [C] institue [D] [H] comme légataire universel en pleine propriété.
Le 17 mars 2017, [W] [K] a fait assigner [D] [H] aux fins d'obtenir la nullité du testament.
[W] [K] étant décédé le 12 février 2018, l'instance a été reprise par ses trois enfants, [M], [L] et [O] [K], agissant en qualité d'héritiers (les consorts [K]).
[D] [H] est décédé le 31 juillet 2018, laissant Mme [Z], sa veuve, pour lui succéder. Cette dernière a repris l'instance.
Par jugement du 17 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- annulé le testament olographe du 12 février 2013 instituant [D] [H] comme légataire universel en pleine propriété de [S] [C],
- condamné Mme [Z], ayant droit de [D] [H], à payer aux consorts [K] la somme totale de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné Mme [Z] aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du 5 novembre 2019, Mme [Z] a interjeté appel.
Mme [J] [F] épouse [P] (Mme [P]) est intervenue volontairement à l'instance d'appel, arguant de sa qualité de cousine et de cohéritière de [S] [C].
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 1er février 2022, Mme [Z] demande à la cour de :
réformant le jugement du 17 octobre 2019,
- débouter purement et simplement les consorts [K] et Mme [P] de toutes leurs demandes,
- les condamner à lui payer, ès qualités d'héritière de son époux décédé, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- les condamner au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers frais et dépens.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 28 octobre 2021, les consorts [K] demandent à la cour de :
- déclarer Mme [Z] mal fondée en son appel,
en conséquence,
- la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
à titre principal,
- dire et juger que [S] [C] souffrait d'une altération de ses capacités cognitives depuis 2011,
- dire et juger que [S] [C] ne disposait pas d'un discernement suffisant pour rédiger le testament olographe daté du 12 février 2013,
- dire et juger que le testament olographe du 12 février 2013 est entaché de nullité pour absence de consentement,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que [D] [H] a abusé de l'état de dépendance dans lequel se trouvait [S] [C],
- dire et juger que le testament olographe du 12 février 2013 est entaché de nullité pour vice du consentement,
à titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que les agissements de [D] [H] sont constitutifs de sévices, délits et injures graves,
- prononcer la révocation du testament pour ingratitude de [D] [H],
en tout état de cause,
- condamner Mme [Z] à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner Mme [Z] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 1er mars 2021, Mme [P] demande à la cour de :
liminairement,
- faire application de l'article 138 du code de procédure civile et demander au juge d'instruction chargé de l'affaire et à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon le dossier de l'instruction et notamment le délibéré de la chambre de l'instruction suite aux demandes d'actes des 27 novembre 2018 et 8 novembre 2019 du conseil des consorts [K], parties civiles,
- la déclarer recevable en son intervention volontaire en cause d'appel,
principalement,
- dire que les pièces versées aux débats en première instance par les demandeurs sont recevables,
- rejeter la demande de sursis dans l'attente de l'issue de la procédure pénale,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- constater, dire et juger que dès 2011, [S] [C] était insane d'esprit et que ses facultés mentales et cognitives étaient altérées à l'époque du testament litigieux, tant au jour de sa rédaction qu'au jour du dépôt notarié, au sens des articles 414-1 et 901 du code civil,
- dire et juger que le testament daté du 12 février 2013 de [S] [C] au bénéfice de [D] [H] l'instituant légataire universel en pleine propriété est nul et de nul effet en application des articles 414-1 et 901 du code civil, l'annuler purement et simplement
- annuler le testament litigieux sur le fondement de l'abus de faiblesse, viciant le consentement du disposant, en vertu de l'article 1142 du code civil,
- condamner Mme [Z], ès qualités, à la peine du recel successoral en application de l'article 778 du code civil avec toutes ses conséquences de droit y attachées, restitution des avoirs et biens meubles et immeubles détournés, régularisations fiscales et la condamner aux intérêts légaux capitalisés,
- condamner Mme [Z], ès qualités, à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens y compris ceux de l'instance d'appel,
- ordonner l'exécution provisoire.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2022.
A l'audience du 3 janvier 2023, la cour a relevé d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de Mme [P] formée pour la première fois dans ses conclusions du 1er mars 2021, tendant à voir condamner de Mme [Z], ès qualités, à la peine du recel successoral en application de l'article 778 du code civil avec toutes ses conséquences de droit y attachées, restitution des avoirs et biens meubles et immeubles détournés, régularisations fiscales, outre intérêts légaux capitalisés, et a invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de constatations qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques. Il en est de même pour les demandes tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
La cour relève par ailleurs que Mme [Z] s'est désistée de sa demande de sursis dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.
1. Sur l'intervention volontaire de Mme [P]
Il convient de recevoir Mme [P] en son intervention volontaire à l'instance en cause d'appel, dès lors qu'elle justifie de sa qualité d'héritière de [S] [C] et qu'elle a été omise dans la procédure en première instance.
2. Sur la recevabilité de la demande de condamnation de Mme [Z] à la peine du recel successoral
Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Et selon l'article 910, alinéa 2, du même code, l'intervenant volontaire à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de son intervention volontaire pour remettre ses conclusions au greffe.
En l'espèce, la demande de condamnation de Mme [Z] à la peine du recel successoral a été présentée par Mme [P] pour la première fois dans ses conclusions n°3 (intitulées à tort « Conclusions d'intervention volontaire N 4 ») notifiées le 1er mars 2021, soit après l'expiration du délai de trois mois à compter de son intervention volontaire formée par conclusions du 23 avril 2020.
En outre, cette demande n'entre pas dans les limites des chefs du jugement critiqués et n'est pas destinée à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aussi convient-il de déclarer cette demande irrecevable.
3. Sur la demande de communication du dossier d'instruction et des décisions de la chambre de l'instruction
Selon l'article 138 du code de procédure civile, si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce.
Encore, selon l'article 139 du même code, la demande est faite sans forme. Le juge, s'il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte.
En l'espèce, Mme [P] produit plusieurs pièces du dossier pénal et ne motive pas sa demande de communication de l'entier dossier d'instruction et notamment du délibéré de la chambre de l'instruction suite aux demandes d'actes des 27 novembre 2018 et 8 novembre 2019 du conseil des consorts [K], parties civiles. Aussi convient-il de considérer que la demande n'est pas fondée et de la rejeter.
4. Sur la nullité du testament pour absence de consentement
Mme [Z] soutient :
- que le corps médical n'a jamais constaté que [S] [C] souffrait de troubles cognitifs avant 2015 ; que son état de santé s'est dégradé seulement à compter de l'année 2014 ensuite de deux interventions médicales à l'issue desquelles les médecins l'ont autorisé à retourner à domicile sans assistance particulière ; qu'il résulte des éléments médicaux de la procédure pénale que le déficit cognitif de [S] [C] diagnostiqué en 2015 est qualifié de modéré ; que l'expertise du Docteur [U] qui a été faite sur dossier est faussée dès lors qu'elle conclut à une évolution progressive des troubles de [S] [C] avec des phases aigues et détermine une moyenne, ce qui est mathématiquement contradictoire ;
- que Maître [N], notaire, n'a pas constaté d'altération des facultés mentales de [S] [C] et ne s'est pas opposé à ce qu'il signe des actes notariés ;
- qu'en 2010, [D] [H] n'était plus le conseiller financier de [S] [C] et qu'ils entretenaient une relation seulement amicale ;
- que les chèques émis par [S] [C] en faveur des époux [H] constituent des dons manuels dont [S] [C] avait parfaitement conscience ;
- que compte tenu du fait que le testament olographe a été rédigé en 2013 et que [S] [C] est décédé en 2016, il avait la possibilité, pendant trois ans, de révoquer le testament et que s'il ne l'a pas révoqué, c'est parce qu'il entendait maintenir ses dernières volontés au profit de [D] [H] ; que [S] [C] n'a pas été isolé du fait de [D] [H] et qu'à supposer qu'il ait été sous l'influence de ce dernier, il aurait pu profiter du départ de ce dernier à l'île Maurice en septembre 2015 pour révoquer librement le testament ;
- que le rapport d'expertise graphologique a permis de mettre Mme [Z] hors de cause quant à la destination des chèques ; que le rapport montre aussi que les chèques ont été signés de la main de [S] [C] et que le testament a été rédigé de la main de [S] [C].
Les consorts [K] font valoir :
- qu'il résulte du certificat médical circonstancié établi par le Docteur [I] le 23 janvier 2015 que [S] [C] présentait une altération des facultés mentales due à une démence de type Alzheimer ; qu'à l'occasion d'un second certificat médical circonstancié réalisé six mois plus tard, le même médecin relève une très nette aggravation de l'état de [S] [C], ce dernier présentant un déficit cognitif et ne pouvant plus soutenir une conversation ; que s'il est incontestable que les troubles cognitifs de [S] [C] sont établis depuis le mois de janvier 2015, il ressort du rapport d'expertise médicale rendu par le Docteur [U] le 2 mai 2016 que ces troubles sont apparus dès l'année 2010 et que les facultés mentales de [S] [C] n'ont fait que se dégrader depuis 2011 ;
- que le testament olographe est daté du 12 février 2013 soit postérieurement à l'apparition des troubles cognitifs de [S] [C] ; qu'il résulte des déclarations de Maître [N], notaire, que celui-ci n'a pas cherché à s'assurer que [S] [C] était en pleine possession de ses facultés mentales lorsqu'il a procédé à l'enregistrement du testament ;
- que les dons manuels mis en avant par Mme [Z] ont fait l'objet de poursuites pénales du chef d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable ; que Mme [Z] ne peut prétendre avoir tout ignoré des relations financières entre [S] [C] et [D] [H] alors que le couple était marié sous le régime de la communauté universelle et que la somme de 737 230,66 euros a été encaissée sur des comptes à son nom ;
- que l'expert graphologique précise que si le testament olographe est bien rédigé de la main de [S] [C], il a probablement été écrit sous influence ; que les chèques ont été signés par [S] [C] mais remplis par [D] [H] et que tous les chèques ont été endossés par [D] [H] ;
- que l'argument selon lequel [S] [C] était libre de révoquer le testament ne tient pas dès lors qu'il n'était pas en capacité, entre 2015 (date de l'enregistrement du testament) et 2016 (date de son décès) de se souvenir de l'existence de ce testament.
Mme [P] soutient :
- que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'à la date du testament litigieux, et encore postérieurement de 2011 à 2015, [S] [C] souffrait de troubles cognitifs graves, tel que cela résulte des différents certificats médicaux et expertises médicales ; que contrairement à ce que soutient Mme [Z], le déficit mental de [S] [C] n'était pas seulement modéré au jour de l'établissement du testament dès lors que le rapport d'expertise établi par le Docteur [U] dans le cadre de l'instruction atteste de troubles cognitivo-comportementaux apparus dès l'année 2010 ;
- que les relations entre les époux [H] et [S] [C] n'avaient rien de sincères et profondes, [S] [C], personne âgée et vulnérable, s'étant laissé abuser par un couple qu'il croyait être de confiance et qui a abusé de sa qualité professionnelle ;
- que la multiplicité des chèques occulte des donations déguisées et témoignent de l'anormalité de la situation ;
- que ce n'est pas parce que Maître [N] a accepté d'enregistrer le testament que celui-ci est valable, d'autant plus qu'aucun certificat médical attestant des pleines capacités intellectuelles de [S] [C] n'a été annexé au testament ; que [S] [C] n'étant plus conscient de ses gestes à compter de 2013, il ne pouvait pas révoquer le testament ; que le fait que le testament ait été rédigé de la main de [S] [C] n'empêche pas qu'il ait été rédigé sous influence.
Réponse de la cour
C'est par une exacte analyse des éléments de la cause, des constatations que la cour approuve et des motifs pertinents que la cour adopte, sans qu'il y ait lieu de les paraphraser, que le premier juge a retenu, après avoir rappelé les disposition des articles 414-1 et 901 du code civil, qu'il est établi par les différents éléments versés aux débats que [S] [C] n'était plus sain d'esprit à compter de 2011, ni en 2013 quand il a fait le testament, et que la preuve de l'insanité d'esprit de l'auteur de l'acte résulte de l'état habituel de démence dans lequel il se trouvait à l'époque où l'acte a été rédigé, sans que soit rapportée la preuve qu'il était dans un intervalle lucide au moment de l'établissement de l'acte.
Pour confirmer le jugement entrepris, la cour ajoute que l'appelante affirme vainement qu'il n'est pas établi médicalement que [S] [C] souffrait de troubles cognitifs avant 2015, alors qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire du Docteur [U], neurologue désigné par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Lyon, que :
- [S] [C] a été hospitalisé du 21 au 27 janvier 2015 à l'hôpital des [13] ([Localité 15]) dans le cadre d'une « consultation mémoire en gériatrie » préconisée par son médecin traitant en raison d'un état de confusion et d'altération de l'état général et qu'il est indiqué dans le compte rendu d'hospitalisation qu'il s'agit d'un « patient en perte d'autonomie, présentant une altération de l'état général en lien avec des troubles cognitifs probablement d'origine vasculaire sur une personnalité peut-être un peu atypique », que « le patient a bénéficié d'un bilan neuropsychologique qui confirme essentiellement des troubles exécutifs marqués qui ont probablement un retentissement important sur la vie quotidienne » et que ces « troubles cognitifs évolu[ent] probablement depuis plus d'un an »,
- le Docteur [T], médecin de la consultation mémoire de l'hôpital des [13], mentionne dans un courrier du 2 juillet 2015, que « le début des troubles remonterait au début des années 2010, repéré par sa compagne »,
- il ressort des documents médicaux examinés par l'expert, « la notion de troubles cognitivo comportementaux apparus dès l'année 2010 de façon progressive avec 2 épisodes plus aigus, l'un en janvier 2014 [...] et le second 10 jours avant l'hospitalisation de janvier 2015 en structure gériatrique. L'épisode confusionnel postopératoire de janvier 2014 a constitué un tournant dans l'aggravation des troubles cognitifs et la perte d'autonomie de Monsieur [C] [...] »,
- l'expert conclut que « lors de consultation mémoire de juillet 2015, le MMS (mini mental status) a donné un score de 11/30, ce qui est extrêmement pathologique, plaçant Monsieur [C] dans le cadre d'une altération cognitive modérée à sévère » et que « par projection, il est possible de considérer que le niveau de MMS de Monsieur [C] en juillet 2011 se situait autour de 20 points sur 30 le plaçant dans le cadre d'une altération cognitive modérée. Ce niveau de MMS témoigne d'une altération cognitive certaine qui engendre une perturbation des capacités de discernement. Il est donc possible de considérer que Monsieur [C] a présenté une aggravation progressive, depuis l'année 2011, de ses capacités cognitives et donc de ses capacités de discernement en lien avec le diagnostic retenu de démence mixte (dégénérative et vasculaire) lors du bilan hospitalier effectué à visée étiologique en service de gériatrie en janvier 2015 ».
Il ressort de cette expertise la preuve suffisante que [S] [C] n'était plus sain d'esprit en février 2013, lors de la signature du testament, l'insanité d'esprit étant corroborée, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, par le nombre impressionnant de chèques établis par [S] [C] au bénéfice de [D] [H], de Mme [Z] ou du couple, entre décembre 2011 et mai 2015 : 539 chèques en 42 mois, soit près de 13 par mois en moyenne pour un montant total de plus de 1 330 000 euros, démontrant ainsi que l'altération des facultés mentales de [S] [C] était telle qu'il signait ce qu'on lui présentait.
Enfin, il est faux de prétendre que [S] [C] a eu la possibilité de révoquer librement son testament, notamment après le départ à l'étranger de [D] [H], et que s'il ne l'a pas fait, c'est parce qu'il entendait maintenir ses dernières volontés au profit de celui-ci, alors, d'une part, que le départ de [D] [H] est postérieur à la mise sous protection de [S] [C], et d'autre part, qu'il ressort du procès-verbal de son audition par le juge des tutelles en date du 19 mai 2015, qu'il n'avait qu'un souvenir vague de ce testament, ignorant le nom du notaire auprès duquel l'acte avait été déposé moins d'un mois avant la date de l'audition.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a annulé le testament olographe du 12 février 2013 instituant [D] [H] comme légataire universel en pleine propriété de [S] [C].
5. Sur la demande de dommages-intérêts formée par l'appelante
Au vu de ce qui précède, Mme [Z] est déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
6. Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de l'appelante une faute de nature à faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice.
Aussi convient-il de débouter les consorts [K] de leur demande de ce chef.
7. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
Mme [Z], partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel et à payer la somme de 3 000 euros aux consorts [K], d'une part, à Mme [P], d'autre part, au titre des frais irrépétibles qu'ils ont dû engager.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de Mme [J] [P] de voir condamner Mme [R] [Z], ès qualités, à la peine du recel successoral en application de l'article 778 du code civil avec toutes ses conséquences de droit y attachées, restitution des avoirs et biens meubles et immeubles détournés, régularisations fiscales, avec intérêts légaux capitalisés,
Rejette la demande de Mme [J] [P] tendant à ce qu'il soit demandé au juge d'instruction chargé de l'affaire et à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon le dossier de l'instruction et notamment le délibéré de la chambre de l'instruction suite aux demandes d'actes des 27 novembre 2018 et 8 novembre 2019 du conseil des consorts [K],
Déboute Mme [R] [Z] de sa demande de dommages-intérêts,
Déboute MM. [M] et [L] [K] et Mme [O] [K] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne Mme [R] [Z] à payer à MM. [M] et [L] [K] et Mme [O] [K], unis d'intérêt, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [R] [Z] à payer à Mme [J] [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [R] [Z] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT