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21/02/2023 | FRANCE | N°20/02215

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 21 février 2023, 20/02215


N° RG 20/02215 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M52S















Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT ETIENNE

Au fond

du 28 janvier 2020



RG : 19/00291











[N]



C/



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE-LO IRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 21 Févrie

r 2023







APPELANTE :



Mme [L] [N]

née le [Date naissance 1] 1977

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée par Me Thierry MONOD de la SELARL MONOD - TALLENT, avocat au barreau de LYON, toque : 730









INTIMEE :



LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRI...

N° RG 20/02215 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M52S

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT ETIENNE

Au fond

du 28 janvier 2020

RG : 19/00291

[N]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE-LO IRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 21 Février 2023

APPELANTE :

Mme [L] [N]

née le [Date naissance 1] 1977

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Thierry MONOD de la SELARL MONOD - TALLENT, avocat au barreau de LYON, toque : 730

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE LOIRE

HAUTE-LOIRE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Romain LAFFLY, avocat au barreau de LYON, toque : 938

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 04 Février 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 13 Décembre 2022 prorogée au 21 Février 2023, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile

Audience présidée par Stéphanie LEMOINE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

La société Jet immo, dont M et Mme [N] sont les associés, a contracté le 1er février 2010 auprès de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Loire Haute-Loire (la banque), un prêt immobilier d'un montant de 253 333 euros, remboursable en 240 échéances, au taux d'intérêt annuel révisable de 3,20%, afin de financer l'acquisition d'un bien immobilier, situé [Adresse 2].

La déchéance du terme du prêt consenti à la SCI Jet immo a été prononcée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 juillet 2013.

Le bien immobilier a été vendu aux enchères publiques par jugement d'adjudication du 25 septembre 2014, la banque ayant perçu à ce titre la somme de 168 608,92 euros.

Par jugements des 22 mars 2016 et 21 mars 2017, la société Jet immo a été placée en redressement, puis en liquidation judiciaire.

Le 5 mai 2017, la banque a déclaré sa créance d'un montant de 76 786,47 euros entre les mains de Me [M], ès qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 mai 2017, la banque a mis en demeure Mme [N] de lui payer la somme de 64 500,63 euros, en sa qualité d'associée à hauteur de 84% de la société Jet immo. Puis elle l'a assigné en paiement devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne.

Par jugement du 28 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :

- déclaré recevable l'action en paiement formée par la banque,

- débouté Mme [N] de ses demandes,

- condamné Mme [N] au paiement de la somme de 64 500,63 euros à la banque,

- condamné Mme [N] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 20 mars 2020, Mme [N] a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 16 juin 2020, Mme [N] demande de:

- réformer le jugement

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que l'action de la banque est prescrite,

En conséquence,

- déclarer irrecevables les demandes formées par la banque.

Subsidiairement et en toute hypothèse,

- dire et juger que la banque a manqué à son obligation d'exécution loyale des engagements souscrits,

- dire et juger que les agissements mis en 'uvre par la banque engagent sa responsabilité impliquant qu'elle soit déchue de ses droits d'action à son encontre.

Plus subsidiairement encore,

- dire et juger que les dits agissements l'obligent à réparer son préjudice,

- fixer au montant de la somme réclamée par la banque, le montant des dommages et intérêts qui lui sont alloués et ordonner la compensation des créances respectives des parties.

En toute hypothèse,

- condamner la banque à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 20 août 2020, la banque demande de:

- confirmer le jugement en toute ses dispositions,

Y ajoutant

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [N] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [N] au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL Laffly et associés, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 4 février 2021.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la prescription de l'action de la banque

Mme [N] soutient que le délai de prescription biennal prévu à l'article L. 218-2 du code de la consommation, qui court selon elle à compter de la déchéance du terme, doit être appliqué, la SCI Jet immo étant une société familiale, qui a été constituée par elle-même et son père. Elle ajoute que le prêt litigieux a été contracté dans le but d'acquérir un bien en l'état futur d'achèvement, que les deux associés, qui sont signataires du contrat de prêt, ne sont pas des professionnels de l'immobilier, ce qui ressort du fait qu'il est expressément fait référence aux dispositions du code de la consommation dans le contrat.

Mme [N] en déduit que l'action dirigée contre elle, qui est le corollaire de celle dirigée contre la société, est prescrite.

Enfin, elle fait valoir que du 4 juillet 2013, date de la déchéance du terme, au 9 janvier 2019, date de la signification de l'assignation, aucun acte n'est venu interrompre le délai de prescription courant à son profit, de sorte que l'action de la banque est prescrite, que le délai de prescription soit biennal ou quinquennal.

La banque soutient que son action n'est pas prescrite. Elle fait valoir, s'agissant du délai de prescription quinquennal, que son point de départ se situe au jour de la publication au Bodacc du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société, soit le 4 avril 2017, de sorte que l'assignation du 9 janvier 2019 a été délivrée dans les délais. S'agissant du délai de prescription biennal prévu par le code de la consommation, elle fait valoir que le contrat de prêt a été conclu avec la SCI, de sorte qu'il n'est pas applicable. Elle ajoute qu'il s'agit d'une exception purement personnelle au débiteur principal, qui ne peut être opposée au créancier par un tiers, de sorte que Mme [N] ne peut en bénéficier.

Réponse de la cour

En premier lieu, selon l'article L. 137-2 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Il en résulte que seul un consommateur peut se prévaloir de la prescription biennale.

Or, un consommateur est nécessairement une personne physique, de sorte que ce délai de prescription n'est pas applicable à une SCI, y compris à vocation familiale.

En l'espèce, le prêt du 1er février 2010 dont la banque réclame le paiement, a été consenti à la SCI Jet immo exclusivement, ce qui exclut l'application de la prescription biennale susmentionnée, peu important l'éventuelle soumission volontaire des parties aux règles propres du crédit immobilier édictées par le code de la consommation.

Par ailleurs, la prescription biennale est une exception purement personnelle au débiteur principal, qui ne peut être opposée au créancier par un tiers, de sorte que Mme [N], qui est poursuivie en sa qualité d'associée de la SCI, ne peut en bénéficier.

Ce moyen doit donc être rejeté.

En second lieu, selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Par ailleurs, selon l'article 1858 du code civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

Cependant, lorsque la société est en liquidation judiciaire, le créancier peut poursuivre directement les associés de la SCI dans le délai de cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société, en application de l'article 1859 du code civil, à la condition que la créance ait été déclarée au passif de la société dans les deux mois suivant la publication du jugement d'ouverture de la procédure au BODACC, étant précisé que la déclaration de créance interrompt le délai de prescription.

En l'espèce, il est justifié que le jugement prononçant la liquidation judiciaire de la SCI a été publié au BODACC le 4 avril 2017 et que la banque a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur le 5 mai 2017.

L'assignation devant le tribunal de grande instance de Lyon ayant été délivrée à Mme [N] le 9 janvier 2019, soit avant l'expiration du délai de 5 ans, l'action est recevable.

Le jugement est confirmé de ce chef.

2. Sur la responsabilité de la banque

Mme [N] soutient que la banque a engagé sa responsabilité en ne mettant pas en garde la SCI Jet immo et ses associés sur les risques générés par les opérations projetées et en participant à la dégradation de la situation.

Elle fait valoir à cet égard que la banque a accepté de procéder à trois opérations s'inscrivant dans le dispositif de la loi Scellier, intéressant trois SCI dont la famille [N] était associée, sans les mettre en garde sur les risques inhérents, ni les alerter sur la disproportion avec leur capacité de remboursement.

Elle ajoute qu'elle a été appelée à procéder à l'acquisition de lots dans des immeubles historiques devant bénéficier de travaux de rénovation importants, qui n'ont pas été finalisés malgré les financements alloués et qui font actuellement l'objet d'une instruction pénale.

Elle explique qu'elle n'a donc pas pu faire face au remboursement des échéances des prêts, qu'elle a bénéficié d'une procédure de surendettement et que sa situation financière a été aggravée par la procédure de saisie immobilière diligentée par la banque à l'encontre de la société Jet immo et des deux autre SCI, qui a conduit à l'ouverture de procédures collectives pour chacune d'entre ellse, ainsi que par la procédure engagée ensuite contre elle-même.

La banque fait valoir que la circonstance qu'elle ait accordé deux autres prêts à deux autres SCI est indifférente, ces derniers étant étrangers à la procédure. Elle ajoute que l'opération de défiscalisation malheureuse ayant abouti à une procédure pénale en cours concerne un prêt qui n'est pas l'objet de la présente procédure. Enfin, elle indique qu'il ne peut lui être reproché d'avoir diligenté une procédure de saisie immobilière préalable à l'encontre de la SCI Jet immo, alors qu'il s'agit du débiteur principal et qu'elle cherchait à procéder au recouvrement de sa créance.

Réponse de la cour

En application de l'article 1240 du code civil, il appartient à celui qui se prétend victime d'un dommage, de rapporter la preuve de la faute de celui qui l'a causé.

Mme [N] reproche à la banque de ne pas avoir mis en garde la SCI Jet immo et ses associés, soit elle-même et son père, M. [N], sur les risques inhérents aux opérations de défiscalisation qu'ils ont réalisées, ainsi que sur la disproportion de leurs engagements au regard de leur capacité de remboursement.

Cependant, lorsque l'emprunteur est une société civile immobilière, seule celle-ci est créancière de l'obligation de mise en garde qui pèse sur le prêteur et non ses associés , même si ceux-ci sont tenus indéfiniment des dettes sociales, de sorte que Mme [N] n'est pas fondée à reprocher à la banque de ne pas l'avoir personnellement mise en garde.

Par ailleurs, le caractère averti de l'emprunteur, lorsqu'il est une personne morale, s'apprécie en la seule personne de son représentant légal et non en celle de ses associés.

En l'espèce, il résulte des statuts de la SCI Jet immo produits, que le gérant de la société est M. [N], qui n'est pas partie à la présente procédure, et sur lequel Mme [N] ne donne aucun renseignement qui permettrait d'apprécier s'il était suffisamment avisé pour contracter, de sorte qu'il n'est pas établi que la SCI Jet immo était un emprunteur profane, nécessitant que la banque exerce son devoir de mise en garde.

En tout état de cause, il ressort des explications de Mme [N] que les difficultés financières rencontrées dans le remboursement des échéances des crédits ont été causées par un intermédiaire, contre lequel une instruction pénale est en cours, qui n'est pas lié à la banque, et qui aurait détourné les fonds prêtés pour réaliser les travaux de rénovation, circonstance que la banque ne pouvait pas prévoir et contre laquelle elle ne pouvait donc mettre en garde l'emprunteur.

En outre il résulte des pièces produites et notamment du contrat de prêt du 1er février 2010 consenti à la SCI Jet Immo et de l'arrêt de la chambre d'instruction de Lyon du 24 février 2015, qu'outre le prêt de 253 333 euros consenti à la société Jet immo, la banque a financé en 2009 l'acquisition d'un autre bien immobilier par la SCI LPB, à hauteur de 359 144 euros, avec le Crédit immobilier de France et la Banque populaire. En revanche, selon cet arrêt et contrairement à ce que Mme [N] allègue, le crédit souscrit par la SCI Alliés immobilier a été consenti par le Crédit immobilier de France et non pas par la banque.

Or, Mme [N] ne produit aucun élément sur la situation financière de la SCI Jet immo à l'époque des prêts, de sorte que la cour n'est pas en mesure de déterminer, ainsi qu'elle l'allègue, que le prêt consenti était disproportionné à sa capacité de remboursement.

Il est précisé à cet égard que la cour, qui ne peut statuer par voie de référence à une précédente décision, ne peut déduire des motifs d'un autre jugement, que cette disproportion était manifeste.

De même, il ne peut être reproché à la banque d'avoir pratiqué une saisie immobilière à l'encontre de la SCI Jet immo avant d'engager des poursuites contre Mme [N], en sa qualité d'associée, en application de l'article 1858 du code civil.

Enfin, à supposer que la banque ait commis une faute, aucun texte ne prévoit qu'elle serait dans une pareille hypothèse 'déchue de son droit d'action'. De même, Mme [N], qui se borne à solliciter à titre subsidiaire que le montant des dommages-intérêts alloués soit égal au montant de la somme réclamée par la banque, ne chiffre pas son préjudice.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de débouter Mme [N] de ses demandes. Le jugement est confirmé.

3. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque, en appel. Mme [N] est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 2.500€.

Les dépens d'appel sont à la charge de Mme [N] qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [L] [N] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Loire Haute-Loire, la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Condamne Mme [L] [N] aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 20/02215
Date de la décision : 21/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-21;20.02215 ?
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