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16/02/2023 | FRANCE | N°22/03677

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 16 février 2023, 22/03677


N° RG 22/03677 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJ44









Décision du Juge de la mise en état du TJ de LYON



du 05 mai 2022



RG : 21/03284







[V]

[U]



C/



[DZ]

[V]

[V]

[V]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRET DU 16 Février 2023







APPELANTES :



Mme [N] [V]

née le 11 AoÃ

»t 1969 à OULLINS (69600)

[Adresse 1]

[Localité 14]



Mme [P] [U] veuve [V]

née le 19 Octobre 1946 à LYON (69002)

[Adresse 16]

[Localité 15]



Représentées par Me Florence CALLIES de la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 428







INTIMES :



Mme...

N° RG 22/03677 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJ44

Décision du Juge de la mise en état du TJ de LYON

du 05 mai 2022

RG : 21/03284

[V]

[U]

C/

[DZ]

[V]

[V]

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 16 Février 2023

APPELANTES :

Mme [N] [V]

née le 11 Août 1969 à OULLINS (69600)

[Adresse 1]

[Localité 14]

Mme [P] [U] veuve [V]

née le 19 Octobre 1946 à LYON (69002)

[Adresse 16]

[Localité 15]

Représentées par Me Florence CALLIES de la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 428

INTIMES :

Mme [X] [DZ] veuve [V]

née le 04 Octobre 1947 à LORIENT (56100)

[Adresse 7]

[Localité 11]

M. [R] [V]

né le 23 Janvier 1971 à Lorient (56100)

[Adresse 6]

[Localité 5]

M. [K] [V]

né le 12 Février 1979 à Lorient (56100)

[Adresse 3]

[Localité 12]

M. [I] [V]

né le 29 Janvier 2003 à Lorient (56100)

[Adresse 18]

[Localité 4]

Représentés par Me Sandrine VARA de la SELARL CINETIC AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1041

assistée de Me Emilie LE MAOUT, avocat au barreau de LORIENT

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 05 Janvier 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 16 Février 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Dominique BOISSELET, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article [Cadastre 8] alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Clemence RUILLAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Faits, procédure et demandes des parties

Mme [B] [A] veuve [V] était propriétaire d'un tènement immobilier, situé [Adresse 13], comprenant une maison d'habitation et dépendances diverses, le tout sur un terrain attenant d'une superficie de 5 815 m2, cadastré section B n° [Cadastre 8], [Cadastre 9]P et [Cadastre 10].

Aux termes d'un testament olographe du 5 juin 1964, déposé au rang des minutes de maître [F], notaire, elle a légué à ses deux enfants, Mme [Y] [V] épouse [S], M. [H] [V] et à son petit fils M. [Z] [V], cette propriété.

Mme [B] [A] veuve [V] est décédée le 4 décembre 1965.

Par actes authentiques des 25 et 29 août 1966, le notaire maître [F] a procédé au partage de l'immeuble dépendant de la succession, qui a été placé sous le régime de la copropriété, et divisé en lots répartis, après un échange entre M. [H] [V] et M. [Z] [V] de deux lots, de la manière suivante :

- M [H] [V] était propriétaire des lots n°1,2,6,7,8 et 10

- Mme [Y] [V] veuve [S] était propriétaire des lots n°4,5 et 9

- M. [Z] [V] était propriétaire du lot n°3.

M. [H] [V] est décédé le 7 avril 1977, laissant pour lui succéder son épouse Mme [W] [G] épouse [V] et ses trois enfants, issus de son union avec cette denière, [M] [V], [L] [V] et [Z] [V].

[M] [V] est décédé le 20 mars 1988, laissant pour lui succéder son épouse [D] [UK] veuve [V], et leurs trois enfants Loïc, [J] et [T] [V].

M. [Z] [V] est décédé le 22 octobre 1988, laissant pour lui succéder son épouse [P] [U] et sa fille [N] [V].

Selon acte authentique du 19 juillet 2001, Mme [N] [V] a acquis les deux tiers des lots 1,2,6,7 et 10 cadastré section AR n° [Cadastre 2],outre un tiers de la jouissance du lot n° 8, sous réserve de l'usufruit de sa mère [P].

Mme [Y] [V] épouse [S] est décédée le 26 décembre 2003, en lui léguant les lots 4 et 5 et le lot n°9.

En 2011, Mme [N] [V] a demande à Maître [DI], notaire d'établir un acte rectificatif portant sur les lots 8 et 9, par lequel elle se déclare seule propriétaire de l'ensemble des lots. Cet acte rectificatif est daté du 10 février 2011.

Ce même jour, Mme [N] [V], nue propriétaire, et Mme [P] [V], usufruitière ont vendu les lots 8 et 9 à un promoteur immobilier, après la division de la parcelle cadastrée section AR [Cadastre 2] en six nouvelles parcelles, pour un montant de 420.000 euros.

M. [L] [V] est décédé le 26 août 2015, laissant pour lui succéder :

- son épouse [X] [V],

- ses deux enfants [R] et [K],

- son petit fils [I], fils d'[C] prédécédé le 2 novembre 2013.

Par acte d'huissier de justice du 19 mai 2021, Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M [K] [V] et M. [I] [V] ont fait assigner Mme [N] [V] et Mme [P] [U] veuve [V] devant le tribunal judiciaire de Lyon, au visa des articles 544 et 1240 du code civil, aux fins de :

- voir dire et juger que Mme [N] [V] et Mme [P] [V] ont privé M. [L] [V] de ses droits sur le lot n°8,

- les voir condamner solidairement à payer la somme de 406.969 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de l'atteinte aux droits de propriété de son épouse, de leur père et grand père décédé,

- les voir condamner in solidum à leur payer une somme de 10.000 euros, en réparation de leur préjudice moral,

- les voir condamner au paiement de la somme de 5.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Ils font ainsi valoir que l'acte rectificatif notarié du 10 février 2011 a été effectué sans la participation de M. [L] [V], décédé postérieurement et à son insu, et ce en contradiction du mandat de procuration du 18 juin 2001 donné par celui ci, Mme [N] [V] s'arrogeant indûment la propriété du lot n°8.

Mme [N] [V] et Mme [P] [U] veuve [V], ont saisi le juge de la mise en état de Lyon d'un incident tendant à

- juger la demande Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et M. [I] [V] irrecevable, pour défaut de qualité à agir et subsidiairement irrecevable comme étant prescrite

- condamner in solidum Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] à leur payer la somme de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts

- condamner les mêmes in solidum en tous les dépens, avec recouvrement direct au profit de la Selarl Berard Callies, avocats.

Elles invoquent la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V], en qualité d'ayants droits de [L] [V], ce dernier ne disposant d'aucun droit de propriété sur les terrains vendus le 10 février 2011.

Elles soutiennent que le droit de jouissance privative sur une partie commune ne constitue pas un lot de copropriété au regard de l'article 1er de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965.

Elles considèrent en outre que le droit de jouissance privative sur une partie commune est un accessoire du lot de copropriété, auquel il est rattaché et dont il ne peut être dissocié. Elle estime que le lot n°8 était affecté aux lots 1,2,6,7 et 10 dont M. [H] [V] était propriétaire. Si M. [L] [V] a hérité d'un tiers des lots susvisés le 19 juillet 2001 au décès de M. [H] [V], il a ensuite avec les autres propriétaires indivis cédé ses droits de propriété indivis sur les lots 1,2,6, 7 et 10 à Mme [N] [V], de sorte que le lot n°8 était attaché aux autres lots et que Mme [N] [V] était donc de fait investie de la jouissance du lot n° 8.

Concernant la prescription, elles soutiennent que la prescription quinquennale doit s'appliquer, s'agissant d'actions personnelles ou mobilières. Elles énoncent que la date de connaissance du litige doit au plus tard être fixée au mois de mars 2011, date de publication aux hypothèques de l'acte rectificatif de propriété, de sorte que l'action introduite le 19 mai 2021 est nécessairement prescrite.

Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] ont demandé au juge de la mise en état, au visa des articles 544 et 2272 du code civil de :

- dire et juger que Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] ont qualité à agir,

- dire et juger que la présente procédure consiste en une action immobilière, et n'est dès lors nullement prescrite,

en conséquence,

- déclarer Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] recevables en leur action,

- renvoyer l'examen de l'affaire à la mise en état, afin qu'elle puisse être examinée au fond,

- débouter Mme [N] [V] et Mme [P] [U] veuve [V] de leur demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance.

Ils estiment tout d'abord avoir qualité à agir.

Ils font valoir que Mme [N] [V] n'a jamais remis en cause le droit de propriété de M. [H] [V], mentionnant dans l'acte notarié rectificatif qu'elle déclare 'sous sa responsabilité que les actes ci-après font l'objet d'une omission d'un lot de copropriété qui est resté la propriété de M. [H] [V] et que le lot n° 8 est cédé à titre de cession pour faire cesser l'indivision'.

Ils ajoutent que le règlement de copropriété des 25 et 29 août 1966 a crée le lot n°8, en application de l'acte de partage successoral et que si Mme [N] [V] souhaitait contester le règlement de copropriété, elle aurait pu solliciter la convocation d'une assemblée générale ou contester l'acte de partage successoral, ce qu'elle n'a pas fait.

Ils soulignent qu'un transfert de propriété du lot n° 8 a été nécessaire, avant la modification du règlement de copropriété, et que ce n'est que par ces manoeuvres que Mme [N] [V] a pu procéder à une opération de restructuration de la copropriété.

Ils mentionnent également que le mandat du 18 juin 2001 de M. [L] [V] était particulièrement clair et explicite, évoquant une cession de tous les droits sur les lots n° 1,2,6,7 et 10 et donnant pouvoir à tous les collaborateurs de l'office notarial de [Localité 17] de convenir de laisser dans l'indivision le lot n°8.

Il ne peut donc être prétendu que le transfert de propriété du lot n° 8 a été omis dans l'acte du 19 juillet 2001.

S'agissant de la prescription, ils exposent que le litige résulte de l'appropriation par Mme [N] [V] d'un tiers du lot n° 8, lot de copropriété, ce qui relève de la propriété immobilière. En outre, la fin de non recevoir invoquée par Mme [N] [V] tenant à la qualité de propriétaire suffit à démontrer que l'action porte bien sur une question de propriété immobilière, impliquant la prescription trentenaire.

Dès lors, leur action est bien recevable.

Par ordonnance du 5 mai 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon a :

- retenu la compétence du juge de la mise en état,

- déclaré l'action de Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] recevable,

- réservé les dépens et les demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyé la procédure à l'audience de la mise en état du 2 juin 2022 pour les conclusions au fond de Maître [E].

Par déclaration du 20 mai 2022, Mme [P] [U], veuve [V] et Mme [N] [V] ont interjeté appel de l'ordonnance précitée.

Aux termes de leurs dernières conclusions, régulièrement notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, elles demandent à la Cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du 5 mai 2022,

et statuant à nouveau de :

- juger la demande de Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] irrecevable pour défaut de qualité à agir,

subsidiairement,

- juger la demande de Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] irrecevable comme étant prescrite,

Et plus subsidiairement encore,

- juger la demande de Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] irrecevable, comme étant prescrite, Mme [N] [V] ayant acquis la propriété des droits indivis de feu M. [L] [V] par prescription décennale,

Dans tous les cas,

- condamner in solidum Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] à leur payer la somme de 5.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] en tous les dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct au profit de la SELARL Berard-Callies, avocats.

Elles font valoir que Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] n'ont pas qualité à agir, dans la mesure où M. [L] [V], dont ils sont les ayant droits, n'avait plus aucun droit de propriété sur les terrains vendus le 10 février 2011 et plus particulièrement sur le lot n°8.

Elles soutiennent ainsi que le droit de jouissance privative sur une partie commune ne constitue pas un lot de copropriété, au regard de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965, et qu'en l'espèce le règlement de copropriété du 29 août 1966 mentionne lot n° 8 'soit la jouissance d'une parcelle de terrain d'une superfice de deux mille deux cent mètres carrés côté sud'. Il s'agit donc d'un lot de jouissance et non de copropriété, peu importe que Mme [N] [V], profane, évoque dans l'acte notarié rectificatif un lot de copropriété.

Elles ajoutent que le droit de jouissance privative sur une partie commune est un accessoire du lot de copropriété, auquel il est rattaché, et dont il ne peut être dissocié ; Or le règlement de copropriété prévoit que le lot de jouissance est affecté aux lots 1,2,6,7 et 10 dont M. [H] [V] était propriétaire, de sorte que par la cession des droits de propriété indivis sur les lots 1,2,6,7 et 10 de M. [L] [V] à Mme [N] [V], cette dernière s'est vue attribuée de facto la jouissance du lot n°8, et avait ainsi après le décès de Mme [Y] [V], la totalité de la propriété du tènement immobilier et donc la possibilité de le vendre.

Elles arguent de l'absence de valeur et d'effet juridique de la prétendue procuration invoquée par les intimés.

Elles considèrent ainsi qu'il n'existait plus de copropriété et que Mme [N] [V] n'avait dès lors ni le pouvoir, ni l'obligation de convoquer une assemblée générale, le notaire ayant procédé de manière superfétatoire à la modification du règlement de copropriété.

En outre, elles soutiennent que l'action est prescrite, invoquant la prescription quinquennale et une action qui aurait du être introduite au plus tard en mars 2016, soit cinq ans après la publication au bureau des hypothèques de l'acte notarié rectificatif.

Elle ajoutent que l'action engagée consiste en une demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil, soit la perte de chance de vendre un tiers du lot 8 estimé selon eux à 1. 220.908 euros. Il s'agit donc d'une action personnelle soumise au délai quinquennal.

L'action réelle immobilière impose en effet que le résultat recherché soit de recouvrer ou de conserver le droit immobilier et c'est la détermination de la nature de la chose demandée au défendeur, qui caractérise la nature de l'action.

Dès lors, en l'espèce, ce n'est pas parce que l'objet du litige porte sur l'appropriation du lot n° 8 que les demandes relèvent de l'action immobilière, et par là-même d'une prescription trentenaire.

A titre plus subsidiaire, elles arguent de la prescription acquise par usucapion.

Elles exposent ainsi que Mme [N] [V] a acquis la propriété indivise du lot n°8 par acte du 10 février 2011, de sorte que l'action ayant été introduite au delà du délai de 10 ans est irrecevable.

Il ne s'agit pas d'une prétention nouvelle, mais d'un moyen nouveau pour conduire au rejet de la demande des intimés.

En outre, la mauvaise foi ne peut leur être opposée, dans la mesure où Mme [N] [V] n'avait pas connaissance de la procuration, était persuadée que le lot n° 8 était un lot de jouissance, et qu'il ne pouvait être traité de façon indépendante des lots de copropriété qu'elle avait acquis.

Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V], par des conclusions régulièrement notifiées le 22 juillet 2022, demandent à la Cour de

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de mise en état du 5 mai 2022, en ce qu'elle a :

- retenu la compétence du juge de la mise en état,

- déclaré l'action de Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] recevable,

- réservé les dépens et les demandes formulées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- renvoyé la procédure à la mise en état,

Y ajoutant

- juger la prétention nouvelle de Mme [N] [V] et Madame [P] [U] veuve [V], tendant à voir dire par la Cour que Madame [N] [V] a acquis la propriété du lot n°8 par usucapion en application de l'article 2272 alinéa 2, irrecevable et les débouter en conséquence de leur fin de non-recevoir tirée du même article,

A titre subsidiaire,

- juger que l'action engagée par Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] n'est pas prescrite, en application de l'article 2272 alinéa 2 du code de procédure civile et les déclarer recevables en leur action,

- renvoyé l'examen de l'affaire à la mise en état, afin qu'elle puisse être examinée au fond,

- débouter Mme [N] [V] et Mme [P] [U] veuve [V] de leur demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Madame [N] [V] et Mme [P] [U] veuve [V] à payer à chacun des intimés, à savoir à Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V], la somme de 1.500 euros, au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel et ce, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- les condamner in solidum aux entiers dépens de l'appel.

Ils répliquent concernant la qualité à agir que l'acte rectificatif du 10 février 2011 a été reçu sans la participation de M. [L] [V] décédé posterieurement, et que ce dernier avait certes cédé à Mme [N] [V] par acte authentique du 13 septembre 2001, établi par maître [O], les lots 1,2,6,7 et 10 de la copropriété, mais qu'il avait donné mandat le 18 juin 2001 au notaire et à ses collaborateurs de convenir de laisser dans l'indivision le lot n°8.

Les termes de l'acte rectificatif évoquant l'ommission d'un lot de copropriété resté la propriété de M. [H] [V], ou la cession visée, afin de faire cesser l'indivision correspondent à un droit de copropriété et non un droit de jouissance.

Ils ajoutent que le règlement de copropriété a bien crée un lot 8, constitué d'un droit d'usage exclusif sur le jardin. Or, Mme [N] [V] n'a procédé ni au rachat du lot 8 ni à une convocation de l'assemblée générale. Elle ne pouvait donc s'arroger la propriété de ce lot.

Ils font également observer que le transfert de propriété du lot 8 a d'abord été acté, avant la modification du règlement de copropriété par l'annulation du lot 8.

L'acte du 19 juillet 2001 n'a donc emporté aucun transfert de propriété du lot 8.

Ils répondent s'agissant de la prescription, que le litige découle de l'appropriation du tiers du lot 8 par Mme [N] [V] et que l'action est engagée sur le fondement de l'article 544 du code civil et non sur l'article 1240 du code civil, contrairement à ce que soutiennent les appelantes.

En outre, l'appropriation des droits de M. [V] sur le lot 8 n'entraîne pas une perte de chance, mais bien une perte de droits de propriété. Ils font valoir que la faute invoquée à l'appui de leur demande est une atteinte à l'article 544 du code civil, lequel procède de la matière immobilière.

La jurisprudence invoquée par les appelantes n'est pas transposable en l'espèce, dans la mesure où dans cette affaire, la question du transfert de propriété ne faisait pas débat. En l'espèce, ils réclament la protection de leur droit immobilier sur le lot n°8.

Concernant, l'usucapion invoquée seulement en cause d'appel, ils considèrent à titre principal qu'il s'agit d'une prétention irrecevable comme étant nouvelle, et subsidiairement que les conditions de l'usucapion ne sont pas réunies, Mme [N] [V] n'étant pas de bonne foi.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir 'constater' ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour, de même que les demandes tendant à voir 'dire et juger' lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Les appelantes invoquent deux fins de non recevoir tenant à la prescription et à la qualité à agir.

I/ Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

Selon l'article 789 6° du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est jusqu'à son dessaisissement seul compétent à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non recevoir.

Lorsque la fin de non recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non recevoir.

Toutefois dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer.

Aux termes de l'article 122 du code précité constitue une fin de non recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 2227 du code civil prévoit que le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les fais lui permettant de l'exercer.

En application de l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il convient donc de déterminer la nature de l'action engagée au fond par Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V].

En l'espèce, il est sollicité aux termes de l'assignation de :

- dire et juger que Mme [N] [V] et Mme [P] [U] veuve [V] ont privé M. [L] [V] de ses droits sur le lot n°8,

- condamner en conséquence in solidum Mme [N] [V] et Mme [P] [V] veuve [V] à régler à Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] la somme de 406.969 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte aux droits de propriété de M. [L] [V], dont ils sont les ayant droits,

- de condamner in solidum Mme [N] [V] et Mme [P] [U] veuve [V] à leur régler la somme de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- condamner in solidum Mme [N] [V] et Mme [P] [U] veuve [V] à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum en tous les dépens.

Une action réelle immobilière implique que le résultat recherché par le demandeur à l'action soit de recouvrer ou de conserver le droit réel immobilier. Elle doit être fondée sur la nécessité de protéger ce droit et non d'en obtenir la contrepartie.

En l'espèce, la demande formée est une demande de dommages et intérêts. S'il est fait référence à la propriété et à l'article 544 du code civil, il ne s'agit pas d'une revendication immobilière qui serait imprescriptible, ni d'une action réelle immobilière, la demande est en effet une action indemnitaire extra contractuelle et est personnelle.

La seule référence dans le dispositif à la mention 'dire et juger qu'il a été porté atteinte au droit de propriété sur le lot n°8", alors que la prétention est une demande indemnitaire fondée sur l'article 1240 du code civil ne confère pas à cette dernière un caractère réel immobilier, contrairement à ce que soutiennent les intimés. Le seul lien avec un litige immobilier et une cause liée à un bien immobilier ne permet en effet pas de caractériser l'action de réelle et immobilière. En l'espèce, elle ne vise pas à recouvrer ou conserver un droit réel immobilier.

Il ne s'agit donc pas d'une action réelle immobilière, mais d'une action indemnitaire soumise à la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 précité.

Il convient ensuite de fixer le point de départ de la prescription à la date à laquelle Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] avaient connaissance des faits permettant d'exercer leur action.

En l'espèce, le jour où les titulaires du droit avaient connaissance des faits leur permettant de l'exercer doit être fixé à la date de publication aux hypothèques de l'acte notarié rectificatif, le 31 mars 2011, leur demande de dommages et intérêts étant fondée sur une appropriation qu'ils estiment frauduleuse. Le délai quinquennal expirait ainsi en mars 2016 et l'assignation ayant été délivrée le 19 mai 2021, elle est nécessairement tardive.

Il convient en conséquence de déclarer l'action prescrite et de réformer l'ordonnance en ce sens.

L'action étant prescrite, il n'y a pas lieu d'examiner la fin de non recevoir tirée de la qualité à agir.

- Sur les demandes accessoires

Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et M. [I] [V] succombant à l'instance, ils sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile, avec recouvrement direct au profit de la SELARL Berard-Callies, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter Mme [P] [U] veuve [V] et Mme [N] [V] de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance, l'ordonnance déférée ayant réservé cette demande étant réformée en cause d'appel.

Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] n'obtenant pas gain de cause, leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Réforme l'ordonnance déférée,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare l'action de Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] irrecevable comme étant prescrite,

Condamne Mme [X] [DZ] veuve [V], M. [R] [V], M. [K] [V] et [I] [V] aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct au profit de la SELARL Berard-Callies, avocats,

Déboute toutes les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/03677
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;22.03677 ?
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