N° RG 21/02994 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NRLC
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 24 mars 2021
RG : 16/02524
ch1 cab01B
Etablissement Public HOSPICES CIVILS DE [Localité 70]
C/
[T]
[XH]
[XH]
[XH]
[A]
[O]
[LO]
[CW]
[N]
[P]
[B]
[WS]
[YF]
[LO]
[LO]
[LO]
[LO]
[LO]
[LO]
[LO]
[XH]
[SC]
[XH]
[DP]
[U]
[U]
[U]
[CW]
[CW]
[IV]
[X]
[XH]
[CW]
[VL]
[LO]
LA PROCUREURE GENERALE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 14 Février 2023
APPELANTE :
Les HOSPICES CIVILS DE [Localité 70]
[Adresse 23]
[Localité 39]
Représentée par Me Frédéric PIRAS de la SELARL PIRAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 704
INTIMES :
Mme [ZL] [T] veuve [XH]
[Adresse 15]
[Localité 39]
défaillante
Mme [M] [XH] épouse [NK]
[Adresse 18]
[Localité 61]
défaillante
Mme [L] [XH] épouse [FL]
[Adresse 20]
[Localité 27]
défaillante
Mme [OI] [XH] épouse [RE]
[Adresse 69]
[Localité 32]
défaillante
M. [C] [A] ès-qualités d'héritier de Mme [R] [LO] (elle-même héritière de Mme [H] [LO] décédée le 21/08/2016)
[Adresse 29]
[Localité 4]
défaillant
Mme [HX] [O] en sa qualité d'héritière de Madame [R] [LO] (elle-même héritière de Mme [H] [LO] décédée le 21/08/2016)
[Adresse 14]
[Localité 24]
défaillante
M. [W] [LO]
[Adresse 72]
[Localité 26]
Représenté par Me Philippe BURATTI de la SCP BUFFET - BURATTI, avocat au barreau de LYON, toque : 195
et par Me Sabine MOLINIERE, avocat au barreau de Toulouse
Mme [KB] [GJ] [CW]
[Adresse 22],
[Adresse 22]
[Localité 60]
Représentée par Me Philippe BURATTI de la SCP BUFFET - BURATTI, avocat au barreau de LYON, toque : 195
et par Me Sabine MOLINIERE, avocat au barreau de Toulouse
Mme [D] [N]
[Adresse 6]
[Localité 47]
défaillante
Mme [VU] [P]
[Adresse 66]
[Localité 3]
défaillante
Mme [K] [B] venant aux droits de Madame [OR] [LO] veuve [WS]
[Adresse 50]
[Localité 56]
défaillante
Mme [BS] [WS] venant aux droits de Madame [OR] [LO] veuve [WS]
[Adresse 63]
[Localité 64]
défaillante
Mme [CN] [YF] venant aux droits de Madame [OR] [LO] veuve [WS]
[Adresse 33]
[Localité 45]
défaillante
M. [JT] [LO]
[Adresse 36]
[Localité 1]
défaillant
M. [UW] [LO]
[Adresse 16]
[Localité 2]
défaillant
M. [KZ] [LO]
[Adresse 11]
[Localité 42]
défaillant
Mme [MM] [LO] épouse [PG]
[Adresse 35]
[Localité 43]
défaillante
M. [JD] [LO]
[Adresse 68]
[Localité 25]
défaillant
M. [AU] [LO]
[Adresse 38]
[Localité 37]
défaillant
M. [CS] [LO] venant aux droits de Mme [H] [LO]
[Adresse 52]
[Localité 48]
défaillant
Mme [Z] [XH]
[Adresse 30]
[Localité 55]
défaillante
Mme [S] [SC]
[Adresse 65]
[Localité 44]
défaillante
M. [EN] [XH]
[Adresse 21]
[Localité 57]
défaillant
Mme [ZL] [DP] veuve [KR]
[Adresse 62]
[Localité 39]
défaillante
M. [XP] [U]
[Adresse 7]
[Localité 40]
défaillant
Mme [J] [U] épouse [ZD]
[Adresse 31]
[Localité 46]
défaillante
Mme [I] [U] épouse [BU]
[Adresse 17]
[Localité 49]
défaillante
Mme [F] [CW]
[Adresse 13]
[Localité 58]
défaillante
M. [TA] [CW]
[Adresse 12]
[Localité 59]
défaillant
Mme [D] [IV]
[Adresse 19]
[Localité 54]
défaillante
Mme [Y] [X]
[Adresse 67]
[Localité 53]
défaillante
Mme [V] [XH]
[Adresse 10]
[Localité 47]
défaillante
Mme [IF] [CW]
[Adresse 51]
[Localité 28]
défaillante
Mme [HH] [VL]
[Adresse 8]
[Localité 41]
défaillante
Mme LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 5]
[Localité 41]
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 03 Février 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Décembre 2022
Date de mise à disposition : 14 Février 2023
Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
Arrêt Rendue par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Mr [YN] [E] est décédé le 22 avril 1873.
Par testament olographe en date du 20 février 1873, Mr [YN] [E] a légué aux Hospices Civils de [Localité 70] les biens et droits immobiliers sis [Adresse 34] à [Localité 71], cadastré AO n°[Cadastre 9], à la condition expresse de le conserver et de ne jamais l'aliéner.
Ce legs a été consenti afin de permettre à l'Hospice de diminuer le temps d'admission des personnes âgées, à l'époque d'une durée de 2 ans, la date d'inscription étant alors possible à partir de 70 ans.
Le 15 août 2015, les Hospices Civils de Lyon ont fait paraître une annonce dans le journal le Tout Lyon afin d'informer le Procureur de la République et les héritiers de leur intention de solliciter du tribunal de grande instance de Lyon l'autorisation d'aliéner les biens et droits immobiliers légués par Mr [E].
Par actes d'huissier en date des 18, 19, 20, 21, 22, 25, 27, 28 janvier, 1er et 2 février 2016, les Hospices Civils de [Localité 70] ont fait assigner le procureur de la république, Mr [KZ] [LO], Mr [AU] [LO], Mme [HH] [VL], Mme [MM] [LO] épouse [PG], Mme [H] [LO], Mr [CS] [LO], Mr [G] [XH], Mme [V] [XH], Mme [D] [N], Mme [Z] [XH], Mme [S] [SC], Mme [ZL] [DP] veuve [KR], Mr [XP] [U], Mme [J] [U] épouse [ZD], Mme [I] [U] épouse [BU], Mme [F] [CW], Mr [TA] [CW], Mr [EN] [XH], Mme [D] [IV], Mme [KB] [CW] épouse [TY], Mme [IF] [CW], Mme [OR] [LO] épouse [WS], Mr [JT] [LO], Mr [UW] [LO], Mme [R] [LO], Mme [VU] [P], Mr [JD] [LO], Mr [W] [LO] et Mme [Y] [X] devant le tribunal de grande instance de Lyon, aux fins d'être autorisés à aliéner les droits et biens immobiliers concernés par le legs en raison d'une exploitation devenue économiquement difficile.
Certains héritiers de Mr [YN] [E] se sont opposés à la demande.
Par jugement du 24 mars 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a:
- déclaré recevable l'action des Hospices Civils de [Localité 70],
- rejeté la demande de révision des conditions et charges visant à aliéner le bien légué,
- rejeté les demandes des parties plus amples ou contraires,
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens sont conservés par chacune des parties.
Par déclaration du 26 avril 2021, les Hospices Civils de [Localité 70] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions du 22 juillet 2021, les Hospices Civils de [Localité 70] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon du 24 mars 2021 qui a déclaré
recevable leur demande d'autorisation d'aliéner,
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon du 24 mars 2021 qui a rejeté leur demande d'autorisation d'aliéner, la déclarant mal fondée,
en conséquence, rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
- déclarer recevable et bien fondée leur action,
- les autoriser à aliéner l'immeuble sis [Adresse 34],
- leur donner acte de ce que le produit de la vente sera utilisé dans le respect de la volonté du testateur, au travers de ses différentes institutions, et actions, au sein de l'institut du vieillissement,
- rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Les Hospices Civils de [Localité 70] fondent leur action sur les dispositions de l'article 900-2 du code civil et font valoir que :
- depuis leur création, ils se conformés à la volonté du testateur, ils ont accueilli des patients âgés, même avant 70 ans, alors que le temps d'attente pour être admis n'est plus de deux ans comme cela était le cas en 1873,
- ils ont d'ailleurs créé l'institut du vieillissement avec pour priorité d'améliorer l'offre de soins dédiée aux personnes âgées et de repousser la dépendance,
- il est toutefois aujourd'hui impossible, voire sérieusement dommageable, de se conforter aux souhaits de Mr [YN] [E] en raison d'une situation financière très difficile ne leur permettant plus de continuer à entretenir, rénover et mettre aux normes l'immeuble en raison d'un rapport trop faible entre d'une part, son coût d'entretien ajouté aux investissements lourds de mise en oeuvre, s'agissant d'un immeuble ancien, et d'autre part, le faible revenu qu'il génère,
- certains logements ne sont plus loués car ils ne sont plus aux normes ou leur disposition ne correspond plus aux standards actuels ce qui explique le grand nombre de logements vacants,
- la gestion d'un patrimoine immobilier privé, non destiné à l'exercice du service public hospitalier, ne rentre pas dans leurs missions,
- leur situation budgétaire très obérée a contraint leur directeur à réduire de 3,5 millions d'euros le montant des investissements prévus pour la rénovation des logements vacants,
- le produit de la vente sera utilisé dans le respect de la volonté du testateur, au travers de ses différentes institutions, et actions, au sein de l'institut du vieillissement.
Le Ministère Public a émis l'avis qu'il y a lieu de réformer le jugement, d'autoriser l'aliénation du bien immobilier et d'ordonner que le prix soit employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant en faisant valoir que :
- la demande des Hospices Civils de [Localité 70] est recevable sur le fondement des articles 900-3 et 900-5 du code civil,
- le changement de circonstances, condition nécessaire à la révision du legs, apparaît caractérisé par l'importance des charges liées à l'entretien et à la rénovation de l'immeuble légué par rapport aux revenus perçus alors même que la situation financière des Hospices Civils de [Localité 70] atteste d'un endettement important,
- il est en outre établi que ce changement de circonstances rend l'exécution des charges sérieusement dommageable.
Mr [W] [LO] et Mme [KB] [CW], épouse [TY] ont constitué avocat mais n'ont pas conclu.
Les autres intimés, régulièrement assignés n'ont pas constitué avocat.
Certains actes n'ayant pas été signifiés à personne, il convient de statuer par défaut.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 février 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
L'article 900-2 du code civil dispose que tout gratifié peut demander que soient révisées en justice les conditions et charges grevant les donations ou legs qu'il a reçus, lorsque, par suite d'un changement de circonstances, l'exécution en est devenue pour lui soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable.
Le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a déclaré recevable l'action des Hospices Civils de [Localité 70] après avoir constaté que la demande avait été présentée plus de dix ans après la mort de Mr [YN] [E] et que les Hospices Civils de [Localité 70] avaient justifié qu'ils accueillaient des personnes âgées de plus de 70 ans et qu'ils avaient entretenu le bien légué afin d'exécuter leurs obligations.
Il appartient au gratifié de rapporter la preuve que par suite d'un changement de circonstances, l'exécution de la charge du legs est devenue extrêmement difficile pour lui ou qu'elle lui soit sérieusement dommageable.
Les Hospices Civils de [Localité 70] soutiennent qu'il est aujourd'hui impossible, voire sérieusement dommageable, de se conforter aux souhaits de Mr [YN] [E] en raison de leur situation financière et de l'impossibilité d'entretenir, de rénover et de remettre aux normes l'immeuble, objet du legs, au regard du faible revenu qu'il procure.
Ils versent aux débats :
- un rapport d'analyse des services techniques sur l'immeuble légué attestant de son état délabré du au vieillissement de l'immeuble, tant dans les parties communes que dans les parties logement (11 d'entre eux sur un total de 18 ne pouvant être remis à la location en raison de leur état général), et de la nécessité d'importants travaux pour le rendre conforme aux normes actuelles de sécurité et d'isolation,
- un estimatif des travaux à envisager dans l'immeuble réactualisé en mai 2019 pour un montant TTC de 1.216.000 € et divers devis de rénovation de l'immeuble, réactualisés en juin 2021, pour un montant total supérieur à 1.500.000 €.
La mise en vacances d'une grande partie des logements induit nécessairement une baisse des revenus locatifs qui sont en tout état de cause nettement insuffisants pour permettre aux Hospices Civils de [Localité 70] de financer des travaux d'une telle ampleur.
Il est donc mis en évidence la nécessité d'engager des dépenses très importantes dans un délai plus ou moins bref et une baisse de revenus consécutive ce qui caractérise un changement de circonstances au sens de l'article 900-1 sus visé.
Par ailleurs, les Hospices Civils de [Localité 70] justifient par des pièces produites aux débats d'un niveau d'endettement élevé et incontestablement l'entretien et la rénovation de cet immeuble représentent une charge extrêmement lourde.
Ainsi, la cour estime qu'en 2023, l'exécution du legs est devenue pour les Hospices Civils de [Localité 70], sinon extrêmement difficile, à tout le moins sérieusement dommageable en ce qu'elle serait de nature à contrarier la réalisation de sa mission qui est d'assurer une offre de soins efficace aux malades et non pas d'investir dans des programmes immobiliers.
Il convient par conséquent, réformant le jugement, d'autoriser les Hospices Civils de [Localité 70] à aliéner l'immeuble sis [Adresse 34].
Il n'y a pas lieu de lui donner acte de ses intentions concernant l'utilisation du produit de la vente, une telle décision de 'donner acte' n'emportant pas d'effet juridique particulier.
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour dit que chacune des parties conserve la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les Hospices Civils de [Localité 70] de leur demande tendant à se faire autoriser à aliéner le bien légué.
statuant de nouveau de ce chef et y ajoutant,
Autorise les Hospices Civils de [Localité 70] à aliéner l'immeuble sis [Adresse 34].
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Dit que chacune des parties conserve la charge de ses dépens.
La greffière, Le Président,