N° RG 21/06812 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N2K2
Décision du Juge des contentieux de la protection du TJ de BOURG EN BRESSE
du 29 juillet 2021
RG : 21/00066
Caisse CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE- EST
C/
[T]
[R]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 26 Janvier 2023
APPELANTE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE- EST
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Jacques BERNASCONI de la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST, avocat au barreau d'AIN
INTIMES :
M. [P] [M] [T]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 7] (01)
[Adresse 5]
[Localité 2]
défaillant
Mme [N] [O]
née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 8] (01)
[Adresse 5]
[Localité 2]
défaillante
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 05 Avril 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Décembre 2022
Date de mise à disposition : 26 Janvier 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Dominique BOISSELET, président
- Evelyne ALLAIS, conseiller
- Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de , greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Clemence RUILLAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Faits, procédure et demandes des parties
Par offre préalable acceptée le 23 septembre 2017, la société Crédit Agricole Centre Est a consenti à Mme [N] [O] et M. [P] [T] un prêt personnel n°00002864823 d'un montant de 30.000 euros, remboursable en 72 échéances, au taux débiteur fixe de 3,5%.
Selon une seconde offre acceptée le 28 octobre 2017, la société Crédit Agricole Centre Est (ci-après dénommée le Crédit Agricole) leur a consenti un autre prêt personnel n°00002922012 d'un montant de 18.500 euros, remboursable en 72 échéances, au taux débiteur fixe de 2,472%.
Les échéances n'ont pas été régulièrement honorées.
Par lettre recommandée du 18 juin 2020, le Crédit Agricole a mis en demeure les emprunteurs de régulariser la situation.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 septembre 2020, il a prononcé la déchéance du terme, et a sollicité le paiement de l'intégralité des sommes dues au titre des deux prêts, en vain.
Par acte d'huissier du 2 février 2021, le Crédit Agricole a fait assigner Mme [O] et M. [T] devant le tribunal judiciaire de Bourg en Bresse, aux fins de voir :
- condamner solidairement Mme [O] et M. [T] à lui payer :
* 25.971,55 euros au titre du contrat n° 00002864823 du 23 septembre 2017
*16.349,25 euros au titre du contrat n°00002922012 du 28 octobre 2017.
- condamner solidairement Mme [O] et M. [T] à lui payer la somme de 800 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Mme [O] et M. [T] aux dépens.
Le juge des contentieux de la protection a soulevé d'office les observations du requérant sur la date de déblocage des fonds, l'absence de notice de l'assurance, l'absence de justificatifs de la solvabilité de l'empunteur, la consultation tardive du FICP pour le premier prêt et l'absence de fiche de dialogue pour le second.
Le Crédit Agricole a ensuite précisé que l'ensemble des dispositions du code de la consommation avaient été respectées et que sa demande était parfaitement justifiée.
Mme [O] a sollicité des délais de paiements. M. [T] n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.
Par jugement du 29 juillet 2021, le juge des contentieux du tribunal judiciaire de Bourg en Bresse a :
- déclaré l'action de la société Crédit Agricole Centre Est recevable, au titre des deux contrats de prêt souscrits par Mme [N] [O] et M. [P] [T],
- débouté la société Crédit Agricole Centre Est de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Crédit Agricole Centre Est aux dépens de l'instance,
- rappelé que la décision est exécutoire de droit par provision.
Par déclaration du 1er septembre 2021, le Crédit Agricole a interjeté appel du jugement précité.
Par des conclusions régulièrement signifiées aux intimés le 25 novembre 2021, le Crédit Agricole demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement rendu le 29 juillet 2021, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et l'a condamné aux dépens,
et statuant à nouveau :
- de condamner solidairement, M. [P] [T] et Mme [N] [O] au paiement des sommes suivantes :
- 26.161,21 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,50% l'an à compter du 11 décembre 2020, jusqu'à complet paiement, selon décompte du 10 décembre 2020, au titre du prêt n° 00002864823,
- 16.434,08 euros au taux conventionnel de 2,47% l'an à compter du 11 décembre 2020, jusqu'à complet paiement, selon décompte au 10 décembre 2020,
et en tout état de cause,
- condamner solidairement M. [P] [T] et Mme [N] [O] au paiement de la somme de 2.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes, sous la même solidarité, en tous les dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, il fait tout d'abord valoir que le premier incident de payer non régularisé pour le premier prêt, est daté du 5 juin 2019, et du 5 mai 2019 pour le second prêt, de sorte que la forclusion n'est pas encourue.
Ensuite, il conteste l'argumentation du premier juge qui l'a débouté de ses demandes, au motif de la production d'historiques incomplets, les dernières échéances figurant sur ces derniers correspondant pour le premier prêt à la date de février 2020 et à celle de janvier 2020, ce qui ne permet pas de vérifier la régularité de la déchéance du terme.
Le Crédit Agricole soutient en effet qu'aucun versement n'a eu lieu après ces dates, de sorte que les historiques n'étaient pas incomplets et qu'en tout état de cause, c'est au débiteur de démontrer qu'il a effectué d'autres réglements, le prêteur justifiant de l'exigibilité de sa créance.
Mme [O] et M. [T] n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande, que s'il l'estime recevable, régulière et bien fondée.
En outre, les contrats ayant été conclus respectivement en septembre et octobre 2017, les dispositions actuelles du code de la consommation s'appliquent.
S'agissant de la recevabilité de l'action, l'article R 312-35 du code de la consommation prévoit que les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance d'un emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance.
En l'espèce, comme énoncé par le premier juge, le premier incident de payer non régularisé est du 5 juin 2019 pour le prêt conclu le 23 septembre 2017 et du 5 mai 2019 pour le prêt conclu le 28 octobre 2017, de sorte que l'assignation étant datée du 2 février 2021, aucune forclusion n'est encourue.
- sur le premier prêt du 23 septembre 2017
En application de l'article L 311-30 du code de la consommation applicable au contrat, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.
En l'espèce, il est établi que la mise en demeure du 18 juin 2020 de régler les impayés à hauteur de 6494,15 euros, concernant ce prêt a été transmise à Mme [O] et M. [T] , courrier les informant qu'à défaut de règlement dans un délai de quinze jours, la déchéance du terme serait prononcée et la totalité de la somme exigible. Ils ont chacun signé l'accusé de réception.
La dette n'a pas été réglée et la déchéance du terme a été prononcée.
Le Crédit Agricole verse aux débats un historique mentionnant les règlements effectués jusqu'en février 2020, étant observé que le dernier règlement concerne l'échéance du 5 mai 2019. C'est par une interprétation erronnée que le premier juge a considéré que la déchéance du terme ayant été prononcée le 15 septembre 2020, la créance n'était pas justifiée. En effet, le relevé d'opérations effectuées produit par le Crédit Agricole fait état des dernières sommes réglées et précise qu'aucune autre somme n'a été réglée. Aucun élément ne permet de contredire ces affirmations, les emprunteurs n'ayant pas justifié d'autres règlements, étant rappelé que seule Mme [O] avait comparu en première instance.
Dès lors, le Crédit Agricole justifie par la production de l'offre de prêt, du tableau d'amortissement, de l'historique et des courriers de mises en demeure de la réalité et de l'exigibilité de sa créance.
Il ressort des pièces précitées que Mme [O] et M. [T] sont redevables de la somme de 23.601,84 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 15 septembre 2020.
En revanche, en application de l'article 1235-1 du code civil, le juge peut même d'office modérer la pénalité si elle est manifestement excessive.
En l'espèce, compte tenu du taux d'intérêt conventionnel pratiqué, l'indemnité légale est manifestement excessive, et il convient de la réduire à la somme de 100 euros.
Il convient en outre de rappeler que cette somme ne peut produire que des intérêts au taux légal.
En conséquence, il convient de condamner solidairement, la solidarité étant expressément prévue au contrat, Mme [O] et M. [T] à payer au Crédit Agricole la somme de 23.701,84 euros avec intérêts au taux contractuels de 3, 50 %, à compter du 15 septembre 2020 sur la somme de 23.601,84 euros, et au taux légal sur la somme de 100 euros, à compter du 15 septembre 2020.
En conséquence, le jugement déféré est réformé en ce sens.
- sur le deuxième prêt
Les dispositions de l'article L 311-30 du code de la consommation relatives à la défaillance de l'emprunteur ont été rappelées précédemment et s'appliquent également à ce second prêt conclu le 28 octobre 2017.
Par courriers du 18 juin 2020, Mme [O] et M. [T] ont été mis en demeure de régler les sommes impayées au titre de ce prêt soit la somme de 4.603,76 euros dans un délai de 15 jours, et à défaut ils ont été informés de ce que le prêteur serait contraint de prononcer la déchéance du terme, rendant ainsi l'intégralité de la créance exigible. Ils ont tous les deux signé l'accusé de réception de ce courrier et la déchéance du terme a été prononcée le 15 septembre 2020.
Le Crédit Agricole produit l'offre de prêt, un tableau d'amortissement, un historique faisant état des opérations jusqu'au mois de janvier 2020, précisant qu'aucun règlement n'a eu lieu ensuite.
A l'instar de ce qui a été énoncé pour le précédent prêt, le Crédit Agricole justifie ainsi de sa créance, l'historique des opérations ne faisant état que des échéances remboursées et aucun règlement n'ayant eu lieu postérieurement à cette date.
Le premier juge ne pouvait dans ces conditions débouter le prêteur de sa demande.
Il résulte des pièces versées aux débats que le premier incident de payer non régularisé est daté du 5 mai 2019 et que la somme due par Mme [O] et M. [T] s'élève ainsi à 15.585,65 euros, avec intérêts au taux contractuel de 2,47% l'an.
Il convient en outre de réduire l'indemnité légale manifestement excessive, au regard du taux d'intérêt pratiqué, à la somme de 100 euros.
Dès lors, Mme [O] et M. [T] sont condamnés solidairement, la solidarité entre les coemprunteurs étant prévue par l'offre de prêt, au paiement de la somme de 15.685,65 euros, avec intérêts au taux contractuel de 2,47% sur la somme de 15.585,65 euros et au taux légal sur la somme de 100 euros à compter du 15 septembre 2020.
- Sur les demandes accessoires
L'équité commande de débouter le Crédit Agricole de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour les frais irrépétibles exposés en première instance qu'en appel, le jugement étant réformé en ce sens.
En outre, Mme [O] et M. [T] succombant en appel, il convient de les condamner in solidum aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Réforme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la Cour,
Et statuant à nouveau et y ajoutant
- condamne solidairement M. [P] [T] et Mme [N] [O] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Est :
- la somme de 23.701,84 euros, avec intérêts au taux contractuels de 3,50 %, à compter du 15 septembre 2020 sur la somme de 23.601, 84 euros, et au taux légal sur la somme de 100 euros, à compter du 15 septembre 2020,au titre du prêt n° 00002864823
- la somme de 15.685,65 euros avec intérêts au taux contractuel de 2,47% sur la somme de 15.585,65 euros et au taux légal sur la somme de 100 euros, à compter du 15 septembre 2020, au titre du prêt n° 0000292212
- déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Est de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamne in solidum M. [P] [T] et Mme [N] [O] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT