N° RG 21/02810 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NQ42
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond
du 03 mars 2021
RG : 20/00596
ch n°1 cab 01A
S.A.S. RPM GARANTIE
C/
DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES
S.E.L.A.R.L. AJ [X] SELARL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 17 Janvier 2023
APPELANTE :
La société RPM GARANTIE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Assistée de Me Nadia RIPERT de la SELAS BREMENS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 776
INTIMES :
MME LA DIRECTRICE REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROVENCE -ALPES-COTES D'AZUR et des BOUCHES DU RHONE élisant domicile en ses bureaux sis
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Caroline GRAS de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON, toque : 1866
La société AJ [X] représentée par Me [L] [G] [X] ou Me [N] [K] [X] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société RPM GARANTIE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Assistée de Me Nadia RIPERT de la SELAS BREMENS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 776
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 20 Janvier 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Novembre 2022
Date de mise à disposition : 17 Janvier 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
La société RPM garantie (la société) exerce une activité de vente de véhicule d'occasion et une activité de garanties en lien avec les véhicules automobiles. Dans le cadre de cette dernière activité, elle vend à des professionnels de l'automobile des garanties, dites de « panne mécanique », qui portent sur des véhicules automobiles d'occasion vendus à des particuliers.
A la suite d'un contrôle fiscal portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône lui a adressé une proposition de rectification datée du 12 septembre 2016, considérant que l'activité de garanties devait être soumise à la taxe sur les conventions d'assurances (TSCA) au taux de 18% et non à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comme l'avait fait la société.
Après observations de la société, l'administration fiscale a partiellement maintenu son redressement dans le cadre de sa réponse du 23 janvier 2017.
Elle a adressé à la société, le 16 août 2017, un avis de mise en recouvrement pour un montant total de 697 570 euros au titre de « prélèvements sur les primes et cotisations des contrats d'assurance-vie ».
Compte tenu de l'erreur affectant la nature des impôts identifiés sur l'avis de mise en recouvrement, l'administration fiscale a procédé au dégrèvement de l'intégralité des sommes réclamées et a adressé à la société, le 18 janvier 2019, un nouvel avis de mise en recouvrement pour le même montant, au titre d'un rappel de « taxe sur les conventions d'assurances ».
Par une réclamation contentieuse du 22 mars 2019, la société a contesté ce rappel d'impôt et a demandé le dégrèvement de la TVA collectée laissée à sa charge. L'administration fiscale a rejeté cette réclamation contentieuse par deux courriers du 24 novembre 2019.
La société, placée en redressement judiciaire, a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande de dégrèvement de la TVA collectée. Par un jugement du 8 juillet 2021 et une ordonnance du premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon du 28 septembre 2021, sa demande a été rejetée.
La société a par ailleurs saisi le tribunal de grande instance de Lyon, devenu le tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de voir juger, à titre principal, qu'elle doit être déchargée de la TSCA et des intérêts de retard y afférents, à titre subsidiaire, que le taux de la TCAS qui lui est applicable est de 9%, à titre plus subsidiaire encore, que les intérêts de retard relatifs à la TSCA doivent être réduits.
Par jugement du 3 mars 2021, ce tribunal l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance.
La société a relevé appel de ce jugement le 19 avril 2021.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 29 décembre 2021, la société et la société AJ [X] représentée par Maître [X], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour de :
- réformer et/ou annuler la décision du tribunal judiciaire rendue le 3 mars 2021 en ce qu'elle a débouté la société de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux entiers dépens,
- juger, à titre principal, qu'elle doit être déchargée de la TSCA,
- condamner la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'azur à la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils font valoir essentiellement :
- à titre liminaire, que la discussion est limitée à la contestation du principe de l'application de la TSCA, la contestation développée à titre subsidiaire en première instance relative au taux applicable aux opérations litigieuses étant abandonnée ;
- que pour déterminer si les prestations d'assurance qu'elle effectuait devaient être soumises à la TVA ou à la TSCA, la société s'est appuyée sur la doctrine administrative relative à la TSCA (BOI-TCAS) combinée à celle relative à la TVA (BOI-TVA) ; que la première prévoit, au BOI-TCAS-ASSUR-10 n°1, que la taxe sur les conventions d'assurance n'est due que par les opérateurs ayant la qualité d'assureurs et pour les opérations ayant la qualification d'opérations d'assurance, sans donner de définition précise de ce qu'est une société ou une compagnie d'assurance ou un assureur ; que les opérations d'assurances non définies par le BOI-TCAS devaient donc être interprétées à la lumière de la définition donnée par le BOI-TVA, lequel ne reconnaissait pas la qualité d'assureur à la société ; qu'en effet, le BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10 n°270 alors en vigueur conditionnait la notion d'opérations d'assurance à l'application des articles R. 322-2, L. 310-1 et R. 321-1 du code des assurances dont elle ne remplissait pas les conditions puisque sur la période vérifiée, elle n'était pas soumise au contrôle de l'État et exerçait par ailleurs une autre activité commerciale ; que ne répondant pas à la définition des opérations d'assurance, elle ne pouvait bénéficier de l'exonération de TVA et a donc soumis son activité commerciale à cette taxe ; que parallèlement et en toute logique, elle ne s'est pas acquittée de la TSCA dès lors qu'en application du droit communautaire, ces deux taxes sont alternatives et interdépendantes ;
- que par un arrêt du 16 juillet 2015, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), statuant sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation, a défini la notion d'opérations d'assurance exonérées de TVA au sens de la directive communautaire TVA 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et a dit pour droit qu'une opération d'assurance se caractérise par le fait que l'assureur se charge, moyennant le paiement préalable d'une prime, de procurer à l'assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat ; qu'elle a en outre considéré que cette notion est suffisamment large pour inclure l'octroi d'une couverture d'assurance par un assujetti qui n'est pas lui-même assureur et qu'il importe peu de s'intéresser aux liens contractuels unissant ou non l'acheteur du véhicule d'occasion, la société garante, et le revendeur du véhicule ; qu'il ressort de cette décision que l'administration fiscale avait donné, dans le cadre de sa doctrine précitée, une définition erronée et contraire à la jurisprudence communautaire des opérations qui devaient être assimilées à des opérations d'assurance ; qu'alors qu'elle n'a modifié sa doctrine administrative qu'en fin d'année 2019, elle a néanmoins considéré dans le cadre du présent contrôle, en se fondant sur la position de la CJUE et au mépris de sa doctrine encore en vigueur, que la société devait faire l'objet d'un rappel de TSCA ; qu'or, l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales interdit aux services fiscaux de procéder à des rehaussements d'impositions qui seraient en contradiction avec la doctrine administrative en vigueur au moment où il en a été fait application ; qu'un devoir de loyauté dans l'établissement et le recouvrement de l'impôt s'impose à l'administration fiscale ; que l'administration a manqué à son devoir de loyauté dès lors que, tout en sachant sa doctrine TVA erronée, elle a fait le choix d'engager des contrôles fiscaux avant même d'avoir modifié les termes de sa doctrine;
- qu'ainsi, en dépit de son assujettissement à la TVA, l'administration fiscale a soumis la société à la TSCA ; qu'afin de contourner le problème de la double taxation, elle lui a demandé d'adresser à ses clients des factures rectificatives ; que ce faisant, elle demandait à la société de reconstituer trois années de comptabilité et d'inviter des centaines de clients à reconstituer trois années de leur propre comptabilité pour remplacer dans leurs écritures une TVA (entièrement déductible de leur TVA collectée, s'agissant de relations B to B) par une TSCA, déductible de leur résultat fiscal, déjà déclaré et imposé ; que face au risque réputationnel qu'il aurait engendré, la société a refusé de se livrer à un tel exercice ; que son refus lui a valu d'être soumise à une double taxation pour une même prestation ; que le montant total de ces impositions, de près d'un million d'euros, a conduit une société en bonne santé financière vers un redressement judiciaire ; que l'impossibilité pour la société de récupérer la TVA nette reversée à tort au Trésor public a été confirmée par le juge administratif ;
- que contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, la société est fondée à demander le bénéfice de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans la mesure où la condition d'identité d'impôt entre la doctrine invoquée et l'imposition contestée est bien respectée ; qu'en effet, les deux doctrines précitées (BOI-TVA et BOI-TCAS) satisfont à la condition d'identité d'impôt, dès lors qu'il existe nécessairement une corrélation entre la TVA et la TSCA, puisque les deux taxes sont alternatives et interdépendantes l'une de l'autre et que l'une ne peut pas être appliquée sans référence à l'autre ; qu'en intervenant sur la définition des opérations d'assurance exonérées de TVA, l'administration fiscale intervenait aussi nécessairement sur le champ d'application de la TSCA ; qu'en effet, il ne peut y avoir deux définitions possibles pour une même prestation dont les conséquences fiscales sont d'ailleurs envisagées par la même directive qui prévoit une exonération générale de TVA pour les opérations d'assurance et qui permet parallèlement l'application d'une autre taxe dans ce cas, à savoir la TSCA pour ce qui concerne la législation française ; qu'il n'a jamais été contesté par l'administration fiscale que les activités d'assureurs ne sont pas soumises à la TVA dans la mesure où elles sont soumises à la TSCA ; que dans ce contexte, refuser au contribuable la possibilité de se prévaloir de la définition très claire de ce que l'on doit considérer comme une activité d'assureur au sens de l'exonération de TVA pour en tirer les conséquences en termes de TSCA, au motif qu'il s'agit de deux impôts différents, revient à déduire que les deux taxes ne seraient pas interdépendantes et que les mêmes recettes auraient pu à la fois être soumises à la TSCA et à la TVA, engendrant ainsi une grande insécurité juridique ; que le Conseil d'État a rappelé que le juge de l'impôt doit procéder à une « lecture intelligente » de la doctrine administrative pour déterminer si le contribuable qui demande l'application de la garantie de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales doit ou non en bénéficier ; que le juge judiciaire, garant du respect par l'administration fiscale de son devoir de loyauté à l'égard de ses contribuables, ne peut faire une lecture plus restrictive de la doctrine administrative que celle du juge administratif qui admet de lui restituer sa portée exacte à la lumière, le cas échéant, de son environnement ou de son contexte ;
- qu'en application du BOI-SJ-RES-10-10-20 n°320, les prises de positions de l'administration au cours d'un contrôle fiscal lui sont opposables ; qu'en l'espèce, dans sa réponse aux observations du contribuable du 23 janvier 2017, l'administration fiscale a considéré que la société ne remplissait pas les conditions pour être autorisée par le droit national à exercer l'activité d'assureur ou d'intermédiaires d'assurance ; que ce raisonnement constitue une prise de position qui lui est opposable au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- qu'enfin, la double taxation subie par la société est de nature à lui faire supporter une charge manifestement disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur et le maintien du redressement constitue une discrimination par rapport aux entreprises proposant le même type de prestations ; que cette situation est contraire aux dispositions de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne des droits de l'homme relatif à la protection de la propriété privée, applicable en matière fiscale ; que la double taxation constitue encore une violation de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui fonde le principe d'égalité devant l'impôt.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2021, la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'azur et des Bouches du Rhône (la directrice régionale des finances publiques) demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- valider la procédure de rectification menée à l'encontre de la société,
- débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions,
y ajoutant,
- condamner la société à verser à l'administration fiscale la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir essentiellement :
- que le service vérificateur a considéré que la société était soumise à la TSCA en application de l'article 991 du code général des impôts pour les contrats conclus avec les acquéreurs de véhicules, ayant pour objet de leur garantir, moyennant le versement d'une somme forfaitaire, la panne mécanique susceptible d'affecter certaines pièces dudit véhicule ;
- que le BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10, n° 270 et suivants, invoqué par la société, porte sur les exonérations de TVA résultant de dispositions expresses de la loi, en l'occurrence l'article 261-C 2° du code général des impôts, alors que le service a proposé des rappels de TSCA sur le fondement des articles 991 et 1001, 5° bis, du code général des impôts ; que la précision de la doctrine administrative en matière d'exonération de TVA, à savoir que les opérations d'assurance ne sont exonérées de TVA que si elles sont proposées par des personnes autorisées par le droit national à exercer l'activité d'assureur ou d'intermédiaires d'assurance, n'existe pas pour l'application de la TSCA ;
- que selon le BOI-SJ-RES-10-10-10 n°320, l'interprétation invoquée par le contribuable n'est opposable à l'administration que pour autant qu'elle concerne l'impôt contesté et, au sein de cet impôt, le même texte fiscal ; que selon une jurisprudence constante, un contribuable ne peut pas se prévaloir, dans le cadre des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une doctrine administrative concernant un impôt autre que celui en litige ; qu'il en résulte que l'article L. 80 A précité ne peut recevoir application en l'espèce et que la doctrine BOI-TVA n'est pas opposable à l'administration pour les rappels de TSCA ;
- que la société ne peut reprocher à l'administration d'avoir failli à son devoir de loyauté dès lors qu'il apparaît clairement que ses difficultés ne sont dues qu'à sa mauvaise interprétation des dispositions légales et de la doctrine administrative au regard de sa situation ;
- que les prestations proposées par la société sont des opérations d'assurance conformément à la jurisprudence communautaire (arrêt Mapfre Warranty spa, CJUE 16 juillet 2015, aff. 584/13) et la jurisprudence nationale (arrêt de la Cour de cassation du 24 novembre 2015, n° 12-15.419, société Mapfre warranty spa) selon lesquelles la garantie en réparation d'un véhicule d'occasion fournie par un assureur indépendant du revendeur constitue une opération d'assurance ;
- que s'agissant de la question de la double taxation, d'une part, la demande de dégrèvement de la TVA a été rejetée par le juge administratif, d'autre part, l'article 283-3 du code général des impôts dispose que toute personne qui mentionne la TVA sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation ; qu'en l'espèce, la TVA a été facturée sur les exercices 2013, 2014 et 2015 sur les garanties proposées par la société et est donc due de ce seul fait ; que la société ne justifie pas que les montants de TVA collectée ont fait l'objet de factures rectificatives adressées à l'ensemble des clients.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur le bien-fondé de l'imposition contestée et l'invocation de la doctrine administrative
Selon l'article 991 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, toute convention d'assurance conclue avec une société ou compagnie d'assurances ou avec tout autre assureur français ou étranger est soumise, quels que soient le lieu et la date auxquels elle est ou a été conclue, à une taxe annuelle et obligatoire moyennant le paiement de laquelle tout écrit qui constate sa formation, sa modification ou sa résiliation amiable, ainsi que les expéditions, extraits ou copies qui en sont délivrés, sont, quelque soit le lieu où ils sont ou ont été rédigés, enregistrés gratis lorsque la formalité est requise. La taxe est perçue sur le montant des sommes stipulées au profit de l'assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l'assuré.
Et selon l'article 1001, 5° bis, du même code, le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurances est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur.
Enfin, il résulte de l'article L. 80 A, alinéa 2, du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce, que lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, celle-ci ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. La doctrine formellement admise par l'administration ne peut cependant être invoquée que selon ses termes et sa teneur en vigueur à l'époque des impositions litigieuses.
Ce texte institue un mécanisme de garantie au profit du redevable qui, s'il l'invoque, est fondé à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit. Cependant, ainsi que l'ont justement rappelé les premiers juges, le contribuable ne peut se prévaloir, dans le cadre des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, d'une doctrine administrative concernant un impôt autre que celui en litige. En effet, dès lors qu'elle instaure une dérogation à la hiérarchie des normes, l'interprétation de la loi formellement admise par l'administration ne saurait être étendue à d'autres situations que celles qu'elle vise, ni donner lieu à une application par a contrario ou par analogie, et ce même lorsque les textes relatifs aux deux impositions recourent à des notions identiques.
En l'espèce, alors que l'administration fiscale a proposé un rappel de TSCA sur le fondement des articles 991 et 1001, 5° bis, du code général des impôts, les appelants invoquent le bénéfice de l'instruction administrative relative à la TVA, publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques - impôts (BOFiP-impôts) sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10, qui procède à l'interprétation de l'article 261 du code général des impôts relatif à certaines exonérations de TVA, combinée à celle relative à la TSCA, publiée le même jour au BOFiP-impôts sous la référence BOI-TCAS-ASSUR-10-10, arguant du caractère alternatif et interdépendant des deux taxes et du fait que l'une ne peut pas être appliquée sans référence à l'autre.
Or, en application des principes énoncés plus avant, les appelants ne sont pas fondés à opposer à l'administration fiscale une interprétation combinée des deux documentations administratives en l'absence de renvoi exprès de la doctrine relative à la TSCA à celle relative à la TVA, dont il résulterait que l'administration aurait entendu étendre à la TSCA la définition des termes « société ou compagnie d'assurances » et « assureur » admise en matière d'exonération de TVA. Dès lors, la directrice régionale des finances publiques fait exactement observer que la restriction apportée par la doctrine administrative en matière d'exonération de TVA, qui précise que les opérations d'assurance ne sont exonérées de TVA que si elles sont proposées par des personnes autorisées par le droit national à exercer l'activité d'assureur ou d'intermédiaires d'assurance, n'existe pas pour l'application de la TSCA.
Les appelants ne sont pas davantage fondés à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du BOI-TVA-CHAMP en l'absence, dans ces énonciations, de toute mention susceptible d'être regardée comme une interprétation formelle de la loi fiscale relative à la TSCA.
C'est encore vainement que la société et le commissaire à l'exécution du plan font valoir, dans le cadre du présent litige, que l'administration fiscale a considéré, dans sa réponse du 23 janvier 2017 aux observations du contribuable, que la société ne remplissait pas les conditions pour être autorisée par le droit national à exercer l'activité d'assureur ou d'intermédiaires d'assurance et que ce raisonnement constitue une prise de position qui lui est opposable au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En effet, la prise de position de l'administration fiscale, insérée dans le paragraphe I du courrier, intitulé « Rappels abandonnés », concernait exclusivement le rappel de TVA déductible et se fondait expressément sur la doctrine administrative applicable à cette taxe (BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10, n°270 à 320), dont la société avait demandé l'application. Cette prise de position ne saurait dès lors être étendue au rappel de TSCA, alors que l'inspecteur des finances publiques a énoncé expressément, dans le paragraphe II de sa réponse, intitulé « Rappels maintenus », qu'en ce qui concerne l'assujettissement de la société à la TSCA, « selon le service, la doctrine administrative, dont la société demande l'application, lui est inopposable ».
Au vu de ce qui précède, le tribunal a exactement retenu qu'en l'absence d'identité entre l'imposition contestée et celle sur laquelle l'administration fiscale a pris position dans le cadre de sa doctrine, la directrice régionale des finances publiques était fondée à invoquer l'inopposabilité de cette doctrine à l'espèce.
Il a encore considéré à bon droit que la double taxation alléguée par la société n'était pas contraire aux dispositions de la convention européenne des droits de l'homme et de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, rappelant, à juste titre, d'une part, qu'en application de l'article 283-3 du code général des impôts, toute personne qui mentionne la TVA sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation, et, d'autre part, que le juge administratif est seul compétent pour connaître de la demande de dégrèvement formée par la société.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande principale tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle doit être déchargée de la TSCA.
Le jugement est également confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande développée à titre subsidiaire en première instance, relative au taux applicable aux opérations litigieuses, cette contestation étant abandonnée en cause d'appel.
Il est encore confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande au titre des intérêts de retard, les appelants ne soulevant, à hauteur d'appel, aucun moyen de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges.
2. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est enfin confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société et le commissaire à l'exécution du plan, partie perdante, sont déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société est par ailleurs condamnée aux dépens d'appel et à payer à la directrice régionale des finances publiques la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû engager.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la société RPM garantie et la société AJ [X] représentée par Maître [X], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société RPM garantie à payer à la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'azur et des Bouches du Rhône la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT