N° RG 21/01517 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NNZB
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond
du 03 décembre 2020
RG : 14/14382
[S]
[O]
C/
[D]
[C]
[Z]
[U]
[E]
[J]
[JG]
[IT]
[BZ]
[BO]
[VE]
[AY]
[K]
Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 23] À [Localité 13]
S.C.I. SCI 2S IMMO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 10 Janvier 2023
APPELANTS :
M. [X] [UP] [S]
né le 09 Août 1956 à [Localité 29] (01)
[Adresse 7]
[Localité 11]
Représenté par Me Marie-françoise ROUX-FRANCOIS de la SELAS CABINET ROUX-FRANCOIS, avocat au barreau de LYON, toque : 823
Mme [G] [WT] [O]
née le 04 Mars 1955 à [Localité 25] (69)
[Adresse 7]
[Localité 11]
Représentée par Me Marie-françoise ROUX-FRANCOIS de la SELAS CABINET ROUX-FRANCOIS, avocat au barreau de LYON, toque : 823
INTIMES :
Mme [A] [D] épouse [M]
née le 08 Mars 1952 à [Localité 20] (75)
[Adresse 6]
[Localité 21]
Représentée par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
Mme [W] [C] épouse [H]
née le 19 Janvier 1973 à [Localité 13] (69)
[Adresse 27]
[Localité 15]
Représentée par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
M. [CT] [Z]
né le 19 Mars 1958 à [Localité 30] (58)
[Adresse 5]
[Localité 14]
Représenté par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
Mme [I] [U] épouse [Z]
née le 17 Avril 1958 à [Localité 32] (ALGERIE)
[Adresse 5]
[Localité 14]
Représentée par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
M. [B] [E]
né le 07 Juillet 1976 à [Localité 33] (83)
[Adresse 4]
[Localité 20]
Représenté par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
M. [P] [J]
né le 23 Août 1940 à [Localité 31] (69)
[Adresse 2]
[Localité 19]
Représenté par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
Mme [Y] [JG] épouse [J]
née le 08 Juin 1971 à [Localité 13] (69)
[Adresse 2]
[Localité 19]
Représentée par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
M. [R] [IT]
né le 09 Juin 1964 à [Localité 13] (69)
[Adresse 10]
[Localité 13]
Représenté par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
M. [L] [BZ]
né le 30 Juillet 1972 à [Localité 28] (87)
[Adresse 22]
[Localité 8]
Représenté par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
Mme [T] [BO] épouse [BZ]
née le 04 Octobre 1975 à [Localité 26] (38)
[Adresse 22]
[Localité 8]
Représentée par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
M. [F] [VE]
né le 06 Mars 1968 à [Localité 24] (19)
[Adresse 12]
[Localité 17]
Représenté par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
M. [SA] [AY]
né le 03 Octobre 1981 à [Localité 13] (69)
[Adresse 1]
[Localité 16]
Représenté par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
Mme [V] [K] épouse [AY]
née le 19 Juin 1981 à [Localité 14] (69)
[Adresse 1]
[Localité 16]
Représentée par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 23] À [Localité 13] représenté par son syndic en exercice la SA FAVRE DE FOS sis
[Adresse 9]
[Localité 13]
Représentée par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
La SCI 2S IMMO, prise en la personne de son gérant en exercice, Mme [N] [EO]
[Adresse 3]
[Localité 18]
Représentée par Me Valérie NICOD de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 16 Décembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Novembre 2022
Date de mise à disposition : 10 Janvier 2023
Audience tenue par Stéphanie LEMOINE,conseiller, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Sandra BOUSSARIE, greffier
A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
M. [S] et Mme [O] ont acquis le 9 octobre 2002 un ensemble immobilier sis [Adresse 23] à [Localité 13].
Un état descriptif de division et un règlement de copropriété ont été établis le 28 septembre 2005, l'immeuble étant divisé en douze lots, par la suite vendus séparément.
M. [S] seul, puis M. [S] et Mme [O], sous la dénomination [S]-[O]-SGB, ont exercé les fonctions de syndic bénévole jusqu'à la désignation de la régie Favre de Fos par décision de l'assemblée générale des copropriétaires du 30 mars 2012.
Le 7 août 2012, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 23] à [Localité 13] (le syndicat des copropriétaires) a fait constater par huissier de justice l'état de la toiture, de l'installation électrique et du local de chaufferie de l'immeuble.
Par une ordonnance du 7 mai 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon, saisi par le syndicat des copropriétaires, a notamment ordonné une expertise.
Par arrêt du 29 juillet 2014, la cour d'appel de Lyon a confirmé cette ordonnance en ce qu'elle a ordonné une expertise et a étendu la mission de l'expert à la chaudière collective.
L'expert a déposé son rapport le 19 août 2016.
Entre-temps, par actes d'huissier du 31 octobre 2014, le syndicat des copropriétaires, ainsi que la SCI 2S Immo, Mme [M], Mme [H], M. et Mme [Z], M. [E], M. et Mme [J], M. [IT], M. et Mme [BZ], M. [VE], M. et Mme [AY] (les copropriétaires) ont fait assigner M. [S] et Mme [O] devant le tribunal de grande instance de Lyon.
Par ordonnance en date du 19 septembre 2014, le juge de l'exécution a autorisé le syndicat des copropriétaires à inscrire provisoirement une hypothèque sur le lot n°12 de l'immeuble appartenant à M. [S] et Mme [O]. Cette hypothèque provisoire a été inscrite le 2 octobre 2014 auprès des services de la publicité foncière.
Par jugement du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- déclaré irrecevables les prétentions formées par le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires à l'encontre des sociétés Rhône patrimoine et Mazano,
- déclaré irrecevables les prétentions formées par M. [S] et Mme [O] contre la société Rhône patrimoine,
- rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise,
- condamné in solidum M. [S] et Mme [O] à verser au syndicat des copropriétaires :
29 890,70 euros au titre du coût de reprise de la toiture,
9 505,30 euros au titre du coût de reprise du local de chaufferie,
752,40 euros au titre des frais d'huissier et des frais de suivi d'expertise par le syndic,
- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des frais de dépannage électrique,
- débouté les copropriétaires de leur demande formée au titre de leur préjudice moral,
- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande formée au titre des désordres affectant l'installation électrique, que ce soit sur le fondement des vices cachés ou sur celui du dol,
- débouté M. [S] et Mme [O] de leur appel en garantie formé à l'encontre du syndicat des copropriétaires,
- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande indemnitaire formée au titre de l'acompte versé à perte à la société Logelec,
- dit que sous réserve de renouvellement de la publicité de l'hypothèque provisoire inscrite le 3 octobre 2014, celle-ci pourra être convertie en publicité définitive dans le délai de deux mois courant du jour où la décision sera passée en force de chose jugée, à hauteur des sommes auxquelles M. [S] et Mme [O] sont condamnées en principal, intérêts et accessoires en application de celle-ci, ce dans la limite de la somme de 75 954,30 euros,
- débouté M. [S] et Mme [O] de leur demande formée au titre de leur préjudice moral,
- condamné in solidum M. [S] et Mme [O] aux dépens, comprenant les frais d'expertise,
- admis Maître Valérie Nicod au bénéfice des dispositions de l'officie 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [S] et Mme [O] à payer au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires la somme totale de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 26 février 2021, M. [S] et Mme [O] ont a relevé appel du jugement.
Par conclusions notifiées le 24 novembre 2021, ils demandent à la cour de :
- dire et jugé leur appel recevable et fondé,
- réformer le jugement en ce qu'il :
a rejeté la nullité du rapport de l'expert,
a retenu leur responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés,
les a condamnés à indemniser les demandeurs,
- confirmer le jugement dans le reste de ses dispositions,
- rejeter toutes demandes présentées par les intimés au terme de leurs écritures,
- condamner les intimés solidairement au paiement à leur profit de la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral,
- condamner les demandeurs solidairement au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les demandeurs aux entiers dépens incluant les frais d'expertise judiciaire.
Par conclusions notifiées le 25 août 2021, le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise,
- confirmer la condamnation in solidum de M. [S] et Mme [O] à verser au syndicat des copropriétaires les sommes de :
29 890,70 euros au titre du coût de reprise de la toiture,
9 505,30 euros au titre du coût de la reprise du local chaufferie,
Sauf à y rajouter ;
- dire que lesdites sommes seront indexées sur l'évolution de l'indice BT 01 depuis le rapport d'expertise et jusqu'à la date de l'arrêt à rendre, outre intérêts,
- confirmer le jugement condamnant M. [S] et Mme [O] au paiement de la somme de 752,40 euros au titre des frais d'huissier et des frais de suivi d'expertise par le syndic, outre intérêts,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que, sous réserve de renouvellement de la publicité de l'hypothèque provisoire inscrite le 3 octobre 2014, celle-ci pourra être convertie en publicité définitive dans le délai de deux mois courant du jour où la présente décision sera passée en force de chose jugée, à hauteur des sommes auxquelles M. [S] et Mme [O], seront condamnés en principal, intérêts, et accessoires, en application de celle-ci, et ce, dans la limite de la somme de 75 934,30 euros,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [S] et Mme [O] à payer au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires la somme totale de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
- condamner les mêmes in solidum au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [S] et Mme [O] aux dépens comprenant les frais d'expertise,
Y ajoutant :
- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Maître Valérie Nicod, avocat,
- rejeter l'ensemble des demandes de M. [S] et Mme [O].
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 décembre 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, sur l'étendue de la saisine de la cour, il y a lieu d'observer que les dispositions du jugement déféré :
- déclarant irrecevables les prétentions formées par le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires à l'encontre des sociétés Rhône patrimoine et Mazano,
- déclarant irrecevables les prétentions formées par M. [S] et Mme [O] contre la société Rhône patrimoine,
- déboutant le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des frais de dépannage électrique,
- déboutant les copropriétaires de leur demande formée au titre de leur préjudice moral,
- déboutant le syndicat des copropriétaires de sa demande formée au titre des désordres affectant l'installation électrique, que ce soit sur le fondement des vices cachés ou sur celui du dol,
- débouté M. [S] et Mme [O] de leur appel en garantie formé à l'encontre du syndicat des copropriétaires,
- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande indemnitaire formée au titre de l'acompte versé à perte à la société Logelec,
ne sont pas critiquées dans le cadre de la procédure d'appel. Le jugement est donc définitif sur ces points.
1. Sur la nullité du rapport d'expertise
M. [S] et Mme [O] font valoir que l'expertise s'est déroulée dans des conditions telles que le contradictoire n'a pas été respecté ; que lors de la réunion du 9 juillet 2013, un « sachant » était présent sur le toit, cette personne étant missionnée par les copropriétaires et aucune information n'ayant été transmise aux défendeurs quant à cette présence ; que l'expert judiciaire s'est retrouvé seul sur le toit avec ce sachant qui à l'évidence avait un avis partial, l'expert n'ayant pris aucune précaution pour sécuriser et faciliter l'accès au toit pour les participants ; que le compte rendu du constat a été adressé au conseil des copropriétaires, leur avocat n'étant qu'en copie de ce courrier.
Le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires font valoir que lors de la réunion du 9 juillet 2013, M. [S] et Mme [O] étaient présents et ont été invités à aller voir le toit en compagnie de l'expert et du sachant ; que le compte rendu de « constat » de l'expert, adressé au conseil des intimés, a été envoyé simultanément en copie à l'avocat des appelants ; qu'il n'y a pas eu de violation du principe du contradictoire.
Réponse de la cour
Par des motifs détaillés et pertinents que la cour adopte sans qu'il y ait lieu de les paraphraser, le premier juge a justement retenu que le rapport d'expertise judiciaire n'encourait pas la nullité en l'absence de toute violation du principe du contradictoire.
À hauteur d'appel, M. [S] et Mme [O] développent les mêmes moyens qu'en première instance auxquels le tribunal a répondu point par point. Ils ne font valoir aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause la décision rendue par le premier juge au terme d'une analyse approfondie des faits et d'une exacte application du droit.
Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise.
2. Sur l'existence de vices cachés
M. [S] et Mme [O] soutiennent que le tribunal a fait une lecture erronée des éléments de la cause en retenant qu'ils se seraient comportés comme des professionnels de la vente; qu'ils ne peuvent être qualifiés de vendeurs professionnels ; que ce ne sont pas des marchands de biens et que l'immeuble n'a pas été acheté pour être rénové et vendu ; qu'ils sont syndics bénévoles depuis les premières commercialisations ; que les copropriétaires sont tous les professionnels du bâtiment. Ils font encore valoir que les vices allégués n'étaient pas cachés et étaient tout à fait détectables pour les acquéreurs ; que l'acte de vente du 2 mars 2012 intervenu entre eux et les époux [Z] fait mention d'anomalies de l'installation électrique ; que lors de l'assemblée générale du 25 mars 2011, il a été voté une résolution prévoyant la réalisation de travaux de réfection de l'étanchéité de la toiture de l'appartement; que lors de l'assemblée générale du 30 mars 2012, il a été voté une résolution prévoyant des travaux de réfection de la colonne électrique ; qu'il ressort de ces éléments que les différents acquéreurs ont acheté leurs lots en connaissance de leur état et que toute diligence a été faite par eux dans leur mission de syndic bénévole ; qu'ils ont reçu quitus de leur gestion ; que le mauvais état de la toiture est un désordre apparent au moment de la vente; que l'expert s'est contenté de constater l'apparence de la toiture et que des personnes sont intervenues sur le toit, aggravant ainsi la situation ; que le caractère caché du vice consistant en l'inadaptation du local chaufferie n'est pas démontré.
Le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires font valoir que l'expert judiciaire a constaté le mauvais état du toit, l'état de délabrement absolu de l'installation électrique et l'inadaptation du local chaufferie ; que la façon de procéder des appelants relève d'une activité de marchand de biens qui achète pour son compte un immeuble, le restaure et le revend ; que M. [S] s'est toujours présenté, à la suite de son état civil, comme « expert en bâtiment » ; que le vendeur professionnel ne saurait écarter la présomption de connaissance du vice en arguant de la qualité de professionnel de l'acquéreur ; que leur action sur les vices cachés étant diligentée à l'encontre de M. [S] et Mme [O] en leur qualité de vendeur, et non leur qualité de syndic, ces derniers ne sauraient exciper du caractère libératoire du quitus donné pour la gestion des comptes de la copropriété ; qu'il est patent que les vendeurs ont entendu dissimuler les défauts de la chose vendue, tant lors de la réalisation de la vente, que par la suite ; que les copropriétaires n'étaient nullement avisés de l'état de l'immeuble ; qu'aucun d'eux n'a pu voir le toit ; qu'ils ignoraient l'existence et l'importance des malfaçons affectant le local chaufferie.
Réponse de la cour
Aux termes des articles 14 et 15, alinéas 1ers, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.
Encore selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Enfin, l'article 1645 du même code dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
Il résulte de ces textes que l'action en réparation du préjudice subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire et peut, par suite, être engagée de manière autonome. Il en résulte encore que le syndicat des copropriétaires ayant qualité pour agir en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble a qualité pour exercer, contre le vendeur des lots, l'action en réparation des désordres affectant les parties communes de l'immeuble vendu.
La mise en oeuvre de la garantie des vices cachés suppose d'établir la preuve de :
(1) l'existence d'un vice inhérent à la chose d'une gravité suffisante pour rendre celle-ci impropre à son usage normal ou en diminuer fortement cet usage,
(2) du caractère caché de ce vice,
(3) de son antériorité à la vente.
La mise en oeuvre de l'action visée à l'article 1645 du code civil suppose en outre d'établir que le vendeur avait connaissance des vices de la chose vendue.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire :
- s'agissant de la toiture, que celle-ci «est du type plaques ondulées en fibro ciment couvert de tuiles canal, dont bon nombre sont manquantes. ['] Ces plaques contiennent de l'amiante. ['] La majorité des ondes supérieures des plaques présentent une teinte gris foncé, ce qui atteste qu'elles ne sont pas recouvertes de tuiles canal depuis de très nombreuses années. La majorité des tuiles canal sont soit cassées, soit épaufrées. Notons la présence de très nombreux morceaux de tuiles. Le faîtage est recouvert d'une large bande d'étanchéité auto adhésive auto protégée par une mince feuille de plomb. ['] La solidité de l'ouvrage est compromise. Les fuites de la toiture constatées dans l'appartement n° 7 le rendent impropre à sa destination. ['] L'état de la couverture compromet sa solidité. ['] La réfection totale de la toiture doit être réalisée, couverture et zinguerie. Les Velux, fuyards, existants doivent être remplacés. [...] Le coût TTC retenu se situe entre 29'250 euros en incluant le Velux et 38'500 euros suivant les options que retiendront les copropriétaires [...] »
- s'agissant de la chaufferie en sous-sol, que « la chaudière gaz est installée dans un petit espace en communication avec une pièce plus grande encombrée de meubles et autres appareils ménagers. Ce local est un ancien logement en sous-sol. ['] L'électricité et la sécurité du local doivent être entièrement reprises. ['] Il ressort de l'analyse des pièces énumérées ci-avant que lors de la réunion d'expertise du 9 juillet 2013, les installations électriques constatées dans l'escalier, la chaufferie et un logement sont dans le même état de délabrement et de DANGER que lors de l'achat de l'immeuble [...] en 2002 par [ M. [S] et Mme [O]]. La chaudière a été changée pour la période de froid 2013/2014 et l'ensemble du sous-sol a été débarrassé des meubles et autres appareils ménagers qui l'encombraient ».
Au vu de ces conclusions, le tribunal a jugé à bon droit que la toiture et le local chaufferie étaient affectés de vices qui préexistaient à la vente des différents lots de l'immeuble et que ces vices étaient d'une gravité suffisante pour rendre l'immeuble impropre à son usage normal ou en diminuer fortement cet usage.
Le premier juge a encore exactement retenu que le vice affectant la toiture ne pouvait être décelé par les acquéreurs, compte tenu de la hauteur de l'immeuble et en l'absence de démonstration que le toit était aisément accessible ou que les acheteurs y étaient effectivement montés avant la vente. Il a encore considéré à juste titre qu'à supposer que les acquéreurs aient pu accéder au local chaufferie, ils ne pouvaient se rendre compte de l'inadaptation de l'électricité et de la sécurité du local à sa fonction de chaufferie.
Pour confirmer l'analyse du premier juge, la cour ajoute que les moyens soulevés par M. [S] et Mme [O], tirés de la connaissance que les acquéreurs pouvaient avoir des anomalies de l'installation électrique, sont indifférents à la solution du litige en cause d'appel dans la mesure où le tribunal a débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes formées au titre des désordres affectant l'installation électrique et que ce chef de dispositif est devenu définitif en l'absence de critique de la part des intimés.
La cour ajoute encore qu'il ne saurait être déduit du vote, lors de l'assemblée générale du 25 mars 2011, d'une résolution prévoyant la réalisation de travaux de réfection de l'étanchéité de la toiture pour un coût de 2'669,99 euros, la preuve que le vice affectant la toiture était connu des futurs acquéreurs, alors que la modicité des travaux votés est sans commune mesure avec l'état de la toiture tel qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire qui préconise sa réfection totale.
Enfin, force est de relever qu'à l'exception de M. [Z], dont la profession de plombier est mentionnée dans l'attestation de vente immobilière, les appelants ne rapportent pas la preuve que les acquéreurs étaient tous les professionnels du bâtiment qui connaissaient parfaitement les vices de la chose.
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que l'immeuble vendu était affecté de vices cachés dans ses parties communes, s'agissant de la toiture et du local chaufferie.
En ce qui concerne la connaissance que les vendeurs avaient de ces vices au moment de la vente des lots, il ressort des éléments du dossier :
- que le 9 octobre 2002, M. [S] et Mme [O] ont acquis la totalité de l'immeuble qui était exploité en meublé professionnel depuis plus de 20 ans ;
- qu'ils ont poursuivi cette activité après être devenus propriétaires de l'immeuble, tout en s'engageant dans la rénovation de studios ; qu'il ressort du descriptif des travaux rédigé le 30 octobre 2002 par M. [NK], architecte, que M. [S] et Mme [O] « viennent d'acquérir un immeuble de rapport » dont ils lui ont confié la « remise en état progressive »;
- qu'ils ont établi l'état descriptif de division et le règlement de copropriété, le 28 septembre 2005, M. [S] étant nommé syndic provisoire de l'immeuble ;
- qu'ils ont revendu ensuite certains lots, tout en restant co-propriétaires et syndic bénévole,
- que dans les actes de vente, il apparaît que M. [S] exerce la profession d'expert en bâtiment ; que dans ses conclusions en appel, il précise exercer la profession de marchand de biens.
L'ensemble de ces pièces font ressortir que M. [S] et Mme [O] connaissaient l'état de l'immeuble et les vices qui l'affectaient, pour en avoir été les uniques propriétaires pendant plusieurs années, avoir conduit des travaux de rénovation de celui-ci en vue de sa revente par lots et disposer, s'agissant de M. [S], d'une expertise en matière de bâtiment et de vente d'immeubles.
Au vu de ce qui précède, le jugement est confirmé en ce qu'il a fait droit partiellement à la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires et lui a alloué, en se fondant sur l'évaluation de l'expert, les sommes de :
29 890,70 euros au titre du coût de reprise de la toiture,
9 505,30 euros au titre du coût de reprise du local de chaufferie.
Conformément à la demande et ajoutant au jugement, il convient d'assortir les sommes allouées d'une indexation sur l'indice BT 01 du coût de la construction entre le 19 août 2016, date du dépôt du rapport d'expertise, et le jour du prononcé du présent arrêt et de dire qu'elles porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour.
2. Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral
La procédure engagée par le syndicat des copropriétaires étant fondée, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] et Mme [O] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour préjudice moral.
3. Sur l'hypothèque provisoire
Le jugement est encore confirmé en ce qu'il a dit que sous réserve du renouvellement de la publicité de l'hypothèque provisoire inscrite le 3 octobre 2014, celle-ci pourra être convertie en publicité définitive dans le délai de deux mois courant du jour où la décision sera passée en force de chose jugée, à hauteur des sommes auxquelles M. [S] et Mme [O] sont condamnées en principal, intérêts et accessoires en application de celle-ci, ce dans la limite de la somme de 75 954,30 euros.
4. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est enfin confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles, aux frais d'huissier et de suivi d'expertise par le syndic, et aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise.
M. [S] et Mme [O], partie perdante, sont condamnées in solidum aux dépens d'appel et à payer au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires la somme totale de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont dû engager.
Maître Valérie Nicod, avocat, qui en a fait la demande, est autorisée à recouvrer directement à l'encontre de M. [S] et Mme [O] les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans la limite de sa saisine,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que les sommes allouées au titre du coût des travaux de reprise de la toiture et du local de chaufferie sont indexées sur l'indice BT 01 du coût de la construction entre le 19 août 2016 et le jour du prononcé du présent arrêt et qu'elles porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Condamne in solidum M. [S] et Mme [O] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 23] à [Localité 13], ainsi qu'à la SCI 2S Immo, Mme [M], Mme [H], M. et Mme [Z], M. [E], M. et Mme [J], M. [IT], M. et Mme [BZ], M. [VE], M. et Mme [AY] la somme totale de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [S] et Mme [O] aux dépens d'appel,
Autorise Maître Valérie Nicod, avocat, à recouvrer directement à l'encontre de M. [S] et Mme [O] les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT