N° RG 20/06516 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NH67
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 5]
Au fond
du 07 juillet 2020
RG : 11-19-001084
ch n° 4
S.A. MUTEX
C/
[G]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 10 Janvier 2023
APPELANTE :
S.A. MUTEX
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane CHOUVELLON de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON, toque : 719
Assistée de Me David MARCOTTE, de la SELARL WMA, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
M. [R] [G]
né le 06 Janvier 1955 à RAVANUSA - SICILE (Italie)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Margerie FARRE-MALAVAL de la SELARL FARRE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 07 Février 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 06 Décembre 2022, prorogée au 10 Janvier 2023, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
Le 6 novembre 1998, M. [R] [G], artisan en électricité, a adhéré à la garantie ProMultis et complémentaire décès auprès de l'association nationale de prévoyance des professions indépendantes.
A compter du 28 juillet 2009, M. [G] a été en arrêt de travail. Le 17 octobre 2009, il a subi un accident de la voie publique. Il a repris le travail du 1er juillet 2010 au 9 août 2010. Le 11 avril 2011, le régime social des indépendants l'a placé en invalidité avec effet rétroactif au 1er novembre 2010.
Contestant les conclusions de l'expert de l'assureur concernant son taux d'incapacité permanente, M. [G] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Etienne aux fins de désignation d'un expert judiciaire. Le rapport a été déposé le 26 février 2013.
Suivant jugement prononcé le 17 juin 2014, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne, saisi de demandes formées par M. [G] contre la SA Mutex, venant aux droits de l'association nationale de prévoyance des professions indépendantes, au titre des indemnités journalières et de rente annuelle a, notamment, condamné M. [G] à payer à la société Mutex la somme de 6 175,81 euros correspondant aux cotisations dues entre le 1er août 2011 et le 31 octobre 2013 et a ordonné la compensation de cette somme avec la créance de M. [G] au titre de la rente invalidité de 11 766,88 euros par an, qui lui est due depuis le 11 novembre 2012.
Par courrier officiel du 28 juillet 2014 adressé en recommandé avec demande d'avis de réception, le conseil de la société Mutex a adressé au conseil de M. [G] un chèque pour la somme de 11 138,13 euros.
Par courrier du 19 décembre 2014, la société Mutex a demandé à M. [G] de lui régler la somme de 8 356,25 euros, expliquant que cette somme lui avait été versée à tort en raison d'une erreur technique.
Les conseils des parties ont échangé des correspondances sans parvenir à un accord.
Aux termes d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception parvenue le 30 novembre 2018, la société Mutex a mis M. [G] en demeure de lui régler la somme de 8 356,25 euros.
Selon assignation du 22 mai 2019, remise à personne, la société Mutex a saisi le tribunal de grande instance de Saint-Etienne pour solliciter, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de M. [G] à lui régler la somme de 8 356,25 euros outre intérêt au taux légal à compter du 28 novembre 2018, date de la mise en demeure, et celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :
- rejeté l'intégralité des demandes formées par la SA Mutex,
- condamné la SA Mutex à payer à M. [G] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Mutex aux dépens.
Par déclaration du 23 novembre 2020, la société Mutex a interjeté appel total du jugement.
Aux termes d'un soit-transmis daté du 26 mars 2021 le conseiller de la mise en état a invité les parties à s'expliquer « sur l'étendue de la saisine de la cour au regard des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile et la déclaration d'appel ».
Le conseil de la société Mutex a transmis un document contenant copie de la déclaration d'appel, d'une annexe comportant l'objet et l'étendue de l'appel, et de l'avis de réception reçu par RPVA, qui fait expressément mention de la présence de cette annexe, intitulée « APPEL MUTEX.pdf».
Le conseil de M. [G] a notifié des conclusions d'incident afin qu'il soit jugé que la déclaration d'appel , qui ne désigne pas expressément les chefs de jugement critiqués, n'emporte pas d'effet dévolutif, de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie des demandes de la société Mutex.
Par ordonnance en date du 13 juillet 2021, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur cet incident et a invité les parties à conclure sur ce point devant la cour.
Au terme de conclusions notifiées le 27 juillet 2021, la société Mutex demande à la cour de :
- juger que l'appel interjeté par elle est conforme aux dispositions des articles 901 et 562 du code de procédure civile,
- juger recevable l'appel qu'elle a interjeté,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 7 juillet 2020,
Statuant à nouveau,
- condamner M. [G] à lui payer la somme de 8 356,25 euros, augmentée de l'intérêt au taux légal à compter du 28 novembre 2018, date de la mise en demeure,
- condamner M. [G] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [G] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Stéphane Chouvellon, avocat aux offres de droit.
Au terme de conclusions notifiées le 20 juillet 2021, M. [G] demande à la cour de :
A titre principal,
- dire que la déclaration d'appel n°20/04673 du 23 novembre 2020 n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 562 du code de procédure civile en ce qu'elle ne désigne pas expressément les chefs de jugement critiqués,
- dire que la déclaration d'appel n°20/04673 du 23 novembre 2020 n'emporte pas d'effet dévolutif et que la cour d'appel n'est donc pas valablement saisie des demandes de la société Mutex,
- déclarer en conséquence irrecevables les demandes de la société Mutex,
- condamner la société Mutex à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance comprenant notamment la somme de 225 euros au titre du timbre fiscal,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement du 7 juillet 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne dans toutes ses dispositions,
- rejeter l'intégralité des demandes de la société Mutex,
- la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance comprenant notamment la somme de 225 euros au titre du timbre fiscal.
A titre infiniment subsidiaire,
- dire que ses maigres ressources ne lui permettent pas de s'acquitter de la restitution de l'indu en une seule échéance,
- ordonner en conséquence que les plus larges délais de paiement lui soient accordés pour s'acquitter de la restitution du paiement indu,
En tout état de cause,
- rejeter les demandes de la société Mutex au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par ordonnance du 2 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel
La société Mutex soutient qu'elle a interjeté appel le 23 novembre 2020 du jugement du tribunal judiciaire de Saint- Etienne du 7 juillet 2020, en adressant le même jour, à la cour d'appel, une déclaration d'appel, un document intitulé « appel Mutex », le jugement querellé et un timbre fiscal.
Elle ajoute que la déclaration d'appel comporte la mention Objet/Portée de l'appel: appel total et que le document désigné «appel Mutex» est une annexe à la déclaration d'appel, intitulée 'Pièce jointe faisant corps avec la déclaration d'appel', qui énumère les chefs du jugement critiqués.
Elle indique encore que ce document a été signifié par RPVA en pièce jointe à la déclaration d'appel le 23 novembre 2020 et que la cour en a accusé réception.
Enfin, elle fait valoir que l'annexe n° 1 de la circulaire du 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 précise que l'appelant peut joindre à la déclaration d'appel une annexe, établie sous forme de copie numérique, faisant corps avec la déclaration d'appel, listant les chefs du jugement critiqués.
Elle en conclut que les chefs du jugement critiqués ont donc été déférés à la cour, conformément aux termes de l'article 562 du code de procédure civile.
M. [G] fait valoir que la déclaration d'appel qu'il a reçue ne comporte que la mention «appel total», sans que ne soient expressément mentionnés les chefs de jugement critiqués et sans qu'aucun document mentionnant les chefs de jugement critiqués n'y soit adjoint.
Il ajoute que la cour n'a reçu qu'une déclaration d'appel portant elle aussi la mention d'un appel total, sans pièce jointe, ce qui a conduit le conseiller de la mise en état à se saisir de ce point.
Il en conclu que les documents versés aux débats par la société Mutex, comportant en pièce jointe le document intitulé 'appel Mutex' ne sont pas probants, que cette déclaration d'appel n'emporte pas d'effet dévolutif et que la cour d'appel n'est pas valablement saisie des demandes de la société Mutex.
Réponse de la cour
Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tendant à la réformation d'un jugement se borne à mentionner en objet que l'appel est "total", elle ne peut être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs de jugement, de sorte que l'effet dévolutif n'opère pas et par suite, la cour n'est saisie d'aucune demande.
En l'espèce, le conseil de la société Mutex soutient que la déclaration d'appel du 23 novembre 2020, qui mentionne en objet que l'appel est 'total', était accompagnée d'une annexe intitulée 'appel Mutex', faisant corps avec la déclaration d'appel et énonçant expressément les chefs de jugement critiqués. Il produit à l'appui de ses allégations, le document intitulé 'appel Mutex', ainsi que le message d'envoi à la cour de la déclaration d'appel accompagnée de ce document, du jugement et du timbre fiscal, le 23 novembre 2020 à 14 heures 52, et l'avis de réception qui lui aurait été adressé par la cour, le même jour à 14 heures 59.
Cependant, force est de constater que le conseil de M. [G] et la cour n'ont reçu le 23 novembre 2020 à 14 heures 52, par la voie du RPVA, qu'une déclaration d'appel ne mentionnant pas expressément les chefs du jugement critiqués, à l'exclusion de toute annexe la complétant, le jugement et le timbre fiscal.
Cette déclaration d'appel n'a pas été régularisée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond.
En conséquence, en l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel, la cour n'est saisie d'aucune demande de la société Mutex.
2. Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [G], en appel. La société Mutex est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 2.000 €.
Les dépens d'appel sont à la charge de la société Mutex qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande de la société Mutex,
y ajoutant,
Condamne la société Mutex à payer à M. [R] [G], la somme globale de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.
Condamne la société Mutex aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, Le Président,