N° RG 20/04941 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NENS
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de lyon
Au fond
du 23 juin 2020
RG : 19/10422
4ème chambre
Organisme FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
C/
[X]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 10 Janvier 2023
APPELANTE :
LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Guillaume ROSSI de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON, toque : 538
INTIME :
M. [S] [X]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 6] (69)
[Adresse 2]
[Localité 4]
défaillant
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 20 Mai 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Novembre 2022
Date de mise à disposition : 10 Janvier 2023
Audience présidée par Bénédicte LECHARNY, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Sylvie NICOT, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
Arrêt rendu par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Par procès-verbal de proposition de composition pénale du 16 mai 2013, M. [X] a déclaré reconnaître être l'auteur de l'infraction de violence sur M. [F], personne chargée d'une mission de service public, ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas 8 jours.
Saisi par M. [F], la présidente de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales (CIVI) de [Localité 6] a, par ordonnance du 3 février 2017, homologué le constat d'accord signé avec le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le fonds de garantie) le 17 janvier 2017, lui allouant une somme totale de 12'708,21 euros en réparation de ses préjudices.
M. [X] n'ayant procédé à aucun remboursement, le fonds de garantie a saisi le tribunal de grande instance de Lyon, devenu le tribunal judiciaire de Lyon, dans le cadre de son recours subrogatoire, en application de l'article 706-11 du code de procédure pénale.
Par jugement du 23 juin 2020, le tribunal a débouté le fonds de garantie de ses demandes et a laissé les dépens à sa charge, retenant que ni la décision d'homologation de la CIVI ni la transaction intervenue entre le fonds de garantie et M. [F] ne sont opposables à M. [X].
Par déclaration du 16 septembre 2020, le fonds de garantie a relevé appel du jugement.
Par conclusions notifiées le 15 décembre 2020, il demande à la cour d'infirmer le jugement et, jugeant à nouveau, de :
- dire et juger recevables et bien fondées ses demandes,
- condamner M. [X] à lui payer la somme de 12'708,21 euros, outre intérêts au taux légal postérieurs au 21 juillet 2014, date du règlement, au titre des sommes versées à M. [F],
- condamner M. [X] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
en tout état de cause :
- condamner M. [X] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens.
À l'appui de ses demandes, le fonds de garantie fait valoir que les dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale ne limitent nullement son recours subrogatoire aux seules condamnations en indemnisation du préjudice des victimes prononcées par la juridiction pénale, mais concernent également les recours exercés en vertu des décisions rendues par la CIVI ; que la Cour de cassation a confirmé l'existence d'un recours subrogatoire à son profit et ce, quand bien même la victime ne se serait pas constituée partie civile ou n'aurait pas poursuivi la procédure devant la juridiction pénale ; que ce principe a été réaffirmé par plusieurs cours d'appel ; que le premier juge a fait une mauvaise appréciation des textes en jugeant qu'il n'était subrogé dans les droits de la victime que dans la limite des indemnités à charge du responsable ; qu'en tout état de cause, il appartient à la juridiction saisie du recours du fonds de garantie d'examiner le bien-fondé de sa réclamation au regard des éléments du dossier qui ont donné lieu à indemnisation de la part de la CIVI ; qu'en l'espèce, il verse aux débats l'intégralité des rapports d'expertise médicale; qu'il apparaît, au regard de ces rapports, que l'accord conclu avec la victime, homologué par la CIVI, correspond à une juste appréciation des préjudices ; qu'il est dès lors bien fondé à solliciter la condamnation de M. [X] à lui payer les sommes versées à la victime en réparation du préjudice subi du fait des infractions.
M. [X] n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 mai 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la demande en paiement
En application des dispositions des articles 706-3 et 706-4 du code de procédure pénale, l'indemnisation allouée à la victime d'un préjudice résultant de faits volontaires ou non présentant le caractère matériel d'une infraction est allouée par une commission instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance et qui a le caractère d'une juridiction civile qui se prononce en premier ressort.
Selon l'article 706-11 du même code, le fonds de garantie est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge des dites personnes. Le fonds peut exercer ses droits par toutes voies utiles, y compris par voie de constitution de partie civile devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois, en cause d'appel.
Il résulte de ce deuxième texte que, sauf à ajouter à la loi, le recours subrogatoire que le fonds de garantie exerce contre l'auteur de l'infraction n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une décision de justice statuant sur le préjudice de cette victime et opposable à l'auteur de l'infraction.
Ainsi, ni le désistement de son action civile par la victime ni l'irrecevabilité comme tardive de la constitution de partie civile du fonds de garantie devant la juridiction répressive ne font obstacle à son recours subrogatoire devant les juridictions civiles (en ce sens, Civ. 2ème, 29 mars 2012, Bull. II, n° 64, pourvoi n° 11-14.106).
Comme tout subrogé, le fonds de garantie peut exercer son recours subrogatoire alors même que la victime n'a pas agi contre l'auteur en réparation de son préjudice. Il peut notamment exercer l'action en responsabilité dont disposait la victime à l'encontre de l'auteur du dommage. C'est au cours de cette action récursoire que l'auteur de l'infraction est mis en mesure de faire valoir ses droits au contradictoire du fonds de garantie, notamment de discuter l'existence et le montant des indemnités allouées en réparation des préjudices subis ou de critiquer les conclusions des experts, et de lui opposer les exceptions qu'il aurait été en droit d'opposer à la victime.
Dès lors, c'est à tort que le premier juge a retenu, pour débouter le fonds de garantie de sa demande, qu'il n'est justifié d'aucune décision civile ou sur intérêts civils ayant mis une quelconque indemnité à la charge du responsable au profit de la victime et que ni la décision d'homologation de la CIVI ni la transaction intervenue entre le fonds de garantie et M. [F] ne sont opposables à M. [X].
En l'espèce, M. [X] ayant expressément reconnu, au terme du procès-verbal de proposition de composition pénale du 16 mai 2013, être l'auteur de l'infraction de violence sur M. [F], personne chargée d'une mission de service public, ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas 8 jours, il est déclaré responsable de l'entier dommage causé à la victime.
L'expert psychiatre désigné par la présidente de la CIVI le 1er avril 2016 a déposé son rapport le 27 septembre 2016, dont les conclusions sont les suivantes :
« Suite à l'agression dont il a été victime au travail le 23/02/2013, M. [F] a présenté un syndrome de stress post-traumatique nécessitant des soins et une prescription de psychotropes qui se sont poursuivis jusqu'au 30 juin 2015.
Il existe un déficit fonctionnel antérieur dont la part est estimée à un pour cent.
Il n'existe pas de déficit fonctionnel temporaire total.
Il existe un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % pendant toute la durée de l'arrêt complet de travail, soit du 23/02/2013 au 21/01/2014, veille de la reprise à mi-temps thérapeutique.
Il existe un déficit fonctionnel temporaire partiel de 15 % du 22/01/2014 au 30/09/2014, veille de la reprise à temps plein.
Il existe un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % de la reprise à temps plein le 01/10/2014 jusqu'à la date de consolidation.
La date de consolidation est fixée au 30 juin 2015.
Le taux de déficit fonctionnel permanent est fixé à quatre pour cent.
La reprise du travail s'est faite sans changement d'emploi, avec un simple aménagement temporaire.
Les souffrances endurées sont évaluées à deux.
Il n'existe pas de préjudice esthétique ni de sport et de loisir ni de préjudice sexuel ».
Sur la base de cette expertise, les différents postes de préjudice ont été justement évalués, dans le cadre de l'accord transactionnel conclu entre le fonds de garantie et la victime, à la somme totale de 12'708, 21 euros, ainsi décomposée :
Préjudice patrimonial
pertes de gains professionnels actuels 1 747,81 €
Préjudices extra patrimoniaux
gêne temporaire partielle à 25 % (333 jours) 1 998,00 €
gêne temporaire partielle à 15 % (252 jours) 907,20 €
gêne temporaire partielle à 10 % (273 jours) 655,20 €
souffrances endurées 3 000,00 €
déficit fonctionnel permanent 4 400,00 €.
Au vu de ce qui précède, le fonds de garantie est fondé à demander à M. [X] le remboursement des sommes qu'il a versées à M. [F].
Aussi convient-il, par infirmation du jugement déféré, de condamner M. [X] à lui payer la somme de 12'708,21 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2014, date du règlement.
2. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Compte tenu de la solution donnée au litige en cause d'appel, le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
M. [X], partie perdante, est condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer au fonds de garantie la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. [S] [X] à payer au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 12'708,21 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2014,
Condamne M. [S] [X] à payer au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT