N° RG 20/01568 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M4O7
Décision du
Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE
Au fond
du 05 février 2020
RG : 17/00334
1ère ch civile
[W]
[W]
C/
[P]
[M]
S.A.S. CABINET CHEYLUS-FRACHON-MERLLIE
S.A. MMA IARD
Société GAN ASSURANCES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 10 Janvier 2023
APPELANTS :
M. [R] [W]-[Z] agissant en son nom propre et ès-qualités d'ayant droit de Mme [V] [Z]
né le [Date naissance 8] 1953 à [Localité 16] (42)
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représenté par Me Youcef IDCHAR, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
M. [B] [W] et ès-qualités d'ayant droit de Mme [V] [Z]
né le [Date naissance 7] 1995 à [Localité 17] (42)
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représenté par Me Youcef IDCHAR, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMES :
M. [F] [E]
né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 15] (38)
[Adresse 2]
[Localité 11]
Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Assisté de Me Yves CLERGUE de la SELARL JUDICAL-CLERGUE-ABRIAL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
Mme [T] [M] épouse [E]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 18]
[Adresse 2]
[Localité 11]
Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Assisté de Me Yves CLERGUE de la SELARL JUDICAL-CLERGUE-ABRIAL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
S.A.S. CABINET CHEYLUS-FRACHON-MERLLIE venant aux droits du cabinet CHEYLUS
[Adresse 9]
[Localité 10]
Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
Assistée de Me Annick SADURNI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
Société MMA IARD
[Adresse 3]
[Localité 12]
Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
Assistée de Me Annick SADURNI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
La Société GAN ASSURANCES
[Adresse 14]
[Localité 13]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Assistée de Me Bernard ROUSSET de la SCP DREVET-RIVAL ROUSSET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 02 Septembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Septembre 2022
Date de mise à disposition : 15 Novembre 2022 prorogée au 10 Janvier 2023, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
- Dominique DEFRASNE, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Par acte authentique du 13 juillet 1990, Mme [V] [Z] et Mr [R] [W] sont devenus propriétaires d'un appartement dans l'ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété situé [Adresse 2] à [Localité 17] (Loire).
Ils ont effectué une première déclaration de sinistre le 6 septembre 2005 à la suite d'infiltrations d'eau dans leur salle de bain en suite de laquelle une société Super a conclu que les infiltrations provenaient de l'appartement situé à l'étage supérieur appartenant à l'époque à Mme [K] et cédé en avril 2006 à Mr [F] [E] et Mme [T] [M] épouse [E].
Après une seconde déclaration de sinistre le 28 juillet 2013 par les consorts [W]-[Z], le cabinet d'expertise Eurexo a indiqué dans son rapport du 1er août 2013 que la cause des désordres provenait du fait que les eaux usées de l'appartement des époux [E] et les eaux pluviales de l'immeuble s'accumulaient dans des toilettes anciennes sans cuvette situées à l'aplomb de la salle de bains de l'appartement des consorts [W]-[Z].
Par ordonnance du 17 mars 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Etienne a ordonné une expertise judiciaire confiée à Mr [S] lequel a déposé un rapport d'expertise définitif le 29 septembre 2016.
Par acte d'huissier de justice en date du 24 janvier 2017, Mme [Z] et Mr [W] ont fait assigner les époux [E] et le Cabinet Cheylus Frachon Merllié, syndic de la copropriété, devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne aux fins d'indemnisation de leur préjudice résultant de la défectuosité de leur toilette et obtenir la réalisation de travaux de modification des canalisations d'eaux usées et d'eaux pluviales.
Mme [Z] et Mr [W] ont appelé en suite en cause la société MMA Iard, assureur responsabilité civile professionnelle du Cabinet Cheylus Frachon Merllié et la société GAN Assurances, assureur de responsabilité des époux [E].
Mme [V] [Z] est décédée le [Date décès 5] 2017 et MM [R] [W], son époux, et [B] [W], son fils, ci-après les consorts [W], sont intervenus en qualité d'ayant-droits de cette dernière.
Par jugement du 5 février 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :
- déclaré recevables les actions des consorts [W]-[Z] dirigées à l'encontre de l'ensemble des défendeurs,
- débouté les consorts [W]-[Z] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à l'encontre des époux [E],
- déclaré responsable la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié en sa qualité de syndic d'une perte de chance de 20% subie par les consorts [W] [Z] afin d'éviter l'aggravation du dommage,
- condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié à payer aux consorts [W] [Z] la somme de 897,60 € TTC au titre de la perte de chance d'éviter le préjudice correspondant à la remise en état de la toiture et de la salle de bains,
- condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié à payer aux consorts [W] [Z] la somme de 216,70 € TTC au titre de la perte de chance d'éviter le préjudice correspondant à l'installation d'une cabine de douche provisoire,
- condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié à payer aux consorts [W] [Z] la somme de 800 € au titre de la perte de chance d'éviter un trouble de jouissance et un préjudice moral,
- débouté les consorts [W] [Z] du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié,
- condamné in solidum les consorts [W] [Z] à payer aux époux [E] la somme de 1.500 € en réparation de leur préjudice moral,
- condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié à payer aux consorts [W] [Z] la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les consorts [W] [Z] à payer aux époux [E] la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les autres parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire à l'exclusion du coût des procès-verbaux de constat d'huissier,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 26 février 2020, MM [W] ont interjeté appel de ce jugement.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 27 novembre 2020, Mr [R] [W], agissant tant en son nom qu'en sa qualité d'ayant-droit de [V] [Z] et Mr [B] [W], agissant ès qualités d'ayant-droit de [V] [Z] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 5 février 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en toutes ses dispositions,
statuant de nouveau,
- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- dire et juger que Mr [F] [E] ès qualités de syndic et le Cabinet Cheylus Frachon Merllié ès qualités de syndic ont commis des fautes dans le cadre de leur mandat,
- condamner Mr et Mme [E] à leur payer :
* la somme de 1.991 €, montant des sommes réglées au syndic au titre du coût des travaux de modification des canalisations des eaux usées et pluviales approuvés par l'assemblée générale du 21 novembre 2018,
* la somme de 814 € qu'ils ont réglée à ATGR-Corsini au titre de la dépose des anciennes canalisations eaux usées eaux pluviales ,
- condamner in solidum Mr et Mme [E] et le Cabinet Cheylus Frachon Merllié à leur verser les sommes de :
* 1.631,85 € de dommages et intérêts au titre des travaux de réfection du toit de la loggia,
* 4.881,80 € au titre de la réfection de la salle de bain,
* 2.673 € au titre de la remise en état de la dalle et de la structure métallique porteuse,
* 12.480 € au titre de la perte locative et du préjudice financier des demandeurs, entre le 1er juillet 2016 et le 28 février 2019,
* 1.083,50 € au titre de l'installation de la douche provisoire,
* 12.000 € de dommages et intérêts au titre de leur trouble de jouissance et de leur préjudice moral,
* 2.000 € au titre des frais d'expertise,
- condamner in solidum Mr et Mme [E] et le Cabinet Cheylus Frachon Merllié à la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens, en ce compris les trois constats d'huissiers des 25 janvier 2015, 4 septembre 2017 et 9 septembre 2020.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 26 février 2021, Mr et Mme [E] demandent à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action des consorts [W] recevable et non-prescrite,
- déclarer l'action des consorts [Z]/[W] irrecevable pour cause de prescription,
à défaut d'irrecevabilité,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [Z]/[W] de l'intégralité de leurs prétentions dirigées à leur encontre en leur qualité de copropriétaires des installations privatives à l'origine des préjudices allégués,
dans l'hypothèse où leur responsabilité en leur qualité de copropriétaires des installations privatives à l'origine des préjudices allégués serait retenue,
- dire et juger qu'ils seront garantis par la compagnie Gan de toutes condamnations pouvant être prononcées à leur encontre et condamner la compagnie Gan à payer toutes sommes pouvant être mises à leur charge,
à défaut d'irrecevabilité,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [Z]/[W] de l'intégralité de leurs prétentions dirigées à l'encontre de Mr [E] en sa qualité de syndic bénévole,
- retenir que les infiltrations proviennent de canalisations et d'ouvrages constituant des parties communes, relevant de la responsabilité du syndicat des copropriétaires et de la garantie de la compagnie d'assurance concernée par le sinistre en considération de sa date et de celle de la police souscrite,
- débouter les consorts [W] de leurs nouvelles demandes dirigées à leur encontre en paiement des sommes de 1.991 € au profit du syndicat des copropriétaires et de 814 € à leur profit,
dans l'hypothèse où leur responsabilité, en leur qualité de copropriétaires des installations privatives à l'origine des préjudices allégués, serait retenue au titre de ces nouvelles prétentions et fait l'objet de condamnations prononcées à leur encontre,
- condamner leur assureur la compagnie Gan à les en garantir,
retenant l'acharnement des consorts [Z]/[W] à leur encontre et l'absence de toute collusion entre le cabinet Cheylus et eux,
- réformer le jugement sur le quantum de la condamnation prononcée à ce titre et condamner solidairement les consorts [W] au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- condamner solidairement les consorts [W]/[Z] au paiement d'une indemnité complémentaire de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au terme de leurs conclusions notifiées le 6 août 2020, la SAS Cabinet Cheylus Frachon Merllié, venant aux droits du cabinet Cheylus et la société MMA Iard demandent à la cour de :
- débouter les consorts [W] de leur appel principal comme infondé,
- déclarer recevable leur appel incident sur le jugement en ce qu'il a :
* déclaré responsable la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié en sa qualité de syndic d'une perte de chance de 20 % subie par les consorts [W] [Z] d'éviter l'aggravation du dommage,
* condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié à payer aux consorts [W] [Z] la somme de 897,60 € TTC au titre de la perte de chance d'éviter le préjudice correspondant à la remise en état de la toiture et de la salle de bains,
* condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié à payer aux consorts [W] [Z] la somme de 216,70 € TTC au titre de la perte de chance d'éviter le préjudice correspondant à l'installation d'une cabine de douche provisoire,
* condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié à payer aux consorts [W] [Z] la somme de 800 € au titre de la perte de chance d'éviter un trouble de jouissance et un préjudice moral,
* condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié à payer aux consorts [W] [Z] la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Cabinet Cheylus Frachon Merllié aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire à l'exclusion du coût des procès-verbaux de constant d'huissier,
- l'infirmer de ces chefs et statuant à nouveau,
- déclarer prescrite la demande des consorts [W] sur le fondement de l'article 2224 du code civil,
subsidiairement et pour le cas où la Cour estimerait que la demande n'est pas prescrite,
- dire la demande des consorts [W] irrecevable car se heurtant à l'autorité de la chose jugée (jugement du tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 17 janvier 2018),
- déclarer en conséquence irrecevables les demandes présentées par MMr [W],
très subsidiairement,
- retenir l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 17 janvier 2018 pour la période postérieure au 29 avril 2013 et déclarer les demandes des consorts [W] [Z] irrecevables pour cette période,
infiniment subsidiairement, et pour le cas où par extraordinaire la cour dirait l'action non prescrite et les demandes recevables,
- débouter MMr [W] de toutes leurs demandes, fins et conclusions comme non fondées et réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une perte de chance de 20 % à sa charge,
- dire qu'il ne saurait y avoir condamnation solidaire avec les consorts [E],
en tout état de cause,
reconventionnellement,
- condamner MM [W] à leur régler la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Sadurni, avocat, sur son affirmation de droit.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 18 septembre 2020, la société GAN Assurances demande à la cour de :
au principal,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Etienne du 5 février 2020 en ce qu'il a débouté les consorts [W] de toutes leurs demandes à l'encontre des consorts [E],
y ajoutant,
- dire l'action en garantie des consorts [E] contre elle sans objet et rejeter toutes les demandes formulées à son encontre,
subsidiairement,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Etienne du 5 février 2020 en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à son encontre,
- dire qu'elle ne doit pas sa garantie aux consorts [E] en l'absence d'aléa, en l'absence de dommages affectant les parties privatives de l'immeuble litigieux et en raison d'un défaut de réparation ou d'entretien apparent,
en tout état de cause,
- condamner les consorts [E] ou qui mieux le devra au paiement d'une somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les consorts [W] ou qui mieux le devra aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir 'constater' ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour, de même que les demandes tendant à voir 'dire et juger ' lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
1° sur la recevabilité des actions des consorts [W] :
* sur la prescription :
Mr et Mme [E] concluent à l'irrecevabilité des demandes des consorts [W] comme étant prescrites par application de l'article 2224 du code civil en faisant valoir que :
- les consorts [W] ont eu connaissance des faits et de leur droit à recours contre eux mêmes ou contre la copropriété dés le 6 septembre 2005 et l'action des consorts [W] à leur encontre tant à titre personnel qu'en leur qualité de syndic est prescrite,
- le tribunal a retenu à tort que les consorts [W] ne pouvaient pas agir avant le rapport d'expertise du 5 août 2013 du Cabinet Eurexo, alors que le fait leur permettant d'agir était la survenance du dommage dont ils sont victimes depuis 2005 et qu'il est indifférent que la cause de l'inondation ait alors été appréhendée ou non,
-la localisation de la provenance de l'infiltration dans les ouvrages de l'appartement supérieur avait en outre été localisée dés 2005 et une expertise a eu lieu en 2006.
La SAS Cabinet Cheylus Frachon Merllié, venant aux droits du cabinet Cheylus, soulève également la prescription de l'action des consorts [W] sur le fondement de l'article 2224 du code civil en relevant qu'ils ont avisé le syndic des problèmes d'infiltrations dès 2006 et qu'ils avaient connaissance des faits qu'ils allèguent pour justifier la mise en oeuvre du syndic dés 2010 ainsi que le démontre le courrier de Mme [Z] du 24 juin 2010 mettant en cause la responsabilité du syndic.
Les consorts [W] font valoir que :
- l'article 42 ancien de la loi du 10 juillet 1965 prévoit un délai d'action décennal pour les actions personnelles nées de son application entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat et le point de départ de ce délai décennal est la date à laquelle la cause des désordres a été révélée, soit en l'espèce la mesure d'expertise contradictoire Eurexo du 1er août 2013,
- la cause des désordres n'avait en effet jamais été établie avec précision auparavant et la réalité et l'ampleur tant des conséquences du sinistre que de son origine ont ensuite été démontrées par l'expertise judiciaire ordonnée en 2016,
- leur action n'est donc pas prescrite, d'autant plus que les désordres ont été évolutifs et en aggravation continue jusqu'en novembre 2020.
Sur ce :
L'action engagée par les consorts [W] à l'encontre des époux [E] fondée sur les dispositions des articles 1241 et suivants du code civil et tendant à reconnaître leur responsabilité en leur qualité de gardien des équipements sanitaires de leur appartement ou du fait de leur inaction pour remédier aux désordres ne met pas spécialement en oeuvre les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et relève des dispositions de droit commun et donc du régime de la prescription quinquennale édictée par l'article 2224 du code civil.
En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Par une exacte appréciation des éléments de la cause, une analyse détaillée des pièces et des motifs pertinents adoptés par la cour qu'il n'apparaît pas utile ici de paraphraser, le premier juge a justement retenu que si les consorts [W] avaient eu connaissance dés les années 2006 à 2008 de l'hypothèse selon laquelle les infiltrations pourraient provenir du système d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales passant par l'installation située sur le balcon de l'étage supérieur, il n'était pas établi qu'ils aient disposé avant 2013 de l'analyse d'un professionnel ou d'un expert se prononçant de manière claire et affirmative sur la cause des infiltrations et leur permettant d'agir contre les époux [E].
La cour ajoute que les consorts [W] fondent également leurs prétentions sur le caractère évolutif des désordres et leur aggravation continue qui selon eux s'est prolongée dans le temps jusqu'au 16 novembre 2020 ce qui a retardé d'autant le point de départ de la prescription.
La même analyse peut être faite s'agissant de l'action à l'encontre du cabinet Cheylus Frachon Merllié qui relève également de la prescription de droit commun de cinq ans.
Le cabinet Cheylus Frachon Merllié a été syndic de la copropriété du 18 avril 2007 à fin avril 2017 de sorte que l'action en responsabilité des consorts [W] contre le cabinet Cheylus Frachon Merllié à qui ils reprochent de n'avoir rien fait pour mettre fin aux infiltrations survenues dans leur salle de bain n'est pas prescrite.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a jugé non prescrite l'action des consorts [W] à l'encontre des époux [E] en leur qualité de propriétaires de l'appartement situé au dessus du leur et à l'encontre du cabinet Cheylus Frachon Merllié es qualité de syndic.
Par contre, l'action engagée à l'encontre de Mr [E] en sa qualité de syndic bénévole de la copropriété, est une action en responsabilité délictuelle, relevant des dispositions de droit commun de la prescription, qui était de 10 ans avant l'application de la loi du 17 juin 2008, puis de 5 ans en application de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de cette loi.
Mr [E] a exercé les fonctions de syndic bénévole jusqu'en avril 2007 et les faits allégués par les consorts [W] à son encontre, en tant que syndic, datent des années 2006 et 2007 puisqu'il lui est reproché, alors qu'il aurait été détenteur des documents de la copropriété et des archives concernant les travaux réalisés depuis 1986 et qu'il était informé du problème des infiltrations depuis 2005 de n'avoir pris aucune disposition pour remédier aux problèmes d'infiltrations et de ne pas avoir assuré l'immeuble contre les dégâts des eaux, malgré les résolutions d'assemblée générale du 6 décembre 2006 et du 18 avril 2007, tout faits que les consorts [W] connaissaient nécessairement à l'époque.
En application des dispositions transitoires de la dite loi, entrée en vigueur le 19 juin 2008, l'action en responsabilité de Mr [E] es qualité de syndic et qui a cessé ses fonction de syndic bénévole en avril 2007 aurait donc du être engagée au plus tard le 19 juin 2013.
Dés lors, cette action introduite par un exploit du 24 janvier 2017, soit au delà de ce délai, est prescrite, le jugement étant réformé de ce chef.
* sur l'autorité de chose jugée :
Le cabinet Cheylus Frachon Merllié soutient que les demandes formulées pour la période de novembre 2012 à avril 2017 sont irrecevables comme se heurtant au principe de l'autorité de la chose jugée, le tribunal de grande instance ayant déjà débouté les consorts [W] d'une précédente demande au motif qu'ils ne rapportaient pas la preuve de l'élément intentionnel d'une faute commise par le Cabinet Cheylus Frachon Merllié.
Les consorts [W] répliquent sur ce point que le jugement rendu le 17 janvier 2018 par le tribunal de grande instance n'avait aucun rapport avec le présent litige puisque cette décision de justice portait sur la demande d'annulation de ses mandats.
Sur ce :
Il ressort de la lecture du jugement du 17 janvier 2018 que les faits ayant donné lieu à cette décision concernent l'intervention du cabinet Cheylus Frachon Merllié à compter du 29 avril 2013.
Le premier juge a donc à bon droit considéré qu'il ne pouvait y avoir autorité de chose jugée concernant les fautes commises par ce syndic avant cette date.
S'agissant de la période postérieure, il convient de relever à l'examen du jugement du 17 janvier 2018 que les consorts [W] reprochaient entre autre au cabinet Cheylus Frachon Merllié une incurie dans la gestion de ce cabinet et notamment de ne pas avoir engagé les frais et travaux nécessaires à l'entretien et la conservation de l'immeuble et d'avoir fait intentionnellement échec à leur projet de rénovation, ce qui manifestement relève des mêmes griefs formés par les appelants dans le cadre du présent litige.
Dés lors, en application de l'article 1355 du code civil, il convient, par réformation partielle du jugement, de déclarer irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée les demandes des consorts [W] en ce qui concerne les faits allégués à l'encontre du cabinet Cheylus Frachon Merllié pour la période postérieure au 29 avril 2013.
2° sur la responsabilité des époux [E] en qualité de copropriétaires :
Les consorts [W] font valoir au visa des articles 1241, 1242 et 1244 du code civil que :
- l'origine des infiltrations résulte d'un défaut d'étanchéité des anciens WC à la turque des époux [E] constituant, selon le règlement de copropriété, une partie privative et du détournement sans autorisation de la copropriété dans ces WC d'une canalisation d'eaux usées et d'une canalisation d'eaux pluviales puis du maintien pendant quinze ans de ce dispositif aberrant et dangereux, et ce en toute connaissance de cause,
- il ne peut être retenu au titre de l'origine du sinistre, comme l'a fait le tribunal, un défaut d'étanchéité de la culotte en fonte ou du raccordement du siphon à la culotte en fonte et par ailleurs, l'expert n'a pas mis en cause l'étanchéité de la dalle du balcon,
- Mr et Mme [E] sont responsables des défectuosités de leur WC à la turque dont ils sont les gardiens mais également au titre de négligences caractérisées dés lors qu'alertés des problèmes d'infiltration avant leur achat de l'appartement puis à de multiples reprises, ils n'ont rien mis en 'uvre entre 2006 et 2020 et ont maintenu avec obstination ce dispositif dangereux.
Mr et Mme [E] font valoir qu'ils ne peuvent être tenus pour responsables en leur qualité de copropriétaires dés lors que :
- les différents rapports visent comme étant à l'origine des désordres, les canalisations d'évacuation d'eaux pluviales et usées qui sont des parties communes en application du règlement de copropriété et dont ils ne sont pas responsables,
- les pièces produites ne démontrent pas que les infiltrations proviennent de la fissuration de la cuvette de l'ancien WC turc noyée dans la dalle et en toute hypothèse, cette cuvette noyée dans la dalle constitue elle aussi une partie commune, relevant de la responsabilité du syndicat des copropriétaires.
Ils soutiennent également que s'il devait être admis que la fuite se situerait sur un ouvrage privatif, il ne peut être retenu aucune faute à leur encontre notamment dans la gestion du sinistre et ils déclarent que :
- l'affirmation selon laquelle le réseau d'évacuation des eaux pluviales de toiture aurait été modifié par les travaux entrepris par leur auteur, Mme [K], n'est pas démontrée et a été écartée par l'expert judiciaire,
- ils n'ont jamais été informés d'un quelconque problème d'infiltration au moment de la vente par le notaire ou par leur vendeur,
- aucune faute pour manque de diligence ne peut être retenue à leur encontre puisqu'ils ont bien déclaré le sinistre à leur assureur dès 2006 et ont participé à toutes les mesures d'expertise y faisant suite.
La société GAN Assurances, assureur en responsabilité civile des époux [E], fait valoir que les dommages proviennent d'ouvrages, à savoir les canalisations d'eaux pluviales, qui constituent des parties communes de l'immeuble en copropriété engageant la responsabilité du syndicat des copropriétaires.
Sur ce :
Les appelants fonde donc leurs prétentions sur les dispositions des articles 1241 et 1242 du code civil et recherchent la responsabilité du fait des choses des époux [E] en leur qualité de gardien de leur ancien wc turc, constitutif d'une partie privative, et de leur comportement fautif.
L'expert confirme l'existence de désordres anciens d'infiltrations chez les consorts [W] et indique ne pas comprendre pour quels motifs depuis 2005, rien n'a été mis en oeuvre pour solutionner ce désordre, si ce n'est un problème de relation de voisinage.
Il constate que l'évacuation d'eaux pluviales se déverse dans un ancien wc à la turque implanté dans le balcon des époux [E] et que les infiltrations d'eau dans la salle de bain [W] située en dessous proviennent de ce wc turc.
Il relève qu'une culotte fonte qui permet l'évacuation des eaux usées est en mauvais état, l'étanchéité n'étant plus assurée au niveau du raccordement des wc à la turque.
Il est ainsi établi, ce point ne faisant pas réellement débat, que les eaux pluviales se déversent dans cet ancien wc à la turque situé sur le balcon [E] avant de poursuive leur course dans une descente d'eaux pluviales extérieure.
L'expert indique à ce sujet qu'aucune indication ne permet de savoir si cette évacuation des eaux pluviales a été modifiée et à quelle date mais qu'il est fort probable qu'elle l'a été dés lors qu'il ne peut être imaginé que lors de la construction de l'immeuble, des professionnels aient pu concevoir un système d'évacuation d'eaux pluviales par l'intermédiaire d'un wc à la turque, observation que la cour fait siennes.
Il convient à ce stade du raisonnement d'écarter le grief des appelants selon lequel les époux [E] auraient détourné sans autorisation de la copropriété les canalisations d'eaux usées et d'eaux pluviales dans leur wc, aucun élément au dossier, ni le rapport d'expertise, ni les très nombreuses pièces qu'ils produisent, ne permettant d'accréditer la thèse selon laquelle Mr et Mme [E] seraient les auteurs des dites interventions.
La question est par ailleurs discutée quant au point de savoir si un déplacement d'une canalisation des eaux usées de l'appartement [E] par l'auteur de ces derniers a pu avoir une influence sur les désordres, l'expert estimant que non en page 7 de son rapport.
Ainsi qu'il le note en réponse aux dires, il apparaît en tout état de cause que le problème provient essentiellement des eaux pluviales correspondant à des quantités d'eau importantes d'où les infiltrations, lesquelles se produisent seulement quant il pleut.
S'agissant de la cause précise des infiltrations dans la salle de bain [W], force est de constater que face à un problème manifestement complexe, les explications de l'expert sont relativement succinctes et peu étayées.
En réponse au dire du conseil des consorts [W], l'expert confirme que le test réalisé en cours d'expertise par versement d'un seau d'eau dans le wc turc avait démontré que les eaux tombaient directement dans le receveur de douche.
Il n'a toutefois pas répondu aux observations de ce même conseil selon lesquelles l'état de pourriture avancée de la salle de bain provenait d'infiltrations anciennes et non pas d'un bouchage plus ou moins récent du siphon du wc turc.
Dans ce même dire, le conseil des consorts [W] soutient que l'origine des infiltrations n'est pas la culotte en fonte de la canalisation mais qu'elle se situe au niveau de la cuvette des wc turcs qui serait fissurée.
Dans sa réponse, l'expert reste dubitatif et déclare que rien ne peut être affirmé sur l'origine précise de la fuite.
En l'état de ses observations, il convient de considérer que sa remarque selon laquelle la culotte fonte qui permet l'évacuation des eaux usées est en mauvais état ne constitue qu'une simple hypothèse pouvant expliquer pour partie l'origine des fuites ; elle ne peut être analysée que comme étant au mieux une cause partielle des infiltrations et ne permet pas en tous cas d'exclure d'autres causes de ces infiltrations dont le caractère récurrent et important en période de grosses pluies est établi par les constats de l'expert et par les documents versés aux débats par les appelants.
Les appelants produisent en effet de très nombreuses pièces, notamment un constat établi en septembre 2020 constatant la présence de gouttes et d'humidité au niveau du siphon, alors que le joint de raccordement à la canalisation est sec, de nombreuses photos et différentes vidéo, apportant la preuve de l'existence d'une importante humidité au niveau du raccordement de la cuvette ayant servi à l'origine de wc et le siphon du wc.
Au vu de ces éléments et ainsi que le relèvent les appelants à juste titre, la cour fait le constat que au dessus de la dalle du balcon [E], a été façonnée sur mesure une cuvette de ce wc à la turque, que sous la dalle vient s'accoler le siphon du wc constitué d'une pièce métallique et faisant partie intégrante du wc, que ce siphon qui vient se raccorder plus bas à la culotte en fonte est logé dans un coffre rectangulaire construit entre la dalle du balcon [E] à laquelle il est collé et à la toiture du balcon [W].
Ce siphon raccordé ensuite à la canalisation d'eaux pluviales fait ainsi partie intégrante de l'installation sanitaire des époux [E].
Par ailleurs, comme rappelé plus haut, il est suffisamment démontré par les photographies et vidéos versées aux débats que le siphon est fuyard.
Ainsi, la cause des infiltrations peut être identifiée au moins pour partie, comme étant d'une part l'évacuation des eaux pluviales, et également des eaux usées, dans cet ancien wc qui n'avait pas pour vocation initiale une telle évacuation des eaux pluviales ou usées de l'immeuble et d'autre part, une fissuration du siphon faisant partie intégrante de ce wc.
Aux termes du règlement de copropriété, les parties privatives sont définies comme étant celles réservées à l'usage exclusif de chaque propriétaire et comprenant les canalisations intérieures, les installations sanitaires des salles de bain, cabinet de toilette et wc.
Par ailleurs, si ce même règlement inclut dans les parties communes de l'immeuble, les tuyaux de chute et d'écoulement des eaux pluviales, ménagères et usées... et qu'actuellement le dispositif litigieux fait fonction d'évacuation d'eaux pluviales et usées, force est de constater que cette transformation 'sauvage' n'a jamais été autorisée par le syndicat des copropriétaires et ne peut donc avoir eu pour effet de conférer à ce dispositif d'évacuation des eaux la qualification de partie commune.
Il est donc établi que l'installation des époux [E] constituée d'un ancien wc à la turque recueillant les eaux pluviales et usées et présente une fissuration, est anormale et qu'elle est en relation directe avec le préjudice allégué par les consorts [W].
Il s'en déduit, et sans qu'il soit utile de se prononcer sur l'existence d'une éventuelle faute de négligence leur incombant, que les époux [E], gardiens de leurs parties privatives, doivent en application de l'article 1242 du code civil être déclarés responsables des conséquences dommageables pour les consorts [W] des infiltrations qu'ils ont subies, le jugement étant réformé de ce chef.
3° sur la responsabilité du cabinet Cheylus Frachon Merllie en sa qualité de syndic de copropriété:
Les consorts [W] reprochent au cabinet Cheylus Frachon Merllie, syndic de copropriété, de n'avoir rien fait pour mettre fin aux infiltrations dans leur salle de bain, et ce en étroite collaboration avec les époux [E] qui l'ont irrégulièrement désigné et maintenu syndic, et plus précisément de :
- ne pas avoir suivi la préconisation formulée le 1er juillet 2016 par la société Super qui recommandait de prévoir la modification des deux évacuations d'eaux pluviales et usées,
- ne pas avoir procédé à une recherche de fuite malgré une résolution en ce sens votée à l'unanimité lors de l'assemblée générale des copropriétaires en 2008,
- ne pas avoir convoqué d'assemblée générale de la copropriété en 2009 alors que les infiltrations continuaient, ce qui a retardé la réparation des désordres,
- n'avoir souscrit qu'en décembre 2010 une assurance dégâts des eaux votée à l'assemblée générale du 18 avril 2007, soit 3 ans plus tôt, ce qui aurait permis une prise en charge des sinistres qui se répétaient et contraint les époux [E], le syndicat des copropriétaires et le syndic à procéder aux réparations nécessaires,
- ne pas avoir participé à l'expertise Eurexo de 2013,
- ne pas avoir agi pour permettre d'établir la source des infiltrations et même de s'être opposé à sa recherche.
La SAS Cabinet Cheylus Frachon Merllié, venant aux droits du cabinet Cheylus, et son assureur MMA Iard, contestent toute faute qui soit imputable au cabinet et font valoir que :
- des décisions ont été prises en assemblées générales, concernant la réalisation de travaux mais le syndic n'a pas pu engager les travaux faute pour les consorts [Z]-[W] de régler leur quote-part des charges correspondant à la réalisation desdits travaux,
- il n'a fait qu'appliquer les décisions d'assemblée générale, les déclarations d'assurances ont été faites, et seul le comportement anormalement procédurier des consorts [W] [Z] a mis en péril la copropriété, du fait de leurs procédures incessantes et du non-paiement des charges qui leur incombaient.
Sur ce :
Le syndic n'étant pas le mandataire des copropriétaires individuellement mais celui du syndicat des copropriétaires, sa responsabilité envers eux est d'ordre délictuel et il appartient à celui qui s'en prévaut de rapporter la preuve des fautes alléguées.
Il convient de relever que le cabinet a géré la copropriété à compter du 18 avril 2007 et jusqu'au 20 avril 2017.
Il ressort de ce qui précède que seuls les faits allégués à l'encontre du cabinet Cheylus Frachon Merllie pour la période antérieure au 29 avril 2013 sont susceptible de lui être reprochés dans le cadre de la présente instance.
Ainsi, les faits allégués tirés de l'absence de participation à l'expertise Eurexo en août 2013 ou pour ne pas avoir suivi la préconisation formulée le 1er juillet 2016 par la société Super n'ont pas lieu ici d'être pris en compte.
En application de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est chargé notamment d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale, d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde, et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble.
Par une exacte appréciation des éléments de la cause, une analyse détaillée des pièces et des motifs pertinents adoptés par la cour qu'il n'apparaît pas utile ici de paraphraser, le premier juge a justement retenu que :
- les consorts [W] n'apportaient pas la preuve de leurs allégations en affirmant que le cabinet Cheylus Frachon Merllié avait agi en étroite collaboration avec les époux [E] pour ne pas régler le problème depuis 2007,
- l'absence de souscription d'une assurance 'dégât des eaux' trois ans après la résolution de l'assemblée générale ayant voté une résolution en ce sens, caractérisait également un manquement fautif qui était toutefois sans lien avec le préjudice allégué dés lors que s'il avait été souscrit plus tôt, le sinistre survenu en 2005 n'aurait pas été pris en charge.
Il a par contre justement caractérisé un manquement fautif du cabinet Cheylus Frachon Merllié pour ne pas avoir convoqué une assemblée générale en 2009 et ne pas avoir mis en oeuvre la résolution N° 15 de l'assemblée générale du 4 juillet 2008 décidée à l'unanimité des copropriétaires pour effectuer les travaux de recherche de fuite et constaté qu'il ne rapportait pas la preuve d'avoir mandaté les établissements Martin à cet effet.
En définitive, comme l'a justement retenu le premier juge, l'inertie du syndic Cheylus Frachon Merllié dans les investigations à mettre en oeuvre pour déterminer la cause exacte des désordres d'infiltration a pu contribuer à faire perdre une chance aux consorts [W] de déceler plus tôt cette cause et de solutionner le litige.
Il apparaît toutefois des éléments du dossier que l'attitude très procédurière des consorts [W] et le conflit très vif les opposant manifestement à leurs voisins, les époux [E], élément retenu par l'expert qui s'interroge sur les raisons pour lesquelles rien n'a été mis en oeuvre depuis 2005 si ce n'est un conflit de voisinage, ainsi que le retard des consorts [W] dans le paiement de leurs charges, confirmé par des pièces comptables qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats au motif que cette pièce a été produite dans une autre procédure , ont constitué autant d'obstacles à sa mission de syndic.
Le premier juge au vu de l'ensemble de ces éléments a à bon droit retenu l'existence d'une perte de chance de déceler plus tôt la cause des infiltration et de solutionner le litige et d'aggraver les désordres, qu'il a justement fixé, au vu des éléments de la cause à 20 %.
Le jugement est confirmé de ce chef.
4° sur la garantie du GAN Assurances, assureur des époux [E] :
Mr et Mme [E] demandent à être garantis des condamnations mises à leur charge par leur assureur, la société GAN Assurances et font valoir que :
- ils n'étaient pas informés d'un problème d'infiltrations en provenance de l'appartement dont ils ont fait l'acquisition,
- la société GAN Assurances ne saurait davantage refuser sa garantie au motif que le dommage proviendrait d'un défaut de réparation ou d'entretien apparent leur incombant tant avant qu'après le sinistre, étant donné qu'aucune des expertises ne les a mis en cause.
La société GAN Assurances oppose à la demande un refus de garantie en faisant valoir que les dommages préexistaient à l'entrée dans les lieux des époux [E], que les causes du sinistre étaient connues des parties sans qu'elles aient réalisé des diligences propres à faire cesser les dommages, de sorte qu'il manque l'aléa indispensable au contrat d'assurance, et que par ailleurs, le contrat comporte une clause d'exclusion des dommages résultant d'un défaut de réparation ou d'entretien incombant aux assurés.
Sur ce :
Les époux [E] ont souscrit auprès de la société Gan Assurances un contrat d'assurance habitation à effet du 30 mai 2006 couvrant notamment le dégât des eaux résultant de fuites ou d'infiltrations.
Aux termes de ce contrat, il est stipulé une clause(page 16) excluant les dommages 'résultant d'un défaut de réparation ou d'entretien apparent vous incombant tant avant qu'après sinistre'.
Il est constant qu'un premier sinistre est intervenu le 6 septembre 2005 au cours duquel de l'eau s'est infiltrée par le plafond de la salle de bain des consorts [W].
Il ressort des conclusions de l'expert que la cause des sinistres d'infiltrations survenus en 2005, en 2013 et encore en 20016, est identique et qu'il n'a jamais été remédié à ce désordre depuis 2005 ce qui, dés lors que le contrat a été souscrit en 2006, caractérise un défaut de réparation justifiant l'application de la clause d'exclusion stipulée au contrat.
Il convient, ajoutant au jugement, de débouter Mr et Mme [E] de leur demande de garantie formée à l'encontre de la société Gan Assurances.
5° sur les travaux nécessaires pour remédier aux désordres :
L'expert préconise une solution consistant à déplacer la descente d'eaux pluviales commune afin qu'elle ne traverse plus les parties privatives et de raccorder le réseau d'évacuation de l'évier de la cuisine [E] sur cette conduite afin de shunter la culotte encastrée entre les deux balcons.
Les consorts [W] qui font valoir que les travaux ont été réalisés le 16 novembre 2020 et qu'ils en ont payé le coût sollicitent le remboursement de ces travaux auprès des seuls époux [E].
Ces derniers répliquent que les consorts [W] n'ont pas qualité à agir pour réclamer le remboursement de ces travaux qui concernent la copropriété, que les préconisations de déviation des canalisations des eaux pluviales et usées ont été acceptées par eux et qu'ils ne peuvent réaliser de tels travaux sur des parties communes sans l'accord de la copropriété.
Il n'est pas contestable dés lors que ce sont les installations privatives des époux [E] qui sont la cause des désordres et qu'ils doivent in fine supporter le coût des travaux destinés à y mettre fin.
Toutefois, la prise en charge de cette dépense relève normalement de la copropriété à charge pour elle d'en solliciter le remboursement auprès des responsables.
Or, les consorts [W] qui soutiennent que les travaux de création d'une nouvelle évacuation d'eaux pluviales et de raccordement sur les évacuations existantes ont été effectués et qu'ils en ont personnellement réglé le coût n'en justifient pas puisqu'ils se contentent de produire un devis.
Il justifient par contre (facture, courrier Carpa) avoir personnellement réglé le coût de la facture Corsini concernant la dépose des tuyaux et raccordement des descentes d'eaux pluviales dans le faux plafond, de dépose de 2 siphons anciens et de remise en état pour un montant de 814 € ttc, travaux qui étaient nécessaires et conformes aux préconisations de l'expert.
Il convient par conséquent, ajoutant au jugement, de condamner les époux [E] in solidum à payer aux consorts [W] à ce titre la somme de 814 €, le surplus des demandes étant rejeté.
6° sur l'indemnisation du préjudice des consorts [W] :
* travaux de remise en état :
Les consorts [W] sollicitent à ce titre les sommes suivantes :
- 1.631,85 € au titre des travaux de réfection du toit de la loggia,
- 4.881,80 € au titre de la réfection de leur salle de bain,
- 2.673 € au titre de la remise en état de la dalle et de la structure métallique porteuse.
Les époux [E] soutiennent que les consorts [W] entretiennent une confusion avec un autre désordre concernant des fuites sur la bonde et la tuyauterie située sous le receveur qui peuvent être responsables de la dégradation de la dalle et de la structure métallique porteuse.
Le cabinet Cheylus Frachon Merllie forme des observations identiques.
Le premier juge a justement retenu que le retard dans la découverte de la cause des désordres est directement à l'origine de leur aggravation et de la nécessité de réaliser les travaux retenus par l'expert relatifs à la réfection de la toiture et de l'intérieur de la salle de bain.
Eu égard à l'ancienneté des infiltrations dans la salle de bain [W], le lien de causalité entre les fuites en provenance du wc à la turque et la dégradation de la dalle et de la structure métallique est établi.
Par ailleurs, les éléments au dossier sont insuffisants à établir la nécessité d'une remise en état de la dalle et de la structure métallique porteuse consécutivement aux infiltrations provenant des installations [E] et l'expert n'a pas retenu ce poste de travaux.
Il convient de rejeter cette demande qui n'avait d'ailleurs pas été présentée en première instance.
Pour le surplus, au vu des devis réactualisés produits, après déduction du coût de remise en état de la chambre contigüe qui n'a pas été retenu par l'expert, soit la somme HT de 948,05 € et donc de 1.042,85 € TTC, et en l'absence de plus amples contestations sur le montant des dits travaux, il est alloué aux consorts [W] les sommes suivantes :
- réfection toit de la loggia : 1.631,85 €
- remise en état de la salle de bain : 3.838,94 €
soit au total : 5.470,79 €
* pertes locatives :
Les consorts [W] font valoir que n'ayant plus eu de salle de bain depuis le 16 janvier 2016, ils ont à la faveur du départ d'un locataire pu récupérer la douche de l'appartement qu'ils louaient dans le même immeuble au 2ème étage et qu'ils subissent une perte de revenus locatifs de juillet 2016 à février 2019 et des frais supplémentaires résultant des frais résultant de cette location.
Les époux [E] et le cabinet Cheylus Frachon Merllie soutiennent que ces pertes locatives ont été réclamées dans le cadre de l'autre procédure devant le tribunal de grande instance.
Force est de constater que les époux [E] pas plus que le cabinet Cheylus Frachon Merllie ne versent aux débats ni les assignations par lesquelles les époux [E] auraient sollicité l'indemnisation du même préjudice dans le cadre d'une instance distincte ni surtout un jugement qui les aurait indemnisés de ce chef ce qui aurait pu justifier l'irrecevabilité de cette prétention au titre de l'autorité de chose jugée.
Ce moyen est donc inopérant pour rejeter la demande.
Il apparaît toutefois que les consorts [W] ne versent aux débats aucun justificatif concernant cette demande qui ne peut dés lors qu'être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
* demande d'installation d'une douche provisoire :
Les consorts [W] font valoir qu'en raison d'une maladie empêchant Mme [Z] de monter dans l'appartement du 2ème étage , ils ont du installer une douche provisoire en juin 20017 afin de se protéger des infiltrations quotidiennes des eaux usées de leurs voisins et des eaux pluviales lors des orages pour un coût de 1.083,50 € dont ils sollicitent le remboursement.
Au vu de la facture produite, le premier juge a justement considéré qu'il existait un lien de causalité entre le fait dommageable et le préjudice résultant de la dépense d'installation de cette douche qu'il a justement fixé à 1.083,50 €.
* préjudice moral et perte de jouissance :
Les consorts [W] se prévalent d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral liés au fait qu'ils ont subi depuis 15 ans des inondations à répétition et croissantes dans leur salle de bain, qu'ils ont du subir une humidité constante et des odeurs infectes et que les manoeuvres continues des époux [E] et du cabinet Cheylus Frachon Merllie pour empêcher le règlement du problème leur ont occasionné un lourd préjudice moral.
Il n'est pas contestable que les infiltrations dans leur salle de bain pendant de nombreuses années a occasionné aux consorts [W] un préjudice de perte de jouissance et un préjudice moral que le premier juge a justement évalué à 4.000 €.
Par contre, il n'est nullement justifié d'agissements et de manoeuvres concertées entre les époux [E] et le cabinet Cheylus Frachon Merllie susceptible de majorer l'indemnisation de ce préjudice.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a limité ce poste d'indemnisation à 4.000 €.
* sur les condamnations au titre des dommages et intérêts :
La condamnation in solidum sollicitée par les consorts [W] ne saurait être justifiée par l'existence d'une collusion entre les époux [E] et les différents syndics qui n'est nullement établie en l'espèce.
Par contre, il résulte de ce qui précède que le dysfonctionnement de l'installation privative des époux [E] et la négligence du cabinet Cheylus Frachon Merllie dans la mise en oeuvre des investigations nécessaires à déceler la cause des désordres ont tous deux concouru à la réalisation du préjudice des consorts [W].
Il convient en conséquence de condamner in solidum les époux [E] et le cabinet Cheylus Frachon Merllie au paiement des dites sommes dans la limite toutefois de 20 % en ce qui concerne le cabinet Cheylus Frachon Merllie compte tenu de ce qui a été jugé plus haut.
7° sur la demande reconventionnelle des époux [E] :
A l'appui d'une demande indemnitaire de 10.000 €, Mr et Mme [E] se prévalent d'un acharnement des consorts [W] à leur encontre depuis leur arrivée dans la copropriété depuis 2006, de ce que tout a été mis en oeuvre pour assurer une gestion pérenne de la copropriété et de ce que cet acharnement est à l'origine de la situation de blocage de la copropriété et de ce que les consorts [W] n'ont pas hésité à invoquer l'existence d'une collusion avec les syndics.
Toutefois, dans la mesure où il est fait droit à la demande d'indemnisation des appelants dont les prétentions étaient partiellement fondées, il ne peut être considéré qu'ils aient commis une faute dans l'exercice de leur droit d'agir en justice.
Il convient, infirmant le jugement, de débouter Mr et Mme [E] de leur demande de dommages et intérêts.
8° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dépens de première instance comprenant les frais de l'expertise judiciaire mais à l'exclusion du coût des procès-verbaux de constat d'huissier et les dépens d'appel sont à la charge de Mr et Mme [E] et du cabinet Cheylus Frachon Merllie, dans la limite toutefois en ce qui concerne ce dernier de 20 % du montant des dites condamnations.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts [W] et il leur est alloué à ce titre et pour l'ensemble de la procédure la somme de 3.000 € à la charge de Mr et Mme [E] et du cabinet Cheylus Frachon Merllie dans la limite toutefois en ce qui concerne ce dernier de 20 % du montant de la dite condamnation.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties à l'instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a :
- déclaré recevable l'action des consorts [W] dirigées à l'encontre de Mr et Mme [E] et partiellement recevable cette action dirigée à l'encontre de la société cabinet Cheylus Frachon Merllie,
- déclaré la société cabinet Cheylus Frachon Merllie en sa qualité de syndic responsable d'une perte de chance de 20 % subie par les consorts [W] d'éviter l'aggravation du dommage,
- débouté les consorts [W] de leur demande au titre de pertes locatives.
statuant de nouveau sur les chef de jugement infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevable comme étant prescrite, l'action en indemnisation dirigée à l'encontre de Mr [F] [E] en sa qualité de syndic bénévole de la copropriété ;
Déclare irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée les demandes des consorts [W] en ce qui concerne les faits allégués à l'encontre du cabinet Cheylus Frachon Merllié pour la période postérieure au 29 avril 2013.
Déclare Mr et Mme [E] entièrement responsables des conséquences dommageables pour les consorts [W] des infiltrations subies dans leur salle de bain ;
Condamne in solidum Mr [F] [E] et Mme [T] [M] épouse [E] à payer aux consorts [W] la somme de 814 €au titre des travaux destinés à mettre fin aux désordres ;
Condamne in solidum la société cabinet Cheylus Frachon Merllie et Mr [F] [E] et Mme [T] [M] épouse [E], dans la limite toutefois en ce qui concerne le cabinet Cheylus Frachon Merllie de 20 % du montant des dites condamnations, à payer aux consorts [W] les sommes suivantes :
- 5.470,79 € au titre des travaux de remise en état,
- 1.083,50 € au titre de la dépense d'installation d'une douche provisoire,
- 4.000 € au titre de leur préjudice de jouissance et de préjudice moral.
Déboute Mr et Mme [E] de leur demande de garantie formée à l'encontre de la société Gan Assurances.
Déboute Mr et Mme [E] de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne in solidum la société cabinet Cheylus Frachon Merllie et Mr [F] [E] et Mme [T] [M] épouse [E], dans la limite toutefois en ce qui concerne le cabinet Cheylus Frachon Merllie de 20 % du montant de la dite condamnation, à payer aux consorts [W] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société cabinet Cheylus Frachon Merllie et Mr [F] [E] et Mme [T] [M] épouse [E], dans la limite toutefois en ce qui concerne le cabinet Cheylus Frachon Merllie de 20 % du montant des dites condamnations, aux dépens de première instance comprenant les frais de l'expertise judiciaire mais à l'exclusion du coût des procès-verbaux de constat d'huissier et aux dépens de la procédure d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, Le Président,