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21/12/2022 | FRANCE | N°22/085021

France | France, Cour d'appel de Lyon, Rt, 21 décembre 2022, 22/085021


No RG 22/08502 - No Portalis DBVX-V-B7G-OVUR

Nom du ressortissant :
[J] [U] [K]

[K]

C/
PREFET DE LA LOIRE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 21 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21

du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Manon CHINCHO...

No RG 22/08502 - No Portalis DBVX-V-B7G-OVUR

Nom du ressortissant :
[J] [U] [K]

[K]

C/
PREFET DE LA LOIRE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 21 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Manon CHINCHOLE, Greffier lors des débats et de Charlotte COMBAL, greffier, lors de la mise à disposition,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 21 Décembre 2022 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [J] [U] [K]
né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 5] (KOSOVO)
de nationalité Kosovare

Actuellement retenu au [Adresse 4]

comparant assisté de Maître Jean-michel PENIN, avocat au barreau de LYON, choisi

ET

INTIME :

M. LE PREFET DE LA LOIRE

[Adresse 2]
[Localité 3]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de LYON, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO et CORDIER, avocats au barreau de l'AIN,

Avons mis l'affaire en délibéré au 21 Décembre 2022 à 16 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

[J] [U] [K] a formé des demandes d'asile et de réexamen de demandes d'asile qui ont été rejetées par ordonnances de la cour nationale du droit d'asile les 16 mars 2017 et 29 mars 2018.

Le 14 septembre 2018 le préfet de la Loire a rejeté la demande de délivrance de titre de séjour formé par [J] [U] [K] et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, décision notifiée le 15 septembre 2018.

Par jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 25 juin 2019 la requête en annulation de la décision préfectorale formée par [J] [U] [K] a été rejetée.

Le 07 février 2020, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant un an a été notifiée à [J] [U] [K] par la préfète de la Loire. Le même jour la préfète de la Loire a assigné à résidence M. [K].

Par jugement du 13 février 2020 le tribunal administratif a rejeté le recours formé par [J] [U] [K] contre ces trois décisions et a validé ainsi l'obligation de quitter le territoire, la fixation du pays de renvoi et l'assignation à résidence.

Suivant procès-verbal en date du 24 septembre 2020 les policiers ont constaté que [J] [U] [K] était venu émarger régulièrement jusqu'au 14 février 2020 mais que depuis cette date il ne s'était plus présenté sans faire connaître le motif de sa carence. Les policiers précisaient s'être transportés au domicile de M. [K] où ils avaient constaté que la famille n'y résidait plus.

Le 12 août 2021 l'OFPRA a rejeté une demande d'apatride formée par M. [K], décision notifiée à l'intéressé le 10 septembre 2021. Un recours a été formé et la procédure est pendante devant la cour nationale du droit d'asile.

Le 19 octobre 2022 [J] [U] [K] était interpellé par les services de police et placé en garde à vue pour l'infraction de recel de vol de carte bleue. Il faisait l'objet d'un rappel à la loi.

Le 20 octobre 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant un an a été notifiée à [J] [U] [K] par la préfète de la Loire.

Par jugement en date du 25 octobre 2022 le tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours formé par [J] [U] [K].

Le 20 octobre 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [J] [U] [K] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement.

Le 23 octobre 2022, par infirmation de la décision du juge des libertés et de la détention, la rétention administrative de M. [K] a été prolongée pour 28 jours.

Par ordonnance du 19 novembre 2022 confirmée en appel le 22 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [J] [U] [K] pour une durée de trente jours.

Suivant requête du 18 décembre 2022, le préfet de la Loire a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

Dans son ordonnance du 19 décembre 2022 à 15heures47 le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à cette requête.

Par déclaration au greffe le 20 décembre 2022 à 13 heures 16, [J] [U] [K] a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir que le premier juge a statué ultra petita en violation de l'article 5 du code civil en retenant l'obstruction de la personne retenue alors que la préfecture visait dans sa requête la délivrance à bref délai du laissez-passer.

En tout état de cause la conseil de M. [K] fait valoir qu'il n'est pas établi que la délivrance a bref délai va intervenir et qu'aucune obstruction dans les 15 derniers jours n'est caractérisée.

[J] [U] [K] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 21 décembre 2022 à 10 heures 30.

[J] [U] [K] a comparu et a été assisté de son avocat.

Le conseil de [J] [U] [K] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.

Le préfet de la Loire, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.

[J] [U] [K] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il est né Kosovare et qu'il mourra Kosovare et qu'il n'a jamais menti sur sa nationalité. Il aspire à retrouver la liberté et sa famille.

MOTIVATION

Attendu que l'appel de [J] [U] [K] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ;

Sur le bien-fondé de la requête

Attendu quel'article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1o L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2o L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9o de l'article L. 611-3 ou du 5o de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3o La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai»

Attendu que le juge des libertés et de la détention a été saisi par la préfecture de la Loire d'une demande en prolongation exceptionnelle de la rétention administrative de [J] [U] [K] au visa de l'article L 742-5 du CESEDA; Que le premier juge a ordonné cette prolongation exceptionnelle et qu'il ne peut pas être valablement soutenu que ce faisant il a violé les dispositions de l'article 5 du Code de procédure civile qui dispose que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ;

Que l'article 12 du même code fait obligation au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé ; qu'il est ainsi tenu d'examiner le litige conformément aux dispositions de l'article L 742-5 du CESEDA et peut vérifier que les conditions d'applications du dit texte sont réunies ; Qu'au cas d'espèce le premier juge a relevé que la condition prévue au 1o de l'article L 742-5 1o était réunie sans qu'il soit besoin d'examiner la condition fixée au 3o et que ce faisant le juge n'a pas statué ultra petita ;

Attendu que le premier juge a considéré que la dissimulation par [J] [U] [K] de sa véritable identité contraignait l'autorité administrative à multiplier les diligences auprès des autorités consulaires de plusieurs pays afin d'obtenir un laissez-passer et qu'en ne remettant pas à la préfecture les documents relatifs à son état civil il se maintenait dans une attitude d'obstruction et entravait les diligences réalisées ;

Attendu que l'autorité administrative fait valoir dans sa requête que :
- elle a saisi le consulat du Kosovo le 20 octobre 2022 en joignant une carte de membre de la communauté Rom à toutes fins utiles afin d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer pour [J] [U] [K] qui circulait sans document d'identité ou de voyage;
- le 20 octobre 2022 la préfecture a saisi les services de l'unité centrale d'identification (UCI) afin d'obtenir un document transfrontière Kosovare au nom de l'intéressé ;
- après relance l'UCI a répondu à la préfecture le 03 novembre 2022 être en attente d'une réponse du Kosovo ;
- par courriel reçu le 10 novembre 2022 la préfecture a été avisée que [J] [U] [K] n'était pas reconnu par les autorités kosovares ;
- la préfecture de l'Ain a saisi les autorités serbes, croates, bosniennes et slovènes ;
- le 16 novembre 2022 les autorités croates ont indiqué à la préfecture que [J] [U] [K] n'était pas reconnu comme ressortissant croate ;
- le 17 novembre 2022 le consul de Slovénie a indiqué à la préfecture que [J] [U] [K] n'était pas reconnu comme ressortissant slovène ;
- le 17 novembre 2022 les autorités bosniennes ont indiqué à la préfecture que [J] [U] [K] n'était pas reconnu comme ressortissant bosniaque ;
- le 18 novembre 2022 les autorités serbes ont indiqué à la préfecture que [J] [U] [K] n'était pas reconnu comme ressortissant serbe ;
- la préfecture a saisi l'ambassade de la Macédoine du Nord et le Monténégro le 21 novembre 2022 et se trouve dans l'attente d'une réponse des autres autorités consulaires saisies ;

Attendu que [J] [U] [K] n'a jamais varié dans son identité pour dire qu'il était né au Kosovo, mais que, faisant partie de la communauté Rom, son inscription dans un registre d'état civil n'avait jamais été réalisée ; Qu'il a toujours évoqué sa demande d'apatridie formée et justifié au cours de procédure de la rétention, le recours pendant devant la CNDA sur la décision rendue par l'OFPRA et a transmis des pièces régulièrement communiquées au conseil de la préfecture qui en a eu connaissance et qu'il fournit de nouveau devant la présente juridiction :

Que la complexité de l'identification de M. [J] [U] [K] est certaine mais que le premier juge ne pouvait pas retenir que cette complexité relevait d'un comportement d'obstruction d'[J] [U] [K] en partant du postulat selon lequel il aurait menti sur son identité ;

Attendu que depuis le placement en rétention 5 pays ont indiqué que [J] [U] [K] n'était pas l'un de leurs ressortissants et que la préfecture est dans l'attente d'une réponse du Monténégro et de la Macédoine du Nord ;

Qu'en dépit des diligences nombreuses effectuées, et à défaut d'élément autres permettant l'identification de l'intéressé, la préfecture de la Loire ne fournit pas d'éléments qui permettent d'établir que le laissez-passer doit intervenir à bref délai et que sa requête ne peut donc pas prospérer ;

Qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est infirmée et la requête de la préfecture de la Loire rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [J] [U] [K],

Infirmons l'ordonnance déférée.

Statuant à nouveau

Rejetons la requête de la préfecture de la Loire en prolongation de la rétention administrative de [J] [U] [K],

En tant que de besoin ordonnons la mise en liberté de [J] [U] [K],

Rappelons à [J] [U] [K] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français suivant arrêté préfectoral en date du 20 octobre 2022.

Le greffier, Le conseiller délégué,
Charlotte COMBAL Isabelle OUDOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Rt
Numéro d'arrêt : 22/085021
Date de la décision : 21/12/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2022-12-21;22.085021 ?
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