N° RG 21/02568 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NQKU
Décision du
TJ de VILLEFRANCHE SUR
SAONE
Au fond
du 18 février 2021
RG : 19/00473
Compagnie d'assurance GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE
S.A.S.U. ECOVIGNE BEAUJOLAIS MACONNAIS
C/
[C]
S.A.S.U. UPL FRANCE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 13 Décembre 2022
APPELANTES :
GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE prise en sa qualité d'assureur de la société ECOVIGNE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
Assisté de Me Frédéric MORTIMORE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
SASU ECOVIGNE BEAUJOLAIS MACONNAIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
Assistée de Me Frédéric MORTIMORE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
INTIMEES :
Mme [K] [C] épouse [Z] excerçant sous l'enseigne domaine Jacques [Z]
née le 20 Mai 1970 à [Localité 8] (01)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Isabelle FOILLARD, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
Société UPL FRANCE venant aux droits de la Société ARYSTA LIFESCIENCE FRANCE
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représentée par Me Catherine TERESZKO de la SELARL ASCALONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 572
Assistée de Me Charles-hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 20 Janvier 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 13 Décembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Mme [K] [Z] exploite des parcelles de vignes en Beaujolais sous l'enseigne Domaine Jacques Etienne.
En juillet 2016, à la suite d'un démarchage, elle a signé avec la société Ecovigne Beaujolais Mâconnais (ci-après, la société Ecovigne) un contrat de vente d'une bouillie contenant deux produits permettant de traiter les vignes, dont le Spirox, fabriqué et commercialisé par la société Arysta Life Science.
Exposant avoir effectué le traitement à l'aide d'un atomiseur à dos et avoir constaté, dès le lendemain, d'importantes brûlures sur son raisin blanc entraînant une perte de la récolte, Mme [Z] a sollicité l'organisation d'une expertise amiable, puis a, par acte d'huissier du 17 mai 2019, fait assigner la société Ecovigne, son assureur la société Groupama, et la société Arysta Life Science en indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 18 février 2021, le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône a :
- dit que la loi applicable au litige est celle en vigueur antérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016,
- déclaré recevable la demande de Mme [Z],
- déclaré responsable in solidum les sociétés Ecovigne et Groupama des dommages causés à Mme [Z],
- débouté Mme [Z] de sa demande tendant à engager la responsabilité de la société Arysta Life Science,
- débouté les sociétés Ecovigne et Groupama de leur demande reconventionnelle tendant à ce que la société Arysta Life Science les garantisse de toute responsabilité à l'égard de Mme [Z],
- condamné in solidum les sociétés Ecovigne et Groupama à payer à Mme [Z] la somme de 23'456 euros à titre de dédommagement,
- condamné in solidum les sociétés Ecovigne et Groupama à payer à Mme [Z] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Ecovigne et Groupama à payer à la société Arysta Life Science la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum les sociétés Ecovigne et Groupama aux entiers dépens de l'instance,
- débouté les parties de toutes leurs autres prétentions.
Par déclaration du 9 avril 2021, les sociétés Ecovigne et Groupama ont relevé appel du jugement.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 28 décembre 2021, elles demandent à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
Principalement,
- les déclarer non responsables des dommages subis par Mme [Z],
- débouter cette dernière de toutes ses demandes comme infondées à leur encontre,
Subsidiairement,
- condamner la société UPL France venant aux droits de la société Arysta Life Science à les relever et garantir indemnes de toutes condamnations prononcées contre elles,
En tout état de cause,
- condamner Mme [Z] ou/et la société UPL France à leur verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [Z] ou/et la société UPL France ou qui mieux il appartiendra en tous les dépens avec recouvrement direct au profit de Maître Nathalie Rose, avocat sur son affirmation de droit.
A l'appui de leur appel, les sociétés Ecovigne et Groupama font valoir :
- que Mme [Z] a acquis la bouillie en sa qualité d'exploitante agricole pour les besoins de son activité professionnelle ; qu'elle a contracté, non à titre personnel, mais à titre professionnel, de sorte que les dispositions du code de la consommation et la jurisprudence qui en découle sont inapplicables au litige ;
- que la Cour de cassation considère que l'obligation d'information et de conseil du vendeur à l'égard de son client, acheteur professionnel, n'existe que dans la mesure où la compétence de ce dernier ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du matériel vendu ; que Mme [Z] n'est pas une profane mais une professionnelle avec des connaissances et des compétences ; que pratiquant son activité de longue date, elle sait que les traitements constituent une partie très sensible de l'activité, pour laquelle il faut être particulièrement vigilant ; qu'elle ne justifie pas en quoi, bien que viticultrice, elle n'avait pas les compétences nécessaires pour apprécier la situation ;
- que Mme [Z] n'explique pas en quoi la société Ecovigne aurait manqué à son obligation de moyens ; qu'alors que la responsabilité civile ne peut être engagée que si le caractère fautif de la prestation est démontré et non sur la base de simples suppositions, en l'espèce, le rapport d'expertise amiable n'émet pas de certitude ; que les experts ont retenu, sans certitude, que la cause du sinistre viendrait de la concentration du produit plus importante sur les raisins blancs du fait de l'application à l'aide d'un atomiseur à dos ; qu'or, Mme [Z] ne rapporte pas la preuve que la société Ecovigne lui ait conseillé l'utilisation d'un atomiseur à dos ni qu'elle soit intervenue dans la préconisation d'un mode d'utilisation particulier du produit en cause ou qu'elle savait qu'un tel atomiseur à dos serait employé ; que la société Ecovigne n'est pas intervenue dans le mode de pulvérisation des produits ; que Mme [Z] ne rapporte pas davantage la preuve que la toxicité du produit passé avec un atomiseur est un phénomène connu ; que dès lors, la faute de la société Ecovigne, tenue d'une obligation de moyens, n'est pas rapportée.
À titre subsidiaire, elles estiment que la société UPL France devrait être condamnée à les relever et garantir indemnes, dès lors qu'aucune mention de risques ou de préconisations ne figure sur le produit ; qu'or la société Ecovigne, qui ne fabrique pas ce produit, ne pouvait pas savoir que la concentration de produit utilisée nécessitait une diffusion particulière.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 septembre 2021, Mme [Z] demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à engager la responsabilité de la société Arysta Life Science aux droits de laquelle vient en appel la société UPL France,
Le réformant de ce chef,
- déclarer responsable in solidum la société UPL France des dommages qui lui ont été causés,
- condamner in solidum la société UPL à lui régler la somme de 23'456 euros en réparation de son préjudice, outre 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
y ajoutant,
- condamner in solidum la société Ecovigne, son assureur Groupama, et la société UPL France à lui verser une somme complémentaire de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société Ecovigne et son assureur Groupama de leur appel, demande de réformation, fins et prétentions,
- débouter la société UPL France de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.
A l'appui de ses demandes, elle fait valoir :
- que les experts concluent que les désordres viendraient de la concentration du produit plus importante sur les raisins blancs du fait de l'application face par face, à l'aide d'un atomiseur à dos ; que le produit Spirox a été fatal pour sa récolte puisque, passé selon les dosages prescrits, avec un atomiseur à dos, sa récolte a été brûlée dans sa quasi-totalité ;
- que si elle est viticultrice, elle n'a aucune compétence en agrochimie et en produits phytosanitaires dont les composants sont complexes ; que la société Ecovigne ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle l'a convenablement renseignée sur les contre-indications dans l'application de la bouillie et plus particulièrement sur la dangerosité d'utiliser un atomiseur à dos plutôt qu'un tracteur enjambeur ; qu'alors qu'il connaissait parfaitement le matériel utilisé par elle, savoir un pulvérisateur thermique Solo (atomiseur à dos), le représentant de la société Ecovigne ne lui a fait aucune préconisation ou mise en garde sur la manière d'effectuer le traitement ou la dilution du produit à effectuer par hectare traité ;
- que l'obligation de renseignement incombe aussi bien au fabricant qu'au revendeur spécialisé ; qu'en l'espèce, aucune mise en garde sur le mode de pulvérisation n'est indiquée sur la fiche technique du produit Spirox ; que le défaut d'information et de mise en garde provient tant de la société Ecovigne que de la société UPL France ;
- que son préjudice a été constaté et chiffré par les experts d'assurance ; qu'il est constitué par la perte de la récolte 2016 de raisins blancs, ce qui représente un manque à gagner pour l'exploitation de 28'147,20 euros TTC, soit 23'456 euros HT.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 6 octobre 2021, la société UPL France demande à la cour de :
- déclarer les sociétés Ecovigne et Groupama recevables mais mal fondées en leur appel,
- les déclarer irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter purement et simplement,
- confirmer purement et simplement le jugement déféré,
- déclarer Mme [Z] irrecevable et mal fondée en son appel incident,
- la déclarer irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter purement et simplement,
Subsidiairement, infirmer le jugement entrepris,
- déclarer Mme [Z] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter purement,
- condamner solidairement les sociétés Ecovigne et Groupama à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir :
- qu'elle n'a commis aucune faute ; que le tribunal a justement retenu que le désordre ne provient pas du produit Spirox mais de la bouillie Spirox-Switch commercialisée par la société Ecovigne ; qu'en conséquence, elle n'est pas tenue à l'égard de Mme [Z] ; qu'elle n'a pas vendu ni conseillé le produit à Mme [Z] ; qu'elle ignorait parfaitement les besoins de cette dernière ainsi que la configuration des lieux qui auraient interdit l'utilisation d'un pulvérisateur ; qu'elle ne peut être responsable que du produit qu'elle commercialise et non de la bouillie ; qu'or, les causes du désordre doivent être recherchées dans le mode de diffusion de celle-ci ;
- que le préjudice allégué n'est nullement démontré car Mme [Z] ne donne aucun élément de nature à permettre de calculer la marge nette, c'est-à-dire la part de bénéfice sur le prix de vente ; que s'agissant du lien de causalité, le préjudice est lié à la négligence de Mme [Z] qui a délibérément violé les conditions d'utilisation et les préconisations d'emploi du Spirox.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la recevabilité des demandes de Mme [Z]
En cause d'appel, la société UPL France conclut à nouveau à l'irrecevabilité des demandes de Mme [Z] mais ne présente aucun moyen à l'appui de sa fin de non-recevoir.
Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que Mme [Z], exploitante sous l'enseigne Domaine Jacques [Z], avait qualité à agir pour son propre compte et a, en conséquence, déclaré ses demandes recevables.
2. Sur les demandes formées contre les sociétés Ecovigne et Groupama
En premier lieu, les appelantes font observer à juste titre que les dispositions du code de la consommation sont inapplicables au litige, Mme [Z] ayant contracté avec la société Ecovigne en sa qualité d'exploitante agricole et pour les besoins de son activité professionnelle.
En deuxième lieu, il résulte des articles 1134 et 1147 devenus 1103 et 1231-1 du code civil, que le débiteur qui s'abstient d'exécuter l'obligation à laquelle il s'est engagé, est tenu de réparer le préjudice que cette inexécution a causé à son cocontractant.
En outre, selon les articles 1135 et 1615 du même code :
- les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature,
- l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel.
Il en résulte que le vendeur d'un produit est tenu à l'égard de l'acheteur d'une obligation d'information et de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur pour être en mesure de l'informer ensuite des contraintes techniques de la chose vendue, de son aptitude à atteindre le but recherché et de son adéquation à l'utilisation qui en est prévue.
La charge de la preuve que l'obligation de renseignement et de conseil a été remplie pèse sur le débiteur de l'obligation.
Enfin, l'obligation d'information et de conseil du vendeur à l'égard de son client n'existe, à l'égard de l'acheteur professionnel, que dans la mesure où la compétence de ce dernier ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du produit qui lui est vendu.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports rédigés par les experts mandatés par les sociétés Ecovigne et Groupama, que sur les conseils d'un vendeur technicien de la société Ecovigne, Mme [Z] a effectué un traitement de ses vignes contre l'oïdium avec une bouillie fabriquée et commercialisée par la société Ecovigne à partir d'un mélange de deux produits : le Spirox, fabriqué et commercialisé par la société Arysta Life Science aux droits de laquelle vient la société UPL France, au dosage de 0,6 litre par hectare, et le Switch, fabriqué et commercialisé par la société Syngenta, au dosage de 1 kg par hectare.
Les deux experts, qui ont confirmé l'existence des dommages sur les raisins blancs, ont conclu qu'il « n'y a pas d'erreur ni de conseil, ni de dosage », mais que la cause probable du dommage est liée à la concentration du produit appliqué par l'atomiseur à dos, plus importante sur les raisins blancs du fait de l'application face par face. L'expert de la société Groupama ajoute que « le seul reproche que l'on aurait pu faire, c'est le manque d'information pour l'utilisation de ce produit à l'aide d'un atomiseur à dos ».
Ainsi que l'a justement retenu le premier juge, c'est le commercial de la société Ecovigne qui a convaincu l'exploitante de traiter ses vignes avec un fongicide, qui est un produit complexe. Or, si Mme [Z], en tant qu'exploitante d'un domaine viticole, est une professionnelle, elle n'est pas une spécialiste des produits phytosanitaires et ne disposait pas de la compétence suffisante pour apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du produit qui lui était vendu, ce d'autant que la bouillie litigieuse est une composition faite par la société Ecovigne à partir de deux fongicides produits par deux sociétés différentes.
Le tribunal a exactement considéré que face à cette complexité, il appartenait au professionnel vendeur, en l'occurrence au commercial de la société Ecovigne, d'être particulièrement éclairant sur l'adaptation du produit vendu à l'usage auquel le destinait l'exploitante. Il a encore écarté à bon droit le moyen soulevé par la société Ecovigne, tiré de l'absence d'interrogation du commercial par l'exploitante sur les modes d'administration possibles du produit et du fait qu'il ne lui a jamais été conseillé d'utiliser un diffuseur à dos, en rappelant que c'est au professionnel vendeur d'anticiper les besoins de l'acheteur et de le conseiller en fonction de ceux-ci. Enfin, il a exactement relevé que le commercial n'avait pas pu manquer de remarquer, en procédant à son démarchage directement sur les lieux, que les vignes sont sur un coteau et que cette disposition des lieux ne permet qu'une diffusion par un atomiseur à dos, à l'exclusion d'un tracteur enjambeur, de sorte qu'il revenait au commercial d'alerter Mme [Z] sur l'inadéquation du dosage prescrit avec une diffusion par atomiseur à dos.
La société Ecovigne, tenue d'une obligation d'information en qualité de revendeur spécialisé et de se renseigner sur les besoins de sa cliente pour pouvoir la conseiller, ne démontre pas avoir rempli ses obligations puisqu'elle ne justifie pas avoir interrogé Mme [Z] sur le mode de vaporisation envisagé ni l'avoir informée sur le degré de dilution du produit en fonction de l'équipement utilisé. Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a retenu l'existence d'un manquement contractuel à l'encontre de la société Ecovigne.
Si l'obligation de renseignement qui incombe au vendeur spécialisé d'un produit est une obligation de moyens, le défaut d'information sur les conditions d'emploi du produit prive l'utilisateur du moyen d'en faire un usage correct, conforme à sa destination, de sorte que le dommage qui en est résulté doit être réparé par le vendeur. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a jugé la société Ecovigne contractuellement responsable des désordres causés au raisin blanc.
Il est encore confirmé en ce qu'il a jugé que la société Groupama qui assure la responsabilité civile professionnelle de la société Ecovigne, est solidairement responsable des dommages causés à Mme [Z] par son assurée.
Il résulte des conclusions des experts que le préjudice subi par Mme [Z] correspond à la perte de récolte des raisins blancs à hauteur de 2 400 litres, soit l'équivalent de 3 200 bouteilles, au prix unitaire de vente hors taxe de 7,33 euros, soit un préjudice total de 23 456 euros.
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Ecovigne et Groupama à payer à Mme [Z] la somme de 23 456 euros en réparation de son préjudice.
4. Sur les demandes formées contre la société UPL France
Mme [Z] poursuit la responsabilité contractuelle de la société UPL France, en sa qualité de fabriquant du produit, pour défaut d'information et de conseil d'utilisation.
Or, force est de constater que le produit utilisé par Mme [Z] n'est pas le Spirox, fabriqué et commercialisé par la société UPL France, mais une bouillie fabriquée par la société Ecovigne à partir de deux composants chimiques différents, dont le Spirox.
La société UPL France, qui ne fabrique ni ne commercialise l'autre composant, ne maîtrise pas la fabrication de la bouillie et n'en surveille pas les dosages, ne saurait dès lors être tenue, à l'égard de Mme [Z], d'une obligation d'information et de conseil sur son utilisation.
Le jugement attaqué est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande dirigée contre la société UPL France.
Les sociétés Ecovigne et Groupama appellent la même société en garantie, lui reprochant de n'avoir fait figurer sur le produit aucune mention de risque ou préconisation d'usage.
Toutefois, par une analyse détaillée et des motifs pertinents, adoptés par la cour, sans qu'il soit nécessaire de les paraphraser, le tribunal a justement retenu, pour rejeter l'appel en garantie, que la société Ecovigne, en tant que professionnel aguerri, était en mesure d'apprécier les caractéristiques techniques du Spirox et que dans ce contexte, l'obligation d'information et de conseil de la société UPL France à l'égard de son client sur l'adaptation du produit à l'usage auquel il est destiné n'était pas due.
Le jugement est donc confirmé.
5. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est enfin confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
En cause d'appel, les sociétés Ecovigne et Groupama, parties perdantes, sont condamnées in solidum aux dépens et à payer à Mme [Z] et à la société UPL France la somme de 2 000 euros, chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société Ecovigne et la société Groupama à payer à Mme [K] [Z] et à la société UPL France la somme de 2 000 euros, chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société Ecovigne et la société Groupama aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT